Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060321

Dossier : IMM‑1047‑05

Référence : 2006 CF 364

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

 

et

 

IVAN CADOVSKI

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Ivan Cadovski prétendait craindre la persécution, à la fois en Croatie et en Macédoine. Une formation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Commission au motif que la Commission ne s’est pas demandée si M. Cadovski était exclu du droit de demander l’asile. Le ministre fait valoir que la Commission a dérogé à un arrêt de la Cour d’appel fédérale qui l’oblige à considérer d’abord les points se rapportant à l’exclusion du droit de demander l’asile. Ce n’est que si elle juge que le demandeur d’asile n’est pas exclu de ce droit qu’elle peut alors considérer le bien‑fondé de la demande (Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, [2004] A.C.F. n° 1142 (C.A.F.) (QL)).

 

[2]               Je partage l’avis du ministre selon lequel la Commission a commis une erreur de droit; je dois donc accueillir cette demande de contrôle judiciaire.

 

I.  Point litigieux

 

[3]               La Commission a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas tenue, selon l’arrêt Xie de la Cour d’appel fédérale, de dire, avant de statuer sur le bien‑fondé d’une demande d’asile, si l’auteur de la demande est admissible à une protection?

 

II.  Analyse

 

[4]               Je ne puis infirmer la décision de la Commission que si j’arrive à la conclusion qu’elle a commis une erreur de droit.

 

[5]               Selon l’arrêt Xie de la Cour d’appel fédérale, précité, la Commission doit décider, avant de se prononcer sur le bien‑fondé d’une demande d’asile, les points intéressant l’exclusion possible de l’auteur de la demande. La Cour a relevé que, lorsque la Commission juge qu’un demandeur d’asile est exclu de la protection accordée aux réfugiés, il n’y a plus rien qu’elle puisse faire ou doive faire pour lui. Les recours restants du demandeur d’asile sont du ressort du ministre et non de la Commission (arrêt Xie, précité, au paragraphe 38).

 

[6]               En l’espèce, M. Cadovski aurait été membre de l’armée croate en 1992 et en 1993. Le ministre a donc fait valoir devant la Commission qu’il n’était pas admissible à une protection en tant que réfugié au Canada, et cela en vertu de la section Fa) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 189 R.T.N.U. 150, et en vertu de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. C‑27 (la LIPR) (les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe). La section Fa) de l’article premier de la Convention prévoit ce qui suit :

F.      Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a)      qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.

 

 

 

[7]               La Commission a conclu que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale ne s’appliquait pas lorsque (comme c’est le cas ici) le demandeur d’asile présentait une revendication à l’encontre d’un second pays, non rattaché aux présumés motifs d’exclusion (soit la Macédoine), ou lorsque (comme c’est le cas ici) le demandeur d’asile n’avait pas prouvé qu’il serait persécuté dans ce pays. Je ne vois aucun fondement dans la conclusion de la Commission. Il n’est écrit nulle part dans l’arrêt Xie de la Cour d’appel fédérale que cet arrêt ne vise pas les cas où la revendication d’un demandeur d’asile intéresse deux pays. La Cour soulignait que la Commission doit d’abord dire si un demandeur d’asile est exclu de la protection, et cela parce qu’elle est investie d’une compétence exclusive en cette matière. De plus, si elle juge que le demandeur d’asile est exclu de la protection, il ne lui est pas nécessaire de statuer sur d’autres aspects. Il reviendra alors au ministre de dire si le demandeur d’asile est fondé à une protection selon les alinéas 112(3)c) et d) de la LIPR, lesquels s’appliquent expressément aux personnes jugées non admissibles à la protection des réfugiés, et qui sont plus étroits que les dispositions applicables aux personnes qui n’ont pas été jugées telles.

 

[8]               À mon avis, la Commission a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement l’arrêt Xie de la Cour d’appel fédérale; je dois donc faire droit à cette demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé que soit certifiée une question de portée générale, et aucune question de ce genre n’est certifiée.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à la Commission pour nouvelle audition devant une autre formation;

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. C‑27

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c‑27

 

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

  98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

  98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection

 

Demande de protection

Application for protection

  112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

  112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

[…]

 

[…]

 

Restriction

Restriction

    (3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

    (3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

[…]

 

[…]

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention;

 

Examen de la demande

Consideration of application

  113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

  113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1047‑05

 

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                            c.

                                                            IVAN CADOVSKI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 12 JANVIER 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

                                                                              Deborah Drukarsh  POUR LE DEMANDEUR

 

Non représenté                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

                                                                             

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

Non représenté                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

tOTTT

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.