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                                                                                                                                            Date: 20020816

                                                                                                                           Dossier :    IMM-1788-00

Référence Neutre: 2002 CFPI 874

Ottawa, Ontario, ce 16e jour de août 2002

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                                              B. M.

KR. M.

KA. M.

I. M.

A. M.

G. M.

                                                                                                                                - Partie demanderesse

                                                                                  et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                  - Partie défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE


[1]                 La cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié au sens de la Convention (la Section du statut) rejetant la demande du revendicateur B.M.[1], de son épouse G.M. et de leurs enfants Kr.M., Ka.M., I.M. et A.M. Les parents et les deux plus vieux enfants sont ressortissants de l'ancienne République de Yougoslavie; les deux plus jeunes enfants ont vu le jour aux États-Unis pendant que les parents y séjournaient. Leur demande de statut de réfugié ayant été refusée par les autorités américaines, la famille se présenta à la frontière canadienne pour réclamer le statut de réfugié le 5 mai 1999.

[2]                 B.M. est d'ethnie serbe tandis que son épouse G.M. est roumaine. B.M. allègue qu'il était impliqué dans l'opposition serbe au régime Milosévic, étant membre depuis le 15 janvier 1991 du parti SPO. Selon lui, il participa à de nombreuses manifestations ce qui aboutit à son arrestation le 5 mars 1991. Il fut emprisonné, torturé; on menaça de mort sa famille entière. Le 8 mai 1992, B.M., ancien militaire, fut enrôlé de nouveau aux forces armées serbes et subit une période d'entraînement supplémentaire de deux semaines pour le préparer pour la guerre en Bosnie. Puisqu'il s'opposait au nationalisme serbe et au régime en place, B.M. décida de fuir au lieu de participer à la guerre. Au mois de juillet 1992, il s'est rendu aux États-Unis tandis que sa femme et leurs enfants se sont réfugiés en Roumanie. Le 9 novembre 1992, G.M. et les enfants ont rejoints B.M. à Chicago. Ils ont revendiqué le statut de réfugiés aux États-Unis mais le 4 mai 1999, une ordonnance, qui faisait suite au refus de leur revendication, les obligeait de quitter le sol des États-Unis. Ils se sont rendus au Canada le lendemain pour éviter le retour forcé en Serbie.


[3]                 B.M. réclame le statut de réfugié alléguant une crainte de persécution à cause de son opinion politique, sa désertion des forces armées serbes et la crainte que sa famille soit assimilée aux ennemis de la Serbie suite au bombardement américain par l'OTAN, principalement par les américains. Notamment, le fait que ses deux enfants les plus jeunes soient détenteurs de passeports américains et ne parlent pas la langue serbe lui porte à croire que la famille ferait l'objet de mesures persécutrices de la part de la population serbe. En plus, G.M. allègue une crainte de persécution à cause de sa nationalité roumaine.

[4]                 La Section du statut a rejeté la demande des revendicateurs. Elle a décidé que B.M. n'était pas crédible quant à son implication avec ceux qui s'opposaient au régime parce qu'il n'a pas répondu convenablement à des questions sur la politique et l'histoire du S.P.O. En plus, la Section du statut trouva que B.M. aurait pu invoquer la loi d'amnistie en faveur de ceux qui ont refusé de faire leur service militaire avant 1997. En ce qui concerne la réaction du peuple serbe à l'égard de cette famille, la Section du statut ne pouvait que remarquer que B.M. avait envoyé un de ses enfants de citoyenneté américaine en Serbie pour une période de 5 mois, en 1996-1997, pour se faire baptiser. Cet enfant a séjourné en Serbie une deuxième fois pendant trois mois en 1997-1998. La Section du statut trouvait ceci incompatible avec la crainte de persécution de la famille à cause de leur séjour aux États-Unis. Finalement, le fait qu'ils aient attendus avant de réclamer le statut de réfugié en Amérique, et que G.M. n'ait jamais réclamé le statut de réfugié en Roumanie, portait la Section du statut a douter de leur crainte subjective de persécution.


[5]                 Les revendicateurs allèguent que la Section du statut s'est mépris sur le sens de leur revendication en ne tenant pas compte de l'effet du bombardement de la Serbie par les forces aériennes américaines, au nom de l'OTAN. Selon B.M., cette campagne aérienne a créé un climat d'hostilité envers ceux qui auraient un attachement quelconque aux États Unis. Toujours selon B.M., ses parents sont menacés parce leur fils est considéré américain et leurs petits enfants le sont de fait.

[6]                 B.M. trouve injuste que la Section du statut mine sa crédibilité en se fondant sur une loi qui est entrée en vigueur plusieurs années après qu'il ait quitté la Serbie et dont il n'avait pas connaissance. La preuve documentaire sur laquelle la Section du statut fonde ses conclusions démontre que la loi est appliquée de façon discrétionnaire et n'a pas d'application universelle quant à ceux qui ont quitté la Serbie pour éviter leur service militaire. En plus, l'analyse qu'a fait la Section du statut de son implication dans le S.P.O. ne correspondait pas aux faits ou interprétait les faits de façon a désavantager le revendicateur. En ce qui concerne l'élément objectif de leur crainte, les revendicateurs reprochent à la Section du statut d'appuyer ses conclusions sur une preuve documentaire antérieure au bombardement de la Serbie.


[7]                 La partie défenderesse soumet que le fait que la loi d'amnistie soit entrée en vigueur après le départ du revendicateur est sans pertinence puisque la crainte de persécution doit être évaluée au jour de l'audience et non au jour du départ. L'appréciation que la Section du statut a fait de la crédibilité de B.M. par rapport à son implication dans l'opposition n'a rien de déraisonnable. Le fait que B.M. ait envoyé sa fille qui détient un passeport américain séjourner en Serbie à deux occasions est incompatible avec une crainte de persécution, quoique ces séjours ont eu lieu avant le bombardement. Le témoin, M. Jovicic, convoqué par le revendicateur pour faire preuve des conditions actuelles en Serbie n'a pas appuyé ses arguments. Ce témoin, citoyen du Canada, a parlé des conditions qui affectaient la population entière. Il n'a eu aucune difficulté avec les nationalistes anti-américains. Finalement, la Section du statut était en droit de conclure à une absence de crainte subjective de persécution à partir du retard des revendicateurs de présenter leur demande de statut de réfugié aux États-Unis.

[8]                 Selon le revendicateur, sa demande de statut de réfugié, et celle de chaque membre de sa famille, doivent être appréciées dans le contexte qui existe à la suite du bombardement de la Serbie. Mais pour faire valoir ce point de vue, il incombait au revendicateur de faire la preuve que le bombardement a changé l'accueil à laquelle lui et sa famille pouvait s'attendre advenant leur retour en Serbie. Selon le revendicateur, ses parents se étaient menacés parce qu'on le croyait américain. Cette preuve dépend entièrement de la crédibilité du revendicateur. Il y avait aussi le témoignage de M. Dragisa Jovicic, un ami qui fut convoqué par le revendicateur. Il témoigna qu'il retourne en Serbie pour un mois par année depuis 1972, son dernier séjour étant du 15 septembre au 23 octobre 1999, soit après le bombardement. Quand on lui demanda ce qu'il a remarqué de différent lors de son dernier voyage, il répondit comme suit:

Q. While you were there during your last trip, what have you seen which were probably different from what was existing in the past?

A. Oh, bit [big?] difference. Last year was difference. Now is catastrophe. What they said NATO human catastrophe. The people have nothing. No job. They have no money. They just looking and ... And lots of immigrants from Bosnia, now from Kosovo, so many. And they cannot go back. Even the people have nothing to eat who is born there.

Q. What have you seen or what did you learn about maybe nationalist conflicts?

A. Nobody like anybody. They don't like immigrants. They came there, they have nothing to do. Everything is upside down. I couldn't live there. I was thinking to send my daughter, she says no, I will never go there anymore. My daughter is born here.

Q. Mr. Jovicic, what did you learn also regarding the feeling or what people think about American people, or American citizen.


A. Those people is friendly people but they said what they did that's not fair. Pull down for nothing to the innocent people. Even in the village, that village where his father made house, Ostronitsa, and they destroy all around.

...

Q. When you were there did you encounter any problems with nationalists?

A. No, no, you don't have problem with nationalist. Because I just bring my family some clothes and medicine what they need. There is no medicine. That's the problem. They need everything.

...

Q. When you say that you didn't feel or you didn't have any nationalist problem of what do you mean? Because as a Serb being in a Serb community I believe myself that you didn't have personally some problems, but what did you see if you were not a Serb?

A. That will be difficult. Difference, big difference. I didn't go around. I stay with my family in the village. But if you go in Belgrade, they don't like each other.

Q. Who doesn't like each other?

A. Nationalist. Somebody like one party and other one another party and they don't like you should. So I didn't go in city too much. I just stay around my family. Who is, for instance, not Serbian, they don't like him.

[9]                 Ce qu'on retient de ce témoignage est que la vie est difficile pour tous en Serbie à cause de la situation économique. La population trouve injuste la campagne de bombardement, mais le témoin n'a pas fait preuve d'une animosité générale envers les américains ou ceux ayant des liens avec les Américains. Les réfugiés ne sont pas bien reçus, mais même le témoin qui est serbe ne s'aventurerait pas hors de son village. Tout ceci pour dire qu'il n'y avait pas de preuve indépendante d'un sentiment général anti-américain qui pourrait se manifester en persécution de ceux ayant des liens avec les américains.

[10]            Il n'y avait donc pas de preuve, sauf les allégations du revendicateur, qu'il y avait un climat anti-américain qui se traduirait en gestes persécuteurs à l'égard de lui et de sa famille. Compte tenu du fait que la Section du statut a trouvé que le revendicateur n'était pas crédible, la revendication basée sur l'anti-américanisme de la population serbe n'avait aucun fondement.


[11]            En ce qui concerne l'appréciation de la crédibilité du revendicateur et de sa conjointe, il n'y avait rien de déraisonnable dans l'analyse de la Section du statut.

[12]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Si les parties désirent faire certifier une question, ils doivent la communiquer au greffe dans un délai de dix jours de la date de ces motifs. L'ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire sera rendue à la conclusion de ce délai.

  

                « J.D. Denis Pelletier »                               Juge                   


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                                  IMM-1788-00

INTITULÉ :                                                B. M., Kr. M., Ka. M., I. M., A. M., G. M.

                                                                      c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                       le 28 mars 2001

MOTIFS [De l'ordonnance ou du jugement] : l'Honorable Juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                              le 16 août 2002

   

COMPARUTIONS :

                                                              

Me Michel Le Brun                                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Me Patricia Deslauriers                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                  

Me Michel Lebrun                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Moris Rosenberg                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]À la demande du revendicateur, son nom et ceux des membres de sa famille ne paraîtront pas dans cette décision.

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