Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200226


Dossier : IMM‑4082‑19

Référence : 2020 CF 309

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 février 2020

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MOHAMED ABDI HASHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 4 juin 2019 [la décision] par laquelle la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [CISR] a jugé que le demandeur était exclu de la protection conférée aux réfugiés par le Canada, en application de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] et de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, [1969] RT Can no 6 [Convention].

II.  Faits

[2]  Le demandeur, un citoyen de la Somalie, est âgé de 41 ans. Sa famille a fui la Somalie en 1991, alors qu’il avait 12 ans. Elle s’est établie aux États‑Unis, où le demandeur a obtenu le statut de résident permanent en 1995.

[3]  En 2004, le demandeur a été accusé et déclaré coupable d’avoir proféré des menaces. L’année suivante, il a été déclaré coupable de conduite dangereuse pour avoir tenté d’échapper à la police. En 2010, après avoir fini de purger sa peine, les autorités américaines ont pris une mesure d’expulsion à son égard. Cependant, en raison d’un moratoire sur les mesures d’expulsion en Somalie, les autorités américaines de l’immigration ont maintenu le demandeur en détention. Le demandeur a été relâché peu après et, en 2012, il est venu au Canada pour demander l’asile. Le demandeur soutient que, s’il était renvoyé en Somalie, le groupe terroriste Al Chabaab le tuerait s’il découvrait qu’il avait vécu aux États‑Unis pendant vingt ans.

[4]  L’instruction de la demande d’asile du demandeur a eu lieu en juin et en juillet 2014. Le ministre est intervenu au moyen d’une demande d’exclusion au titre de la section Fb) de l’article premier de la Convention [demande d’exclusion]. Dans son avis d’intention d’intervenir, le ministre énonce les faits sur lesquels il s’est appuyé :

[traduction]
Les faits sur lesquels le ministre s’appuie

5. Le demandeur d’asile a été déclaré coupable aux États‑Unis d’avoir proféré des menaces. Dans un autre incident, il a été déclaré coupable d’une infraction pour avoir été à l’origine d’une poursuite automobile en état d’ébriété qui s’est soldée par un accident de voiture. Il a été emprisonné dans les deux cas.

6. D’après le rapport de probation écrit au sujet du demandeur d’asile, ce dernier a menacé le propriétaire du « Restaurant Afrique ». Des membres du gang des Holy Blood auraient proféré des menaces par rapport au restaurant.

7. Les autorités de San Diego, aux États‑Unis, étaient en possession de renseignements selon lesquels le demandeur d’asile appartenait au gang de rue des « Holy Blood ». Ce gang était connu pour avoir été impliqué dans des vols qualifiés, dans du trafic de stupéfiants, dans des activités liées à la prostitution, dans des voies de fait et des vols.

8. La police de San Diego croit que le demandeur d’asile est mêlé à une affaire d’agression, au cours de laquelle neuf membres de ce gang ont attaqué la victime le 27 mars 1999 à l’aide de bouteilles et de roches. Il est allégué que le demandeur d’asile conduisait le véhicule, qu’il aurait asséné le premier coup. La victime a subi des blessures à la tête, au cou et à la colonne vertébrale. On a laissé tomber les poursuites à cause de « problèmes de témoin ».

[5]  À la suite de l’audience, la SPR a décidé que le demandeur n’était pas visé par l’exclusion au titre de la section Fb) de l’article premier de la Convention, mais qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger [décision de 2014]. Cette décision a été infirmée lors d’un contrôle judiciaire à l’issue duquel la Cour a rendu le jugement Mohammed Abdi Hashi c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le 25 septembre 2015 (IMM‑6238‑14). Le juge O’Reilly a accueilli la demande de contrôle judiciaire et renvoyé l’affaire à la SPR, sans donner de directives concernant l’exclusion.

[6]  La SPR a tenu une nouvelle audience le 7 décembre 2018. Avant la présente audience, le ministre a retiré la demande d’exclusion. Le ministre, qui s’intéressait toujours à la question de la crédibilité, a précisé qu’il ne fallait pas interpréter sa décision de ne pas intervenir comme une opinion sur le bien‑fondé de la demande d’asile.

[7]  À l’audience, la SPR a questionné le demandeur en profondeur au sujet de ses déclarations de culpabilité antérieures. L’audience a donc porté sur le bien‑fondé de la demande d’asile, puisque la SPR n’avait plus à rendre de décision sur la demande d’exclusion. Voici un extrait de la décision :

[traduction]
J’ai questionné le demandeur d’asile en profondeur au sujet de ses déclarations de culpabilité antérieures, de l’accusation d’agression rejetée et de son appartenance au gang des Holy Blood. La complexité et la nature des questions et du témoignage n’étaient pas prévisibles. Elles se sont précisées au cours de l’audience, et le tribunal a dû prendre en considération divers éléments au fur et à mesure que la preuve, le témoignage et le comportement du demandeur d’asile lui étaient exposés. Ces types d’éléments complexes sont toujours examinés par des tribunaux de première instance.

[8]  Après l’audience, le 12 décembre 2018, la SPR a demandé au demandeur d’asile de lui présenter des observations. Elle a aussi demandé au conseil du ministre d’écouter l’enregistrement audio de l’audience. Je souligne que la SPR, « sans délai, [...] avise par écrit le ministre » qu’il est possible que les sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés s’appliquent à la demande d’asile (se reporter aux Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, para 26(2)).

[9]  Le ministre a répondu qu’il avait écouté l’enregistrement de l’audience et qu’il avait revu sa position. Il s’est ensuite rétracté en ce qui concerne le retrait de son intervention relative à la section Fb) de l’article premier de la Convention. Dans la même lettre, le ministre a présenté des observations à l’appui de la demande d’exclusion.

[10]  Le conseil du demandeur n’a présenté aucune observation de fond concernant les raisons pour lesquelles le demandeur devrait être exclu. Au lieu de cela, le demandeur s’est appuyé uniquement sur des observations selon lesquelles l’autorité de la chose jugée et la préclusion découlant d’une question déjà tranchée devraient empêcher une seconde décision sur la question de savoir si le demandeur est exclu par l’application de la section Fb) de l’article premier de la Convention.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[11]  Dans la décision datée du 4 juin 2019, la SPR a conclu que le demandeur était exclu de la protection conférée aux réfugiés par le Canada, en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention. La SPR a rejeté les observations du demandeur sur l’autorité de la chose jugée et la préclusion découlant d’une question déjà tranchée en déclarant ce qui suit : [traduction] « [à] mon avis, d’après ce qui précède et suivant une lecture simple et attentive de la décision du juge O’Reilly, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’appliquent pas ».

[12]  Je mentionne que le demandeur a dit à la Cour, peu avant l’audience relative au contrôle judiciaire, qu’il retirait les observations relatives à l’autorité de la chose jugée et à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. La Cour n’ira donc pas plus loin dans son examen de ces observations.

[13]  En ce qui concerne les observations du ministre concernant l’exclusion, voici que la SPR a déclaré :

[traduction]
Les rapports de police et de probation font état d’un comportement violent et enragé chez le demandeur d’asile. Bien que le demandeur d’asile ait témoigné au sujet de sa consommation d’alcool et des programmes de réadaptation vers lesquels il a été aiguillé, rien n’indique qu’il ait été ivre ou intoxiqué d’une quelconque façon durant l’incident de 1999. Son comportement est caractérisé par des accès de colère violente et de graves dérèglements, qui l’ont mené à des accusations et à des déclarations de culpabilité.

La conduite du demandeur d’asile relativement à l’infraction d’agression armée tenait du droit commun, elle a eu lieu aux États‑Unis avant qu’il ne vienne au Canada et ne demande l’asile.

CONCLUSION

En fonction de ce qui précède, je conclus que le ministre s’est acquitté du fardeau de prouver qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié.

Le demandeur d’asile est donc exclu de la protection conférée aux réfugiés par le Canada, en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention.

IV.  Question en litige

[14]  Le demandeur a contesté le caractère raisonnable de la décision au regard de la prise en considération des facteurs analysés et de la preuve présentée, notamment les questions de l’appartenance du demandeur à un gang et l’absence de remords.

V.  Norme de contrôle

[15]  Le demandeur fait valoir que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision correcte. S’appuyant sur l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, rendu sous la plume des juges Lebel et Fish [Ezokola], le demandeur soutient que la Cour suprême du Canada a en fait appliqué la norme de la décision correcte en ce qui a trait à l’interprétation de la section Fb) de l’article premier de la Convention. À l’audience, il n’a pas donné suite à cet argument. Quoi qu’il en soit, et avec égards, je ne suis pas d’accord. Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Postes Canada], la Cour suprême du Canada rappelle que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], dont les motifs majoritaires ont été rédigés par le juge en chef Wagner, établit un cadre d’analyse révisé qui permet de déterminer la norme de contrôle à appliquer aux décisions administratives. Sous ce nouveau régime, le point de départ est la présomption que la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Cette présomption est réfutable dans certaines situations, mais aucune ne s’applique en l’espèce. Par conséquent, la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[16]  Le contrôle judiciaire selon la norme du caractère raisonnable est à la fois rigoureux et adapté au contexte, comme il est énoncé au paragraphe 67 de l’arrêt Vavilov. Appliquant dans l’affaire Postes Canada le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, le juge Rowe explique ce qu’implique une décision raisonnable et ce que doit faire un tribunal lorsqu’il procède au contrôle du caractère raisonnable d’une décision :

[31]  La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32]  La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33]  Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100). En l’espèce, ce fardeau incombe au Syndicat.

[17]  Les motifs ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection, et, comme à l’époque antérieure à l’arrêt Vavilov, le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable n’est pas une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » : Vavilov, aux paragraphes 91 et 102.

[18]  Le demandeur a écrit dans sa lettre à la Cour, avant l’audience, qu’il s’appuierait sur les motifs de la juge Gauthier dans l’arrêt Farrier c Canada (Procureur général), 2020 CAF 25, pour faire valoir que la Cour peut intervenir dans la décision de la SPR, selon les principes de Vavilov, ce qu’elle ne ferait pas si elle suivait l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 :

[12]  Avant l’arrêt Vavilov, j’aurais probablement conclu, comme la Cour fédérale l’a fait, que compte tenu de la présomption que le décideur a considéré tous les arguments et la jurisprudence devant lui et à la lecture du dossier, que la décision était raisonnable. L’absence de motifs traitant des deux premières questions devant la Section d’appel n’était pas à l’époque suffisante pour casser la décision. En effet, il était implicite que la Section d’appel n’avait pas accepté que l’interprétation de la Loi par la Commission était erronée, particulièrement compte tenu du paragraphe 143(1) de la Loi. Dans les circonstances, le décideur administratif était présumé avoir rejeté les arguments de M. Farrier quant à un quelconque préjudice causé par l’absence d’enregistrement que la Loi prévoit ou non un tel enregistrement ou qu’il s’agisse simplement d’une violation du Manuel. Une telle conclusion était l’une des issues possibles compte tenu de la décision de la Cour suprême dans CUPE, même si cet arrêt n’est pas cité par la Section d’appel.

[13]  Dans Vavilov, la Cour suprême a clairement indiqué que lorsqu’un décideur administratif doit rendre une décision motivée par écrit (c’est le cas ici, voir l’alinéa 143(2)a) et le paragraphe 146(1) de la Loi), l’appréciation de la raisonnabilité de la décision doit inclure une appréciation de sa justification et de sa transparence. Comme le souligne la Cour Suprême, les motifs fournis par ce décideur administratif ne doivent pas être jugés au regard de la norme de perfection et on ne peut s’attendre à ce qu’il fasse référence à tous les arguments ou détails qu’un juge siégeant en révision aurait voulu y lire. La « justice administrative » ne ressemblera pas toujours à la « justice judiciaire » (Vavilov aux para 91‑98).

[14]  La suffisance des motifs s’apprécie en tenant compte du contexte y inclus le dossier, les arguments présentés, les pratiques et la jurisprudence du décideur (Vavilov au para 94). Toutefois, la Cour suprême rappelle que le principe que l’exercice de son pouvoir par la Section d’appel devait être justifié, intelligible et transparent, non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet (Vavilov au para 95).

VI.  Législation et jurisprudence pertinentes

[19]  L’article 98 de la LIPR est ainsi libellé :

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion ‑ Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection

[20]  Voici la section Fb) de l’article premier de la Convention :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

(b) He has committed a serious non‑political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[21]  Dans le jugement Abbas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 12, j’ai résumé la jurisprudence portant sur le contrôle judiciaire des décisions en matière d’exclusion au titre de l’article 98 de la LIPR et de la section Fb) de l’article premier de la Convention. Ce résumé comprend un examen des principes pertinents tirés de la décision que la SPR a citée dans la présente affaire, Chandima Jayasekara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 238, par le juge suppléant Strayer, confirmée par 2008 CAF 404, le juge Létourneau [Jayasekara]. Comme il a été énoncé dans la décision Abbas, aux paragraphes 18 à 20 :

[18]  La Cour d’appel fédérale confirme que le ministre n’a qu’à démontrer, en satisfaisant à une norme qui est moindre que la prépondérance des probabilités habituelle en matière civile, qu’il y a des motifs sérieux de penser que le demandeur a commis les actes allégués. Dans l’arrêt Zrig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178 (Zrig), le juge Nadon confirme le principe suivant, au paragraphe 56 :

[56]  Le ministre n’a pas à prouver la culpabilité de l’intimé. Il n’a qu’à démontrer ­ et la norme de preuve qu’il doit satisfaire est « moindre que la prépondérance des probabilités » [...] ­ qu’il a des raisons sérieuses de penser que l’intimé est coupable. […]

[Non souligné dans l’original.]

[19]  Quant à ce qui constitue un crime « grave », la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68 (Febles), par la juge en chef McLachlin, donne les instructions suivantes au paragraphe 62 :

[62]  Dans les arrêts Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.), et Jayasekara, la Cour d’appel fédérale s’est dite d’avis que le crime est généralement considéré comme grave lorsqu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada. C’est aussi mon avis. Toutefois, il ne faut pas voir dans cette généralisation une présomption rigide qu’il est impossible de réfuter. Lorsqu’une disposition du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C­46, prévoit un large éventail de peines, qui vont d’une peine relativement légère jusqu’à une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, on ne saurait exclure de façon présomptive un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères. L’article 1Fb) vise à n’exclure que les personnes qui ont commis des crimes graves. Le HCR a indiqué qu’une présomption de crime grave pourrait découler de la preuve de la perpétration des infractions suivantes : l’homicide, le viol, l’attentat à la pudeur d’un enfant, les coups et blessures, le crime d’incendie, le trafic de drogues et le vol qualifié (Goodwin­Gill et McAdams, p. 179). Il s’agit là d’exemples valables de crimes suffisamment graves pour justifier de façon présomptive l’exclusion de la protection offerte aux réfugiés. Toutefois, je le rappelle, la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Le fait qu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été perpétré au Canada s’avère un guide utile, et les crimes qui, au Canada, rendent leur auteur passible d’une peine maximale d’au moins dix ans seront en général suffisamment graves pour justifier l’exclusion, mais il ne faudrait pas appliquer la règle des dix ans machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste.

[Non souligné dans l’original.]

[20]  Au paragraphe 44 de l’arrêt Jayasekara, la Cour d’appel fédérale définit ainsi les facteurs permettant d’apprécier si le crime qui a été commis est « grave » pour l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier :

[44]  Je crois que les tribunaux s’entendent pour dire que l’interprétation de la clause d’exclusion de l’alinéa 1Fb) de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous­jacentes à la déclaration de culpabilité (voir S c. Refugee Status Appeals Authority, (C.A. N.­Z.), précité; S and Others c. Secretary of State for the Home Department, [2006] EWCA Civ 1157 (Cours royales de Justice, Angleterre); Miguel­Miguel c. Gonzales, nº 05­15900, (Cour d’appel É.‑U., 9e circuit), 29 août 2007, aux pages 10856 et 10858). En d’autres termes, peu importe la présomption de gravité qui peut s’appliquer à un crime en droit international ou selon la loi de l’État d’accueil, cette présomption peut être réfutée par le jeu des facteurs précités.

[Non souligné dans l’original.]

VII.  Analyse

A.  Approche raisonnable pour évaluer la gravité de l’infraction

[22]  Le demandeur a affirmé que la SPR avait commis une erreur en se contentant de simplement énumérer les facteurs énoncés dans la décision Jayasekara, faisant valoir qu’il s’agissait d’une approche déraisonnable pour évaluer la gravité de l’infraction, et citant les propos du juge Russell dans la décision Poggio Guerrero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 384, aux paragraphes 30 et suivants [Poggio], et ceux du juge Noël dans la décision Vucaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 381, au paragraphe 40. Avec égards, la prétention selon laquelle la SPR s’est contentée de [TRADUCTION] « simplement énumérer les facteurs » est sans fondement. Cette allégation constitue une interprétation tout à fait inexacte des motifs de la SPR. En effet, en plus d’énumérer les facteurs pris en compte dans la décision Jayasekara, la SPR a bien évalué chacun d’eux en prenant en considération le dossier et les observations qu’on lui avait faites.

[23]  Plus précisément, la SPR a examiné les facteurs énoncés au prochain paragraphe. La SPR les a abordés l’un après l’autre, comme je le reproduis ci‑dessous. Je constate que le conseil qui représentait le demandeur à l’époque (un conseil différent de celui qui l’a représenté devant moi) a choisi de ne présenter aucune observation sur ces facteurs. J’ouvre une parenthèse pour dire que je crois respectueusement que la Cour ne devrait pas encourager les avocats à s’opposer à certaines conclusions par rapport auxquelles les conseils en première instance ont choisi de ne pas formuler d’observations au tribunal de juridiction inférieure. On ne devrait pas encourager une partie à ne rien faire devant le tribunal administratif, puis à demander un contrôle judiciaire en invoquant de nouveaux arguments qu’elle aurait pu – et qu’elle aurait dû – formuler devant le tribunal administratif, mais qu’elle n’a pas exprimés.

[24]  Même si le demandeur n’a présenté aucune observation, la SPR a examiné les facteurs énoncés dans la décision Jayasekara :

[traduction]
De même, j’accepte l’approche du ministre lorsqu’il établit les facteurs à évaluer pour décider si un crime – en l’espèce, des voies de fait au moyen d’une arme ou ayant causé des lésions corporelles – est grave dans le contexte de la section Fb) de l’article premier de la Convention. La Cour d’appel fédérale a présenté ces facteurs dans son arrêt Jayasekara :

Les éléments constitutifs du crime

Le demandeur d’asile a commis des voies de fait sur la victime. La victime appartenait à une bande rivale. Le demandeur d’asile et huit autres individus soupçonnés de faire partie du gang des Holy Blood ont agressé la victime à l’aide d’objets et en l’assénant de coups de pied. La victime a subi des blessures à la tête, au cou et à la colonne vertébrale.

Le mode de poursuite

Le demandeur d’asile a été accusé, sans que les procédures aillent de l’avant. Aucune preuve ne montre que l’accusation et le processus d’enquête ayant mené au dépôt de l’accusation en soi aient été erronés, ni que le procureur de district l’ait retirée pour de tels motifs ou pour quelque autre raison que ce soit. Selon la preuve, « [l]es dossiers du procureur de district montrent que les accusations criminelles ont été rejetées en raison de « l’insuffisance de l’ensemble de la preuve ». Janice Deleon, procureure de district adjointe, a déclaré que c’est à cause de problèmes de témoin » (preuve déposée par la ministre dans le cadre de son intervention, 20 août 2018, page 45).

À l’audience relative à la demande d’asile, le demandeur d’asile a déclaré avoir été arrêté en 2002 et avoir passé trois jours en cellule avant de comparaître devant le tribunal. Il a été remis en liberté, faute d’éléments de preuve suffisants.

La peine prévue

Le demandeur d’asile n’a pas été déclaré coupable d’une infraction équivalente à celle prévue à l’article 67, et rien n’indique qu’une peine ait été imposée. Il a été incarcéré six jours en 2002 en vertu d’un mandat relatif à l’infraction alléguée. Toutefois, si le demandeur d’asile était déclaré coupable au Canada, il serait passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Les faits relatifs à l’infraction

En 1999, le demandeur d’asile et huit autres membres présumés du gang ont pourchassé la victime dans un véhicule conduit par le demandeur d’asile. Ils ont agressé la victime au moyen d’armes comme des bouteilles et des roches, puis ont asséné la victime de coups de pied. Le demandeur d’asile a frappé la victime avec une chaise.

Les circonstances atténuantes et aggravantes sous‑jacentes à l’infraction

Aucune observation n’a été présentée relativement aux circonstances atténuantes. Aucun facteur atténuant n’a été présenté en réponse à la demande.

Le demandeur d’asile a nié avoir agressé un membre d’une bande rivale. Le demandeur d’asile n’a exprimé aucun remords relativement à l’incident. De plus, dans l’ensemble, son comportement au moment de témoigner au sujet des préoccupations de la Section de la protection des réfugiés concernant les voies de fait et les autres infractions alléguées ne montrait pas de remords.

Le demandeur d’asile a attribué son comportement violent à sa consommation d’alcool et n’assume aucune responsabilité à l’égard de ses actes.

À la lumière de la présente analyse, je conclus que le demandeur d’asile est un témoin non digne de foi dans la présente instance. J’accepte l’observation du ministre lorsqu’il dit que, tout bien pesé, les rapports de police et de probation constituent des éléments de preuve documentaire fiables qui contredisent la version des faits du demandeur d’asile selon laquelle il n’avait aucun lien avec des gangs et n’avait pas été impliqué dans l’agression de 1999 contre un membre d’une bande rivale. En particulier, le demandeur d’asile a nié être au courant de l’existence du gang des Holy Blood; cela est important.

Les éléments de preuve montrent que l’endroit où le demandeur d’asile aurait proféré des menaces de mort est situé en plein cœur du territoire du gang des Holy Blood.

J’accepte l’observation du ministre selon laquelle il est insensé et illogique que le demandeur d’asile puisse mener ses activités librement dans une zone contrôlée par un gang. Au moment d’être appréhendé, il portait un chandail ou une chemise rouge – la couleur du gang des Holy Blood. Une personne portant la couleur du gang dans ce territoire s’exposerait à une attaque grave, voire fatale.

Selon les résultats d’une recherche dans la base de données « Cal‑Gang », le demandeur d’asile est un membre établi du gang des Holy Blood. La désignation faite par le service de police de San Diego, qui, j’en conviens, démontre dans l’ensemble que le service de police était convaincu que le demandeur d’asile répondait aux critères d’inclusion de la base de données sur les gangs, en plus des autres facteurs à considérer dans la présente analyse, fournit à mon avis des raisons fiables pour conclure qu’il était plus probable que le contraire que la désignation était raisonnablement fondée.

J’estime que les renseignements policiers présentés en preuve sont fiables, selon la prépondérance des probabilités, quant à la demande d’exclusion.

Je conviens également que l’appartenance à un gang criminel constitue un facteur aggravant. En l’espèce, les éléments de preuve montrent qu’une escouade policière antigang a rapporté que le gang des Holy Blood est un gang de rue criminel dont de nombreuses caractéristiques et éléments d’identification portent à croire qu’il se livre à des actes criminels.

Les rapports de police et de probation font état d’un comportement violent et enragé chez le demandeur d’asile. Bien que le demandeur d’asile ait témoigné au sujet de sa consommation d’alcool et des programmes de réadaptation vers lesquels il a été aiguillé, rien n’indique qu’il ait été ivre ou intoxiqué d’une quelconque façon durant l’incident de 1999. Son comportement est caractérisé par des accès de colère violente et de graves dérèglements, qui l’ont mené à des accusations et à des déclarations de culpabilité.

La conduite du demandeur d’asile relativement à l’infraction d’agression armée tenait du droit commun, elle a eu lieu aux États‑Unis avant qu’il ne vienne au Canada et ne demande l’asile.

[25]  Le demandeur a fait valoir qu’aucun tribunal administratif raisonnable ne pourrait trouver de motifs sérieux de conclure qu’une personne a commis un crime pour lequel elle a été accusée, et où un tribunal judiciaire américain a rejeté l’accusation. Le demandeur a soutenu que le rejet des accusations devrait être traité comme [traduction] « une preuve prima facie qu’il n’avait pas commis ces crimes ». Le demandeur a ajouté que le rejet de l’accusation, à la suite du retrait de cette accusation, est presque déterminant. Dans ces observations, il s’est appuyé sur la décision Arevalo Pineda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 454 [Pineda], dans laquelle la juge Gauthier (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a déclaré ce qui suit, au paragraphe 31 :

[31]  Cependant, parallèlement, cela veut également dire que l’importance des accusations portées dans un pays comme les États‑Unis est fortement diminuée lorsque ces accusations sont rejetées. En fait, j’estime que dans une affaire de ce genre, le rejet des accusations est une preuve prima facie que ces crimes n’ont pas été commis par le demandeur d’asile et que le ministre ne peut simplement s’en remettre au dépôt de l’accusation pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe. Le ministre doit présenter des preuves crédibles et dignes de foi de la perpétration de l’infraction per se ou démontrer que dans les circonstances particulières de l’affaire, le rejet n’est pas déterminant parce qu’il ne concerne pas les faits à la base des accusations. Encore une fois, par exemple, le ministre pourrait y parvenir en démontrant que les preuves essentielles sur lesquelles reposent les accusations ont été exclues pour un motif qui ne lie pas la SPR et qui ne détruit pas leur valeur probante.

[26]  La décision Pineda a été rendue en 2010. Le défendeur réplique en citant le juge Near (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) qui, dans la décision Radi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 16, a résumé l’état du droit, ce qui comprend la décision Pineda :

[18]  La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il était possible de rendre une décision fondée sur la section Fb) de l’article premier même lorsque le demandeur d’asile n’a pas été reconnu coupable (Zrig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, [2003] ACF nº 565). Elle précise au paragraphe 129 :

[129] [...] permet d’exclure tout autant les auteurs de crimes graves de droit commun qui cherchent à utiliser la Convention pour échapper à la justice locale, que les auteurs de crimes graves de droit commun qu’un État juge indésirable d’accueillir sur son territoire, qu’ils cherchent ou non à fuir une justice locale, qu’ils aient ou non été poursuivis pour leurs crimes, qu’ils aient ou non été reconnus coupables de ces crimes ou qu’ils aient ou non purgé la sentence qui leur aurait été imposée relativement à ces crimes.

[19]  Dans la décision Pineda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 454, [2010] ACF nº 538, la juge Johanne Gauthier formulait les commentaires suivants au paragraphe 25 :

[25]  Cela paraît logique étant donné que les inculpations peuvent être rejetées pour diverses raisons, notamment des questions de procédure, le rejet de preuves essentielles pour des raisons procédurales ou simplement parce que l’accusé a soulevé un doute raisonnable. La Convention n’a pas adopté la norme stricte applicable aux poursuites pénales et la SPR peut fort bien estimer que les preuves présentées par le ministre, qui ne seraient peut‑être pas admissibles devant une cour de justice, sont suffisantes pour donner de sérieuses raisons de penser que le demandeur a effectivement commis un crime grave.

[20]  Plus récemment, le juge Russel Zinn a reconnu que cette décision pouvait reposer sur des accusations ayant débouché sur un non‑lieu, quoiqu’une plus grande prudence soit alors de mise. Il a accepté l’argument selon lequel « il n’y a rien de fautif à prendre acte des accusations déposées, même lorsque telles accusations ne débouchent pas sur une déclaration de culpabilité, et en particulier même lorsque l’accusé a consenti à une transaction pénale menant à un abandon des accusations initiales » (Naranjo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1127, 2011 CarswellNat 3941, au paragraphe 15).

[21]  Dans la décision Ganem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1147, [2011] ACF nº 1404, le juge Donald Rennie a déclaré au paragraphe 24 que « [n]i la déclaration de culpabilité ni le fait que la peine a été purgée ne peuvent être décisifs pour l’analyse ayant trait à l’exclusion ».

[22]  Ces conclusions tendent à indiquer que la Commission jouit d’une latitude suffisante pour évaluer la preuve présentée par le ministre et déterminer si une accusation ou une condamnation particulière constituerait un crime grave de droit commun aux fins de la section Fb) de l’article premier, pour autant qu’elle examine les facteurs mentionnés dans l’arrêt Jayasekara, précité. La Commission n’est pas liée par la qualification exacte de la déclaration de culpabilité, ni même par l’existence ou l’absence d’une telle déclaration. Il doit simplement exister de « sérieuses raisons de penser » que ce type de crime a été commis.

[27]  Dans l’affaire Radi, le demandeur d’asile a été déclaré coupable d’une infraction mineure après qu’un tribunal américain eut refusé de porter des accusations plus graves de violence familiale, et la demande de contrôle judiciaire a été rejetée. Dans l’affaire Pineda, un tribunal américain a rejeté les accusations portées contre un demandeur d’asile après que la victime se soit rétractée, et la demande de contrôle judiciaire a été accueillie. Dans l’affaire Espinel Naranjo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1127, le juge Zinn (également citée dans la décision Radi), l’accusation initiale de blanchiment d’argent portée contre le demandeur d’asile a été réduite à des accusations moins graves devant un tribunal américain, et la demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

[28]  Dans l’affaire qui nous occupe, les accusations ont été rejetées quelques jours après leur dépôt, la preuve indiquant que le rejet avait eu lieu à cause de « problèmes de témoin ». Le demandeur reproche à la SPR de ne pas avoir considéré cette situation comme une circonstance atténuante. Il soutient que l’expression « problèmes de témoin » est trop ambiguë pour avoir une connotation défavorable; il pourrait s’agir de témoins qui mentent, qui ont eux‑mêmes un casier judiciaire ou qui ne coopèrent pas pour une raison quelconque. Le demandeur semble laisser entendre que la SPR aurait dû accorder plus de poids au fait que le procureur de district, qui dispose de tous les éléments de preuve, a décidé de ne pas aller de l’avant dans l’affaire. Je ne suis pas de cet avis. Comme le fait remarquer le défendeur, la jurisprudence montre que les accusations rejetées ou retirées ne minent pas en soi le caractère applicable d’une conclusion d’exclusion.

[29]  J’accepte les conclusions exposées par le juge Near au paragraphe 22 de la décision Radi, selon lesquelles la SPR jouit d’une latitude suffisante pour évaluer la preuve présentée par le ministre et pour déterminer si une accusation ou une condamnation particulière constituerait un crime grave de droit commun au sens de la section Fb) de l’article premier de la Convention, pour autant qu’elle examine les facteurs mentionnés dans l’arrêt Jayasekara, précité. La SPR n’est pas liée par la qualification exacte de la déclaration de culpabilité, ni même par l’existence ou l’absence d’une telle déclaration. Il doit simplement exister de « sérieuses raisons de penser » que ce type de crime a été commis. C’est la tâche que le législateur a confiée au décideur.

[30]  Par conséquent, je ne suis pas d’accord pour dire que le rejet des accusations dans la présente affaire aurait dû être presque déterminant par rapport à la question de savoir si le demandeur a ou non commis le crime de droit commun allégué. Ce n’est pas ce que dit la décision Pineda, et cette observation ne concorde pas non plus avec le résumé de la jurisprudence fait dans la décision Radi. Il appartenait à la SPR de déterminer si le demandeur a commis le crime en question, ce qu’elle a fait.

[31]  Le demandeur soutient également que la SPR aurait dû accorder plus de poids au fait qu’aucune peine n’a été imposée pour le crime en question. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’un facteur atténuant très important qui aurait dû rendre déraisonnable la conclusion d’exclusion. Cet argument n’est pas fondé. La SPR a examiné la situation et elle a conclu que [TRADUCTION] « [t]outefois, si le demandeur d’asile était déclaré coupable au Canada, il serait passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ». Il n’y a rien de déraisonnable dans cette conclusion. Si le demandeur se plaint qu’aucune peine n’a été imposée, je ne vois pas la pertinence de cette plainte, puisqu’il ne pouvait pas y avoir de peine sans déclaration de culpabilité.

B.  Évaluation raisonnable du comportement et de l’absence de remords du demandeur

[32]  Le demandeur fait en outre valoir que la SPR s’est montrée déraisonnable en rejetant son témoignage à cause de son comportement et de son absence de remords. Il soutient qu’il est déraisonnable d’utiliser le comportement comme un signe de manque de crédibilité. Il soutient également qu’il était déraisonnable et illogique pour la SPR de conclure qu’il éprouverait des remords pour quelque chose qu’il n’a pas fait, proposition à laquelle je souscris, mais qui ne s’applique pas aux faits de l’affaire.

[33]  En ce qui concerne le comportement, le demandeur s’appuie sur le jugement Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, rendu par le juge Muldoon :

Comportement du demandeur

[23]  À la page 10 de sa décision, le tribunal évalue le comportement du demandeur lors de son témoignage :

[traduction]
Les commissaires saisis de l’affaire ont trouvé le témoin verbeux et souvent trop combatif. Il était porté à crier pour insister sur certains points, il lui arrivait souvent de divaguer, il fallait souvent le prévenir de ne pas aller trop vite pour l’interprète et une grande partie de son témoignage était constitué de considérations abstraites qu’il déclamait sur un ton qui manquait de naturel et de spontanéité. Ses réponses étaient parfois extrêmement prolixes, hors de propos et évasives. En toute justice pour lui, les commissaires ont également perçu chez le revendicateur un sentiment de colère contenue qui s’explique peut‑être par une injustice dont il avait fait l’objet ou dont il se croyait victime. Compte tenu du témoignage volubile et pompeux du revendicateur, les commissaires ont jugé nécessaire d’établir une nette distinction entre la perception que le revendicateur avait de la réalité et la réalité objective lorsqu’ils ont évalué et soupesé son témoignage.

(Non souligné dans l’original.)

Le fait que ce soit exclusivement au tribunal à qui il appartient d’apprécier le témoignage du revendicateur est un principe qui, parfois, est martelé avec un zèle presque religieux.

[24]  Pour apprécier la crédibilité d’un témoignage, le tribunal peut évaluer le comportement général du demandeur lors de son témoignage. Pour ce faire, le tribunal examine la façon dont le témoin répond aux questions, sa physionomie, le ton de sa voix, les mouvements de son corps, son intégrité générale et son intelligence, de même que sa mémoire. L’interprétation du comportement de revendicateurs du statut de réfugiés ayant un bagage culturel différent peut toutefois soulever certains problèmes. En outre, des personnes qui ont été victimes de persécution peuvent avoir de la difficulté à témoigner.

[Caractères gras dans l’original.]

[34]  Avec égards, je ne suis pas convaincu que la SPR a agi de façon déraisonnable en prenant en considération le comportement et l’absence de remords du demandeur. Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle les conclusions de la SPR étaient plus nuancées que ne le laissait entendre le demandeur. La SPR a souligné non seulement que le demandeur n’avait exprimé aucun remords à l’égard de l’agression, mais aussi que son témoignage concernant [traduction] « d’autres infractions était aussi sans remords ». En ce qui concerne les autres infractions commises par le demandeur, la SPR a conclu que le demandeur [traduction] « attribuait son comportement violent à sa consommation d’alcool et n’assume aucune responsabilité à l’égard de ses actes ». Je crois respectueusement qu’il s’agit d’une évaluation juste du dossier.

[35]  Quoi qu’il en soit, la SPR n’est pas parvenue à la conclusion que le demandeur a commis le crime en question simplement sur la base d’une absence de remords. La SPR s’est également fondée sur le rapport du 28 octobre 2004 de l’agent de probation [rapport de probation], lequel mentionne que le service de police de San Diego avait rapporté ce qui suit sur le crime de droit commun :

[traduction]
Selon le rapport nº 99‑02020274 [du service de police de San Diego], le 27 mars 1999, le défendeur a été impliqué dans une agression. La victime a déclaré être membre d’une bande rivale et que neuf membres du gang des Holy Blood, dont le défendeur et deux de ses frères, l’avaient attaquée. Le défendeur conduisait la voiture qui a pourchassé la victime. Il a également été le premier à frapper la victime avec une chaise. Les autres assaillants ont jeté des bouteilles et des pierres à la victime, en plus de lui asséner des coups de pied. La victime a subi des blessures à la tête, au cou et à la colonne vertébrale. Selon les dossiers du shérif, le défendeur a passé six jours en prison après son arrestation menée en vertu d’un mandat dans cette affaire d’agression, en novembre 2002. Les dossiers du procureur de district montrent que les accusations criminelles ont été rejetées, en raison de « l’insuffisance de l’ensemble de la preuve ». Janice Deleon, procureure de district adjointe, a déclaré que c’est à cause de problèmes de témoin.

[36]  Dans sa décision, la SPR a répété presque mot à mot ce résumé tiré du rapport de police :

[traduction]
Les éléments constitutifs du crime

Le demandeur d’asile a commis des voies de fait sur la victime. La victime appartenait à une bande rivale. Le demandeur d’asile et huit autres individus soupçonnés de faire partie du gang des Holy Blood ont agressé la victime à l’aide d’objets et en l’assénant de coups de pied. La victime a subi des blessures à la tête, au cou et à la colonne vertébrale.

[37]  À mon avis, la SPR n’a rien fait de déraisonnable en acceptant les rapports de police et de probation et en s’y fiant, au détriment du témoignage direct du demandeur. La SPR avait déjà conclu que le demandeur n’était pas un témoin digne de foi. Elle a considéré, dans l’ensemble, les rapports de police et de probation comme des éléments de preuve documentaire fiables qui contredisaient la version des faits du demandeur selon laquelle il n’avait aucun lien avec des gangs et n’avait pas été impliqué dans l’agression de 1999 contre un membre d’une bande rivale. En outre, il est bien établi que l’appréciation et l’évaluation des éléments de preuve constituent l’essentiel de l’expertise spéciale de la SPR, comme la Cour l’a déclaré dans la décision Farah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 27, au paragraphe 9, citant la décision Khakimov c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 18, aux paragraphes 23 et 24 :

[23] [...] Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[24] La SPR peut tirer des conclusions sur la crédibilité fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, mais elle ne doit pas tirer de conclusions défavorables après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : Haramichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, citant Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11 [Lubana]; Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF nº 444. La SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles‑ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précitée, au paragraphe 10. La SPR peut également conclure à bon droit que le demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précitée, au paragraphe 9.

[38]  En outre, il convient de souligner que la SPR doit tirer des conclusions sans être « liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve », y compris, évidemment, celles qui s’appliquent dans une affaire criminelle. Voici le libellé de l’alinéa 170g) de la LIPR :

Fonctionnement

Proceedings

170 Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

170 The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

g) n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

(g) is not bound by any legal or technical rules of evidence;

C.  Prise en considération raisonnable de l’appartenance antérieure du demandeur à un gang

[39]  Le demandeur conteste également la conclusion de la SPR qui l’a désigné comme un membre de gang. Le demandeur a aussi laissé entendre qu’il existe une incohérence entre les éléments de preuve objectifs des services de police et de probation et que la SPR n’en a pas tenu compte.

[40]  En toute déférence, cet argument est dénué de fondement. La preuve contenue dans le rapport de probation – quant à l’appartenance du demandeur à un gang – provenait de deux sources. La première source était constituée de la base de données « Cal‑Gang » et d’un détective du service de police de San Diego avec qui l’agent de probation s’était entretenu. À cet égard, la preuve montre que, même si le nom du demandeur ne figurait pas dans la liste de la base de données « Cal‑Gang » lorsqu’on l’a consultée pour trouver l’agent de probation, il y avait déjà figuré, mais avait été effacé un mois plus tôt, parce que le demandeur n’avait pas eu de contacts avec des gangs depuis son arrestation et l’agression (pour le crime de droit commun), il y a environ cinq ans. La seconde source était une autre agente de police qui, en fait, faisait partie de l’équipe d’enquête sur les crimes de droit commun en 1999. Selon son témoignage, le demandeur était un membre établi du gang des Holy Blood au moment où elle avait lancé une recherche à son nom dans la base de données « Cal‑Gang ». Il n’y a pas d’incohérence et il n’y a pas d’erreur dans la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur – et je souligne le passé composé – [traduction] « est apparu dans la liste comme un membre établi du gang des Holy Blood lorsqu’on a consulté la base de données “Cal‑Gangs” ».

[41]  Le défendeur fait remarquer à juste titre qu’il y avait dans le dossier présenté à la SPR des éléments de preuve supplémentaires sur lesquels celle‑ci pouvait s’appuyer pour tirer ses conclusions. En plus du rapport de probation, le demandeur a été questionné en profondeur à l’audience au sujet de l’accusation d’avoir commis un crime de droit commun. Le demandeur a nié qu’il avait fait partie d’un gang et qu’il avait participé à l’agression contre un membre d’une bande rivale. Fait particulièrement important pour la SPR : le demandeur a même nié avoir connaissance de l’existence du gang des Holy Blood.

[42]  Toutefois, comme il a été mentionné, la SPR a conclu que le demandeur n’était pas digne de foi. Elle a conclu qu’il était invraisemblable que le demandeur nie catégoriquement qu’il avait appartenu au gang et qu’il ignorait même l’existence de ce gang :

[traduction]
J’accepte l’observation du ministre selon laquelle il est insensé et illogique que le demandeur d’asile puisse mener ses activités librement dans une zone contrôlée par un gang. Au moment d’être appréhendé, il portait un chandail ou une chemise rouge – la couleur du gang des Holy Blood. Une personne portant la couleur du gang dans ce territoire s’exposerait à une attaque grave, voire fatale.

Selon les résultats d’une recherche dans la base de données « Cal‑Gang », le demandeur d’asile est un membre établi du gang des Holy Blood. La désignation faite par le service de police de San Diego, qui, j’en conviens, démontre dans l’ensemble que le service de police était convaincu que le demandeur d’asile répondait aux critères d’inclusion de la base de données sur les gangs, en plus des autres facteurs à considérer dans la présente analyse, fournit à mon avis des raisons fiables pour conclure qu’il était plus probable que le contraire que la désignation était raisonnablement fondée.

J’estime que les renseignements policiers présentés en preuve sont fiables, selon la prépondérance des probabilités, quant à la demande d’exclusion.

Je conviens également que l’appartenance à un gang criminel constitue un facteur aggravant. En l’espèce, les éléments de preuve montrent qu’une escouade policière antigang a rapporté que le gang des Holy Blood est un gang de rue criminel dont de nombreuses caractéristiques et éléments d’identification portent à croire qu’il se livre à des actes criminels.

Les rapports de police et de probation font état d’un comportement violent et enragé chez le demandeur d’asile. Bien que le demandeur d’asile ait témoigné au sujet de sa consommation d’alcool et des programmes de réadaptation vers lesquels il a été aiguillé, rien n’indique qu’il ait été ivre ou intoxiqué d’une quelconque façon durant l’incident de 1999. Son comportement est caractérisé par des accès de colère violente et de graves dérèglements, qui l’ont mené à des accusations et à des déclarations de culpabilité.

[43]  C’est dans le contexte de ce témoignage que la SPR s’est appuyée sur les rapports de police et de probation comme [traduction] « éléments de preuve documentaire fiables contredisant la version des faits du demandeur d’asile selon laquelle il n’avait aucun lien avec des gangs et n’avait pas été impliqué dans l’agression de 1999 contre un membre d’une bande rivale ». À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la SPR considérer que les rapports de police et de probation permettaient d’établir le bien‑fondé des allégations de fait. La SPR s’est fondée sur ces rapports parce qu’ils contredisaient le propre témoignage invraisemblable du demandeur, à savoir qu’il ignorait même jusqu’à l’existence du gang des Holy Blood. Dans ces circonstances, il était raisonnable pour la SPR de conclure que les rapports minaient la crédibilité du demandeur, faisant de lui un [traduction] « témoin peu fiable ». À mon avis, la SPR ne s’est pas appuyée indûment sur les rapports pour conclure au bien‑fondé des allégations de fait.

[44]  Enfin, le demandeur soutient que l’arrêt Vavilov a modifié le droit administratif de sorte que les tribunaux ont un fardeau plus élevé de veiller à ce que leurs motifs soient justifiés, intelligibles et transparents, non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet. Il constate cependant que ce changement n’a pas aidé le demandeur dans l’affaire Farrier. Je conviens que l’arrêt Vavilov souligne que la Cour doit examiner le raisonnement suivi en plus de l’issue des motifs au regard des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision. Je ne suis pas convaincu que cela change l’issue de la présente instance.

VIII.  Conclusion

[45]  En toute déférence, la décision de la SPR révèle une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. Je ne vois aucune lacune fatale dans le raisonnement. Comme il a été énoncé dans l’analyse ci‑dessus, je ne suis pas convaincu que les motifs ne respectent pas les contraintes factuelles et les principes juridiques applicables. En examinant la décision dans son ensemble et non dans l’optique d’une chasse au trésor à la recherche d’une erreur, et en portant une « attention respectueuse » au processus de raisonnement et à son résultat, j’estime que la décision est justifiée, transparente et intelligible. Elle est sensée. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

IX.  Question à certifier

[46]  Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier nº IMM‑4082‑19

LA COUR DÉCLARE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

« Henry S. Brown »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4082‑19

 

INTITULÉ :

MOHAMED ABDI HASHI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 FÉVRIER 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 26 FÉVRIER 2020

COMPARUTIONS :

Micheal Crane

Pour le demandeur

Nicole Rahaman

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.