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     Date : 19990211

     Dossier : T-1569-98

ENTRE :

     SHAW HUA HSU,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATON,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE



LE JUGE CAMPBELL

[1]      La décision que je rends dans la présente demande de contrôle judiciaire est conforme aux conclusions interprétatives auxquelles je suis parvenu dans l'affaire MCI c. Wing Tung Thomas Yeung (C.F. 1re inst., no T-1256-98, décision rendue le 3 février 1999)1.

[2]      Dans la présente espèce, le demandeur soutient qu'il a fait valoir des arguments irréfutables au juge de la citoyenneté quant à l'établissement et au maintien d'une résidence. Je suis d'accord avec lui. Le juge de la citoyenneté ne lui a toutefois pas attribué la citoyenneté.

[3]      Pour appliquer le critère approprié, le juge de la citoyenneté a mis l'accent sur les absences du pays du demandeur et y a attaché beaucoup d'importance. Il n'est pas contesté que le demandeur a été présent 265 jours et absent 1 152 jours, de sorte qu'il lui manquait 830 jours durant la période de 1 095 jours prescrite à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. L'importance que le juge de la citoyenneté a accordée à la preuve dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ne me paraît pas erronée. Par contre, en ce qui concerne les absences, le juge de la citoyenneté a fait la déclaration suivante :

     [traduction] Quand on examine les périodes d'absence du Canada, on s'aperçoit que vos jours d'absence ont été sept fois plus nombreux que vos jours de résidence au Canada en raison de la nature de votre entreprise. [Non souligné dans l'original.]

[4]      Il est acquis que, dans les faits, les jours d'absence du demandeur ont été seulement cinq fois plus nombreux que ses jours de résidence au Canada en raison de la nature de son entreprise. La question est la suivante : quelle importance devrait-on accorder à cette erreur? À mon avis, il s'agit d'une erreur fondamentale dans l'interprétation de la preuve et cette erreur est telle qu'elle a peut-être faussé l'état d'esprit du décideur, ce qui est manifestement injuste pour le demandeur. Pour ce motif, la décision du juge de la citoyenneté devrait être annulée.

[5]      Par conséquent, je fais droit à l'appel.

[6]      Je ne rends pas d'ordonnance sur les dépens.


                                 (S) " Douglas Campbell "

                                         Juge




Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 10 février 1999




Traduction certifiée conforme


Marie Descombes, LL.L.



1.      [1]      Je souscris à la décision rendue par le juge Rouleau dans l'affaire MCI c. Hin Keung Hung (C.F. 1re inst., no T-1345-98, en date du 21 décembre 1998), à savoir qu'en vertu des nouvelles règles, les appels en matière de citoyenneté ne sont plus des procès de novo et, partant, sont régis par le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. À cet égard, la Cour doit avoir relevé une erreur susceptible de révision pour annuler la décision d'un juge de la citoyenneté. En dehors des erreurs de droit manifestes, lesquelles sont rares, les appels en matière de citoyenneté en vertu des nouvelles règles reposent sur l'alinéa 18.1(1)d), au sujet duquel le juge Rouleau a déclaré au par. 4 de l'affaire Hung :
         L'alinéa 18.1(4)d) codifie la façon dont les cours de justice envisagent les conclusions de fait tirées par les tribunaux administratifs. Dans l'arrêt Kibale c. Transports Canada (1988), 90 N.R. 1 (C.A.F.) (autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée (1989), 101 N.R. 238 (C.S.C.)), le juge Pratte a déclaré, à la p. 4, que " même si la Cour est convaincue qu'une décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, elle ne peut intervenir à moins qu'elle ne soit également d'avis que le tribunal inférieur, en tirant cette conclusion, a agi de façon absurde, arbitraire ou sans égard à la preuve ". Non seulement la conclusion de fait doit avoir été tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans égard à la preuve soumise à l'arbitre, mais la Cour doit également tirer pareille conclusion pour pouvoir intervenir en vertu de l'alinéa 18.1(4)d ).
     [2]      La question litigieuse en l'espèce consiste à savoir si le juge de la citoyenneté a correctement interprété les dispositions de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), dont voici le libellé :
         5.(1)      Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :
         a)      en fait la demande;
         b)      est âgée d'au moins dix-huit ans;
         c)      a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :
             (i)      un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent,
             (ii)      un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;
         d)      a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;
         e)      a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;
         f)      n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20. [Non souligné dans l'original.]
     [3]      Les juges de la Cour divergent d'opinion sur l'interprétation qu'il convient de donner de la condition en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c). Les motifs prononcés par le juge Thurlow dans l'affaire Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, à la p. 214, me paraissent convaincants et, partant, j'accepte que le critère à appliquer est le suivant :
         Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu cela dépend [traduction] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".
     [4]      D'après l'affaire Re Papadogiorgakis, il me paraît clair que pour satisfaire à la condition en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, une personne doit avoir un " foyer établi " au Canada et ne doit pas cesser d'y résider. Toutefois, toujours selon le raisonnement du juge Thurlow, la période de 1 095 jours durant laquelle une personne doit avoir résidé au Canada avant la date de sa demande de citoyenneté, suivant l'alinéa 5(1)c ), n'est pas une norme rigide.
     [5]      S'agissant de décider si une personne a établi son foyer au Canada ou, dans l'affirmative, cesse d'y résider, je souscris entièrement au point de vue exprimé par le juge Dubé dans l'affaire Re Banerjee (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), à la p. 238 :
         Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce. C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée. Aucun élément particulier, ni aucun nombre d'éléments, ne saurait être déterminant dans quelque cas que ce soit [...] La durée des absences en soi n'est pas déterminante. Toutefois, lorsque l'on considère l'ensemble des circonstances qui entourent ces absences, leur durée peut constituer un facteur d'appréciation de la qualité de l'attachement au Canada de la personne en cause [...] [Renvois omis.] [Non souligné dans l'original.]

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-1569-98

INTITULÉ :                      SHAW HUA HSU

                         - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 11 février 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE CAMPBELL

en date du 11 février 1999



COMPARUTIONS :

     Me Andrew Wlodyka              pour le demandeur


     Me Brenda Carbonell              pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Me Andrew Wlodyka              pour le demandeur

     Wong & Associates

     Vancouver (C.-B.)


     M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

     Sous-procureur général

     du Canada

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