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Date : 20200225


Dossier : IMM-2203-19

Référence : 2020 CF 300

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 février 2020

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

JOSE GUADALUPE GARCIA GARCIA ET HERMINIA CELSA JIMENEZ ROSALES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Les demandeurs, Jose Guadalupe Garcia Garcia, et son épouse, Herminia Celsa Jimenez Rosales, sont citoyens du Mexique. Ils sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent d’immigration [l’agent] a rejeté leur demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée; les demandeurs n’ont pas réussi à établir l’existence d’une erreur susceptible de contrôle.

II.  Les faits

[3]  Le 19 juillet 2007, les demandeurs sont entrés au Canada et ont présenté une demande d’asile trois mois plus tard. Ils allèguent qu’ils craignaient l’ancien conjoint de fait de leur fille.

[4]  Le 6 mai 2010, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption selon laquelle une protection adéquate de l’État leur serait offerte au Mexique. Les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation pour présenter une demande de contrôle judiciaire et la demande d’autorisation a été rejetée le 18 octobre 2010.

[5]  Les demandeurs ont ensuite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR]. Cette demande a été rejetée le 24 février 2011.

[6]  Malgré le rejet de la demande d’ERAR, les demandeurs ne se sont pas présentés pour leur renvoi, qui était fixé au 6 avril 2011. Les demandeurs ont décidé de rester au Canada parce qu’ils estimaient qu’ils seraient à risque s’ils retournaient au Mexique et parce que leurs enfants sont au Canada.

[7]  Des mandats d’arrêt ont été délivrés pour l’arrestation des demandeurs.

[8]  Environ six ans plus tard, soit le 13 juin 2017, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire. Les considérations d’ordre humanitaire invoquées par les demandeurs étaient fondées sur leur établissement au Canada, leurs liens familiaux, l’intérêt supérieur de leurs enfants, l’ampleur de la violence au Mexique et la crainte d’être victimes de discrimination à leur retour au Mexique.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[9]  L’agent a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire le 11 mars 2019. Il n’était pas convaincu que les considérations d’ordre humanitaire justifiaient de lever les critères énoncés dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Essentiellement, l’agent a conclu que la preuve à l’appui des considérations d’ordre humanitaire invoquées par les demandeurs n’était pas suffisante.

IV.  La question préliminaire

[10]  Le défendeur soutient, et je suis d’accord avec lui, qu’il convient de désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur à la présente demande. L’intitulé sera modifié en conséquence.

V.  Les questions en litige

[11]  La présente affaire soulève quatre questions :

VI.  La norme de contrôle

[12]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême a établi un cadre révisé pour déterminer la norme de contrôle applicable aux décisions administratives. L’analyse a comme point de départ la présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Vavilov, au par. 23). Cette présomption peut être réfutée dans deux types de situations : lorsque le législateur a prévu un mécanisme d’appel et lorsque la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte (Vavilov, au par. 17).

[13]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Quoi qu’il en soit, rien au dossier ne me convainc que je devrais renverser la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable. Par conséquent, la décision de l’agent doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Vavilov, aux par. 73-142).

VII.  Analyse

1.  L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse de la demande de résidence permanente des demandeurs en s’appuyant largement sur les conclusions de la SPR et en confondant l’analyse des considérations d’ordre humanitaire et l’analyse des facteurs énoncés à l’article 96 et au paragraphe 97(1) de la LIPR?

[14]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en accordant un poids excessif aux conclusions de la SPR. En outre, bien que l’agent ait reconnu qu’il n’était [traduction] « pas lié par les conclusions de la SPR », les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en leur imposant le fardeau excessif de réfuter la conclusion de la SPR sur la suffisance de la protection de l’État au Mexique.

[15]  Les demandeurs ne prétendent pas qu’il n’était pas loisible à l’agent d’examiner les conclusions de la SPR. Ils affirment simplement que l’approche adoptée par l’agent pour évaluer leur demande uniquement en fonction des facteurs énoncés aux articles 96 et 97 est contraire au paragraphe 25(1.3) de la LIPR, qui exclut de l’examen des motifs d’ordre humanitaire la prise en compte des facteurs énoncés aux articles 96 et 97 de la LIPR (citant Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909, au par. 24 [Kanthasamy].

[16]  Selon les demandeurs, l’agent aurait plutôt dû procéder à une évaluation globale des facteurs d’ordre humanitaire liés aux difficultés auxquelles ils se heurteraient s’ils devaient retourner au Mexique.

[17]  Le paragraphe 25(1.3) de la LIPR est ainsi libellé :

Non-application de certains facteurs 

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

Non-application of certain factors 

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

[18]  L’agent a déclaré ce qui suit dans sa décision :

[traduction]
Le 20 mai 2010, [la SPR] a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.
Bien que je ne sois pas lié par les conclusions de la SPR, cette dernière est un organisme décisionnel expert dans l’examen des demandes d’asile. J’accorde donc beaucoup de poids aux conclusions de la Commission. La SPR a examiné les allégations des demandeurs concernant leur crainte que l’ex‑conjoint de fait (nom du conjoint de fait) de leur fille (nom de leur fille) leur cause un préjudice. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’existence d’une protection de l’État au moyen d’une preuve claire et convaincante et que, dans les circonstances, ils n’avaient pas pris tous les moyens raisonnables pour bénéficier de cette protection avant de présenter une demande d’asile. Le tribunal de la SPR a conclu que le Mexique ferait des efforts raisonnablement sérieux pour assurer la protection des demandeurs s’ils en faisaient la demande.

Je reconnais qu’il existe une distinction importante entre l’évaluation des risques par la Commission et l’évaluation d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire; la première est une évaluation limitée aux paramètres législatifs précis de la persécution, de la torture, de la menace à la vie et des traitements ou peines cruels et inusités, tandis que la seconde est une évaluation globale des facteurs et de la question de savoir s’ils constituent des difficultés. Quoi qu’il en soit, les conclusions de la Commission sont pertinentes pour évaluer les difficultés dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire lorsque les demandeurs présentent sensiblement les mêmes éléments de preuve que ceux qu’ils ont présentés devant la Commission.

En l’espèce, je conclus que les demandeurs n’ont pas réfuté de façon satisfaisante les conclusions de la Commission. Bien que je sois conscient que je ne suis pas lié par les conclusions du tribunal, je constate que le tribunal de la SPR a eu l’occasion d’examiner en détail la situation des demandeurs et leurs demandes et de déterminer les faits de cette affaire. Par conséquent, j’accorde une grande importance aux conclusions de faits tirées à l’égard des diverses allégations découlant de leur crainte de retourner au Mexique, plus précisément à sa conclusion selon laquelle le Mexique offrirait une protection aux demandeurs au besoin.

[Non souligné dans l’original.]

[19]  En ce qui concerne la question des difficultés, les demandeurs ont soutenu devant l’agent qu’ils seraient victimes de discrimination fondée sur l’âge et, pour la demanderesse, de discrimination fondée sur le sexe ainsi que de violence généralisée au Mexique, mais n’ont pas insisté sur leur crainte de violence de la part de l’ancien conjoint de fait de leur fille dans leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, alors qu’ils l’avaient fait dans leur demande d’asile et leur demande d’ERAR.

[20]  Les demandeurs soutiennent que dans sa décision, l’agent a fait remarquer que l’agent d’ERAR a conclu qu’ils bénéficieraient de la protection de l’État relativement à leur crainte de violence parce que la preuve dont disposait ce dernier n’avait pas permis de réfuter [traduction] « les conclusions de la SPR relativement à la protection de l’État ».

[21]  Les demandeurs affirment que dans cette optique, et comme l’agent a déclaré que les demandeurs [traduction] « n’ont pas réfuté de façon satisfaisante les conclusions de la SPR », il est clair que l’agent a importé le critère relatif aux facteurs énoncés aux articles 96 et 97 dans sa décision plutôt que d’évaluer les facteurs relatifs aux difficultés.

[22]  Selon les demandeurs, l’agent a tenu compte de facteurs qui n’auraient pas dû être pris en compte dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et, par conséquent, il a rendu une décision déraisonnable.

[23]  Je ne suis pas d’accord. Je crois que les demandeurs confondent la question de l’application du critère approprié avec celle de l’examen des facteurs probants. Lorsque l’agent a mentionné que les demandeurs [traduction] « n’ont pas réfuté de façon satisfaisante les conclusions de la SPR », il n’a pas énoncé un nouveau critère et n’a pas non plus importé les critères prévus aux articles 96 et 97.

[24]  En fait, les demandeurs ont exprimé leur crainte à l’égard de l’ex‑conjoint de fait de leur fille dans leurs observations à l’appui de leur demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire, en particulier le fait qu’il a été libéré de prison. Ils ont indiqué que leur crainte de l’ex‑conjoint de fait de leur fille est l’une des raisons pour lesquelles ils n’ont pas quitté le Canada après le rejet de leur demande d’asile.

[25]  Dans la mesure où ces conclusions étaient pertinentes dans le contexte de l’évaluation des difficultés, l’agent a simplement conclu que la SPR était mieux placée pour évaluer ces facteurs dans les circonstances. Cela ne veut pas dire qu’il a appliqué le mauvais critère ou qu’il n’a pas tenu compte des autres facteurs liés aux difficultés, comme la discrimination. En fait, l’agent a abordé ces questions plus tard dans sa décision.

[26]  Je reconnais que lorsque le risque est invoqué comme facteur dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, ce risque doit être examiné dans le contexte du degré de difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés. En l’espèce, lorsqu’il a fait référence aux conclusions de la SPR, l’agent a mis l’accent sur les préoccupations concernant le risque de violence, que ce soit aux mains de l’ex-conjoint de fait de la fille des demandeurs ou la violence généralisée au Mexique.

[27]  D’après ce que je comprends de la décision, l’agent a simplement affirmé que la SPR avait conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État relativement à leurs inquiétudes quant aux risques de retourner au Mexique, avant d’affirmer que les demandeurs ne lui avaient pas présenté de nouveaux éléments de preuve lui permettant de croire que la conclusion serait différente dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire.

[28]  Je ne crois pas que l’agent ait importé les critères prévus aux articles 96 et 97 dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire invoquées par les demandeurs. Au contraire, il a simplement accordé du poids aux conclusions de la SPR (lesquelles relèvent de son mandat spécialisé) et a correctement déterminé que la protection de l’État leur serait offerte au Mexique.

[29]  À mon avis, l’argument des demandeurs repose sur une interprétation erronée du raisonnement de la Cour suprême dans l’arrêt Kanthasamy.

[30]  Dans cet arrêt, la Cour a conclu que le paragraphe 25(1.3) « n’empêche pas d’admettre en preuve les faits présentés à l’appui d’instances relatives aux art. 96 et 97 » (Kanthasamy, au par. 51). Autrement dit, le paragraphe 25(1.3) n’a aucune incidence sur la capacité de l’agent d’immigration de « tenir compte des faits sous-jacents » à une décision rendue en vertu des articles 96 et 97 « pour déterminer si la situation du demandeur justifie ou non une dispense pour considérations d’ordre humanitaire » (Kanthasamy, au par. 51; voir également D’Aguiar-Juman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 6, au par. 12; Abdullah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 954, au par. 16.)

[31]  Cela dit, l’interprétation de la Cour suprême dans l’arrêt Kanthasamy ne donne pas carte blanche pour adopter en bloc les conclusions de fait de la SPR. Pour rendre leurs propres décisions, les agents doivent être conscients des différences inhérentes entre l’analyse de la SPR fondée sur les articles 96 et 97 et l’analyse des considérations d’ordre humanitaire fondée sur le paragraphe 25(1). Cette interprétation du paragraphe 25(1.3) est conforme au rôle que joue la disposition pour distinguer l’analyse effectuée par la SPR en vertu des articles 96 et 97 de l’analyse des considérations d’ordre humanitaire effectuée par l’agent en vertu du paragraphe 25(1) (Atkins c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 982, au par. 14; Devadawson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 80, au par. 51; Ye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1072, au par. 10; Baco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 694, au par. 21; Laidlow c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 144, aux par. 24‑25; Joseph c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 661, aux par. 60‑61; voir également Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84, aux par. 63‑64).

[32]  Dans sa décision, l’agent a pris soin de décrire la portée de l’analyse comme un examen distinct de la décision de la SPR. Dans sa décision, l’agent a réitéré cette distinction et a expliqué que la décision de la SPR fournit un contexte important pour évaluer les difficultés dans une demande présentée pour des considérations d’ordre humanitaire dans laquelle les demandeurs se fondent sur des faits similaires.

[33]  Après avoir fait remarquer que l’agent d’ERAR avait conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté les conclusions de la SPR concernant la disponibilité de la protection de l’État, l’agent a conclu que le Mexique offre un niveau de protection adéquat :

[traduction]
Les demandeurs craignent la violence et les violations des droits de la personne dans leur pays.
J’ai lu et examiné attentivement le rapport du Département d’État américain, qui indique que le Mexique dispose d’une force de police et d’un système judiciaire efficaces et engagés à protéger ses citoyens contre la violence. Si les demandeurs rencontrent des difficultés, ils peuvent demander l’aide de la police ou du système judiciaire dans leur pays.

[Renvoi omis.]

[34]  Selon mon interprétation de la décision, il est évident que l’agent était conscient des différences inhérentes entre l’évaluation des risques effectuée par la SPR et son analyse des difficultés. En raison du chevauchement factuel entre ces deux examens, je ne vois rien de déraisonnable dans le fait qu’un agent d’immigration renvoie aux conclusions de faits pertinentes de la SPR pour rendre sa décision quant aux difficultés (Saidoun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1110, au par. 19; Prasla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 56, au par. 17; Newman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 803, au par. 48; Chaudhary c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 128, aux par. 41‑42; Vuktilaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 188, au par. 38).

2.  L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse de la validité de la demande de résidence permanente des demandeurs en ne tenant pas compte de l’ensemble des considérations d’ordre humanitaire qu’ils ont invoquées?

[35]  Dans le même ordre d’idées, les demandeurs soutiennent que l’agent a confondu l’analyse des considérations d’ordre humanitaire avec l’analyse des facteurs énoncés à l’article 96 et au paragraphe 97(1) et qu’il n’a pas tenu compte des considérations d’ordre humanitaire et des facteurs de difficultés qu’ils ont invoqués.

[36]  En particulier, les demandeurs soutiennent que, en ce qui concerne les difficultés, l’agent n’a pas tenu compte des problèmes de santé de la demanderesse (ostéoporose, purpura thrombocytopénique idiopathique et hypoglycémie), des liens des demandeurs avec le Canada, des effets de la discrimination fondée sur l’âge sur l’employabilité des demandeurs, ainsi que des conditions défavorables dans le pays. Les demandeurs n’ont pas précisé quel élément de preuve relatif aux conditions défavorables dans le pays l’agent n’a pas examiné.

[37]  Je ne suis pas d’accord et je conclus que l’agent a examiné toutes ces questions.

[38]  La preuve présentée relativement aux problèmes de santé de la demanderesse se limite à un rapport d’une page rédigé par une infirmière praticienne (qui remplaçait simplement son infirmière en soins primaires, qui était en congé de maternité) décrivant les problèmes médicaux de la demanderesse en un seul paragraphe, ainsi que certains articles de Google traitant des affections dont elle souffre.

[39]  Les demandeurs ont soutenu avec véhémence que l’agent n’a pas tenu compte des facteurs liés aux difficultés, comme les problèmes de santé de la demanderesse.

[40]  Toutefois, je dois admettre qu’étant donné l’importance que les demandeurs ont accordée à cet argument, je suis surpris par l’insuffisance de la preuve relative aux problèmes médicaux de la demanderesse, à ses besoins à venir en matière de soins médicaux, ainsi qu’au coût et à la disponibilité de ces soins si elle devait retourner au Mexique.

[41]  Rien n’indique que la demanderesse se verrait refuser un traitement médical au Mexique et, à l’exception d’une déclaration spéculative d’une professionnelle de la santé – qui n’est habituellement pas responsable des soins primaires de la demanderesse – selon laquelle cette dernière [traduction] « serait incapable d’assumer le fardeau financier de ces examens médicaux, consultations spécialisées et médicaments », aucune autre preuve n’a été présentée concernant le type, la disponibilité ou le coût des soins médicaux au Mexique; on ne sait pas vraiment comment l’infirmière praticienne est parvenue à cette conclusion.

[42]  Dans sa décision, l’agent a pris soin de souligner l’absence de preuve sur la disponibilité de traitement pour les problèmes médicaux de la demanderesse :

[traduction]
Je reconnais que les demandeurs soutiennent que la demanderesse reçoit un traitement médical au Canada et qu’ils ne pourront pas se le permettre au Mexique;
toutefois, la preuve dont je dispose est insuffisante pour démontrer qu’elle ne serait pas en mesure d’obtenir des soins médicaux au Mexique ou se les verrait refuser. Je constate également que le niveau de vie varie d’un pays à l’autre. Bon nombre de pays n’ont pas la chance de bénéficier du même soutien social, financier et médical que celui offert au Canada. Toutefois, le législateur n’avait pas l’intention que l’objet de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) consiste à compenser les disparités dans le niveau de vie entre le Canada et d’autres pays. L’article 25 a plutôt pour objet de donner au ministre la souplesse nécessaire pour régler des situations qui ne sont pas prévues par la LIPR et où des motifs d’ordre humanitaire contraignent le ministre à agir.

[Non souligné dans l’original.]

[43]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a eu tort de simplement déclarer que la preuve sur cette question n’était pas suffisante et qu’il aurait dû indiquer pourquoi elle était insuffisante.

[44]  Je ne suis pas d’accord. La question n’est pas de savoir de quoi souffre la demanderesse. Les affections dont elle souffre ne sont pas remises en question et, par conséquent, l’agent ne conteste pas l’essence de la lettre de l’infirmière praticienne. La question est plutôt de savoir s’il existe des éléments de preuve qui donnent à penser que la demanderesse se verra refuser le traitement dont elle a besoin si elle devait retourner au Mexique. Il n’y a tout simplement aucune preuve crédible sur cette question.

[45]  Dans ces situations, le fardeau incombe aux demandeurs. En outre, il me semble raisonnable que la mesure dans laquelle l’agent examine la preuve et en tient compte dépende du nombre d’éléments de preuve produits par les demandeurs. Je peux certainement comprendre que l’agent n’aurait pas beaucoup plus à dire que ce qu’il a dit en ce qui concerne l’absence d’éléments de preuve présentés par les demandeurs sur cette question.

[46]  Les demandeurs soutiennent que la preuve appuie la proposition selon laquelle, si les demandeurs sont renvoyés au Mexique, ils auraient de la difficulté à trouver un emploi dans un pays marqué par la violence, les violations des droits de la personne, la pauvreté et l’incertitude, et ils auraient de bas salaires (estimés à 290,18 $), qui ne seraient pas suffisants pour payer les frais médicaux de la demanderesse pour les mêmes soins qu’elle reçoit actuellement au Canada.

[47]  Toutefois, je dois concéder à l’agent qu’il n’y a aucune preuve substantielle à l’appui de ces arguments en lien avec les demandeurs. Bien que certains articles présentés portent sur les problèmes de pauvreté et les défis liés à l’octroi de prestations sociales et médicales universelles, il est vrai que la façon dont ils affecteraient la demanderesse en l’espèce n’est pas claire.

[48]  Les demandeurs font également valoir que bien qu’il existe des éléments de preuve démontrant qu’ils ont de la famille au Mexique (une mère et des frères et sœurs), ils ont coupé les liens avec les personnes qui pourraient les connaître au Mexique en raison de la violence dans ce pays, ce qui complique encore davantage la question de l’accès aux soins médicaux, au logement, à l’emploi et aux avantages sociaux pour les demandeurs.

[49]  L’agent a conclu que la présence de membres de la famille au Mexique est un motif suffisant pour croire qu’ils ont des liens avec le Mexique puisqu’il n’y a aucune preuve importante qui permet de croire le contraire. La simple déclaration des demandeurs selon laquelle ils ont rompu les liens avec [traduction] « les personnes qui pourraient les connaître » ne veut pas dire explicitement qu’ils n’ont eu aucune communication ni aucun rapport avec leur propre famille depuis leur départ du Mexique.

[50]  Par conséquent, je ne vois rien de déraisonnable dans la façon dont l’agent a abordé la question des problèmes de santé de la demanderesse ni dans ses conclusions sur les questions soulevées par les demandeurs.

[51]  S’agissant de la question du risque de discrimination fondée sur l’âge, l’agent a tiré une conclusion sur les effets de la discrimination fondée sur l’âge sur l’employabilité des demandeurs au Mexique :

[traduction]
Les demandeurs soutiennent qu’ils ne seront pas en mesure de trouver un emploi au Mexique en raison de la discrimination fondée sur l’âge;
toutefois, je n’ai pas reçu suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour étayer cette allégation. Je constate que les demandeurs sont des personnes brillantes qui ont parcouru des milliers de kilomètres pour se rendre au Canada, où ils ont trouvé un emploi, une maison et se sont faits de nouveaux amis. Au Canada, le demandeur travaille actuellement comme monteur et a travaillé dans le domaine de la démolition. La demanderesse a travaillé comme opératrice de machine et préposée à l’entretien ménager. Au Mexique, le demandeur travaillait comme chauffeur de taxi et était un travailleur autonome. La demanderesse travaillait également à son compte au Mexique. Les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour me convaincre qu’ils ne pourraient pas raisonnablement chercher ou trouver un emploi dans leur pays compte tenu de leurs compétences et de leur expérience de travail acquises au Mexique et au Canada. J’estime que les facteurs susmentionnés amélioreraient raisonnablement le profil d’employabilité des demandeurs et, par extension, leurs perspectives d’emploi.

Bien que je constate que les demandeurs ont quitté le Mexique depuis longtemps, je n’ai pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs démontrant qu’ils ne seront pas en mesure d’y trouver un emploi. J’estime que leurs compétences professionnelles acquises au Canada sont transférables et qu’ils n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour me convaincre qu’ils ne pourraient pas retourner au Mexique et utiliser leurs compétences et connaissances actuelles pour trouver un emploi. Le simple fait que les demandeurs occupaient un emploi au Canada ne suffit pas pour démontrer qu’ils se sont intégrés dans la société canadienne au point de justifier l’octroi d’une dispense fondée sur le paragraphe 25(1) de la LIPR. Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve dont je dispose, je conclus que la preuve est insuffisante pour me convaincre que l’établissement des demandeurs justifie l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[Non souligné dans l’original.]

[52]  Les demandeurs citent l’arrêt Kanthasamy pour soutenir que les actes discriminatoires qui n’emportent pas individuellement persécution doivent être considérés cumulativement (Kanthasamy, au par. 53). Ils soutiennent que l’agent n’a pas considéré les éléments de preuve liés à la discrimination fondée sur l’âge et, pour la demanderesse, à la discrimination fondée sur le sexe comme des facteurs faisant en sorte qu’il serait difficile pour elle de trouver un emploi.

[53]  Un élément de preuve (un article de 2016 tiré du Gerontologist intitulé « Aging in Mexico: Population Trends and Emerging Issues ») évoque les conditions de pauvreté, en particulier en ce qui concerne les personnes âgées au Mexique. Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a tout simplement pas tenu compte de cet élément de preuve.

[54]  Là encore, l’agent a conclu que la preuve était insuffisante pour lui permettre de conclure que les demandeurs ne seraient pas en mesure de trouver un emploi et d’avoir une source durable de revenu au Mexique compte tenu de leurs profils d’emploi au Canada. Comme dans le cas de la preuve concernant l’état de santé de la demanderesse, l’analyse à laquelle on peut s’attendre lorsqu’il y a peu d’éléments de preuve sur une question en particulier est limitée.

[55]  Dans les circonstances, je ne puis dire que l’évaluation de l’agent sur cette question est déraisonnable.

[56]  J’ai déjà cité au paragraphe 33 ci-dessus la déclaration de l’agent concernant les conditions au Mexique. Sur chacune de ces questions, l’agent a examiné la preuve au dossier et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer les allégations des demandeurs concernant les motifs d’ordre humanitaire. Je ne vois pas en quoi cela est déraisonnable.

3.  L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants concernés?

[57]  Citant la décision Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas effectué une « analyse approfondie » de l’intérêt supérieur immédiat et futur de leurs enfants et petits‑enfants.

[58]  Bien que l’intérêt supérieur des enfants soit toujours une question délicate, l’agent a tenu compte du fait que les demandeurs ont dix petits‑enfants au Canada et vivent actuellement avec deux d’entre eux. Il était certainement loisible à l’agent de conclure que l’intérêt supérieur des petits‑enfants ne justifiait pas la prise d’une mesure exceptionnelle. L’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur des petits‑enfants des demandeurs en cas de réinstallation au Mexique :

[traduction]
J’ai tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants.
Je conviens que les demandeurs ont dix petits‑enfants. Je reconnais que les demandeurs affirment que la demanderesse est la principale responsable des soins des petits‑enfants. Toutefois, je ne suis pas convaincu que d’autres dispositions ne pourraient pas être prises pour assurer les soins de ces enfants canadiens. De nombreuses familles doivent trouver pareils arrangements en matière de garde d’enfants au Canada. Si les enfants sont contrariés par cette séparation, leurs parents peuvent les aider. De nombreux enfants canadiens ont des grands‑parents à l’étranger. Bien qu’il puisse être difficile pour les petits‑enfants d’être séparés de leurs grands‑parents, ils continueront de bénéficier des soins et du soutien de leurs parents. Quels que soient les ajustements que les petits‑enfants devront apporter à leur vie au Canada, ils le feront avec le soutien de leurs parents. En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, je suis convaincu que cet intérêt serait respecté s’ils continuaient de bénéficier des soins et du soutien de leurs parents. Comme je l’ai déjà dit, les relations ne sont pas liées par des emplacements géographiques et, bien que le fait d’être physiquement séparés de leurs petits‑enfants au Canada entraîne certains bouleversements, cela ne signifie pas qu’ils ne seront pas en mesure de communiquer entre eux. Il est facile de communiquer avec le Mexique par téléphone, et le coût des communications téléphoniques devrait par conséquent ne pas être trop élevé. Si ce coût s’avère élevé, les communications pourront être poursuivies par lettres ou divers médias sociaux. Je ne dis pas que l’un ou l’autre de ces types de communications constitue un substitut entièrement satisfaisant à la présence des demandeurs, mais il se pourrait que ce soit là la seule solution de rechange, à défaut de séjours en personne au Mexique. En outre, les éléments de preuve présentés sont insuffisants pour indiquer qu’il existe des obstacles empêchant les parents ou les petits‑enfants de rendre visite aux demandeurs au Mexique si la famille le souhaite.

[Non souligné dans l’original.]

[59]  L’arrêt Kanthasamy décrit plusieurs facteurs qui devraient être pris en compte dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants. Toutefois, il est important de garder à l’esprit qu’en l’espèce, les enfants ne risquent pas d’être retirés du seul environnement qu’ils ont connu. Ce ne sont pas leurs parents qui demandent à demeurer au Canada, mais plutôt leurs grands‑parents. Cela ne signifie pas que le lien que les enfants entretiennent avec les demandeurs et leur dépendance vis‑à‑vis d’eux ne doivent pas être pris en considération, mais plutôt que les facteurs qui sous‑tendent cette analyse sont différents de ceux que l’on retrouve dans les cas où les enfants eux‑mêmes risquent d’être retirés de leur environnement.

[60]  Les demandeurs citent la décision Benyk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 950 [Benyk], qui concerne des faits assez semblables, mais également quelque peu différents, à ceux de l’espèce : une mère est venue au Canada pour s’occuper de sa fille malade au milieu d’un divorce chaotique et, après que la santé de sa fille s’est améliorée, elle est restée au Canada sans statut pour devenir la principale responsable de ses deux petits‑enfants, tandis que sa fille, une mère célibataire, travaillait la nuit et devait souvent quitter la ville pour travailler afin de subvenir aux besoins de sa famille.

[61]  Le juge Harrington a conclu que l’agent des visas dans cette affaire n’avait pas tenu compte de plusieurs facteurs, en particulier de la question de savoir si la fille serait en mesure de trouver un autre emploi qui ne lui exigerait pas de travailler la nuit ou à l’extérieur de la ville, et il a conclu que le raisonnement de l’agent était souvent confus.

[62]  Je souscris à la décision Benyk au vu des circonstances de cette affaire. Toutefois, ces circonstances ne sont pas les mêmes que celles de l’espèce.

[63]  Je reconnais qu’en l’espèce, comme dans la décision Benyk, la relation entre les grands‑parents et les petits‑enfants n’est pas seulement biologique; en fait, ils vivent ensemble et se soutiennent mutuellement à leur façon. Toutefois, la différence en l’espèce tient au fait que l’agent a tenu compte de cette interdépendance entre les grands‑parents et les enfants pour rendre sa décision.

[64]  En l’espèce, le même niveau de soutien de la part des grands‑parents que celui offert dans l’affaire Benyk ne semble pas nécessaire, étant donné que l’une des filles vivant avec les demandeurs est mariée, qu’une autre vit dans la même maison, et que les autres petits‑enfants qui ne vivent pas avec les demandeurs bénéficient d’un soutien parental indépendant près de Toronto. Il existe une forte unité familiale au Canada pour ces petits‑enfants, indépendamment du soutien qu’ils reçoivent de leurs grands‑parents.

[65]  De plus, les demandeurs soutiennent que le statut de certains de leurs enfants (les parents des petits‑enfants) n’est pas en règle au Canada et que même s’ils font actuellement des démarches pour régulariser leur statut, ils risquent d’être renvoyés à tout moment. Je crois que la meilleure façon de répondre à cet argument est de dire que, si une telle situation devait survenir, il serait loisible aux parents de présenter les arguments nécessaires pour éviter le renvoi en fonction de l’intérêt supérieur de leurs enfants. Ils pourraient toujours invoquer cet argument malgré le retour des grands‑parents au Mexique.

[66]  Je n’ai aucun doute que d’autres agents auraient peut‑être exercé leur pouvoir discrétionnaire différemment que l’a fait l’agent en l’espèce. D’ailleurs, je n’aurais peut‑être pas rendu la même décision que l’agent sur cette question. Or, là n’est pas la question. La question à trancher consiste à déterminer si l’agent a tenu compte de l’ensemble des facteurs, les a soupesés comme il se doit et a rendu une décision qui est conforme à l’analyse et au processus suivis.

[67]  Il incombait à l’agent d’être « réceptif, attentif et sensible » au facteur de l’intérêt supérieur des enfants (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC), au par. 75; Kanthasamy, au par. 38). L’agent a examiné la relation entre les demandeurs et leurs petits‑enfants et a expliqué pourquoi il était d’avis que la relation, bien qu’elle serait certes différente et pas aussi enrichissante, survivrait si les demandeurs retournaient au Mexique.

[68]  J’ai lu la décision à plusieurs reprises et, bien qu’elle puisse être sévère, je suis incapable de trouver une raison valable pour affirmer que l’agent a commis une erreur dans son analyse ou dans le processus suivi.

[69]  Les demandeurs citent également la décision Taghiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1160, pour soutenir que l’autonomie financière est un facteur pertinent dans l’évaluation de l’établissement d’un demandeur au Canada. Je ne vois pas en quoi cette affaire appuie l’argument des demandeurs selon lequel, d’une part, l’agent a conclu que les petits-enfants seraient en mesure de voyager au Mexique pour rendre visite à leurs grands‑parents, alors que, d’autre part, la preuve démontrait que les enfants et petits‑enfants des demandeurs n’avaient pas les moyens financiers de voyager. Toutefois, la preuve des difficultés financières possibles au Mexique se rapporte aux grands‑parents et non à la capacité des parents de prendre des vacances au Mexique pour rendre visite aux demandeurs avec leurs petits‑enfants.

[70]  Quoi qu’il en soit, ce que l’agent a déclaré sur cette question, qui concordait avec son examen des facteurs concurrents, a été reproduit ci‑dessus au paragraphe 59. Par conséquent, je ne peux pas dire que la décision de l’agent sur cette question est déraisonnable.

4.  L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le défaut des demandeurs de respecter les règlements sur l’immigration compromettait leurs chances d’obtenir la résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire?

[71]  Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas mis en balance les difficultés auxquelles ils seraient confrontés, d’une part, et les facteurs démontrant pourquoi ils n’ont pas respecté les règlements sur l’immigration, d’autre part (citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2006 CAF 14; El Sayed c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 802).

[72]  Le défendeur affirme que cet argument est dénué de fondement. Il soutient que la jurisprudence citée par les demandeurs n’est pas pertinente en l’espèce parce qu’elle se rapporte simplement à la façon dont la Cour détermine s’il y a lieu d’instruire les demandes de contrôle judiciaire lorsque les demandeurs n’ont pas une attitude irréprochable. En outre, le défendeur soutient que l’agent a effectué la mise en balance invoquée par les demandeurs.

[73]  Je suis d’accord avec le défendeur. D’après mon interprétation de la décision de l’agent, il est clair que celui‑ci n’a pas rejeté la demande des demandeurs en se fondant sur la théorie de la conduite irréprochable. Il est également évident que l’agent a effectué la mise en balance invoquée par les demandeurs.

[74]  Dans sa décision, l’agent a souligné le défaut des demandeurs de se conformer aux règlements et aux ordonnances en matière d’immigration et a conclu que ce facteur était défavorable à leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire :

[traduction]
Les demandeurs ont été avisés du rejet de la demande d’ERAR le 23 mars 2011.
Les demandeurs ne se sont pas présentés pour leur renvoi le 6 avril 2011 et des mandats ont été délivrés pour leur renvoi le même jour. Les demandeurs ont présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire le 13 juin 2017 [...]

Les demandeurs vivent au Canada depuis plus de onze ans. Le demandeur travaille actuellement comme monteur pour une société environnementale et la demanderesse travaillait comme préposée à l’entretien ménager. Je constate que les demandeurs ont travaillé sans autorisation puisqu’ils sont sans statut depuis le 6 avril 2011, date à laquelle des mandats d’arrestation ont été délivrés. Je constate également que ces mandats ont été délivrés parce que les demandeurs ne se sont pas présentés pour leur renvoi le 6 avril 2011, qu’ils ne se sont pas présentés aux autorités de l’immigration à ce jour et que ces mandats demeurent en vigueur. Bien qu’il soit louable que les demandeurs subviennent à leurs propres besoins, je conclus que le fait qu’ils n’ont délibérément pas respecté les règlements sur l’immigration constitue un facteur défavorable dans cette évaluation.

[75]  Après avoir formulé ces commentaires et tiré ces conclusions, l’agent a examiné une foule de facteurs qui militeraient en faveur de la demande des demandeurs (p. ex. les amitiés des demandeurs, leur engagement dans la collectivité, leurs liens familiaux, l’intérêt supérieur de leurs enfants et petits‑enfants et leurs perspectives d’emploi au Mexique) et a rendu sa décision.

[76]  Par conséquent, je ne vois aucune raison d’intervenir.

VIII.  Conclusion

[77]  Par conséquent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.




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