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Date : 20040224

Dossier : IMM-1771-03

Référence : 2004 CF 272

Ottawa (Ontario), le 24 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                           JOSE RICARDO SANDOVAL ALEMAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Gudrun St-Hilaire (l'agente), datée du 28 février 2003 (la décision), qui a rejeté la demande de M. Jose Ricardo Sandoval Aleman (le demandeur) d'être dispensé de l'application des prescriptions de la loi pour que sa demande de résidence permanente puisse être traitée à partir du Canada pour des raisons d'ordre humanitaire.


LE CONTEXTE

[2]                Le demandeur est né le 15 novembre 1967 et il est un citoyen du Salvador.

[3]                En décembre 1987, il s'est enrôlé dans l'armée salvadorienne alors que la guerre civile faisait rage au Salvador. Il a reçu un entraînement de base brutal et traumatisant. Il a ensuite reçu une formation d'opérateur radio. Ses fonctions consistaient à transmettre des renseignements entre les bases militaires.

[4]                En novembre 1988, le demandeur a déserté l'armée salvadorienne après avoir fait défaut de rentrer à la base à temps. Il a déserté parce qu'il craignait d'être sévèrement puni s'il regagnait sa base en retard.

[5]                Après sa désertion, le demandeur craignait pour sa vie au Salvador. Il savait que s'il était capturé par les guérilleros, il risquait d'être tué pour avoir servi dans l'armée, et que si l'armée le retrouvait, il serait torturé et tué pour association avec les guérilleros. Il a décidé de quitter le Salvador pour sa propre sécurité.


[6]                Il s'est rendu au Canada, où il a revendiqué le statut de réfugié le 2 mai 1989. Le 18 mai 1989, il a déposé un formulaire de renseignements personnels (FRP) auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Suite à son audience qui a eu lieu le 9 août 1989, le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu dans une décision datée du 16 août 1989.

[7]                Lors de son audience sur le statut de réfugié, le demandeur a déclaré qu'au cours de son service militaire, il avait été envoyé [Traduction] « battre et importuner des gens » . Il a aussi fourni des détails au sujet de deux incidents au cours desquels il avait battu et blessé des civils. Il affirme toutefois que ce n'était pas vrai. Il affirme qu'il n'a jamais tué ou blessé qui que ce soit au cours de son service militaire. Malheureusement, il a été mal conseillé avant le dépôt de sa revendication du statut de réfugié. On lui a dit que, pour obtenir gain de cause, il devait dire qu'il avait commis des actes répréhensibles alors qu'il était soldat car sinon personne ne croirait qu'il avait réellement été dans l'armée. Le demandeur affirme qu'il a suivi ce conseil et qu'il a affirmé qu'il avait maltraité quelques personnes alors qu'il était soldat, même si cela n'était pas vrai. Ces éléments d'information ne lui ont cependant pas nui lors de son audience sur le statut de réfugié, car le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu.

[8]                Après la reconnaissance de son statut de réfugié, le demandeur pensait que tout était terminé. Ce n'est qu'en 1992 qu'il a compris la nécessité de demander la résidence permanente. Dans l'intervalle, il s'était écoulé trois ans depuis son audience sur le statut de réfugié et il ne se souvenait pas très bien de ce qu'il avait dit lors de l'audience.


[9]                Il a rempli sa demande de résidence permanente avec l'aide d'un employé d'un organisme d'aide aux immigrants. Lorsqu'il est arrivé à la question de savoir s'il avait déjà commis un crime contre l'humanité, comme le meurtre ou la torture, le demandeur s'est rappelé qu'il avait dit quelque chose lors de son audience sur le statut de réfugié au sujet de blessures infligées à des gens, mais sans se rappeler avec précision ce qu'il avait dit. Il estimait qu'il devait être conséquent avec l'histoire qu'il avait racontée, sinon il aurait des problèmes. Il a donc dit à l'homme qui l'aidait qu'il avait tué des gens alors qu'il était soldat, parce que c'est ce qu'il se souvenait avoir dit lors de l'audience sur le statut de réfugié. L'homme a écrit cela sur son formulaire de demande de résidence permanente et le demandeur l'a signé. Toutefois, il affirme maintenant que ce n'était pas vrai.

[10]            En 1995, le demandeur a été convoqué à une entrevue avec un agent d'immigration. Il n'a pas compris quel était le but de cette entrevue et il pensait avoir été convoqué pour se voir remettre ses documents de résidence permanente. Le but de l'entrevue était cependant de l'interroger au sujet de la déclaration qu'il avait faite dans sa demande selon laquelle il avait tué des gens.

[11]            Dans l'intervalle, il s'était passé six ans depuis l'audience du demandeur sur le statut de réfugié et trois ans depuis qu'il avait rempli sa demande de résidence permanente. Il ne pouvait pas se rappeler clairement ce qu'il avait dit à l'une ou l'autre de ces occasions. Il avait cependant toujours à l'esprit qu'il devait s'en tenir à l'histoire, quelle qu'elle soit, qu'il avait racontée comme quoi il avait commis des actes répréhensibles contre des gens alors qu'il était dans l'armée.

[12]            Lorsque l'agent d'immigration a commencé à l'interroger, le demandeur croyait que les papiers qu'il avait devant lui contenaient tous les renseignements concernant ce qu'il avait dit auparavant. Il estimait donc qu'il devait suivre tout ce que disait l'agent et admettre les actes que l'agent mentionnait, afin que son histoire soit cohérente. À mesure que l'agent interrogeait le demandeur avec un certain nombre de questions, celui-ci lui répondait ce qu'il pensait que l'agent voulait entendre. Lorsque l'agent lui demandait des détails, il les lui fournissait en se basant en partie sur les histoires que d'autres gens lui avaient racontées au Salvador et en partie sur ce qu'il avait vu à la télévision. Lors de cette entrevue, et lors de celle qui a suivi, le demandeur a dit à l'agent d'immigration qu'il avait battu et tué des gens. Il a également dit qu'il avait placé une bombe qui avait explosé et tué quelqu'un et qu'il avait fait sortir une voiture de la route. Toutefois, il affirme maintenant qu'il a raconté des mensonges à l'agent et qu'il n'a jamais rien fait de tout cela.

[13]            En novembre 1998, le demandeur a reçu l'ordre de se présenter à une enquête devant un arbitre de l'immigration en vue de déterminer s'il était une personne non admissible au Canada en tant que personne visée à l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration (c'est-à-dire en tant que personne dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elle a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité).


[14]            Lors de cette enquête, le demandeur a affirmé qu'il avait finalement dit la vérité concernant ses activités militaires : qu'il n'avait jamais tué ou blessé qui que ce soit et que les renseignements qu'il avait fournis dans sa demande de résidence permanente et au cours de son entrevue avec l'agent d'immigration n'étaient que des mensonges. Toutefois, aucun élément de preuve (comme une évaluation psychologique ou une autre preuve d'expert) n'a été présenté pour justifier ces affirmations. Le demandeur n'a pas été en mesure d'expliquer à l'arbitre pourquoi il avait menti à ce sujet-là. Il affirme qu'il ne comprend pas très bien lui-même.

[15]            Le 11 janvier 1999, l'arbitre a rendu sa décision selon laquelle le demandeur n'était pas admissible au Canada en tant que personne visée à l'alinéa 19(1)j). Dans ses motifs, il a déclaré qu'il n'avait pas cru le témoignage que le demandeur avait donné lors de l'enquête, mais qu'il croyait les éléments de preuve qu'il avait fournis dans sa demande de résidence permanente et lors des deux entrevues avec un agent d'immigration.

[16]            Le ministre de l'Immigration a alors entrepris des démarches pour retirer au demandeur son statut de réfugié au sens de la Convention dans le but de le renvoyer du Canada. Le ministre a d'abord présenté une demande visant à ce qu'il soit déclaré rétroactivement que la revendication du statut de réfugié du demandeur était irrecevable. Cette demande a par la suite été retirée.

[17]            En invoquant qu'il avait fait de fausses déclarations au sujet des faits en cachant son implication dans les raclées et les meurtres de civils dont il avait parlé à l'agent d'immigration, le ministre a alors présenté une demande à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été accordée au demandeur.


[18]            La demande du ministre a été entendue les 3 et 4 avril 2001 par un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié composé de trois membres. Lors de cette audience, le demandeur a témoigné et il a admis avoir fourni de faux renseignements lors de son audience sur le statut de réfugié. Toutefois, contrairement aux allégations du ministre, il affirme que la fausse déclaration qu'il a admise a été faite par commission, plutôt que par omission. Le demandeur n'a pas omis de renseignements concernant les actes qu'il avait commis au Salvador, mais ceux qu'il avait donnés comprenaient des renseignements qui n'étaient pas vrais sous forme de déclarations selon lesquelles il avait battu des gens. Une expertise psychologique a été présentée pour expliquer pourquoi il était plausible que le demandeur ait menti lorsqu'il a affirmé avoir commis les actes qu'il a décrits.

[19]            Dans son témoignage à l'audience, le demandeur a confirmé que les renseignements selon lesquels il était membre de l'armée salvadorienne, qu'il avait déserté cette armée en 1988 et qu'à la suite de sa désertion, il craignait d'être persécuté au Salvador, tant par l'armée que par les guérilleros, étaient tous vrais.


[20]            Le 11 mai 2001, le tribunal a décidé de faire droit à la demande présentée par le ministre en vue de faire annuler la reconnaissance du statut de réfugié qui avait été accordée au demandeur. Le tribunal a conclu qu'il avait commis des crimes contre l'humanité et il n'a pas cru son témoignage suivant lequel il avait menti lorsqu'il avait relaté ces faits. Le témoignage de l'expert a été rejeté. Le demandeur continue cependant de prétendre qu'il n'a jamais tué ou blessé personne au Salvador et qu'il n'a certainement jamais posé quelque acte que ce soit ressemblant à un crime contre l'humanité. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été présentée, mais elle a été rejetée.

[21]            Entre-temps, le demandeur avait passé de nombreuses années au Canada et il avait très bien réussi son installation au pays. En septembre 1990, il a commencé à vivre en union de fait avec Mme Irma Patricia Barillas-Solis, une citoyenne canadienne, et ils se sont mariés le 13 août 1993. Ils ont trois enfants nés au Canada : Jose Alejandro, né le 29 septembre 1990; Leslie, née le 3 septembre 1991 et Evelyn, née le 8 avril 1999.

[22]            Les enfants du demandeur sont citoyens canadiens et n'ont jamais vécu ailleurs qu'au Canada. Ses deux plus vieux fréquentent l'école et réussissent bien. Ils ont des amis et de la famille au Canada auxquels ils sont attachés. Les enfants du demandeur seraient tous terrassés si celui-ci devait quitter le Canada et être séparé d'eux. Ils seraient également terrassés s'ils devaient quitter leur domicile, leur école, leurs amis et les membres de leur famille ici pour aller vivre à un endroit qui ne leur est pas familier.

[23]            Si le demandeur doit quitter le Canada, avec ou sans ses enfants, le niveau de vie des enfants sera réduit de façon draconienne parce que le demandeur ne sera plus là pour subvenir à leurs besoins et qu'il ne sera pas en mesure de gagner suffisamment d'argent pour subvenir d'une manière significative à leurs besoins au Salvador en raison des conditions économiques qui prévalent dans ce pays.


[24]            Tout au long des quatorze années qu'il a passées au Canada, le demandeur a eu une bonne conduite, a conservé un emploi stable et a travaillé fort pour subvenir aux besoins de sa famille et pour être un membre productif de la société.

[25]            Le demandeur et sa famille participent activement aux activités d'une église et ils ont de nombreux amis qui les appuient dans la collectivité. Il a également quatre frères et soeurs vivant au Canada.

[26]            En juillet 2002, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire en invoquant l'ensemble des facteurs déjà mentionnés.

[27]            Le 3 mars 2003, l'agente a envoyé au demandeur une lettre, datée du 26 février 2003, dans laquelle elle a refusé sa demande en raison de l'insuffisance de motifs d'ordre humanitaire pour justifier une dispense de l'application des prescriptions de la loi selon lesquelles il doit faire sa demande de résidence permanente depuis l'étranger. Aucun motif n'a été fourni à l'appui de cette décision à l'époque.

[28]            Le 6 avril 2003, le demandeur a reçu une copie des motifs écrits de l'agente.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[29]            Le paragraphe 11(1) de la LIPR exige d'un étranger qu'il demande le visa et les autres documents requis par règlement préalablement à son entrée au Canada.

[30]            Le paragraphe 25(1) de la LIPR permet cependant au ministre d'octroyer à un étranger le statut de résident permanent ou de lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire le justifient. Le paragraphe 25(1) de la LIPR constitue un moyen additionnel et spécial d'obtenir une dispense d'application des lois canadiennes sur l'immigration, lesquelles sont par ailleurs d'application universelle.

[31]            Le paragraphe 320(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit ce qui suit :


2) La personne qui, à l'entrée en vigueur du présent article, avait été jugée appartenir à une catégorie visée à l'un des alinéas 19(1)j) et l) de l'ancienne loi est interdite de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

2) A person is inadmissible under the Immigration and Refugee Protection Act on grounds of violating human or international rights if, on the coming into force of this section, the person had been determined to be a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(j) or (l) of the former Act.



LES QUESTIONS EN LITIGE

[32]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

L'agente a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas suffisamment compte de l'intérêt supérieur des enfants du demandeur, en ce que l'agente n'a pas fait une analyse suffisante au soutien de la décision de conclure que les facteurs défavorables l'emportaient sur les nombreux facteurs favorables?

L'agente a-t-elle commis une erreur de droit en n'accordant pas suffisamment d'importance à la bonne conduite du demandeur au Canada et/ou en ne fournissant pas les motifs au soutien de la décision selon laquelle la simple commission d'actes reprochés l'emportait sur l'ensemble des autres facteurs examinés?

ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de l'agente?


[33]            La Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. no 39 (QL), que la norme de contrôle appropriée applicable dans le cas d'une demande de dispense de l'application des prescriptions de la loi pour des raisons d'ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[34]            Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] A.C.S. no 17 (QL), 2003 CSC 20, la Cour suprême a affirmé que :

La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. [...] Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision [...].

Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. [...]

[Non souligné dans l'original]

[35]            La question que je dois trancher dans la présente demande est celle du caractère suffisant de l'analyse et des motifs fournis au soutien de la décision. Le demandeur admet que l'agente a énuméré les facteurs pertinents à la décision, mais il n'y a pas de véritable explication pourquoi le facteur relatif aux crimes contre l'humanité devrait l'emporter sur l'ensemble des autres facteurs qui favorisent le demandeur.

[36]            Les derniers paragraphes de la décision se lisent comme suit :

[traduction]

Tous les facteurs d'ordre humanitaire avancés par l'intéressé ont été examinés et pris en compte. Toutefois, la gravité des gestes qu'il a posés, en ce qu'il a commis des crimes contre l'humanité, l'emporte sur les facteurs d'ordre humanitaire.


La demande de dispense de l'application des exigences relatives au visa de résident permanent est refusée.

[37]            À mon avis, cette explication n'est pas suffisante pour satisfaire aux obligations générales que la jurisprudence de la Cour impose à l'agente, lesquelles consistent à fournir des motifs et la profondeur de l'analyse qui est requise lorsque les intérêts des enfants sont en cause (voir Koud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1237 (C.F. 1re inst.)).

[38]            L'arrêt Baker, précité, de la Cour suprême du Canada constitue l'arrêt-clé sur la question de fournir des motifs dans le contexte administratif. Je conclus que l'arrêt Baker n'énonce pas d'exigence claire à l'égard du raisonnement de type ou de nature spécifique qu'il convient de fournir dans des cas comme en l'espèce. L'arrêt Baker mentionne qu' « une forme quelconque de motifs écrits est requise » dans certaines circonstances selon les facteurs applicables comme l'importance de la décision pour l'individu.

[39]            Dans l'arrêt Baker, précité, au paragraphe 43, la juge L'Heureux-Dubé a déclaré ceci, au nom de la Cour suprême du Canada :


À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. [...] Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, [...], milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.

[40]            L'obligation d'équité procédurale a trait à deux considérations principales concurrentes qui entrent en jeu en l'espèce : celle de l'efficacité administrative par opposition au fait de permettre aux parties de constater que les questions pertinentes ont été minutieusement examinées.

[41]            La jurisprudence existante appuie le point de vue selon lequel le degré d'explication et d'analyse imposé par l'obligation d'équité procédurale est directement lié à l'importance de la décision pour le demandeur en cause. Des facteurs additionnels peuvent influer sur l'analyse ou le caractère suffisant du raisonnement, comme de savoir s'il existe un droit d'appel prévu par la loi. Après avoir examiné les parties pertinentes de la décision visée en l'espèce, il m'apparaît clairement qu'il s'agit d'une situation où des motifs écrits sont requis, mais la décision ne contient aucune analyse dont on pourrait raisonnablement déduire qu'elle constitue des « motifs écrits » .

[42]            Les insuffisances de la décision à cet égard constituent une erreur susceptible de révision.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                  « James Russell »             

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    IMM-1771-03

INTITULÉ :                                    JOSE RICARDO SANDOVAL ALEMAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONANCE :                                       LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 24 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Lorna K. Gladman                            POUR LE DEMANDEUR

Robert Drummond                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorna K. Gladman                            POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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