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Date : 20060324

Dossier : T-697-04

Référence : 2006 CF 379

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

BAYER AG, BAYER HEALTHCARE AG et

BAYER INC.

demanderesses

et

NOVOPHARM LIMITED et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.           APERÇU

[1]                En l'espèce, Bayer AG, Bayer Healthcare AG et Bayer Inc. (Bayer) sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm Limited (Novopharm) avant l'expiration du brevet canadien no 1,282,006 (le brevet 006). La demande est déposée en application du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets (la Loi) et de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).

[2]                La demande de Bayer vise à interdire au ministre d'accorder une autorisation qui permettrait à Novopharm de vendre une formulation intraveineuse du médicament Ciprofloxacin (Cipro). Bayer sollicite également une déclaration portant que l'avis d'allégation (AA) de Novopharm n'est pas valide et n'est pas conforme au Règlement.

[3]                Bayer a développé un médicament à base de Cipro, un antibactérien appartenant à la classe des fluoroquinolones prêt à être utilisé sous forme de solution pour injection ou pour perfusion. Le brevet canadien de ce médicament portait le numéro de brevet canadien 1,228,547 (le brevet 547) qui expirait le 17 février 2004.

[4]                Ce médicament comportait des effets physiologiques préjudiciables importants d'intolérance locale et de cristallurie rénale. Bayer a donc consacré deux ans à la recherche d'une solution aux effets négatifs de son médicament protégé par le brevet 547. Elle a alors développé un nouveau médicament qui ne possédait pas ces effets secondaires, le brevet 006, essentiellement par la découverte du juste équilibre entre les éléments clés du médicament du brevet 547. C'est ce nouveau médicament, plus précisément le brevet 006, qui fait l'objet du présent litige.

[5]                Novopharm allègue que le brevet 006 est invalide pour cause d'évidence (allégation largement abandonnée) et de double brevet relatif à une évidence (invention qui était déjà contenue dans un autre brevet). Elle fait également valoir que son médicament ne contreferait pas le brevet 006 de Bayer puisque le brevet 547 expiré enseignait ce que Novopharm se propose de faire. Novopharm affirme que la méthode qu'elle emploie est « vieille » et qu'elle peut donc invoquer le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette (défense Gillette). Elle soutient également que, s'il est allégué que le brevet 006 est un « brevet de sélection » , il ne satisfait pas aux exigences d'un brevet de sélection.

[6]                La nature du recours relatif à l'AC est résumée dans la décision Fournier Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 38 C.P.R. (4th) 297, 2004 CF 1718, aux paragraphes 6, 8 et 9 :

6.          Comme je l'ai déjà signalé, le recours à l'origine de la présente instance a été introduit en application du Règlement. Plusieurs arrêts de la Cour d'appel fédérale traite de l'historique de ce règlement et du régime qu'il établit, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre ces propos ici. Voir : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.); AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) 2000 CanLII 15586 (F.C.A.), (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.); Novartis AG et al. c. Abbott Laboratories Ltd. et al. 2000 CanLII 15585 (F.C.A.), (2000), 7 C.P.R. (4th) 264 (C.A.F.). Essentiellement, les questions de non-contrefaçon et de validité intéressant le titulaire d'un brevet (la première personne) et la personne sollicitant un AC du ministre (la deuxième personne) sont d'abord soulevées dans un avis d'allégation - que la seconde personne signifie à la première personne - dans lequel la seconde personne fait ses allégations et fournit un énoncé du droit et des faits invoqués à l'appui de celles-ci. La première personne peut s'opposer et demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à la seconde personne avant l'expiration du brevet.

8.          Le recours prévu à l'article 6 du Règlement n'est pas assimilable à une action par laquelle le tribunal est appelé à décider de la validité d'un brevet et à se prononcer sur la contrefaçon. Il s'agit d'une procédure de contrôle judiciaire expéditive, qui vise à faire déterminer s'il est loisible au ministre de délivrer l'avis de conformité demandé. Elle ne sert que des fins administratives : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.). Le tribunal doit déterminer si les allégations de la seconde personne sont suffisamment étayées pour justifier une conclusion, à des fins administratives (la délivrance d'un avis de conformité), portant que le brevet du demandeur ne serait pas contrefait si le produit de la seconde personne est commercialisé : Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) 1994 CanLII 3529 (F.C.A.), (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.).

9.          Du simple fait qu'il exerce le recours prévu à l'article 6, le demandeur peut obtenir l'équivalent d'une injonction interlocutoire sans avoir à satisfaire à l'un ou l'autre des critères qu'un tribunal appliquerait en temps normal avant d'interdire la délivrance d'un avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) 1998 CanLII 792 (S.C.C.), (1998), 80 C.P.R. (3d) 368 (C.S.C.); Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) 2001 CanLII 22096 (F.C.A.), (2001), 11 C.P.R. (4th) 539 (C.A.F.). Le Règlement autorise le tribunal à décider sommairement, sur le fondement de la preuve produite, si les allégations sont fondées. Le recours prévu à l'article 6 ne fait pas appel à la fonction juridictionnelle et la décision qui en résulte n'a pas l'autorité de la chose jugée. Le breveté n'est aucunement privé des recours qui lui sont normalement ouverts en vue de faire respecter ses droits. Si un examen au fond des questions de validité ou de contrefaçon est nécessaire, il pourra procéder suivant la voie ordinaire en introduisant une action : Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. 2001 CanLII 22156 (F.C.A.), (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. 2001 FCT 770 (CanLII), (2001), 14 C.P.R. (4th) 76 (C.F. 1re inst.), conf. par 2002 FCA 216 (CanLII), (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.); Novatis A.G. c. Apotex Inc. 2002 FCA 440 (CanLII), (2002), 22 C.P.R. (4th) 450 (C.A.F.).

[7]                La Cour peut interdire au ministre de délivrer un AC si le brevet 006 de Bayer est valide et si le médicament proposé par Novopharm aurait pour effet de contrefaire le brevet valide.

II.          FAITS

[8]                Comme il l'est indiqué, le Cipro est un médicament antibactérien que Bayer a utilisé dans son brevet 547 expiré le 17 février 2004. En l'espèce, le litige concerne la formulation de la solution employée pour administrer le Cipro. Le médicament peut être administré aux malades par voie orale ou par voie parentérale. Il est possible de l'administer de plusieurs façons par voie parentérale : dans une veine (en intraveineuse), dans un muscle ( en intramusculaire) ou sous la peau (par voie sous-cutanée).

[9]                Le brevet 006 vise une formulation parentérale du Cipro destinée à être administrée par perfusion intraveineuse, par opposition à l'administration par injection intraveineuse. Cette technique de perfusion s'appelle généralement le « goutte à goutte » , car le médicament est administré sur une plus longue période dans un plus grand volume de liquide, par comparaison avec la technique d'injection à l'aide d'une seringue.

[10]            La formulation de Novopharm est composée d'une solution pour perfusion de Cipro destinée à être administrée à partir de minisacs pour perfusion intraveineuse. Un volume de 100 ml de solution aqueuse de cette formulation contient 200 mg de Cipro, 64 mg d'acide lactique, 5 g de monohydrate de glucose et de l'acide chlorhydrique pour ajuster le pH.

[11]            Les revendications en litige relativement aux brevets 547 et 006 figurent dans le tableau suivant :

547

006

1.    Une solution d'un sel de l'acide lactique de la pipérazinyl-quinolone ou de l'acide pipérazaquinolone-carboxylique de formule générale I ou II [DIAGRAMME] qui, en outre, contient au moins un acide qui ne provoque pas de précipitation.

1. Une solution pour perfusion de l'acide 1-cyclopropyl-6-fluoro-1, 4-dihydro-4-oxo-7-(1-pipérazinyl)-quinoline-3-carboxylique (= ciprofloxacine) qui contient de 0,15 à 0,5 g du composé actif par 100 ml de solution aqueuse et une quantité d'acide, physiologiquement toléré, suffisante pour dissoudre le composé actif et pour stabiliser la solution et, le cas échéant, un ou plusieurs adjuvants de formulation.

3.    Une solution selon la revendication 1, qui contient le lactate de [ciprofloxacine] sous forme de sel de l'acide lactique.

3.    Une solution pour perfusion selon la revendication 1 qui contient de 0,015 à 0,5 g du composé actif par 100 ml de solution aqueuse et une quantité, suffisante pour dissoudre le composé actif et pour stabiliser la solution, d'un ou de plusieurs acides choisis parmi le groupe suivant : acide chlorhydrique, acide méthanesulfonique, acide propionique, acide succinique, acide glutarique, acide citrique, acide fumarique, acide maléique, acide tartrique, acide glutamique, acide glutonique, acide glucoronique, acide galacturonique, acide ascorbique, acide phosphorique, acide nitrique, acide acétique, acide malique, acide L-aspartique et acide lactique.

4.    Une solution selon la revendication 1, 2 ou 3 dont la concentration d'acide lactique varie de 0,1 à 90 %.

8.    Une solution pour perfusion selon la revendication 3 qui contient de 0,015 à 0,5 g de composé actif par 100 ml de solution aqueuse et jusqu'à 5,0 moles, par rapport à 1 mole du composé actif d'acide lactique.

5.    Une solution prête à l'emploi selon la revendication 1, 2 ou 3 dont la concentration d'acide lactique varie de 0,1 à 10 %.

9.    Une solution pour perfusion selon la revendication 8 qui contient de 0,015 à 0,5 g du composé actif et de 0,99 à 1,50 mole, par rapport à 1 mole du composé actif d'acide lactique.

6.    Une solution prête à l'emploi selon la revendication 1, 2 ou 3 dont la concentration d'acide lactique varie de 0,5 à 1,4 %.

10. Une solution pour perfusion selon la revendication 8 qui contient de 0,015 à 0,5 g du composé actif par 100 ml de solution aqueuse et de 1,12 à 1,24 mole, par rapport à 1 mole du composé actif d'acide lactique.

36. Utilisation d'une solution pour perfusion selon la revendication 1 pour le traitement thérapeutique des humains ou des animaux.

[12]            Une caractéristique essentielle du brevet 547 est que, en plus du sel de l'acide lactique de la substance active, la solution contient au moins un acide qui ne provoque pas de précipitation. L'acide supplémentaire stabilise la solution en maintenant sa cohésion et sa puissance. La stabilisation était un facteur clé pour Bayer dans le brevet 547. Une autre caractéristique essentielle était l'absence de toute relation entre une concentration spécifique de Cipro et la concentration d'acide lactique.

[13]            Bayer avait l'intention de donner, grâce au traitement visé par le brevet 547, « un bref traitement de choc » des infections bactériennes. Cependant, des études ont montré que les formulations intramusculaires ont causé des réactions indésirables chez les animaux; cette forme d'administration a donc été abandonnée.

[14]            Même si les résultats obtenus indiquent que l'injection intraveineuse du sel de l'acide lactique irritait les veines, cette formulation était stable, et des demandes pour la famille de brevets internationaux dont le brevet 547 (et le brevet 018 européen) ont été déposées. Cependant, un deuxième problème s'est posé, qui n'avait pas été prévu à la date d'antériorité de la demande du brevet 547, à savoir la formation de cristaux dans les reins (cristallurie) qui causent des lésions aux reins.

[15]            En raison de ces problèmes, la forme intraveineuse du brevet 547 projeté était en péril et un changement de formule était nécessaire. Plus de deux ans et de nombreuses expériences sur des animaux et des humains ont été consacrés à la recherche d'une solution et, ultimement, Bayer est arrivée à la formulation du brevet 006.

[16]            La caractéristique essentielle du médicament visée par le brevet 006 est sa tolérance physiologique, laquelle est obtenue en diminuant la concentration de Cipro et en imposant une gamme de concentrations d'acide lactique limitée par rapport au Cipro. La solution au problème physiologique était de trouver l'équilibre approprié entre le Cipro et l'acide lactique, en partie au moyen de la dilution.

[17]            Selon Novopharm, le brevet 547 enseignait que ce résultat peut être obtenu par dilution. Par conséquent, le brevet 006 n'est pas nouveau et le médicament de Novopharm fait appel à de « vieilles » informations contenues dans le brevet 547.

[18]            Comme dans tous les litiges en matière d'AC, la preuve a été présentée pour une large part par des experts appelés par les deux parties. Des commentaires concernant le témoignage de certains experts suivront; voici un bref résumé de la preuve des experts clés identifiés par les parties dans leurs arguments. D'autres témoins qualifiés ont comparu, mais leurs témoignages n'ont que confirmé la preuve présentée par d'autres témoins et, bien que je les aie examinés, il n'est pas nécessaire de les décrire dans la présente décision. Une liste complète des témoins est annexée aux présents motifs, à l'annexe A.

Experts de Bayer

M. George Michael Archieri est un médecin qui est actuellement autorisé à exercer sa profession dans le New Jersey. Il détient un doctorat en médecine du New York Medical College et est un consultant privé en recherche clinique

d'anti-infectieux et en développement de médicament. Il a travaillé pour Bayer et était responsable du contrôle et de la surveillance des épreuves cliniques menées sur les formulations orales et intraveineuses de ciprofloxacine.

Son mandat était de se rappeler tout ce qu'il connaissait sur le processus d'élaboration de la formulation intraveineuse de ciprofloxacine, particulièrement la façon dont les problèmes survenus lors de l'élaboration des formulations intraveineuses avaient été surmontés et la façon dont les solutions avaient été trouvées.

Voici ses conclusions :

·                     Le produit obtenu était une formulation intraveineuse de ciprofloxacine constituant une amélioration marquée par rapport aux formulations étudiées antérieurement en laboratoire et sur des humains.

·                     Le produit final qui a été approuvé et commercialisé est une formulation à 0,2 % de ciprofloxacine présentant un excès moindre d'acide lactique; ce produit et sa méthode d'administration représentaient une amélioration importante par rapport à la formulation précédente qui comportait une concentration de ciprofloxacine de 1 % dans un excès plus important d'acide lactique. Les changements pharmaceutiques apportés à ce dernier étaient innovateurs et utiles et représentaient les résultats de nombreuses expériences effectuées sur des animaux et sur des humains. De plus, le produit qui en découlait donnait aux médecins et aux malades un médicament efficace qui pouvait être administré plus sécuritairement et plus efficacement.

M. Peter Ball est un spécialiste des maladies infectieuses depuis plus de trente ans, spécialisé à la fois en médecine des adultes et en médecine pédiatrique. Il était expérimenté dans les infections des voies urinaires et il était bien informé des médicaments du genre quinolone.

Voici ses conclusions :

·                     La formulation intraveineuse de ciprofloxacine divulguée dans le brevet 006 n'est pas évidente, et une personne moyennement versée dans l'art n'aurait pas pu, directement et facilement, arriver à la formulation du brevet 006 à partir du brevet 547 et de l'état de la technique à la date de l'invention.

·                     En ce qui a trait au double brevet, les revendications du brevet 006 sont distinctes de celles du brevet 547. La solution aux problèmes de phlébite et de cristallurie n'aurait pas été évidente à une personne moyennement versée dans l'art, et les revendications du brevet 006 décrivent une innovation différente de celle exposée dans le brevet 547.

·                     Le brevet 006 ne décrit pas une simple dilution de l'invention visée par le brevet 547 mais plutôt une formulation améliorée.

Il prétend également qu'une personne moyennement versée dans l'art ne devrait pas être définie comme un simple formulateur.

M. John Raymond Evans est un consultant indépendant en recherche et développement pharmaceutiques, particulièrement dans les domaines de la préformulation, de la formulation et de la biopharmaceutique, et il agit à ce titre depuis 2001. De 1973 à 2001, il a été employé dans la Division des produits pharmaceutiques de l'ICI (AstraZeneca). Pendant ce temps, il a conçu diverses formulations expérimentales, y compris des formulations intraveineuses, pour satisfaire à la demande d'études toxicologiques, biologiques, pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, à court et à long terme. Il a occupé des postes allant d'expérimentateur principal à expert en biopharmaceutique, et, plus tard, il a effectué principalement des tâches de gestion. Ces antécédents sont importants, compte tenu des attaques de Novopharm sur l'importance à accorder à son témoignage.

Voici ses conclusions :

·                     Une personne moyennement versée dans l'art ne pourrait pas arriver directement et facilement à l'invention revendiquée dans le brevet 006, en se fondant sur la connaissance générale courante de la formulation pour perfusion et sur l'antériorité alléguée par Novopharm. Tous les documents de Novopharm, pris ensemble, ne renferment pas de données spécifiques et n'analysent, ne discutent ni même ne font état de problèmes d'innocuité qui amèneraient une personne moyennement versée dans l'art à explorer des solutions de formulation du type présenté dans l'invention du brevet 006.

·                     Le brevet 006 possède un caractère inventif par rapport au brevet 547. Dans le brevet 006, la concentration de ciprofloxacine a été diminuée, mais il ne s'agit pas simplement d'une dilution par rapport à l'invention visée par le brevet 547. La formulation décrite dans le brevet 006 n'est pas une formulation évidente qui repose sur les enseignements du brevet 547 ou de ses brevets étrangers correspondants, ou sur d'autres techniques antérieures sur lesquelles s'appuie Novopharm.

·                     Le brevet 006 est nouveau par rapport au brevet 547, et Novopharm ne met pas en pratique les « vieux » enseignements décrits dans le brevet 547.

·                     [traduction] « Je peux affirmer sans aucune hésitation que la formulation de Novopharm est visée par les revendications suivantes du brevet 006 : revendications 1-17, 19, 24, 25 et 36. »

La Dre Christine Ruhl-Fehlert est docteure en médecine vétérinaire. Elle a décrit brièvement les travaux et les études effectués pour résoudre les problèmes qu'entraîne l'utilisation du médicament visé par le brevet 547.

Experts de Novopharm

M. Patrick DeLuca est professeur à l'Université du Kentucky, au Départementdes sciences pharmaceutiques, et a occupéplusieurs postes en pharmacie et en chimie dans le secteur privé. Ses principaux centres d'intérêt en sciences pharmaceutiques sont la technologie pharmaceutique, les produits stériles et les systèmes d'administration par voie intraveineuse (tels qu'injections et perfusions). Il a donné son avis en tant qu'expert dans le domaine des formulations pharmaceutiques et, en particulier, les formulations pharmaceutiques administrées par voie parentérale (c.-à-d. les formes pharmaceutiques administrées par des voies autres que l'appareil gastro-intestinal).

Voici ses conclusions :

·                     Le brevet 547 et le brevet 006 s'adressent aux scientifiques en sciences pharmaceutiques qui formulent et, plus particulièrement, ceux qui formulent des solutions administrées par perfusion ou par injection.

·                     Les solutions administrées par perfusion décrites dans les revendications du brevet 006 sont les mêmes que les solutions administrées par perfusion revendiquées dans le brevet 547, et il n'y a rien dans les revendications du brevet 006 qui présente un caractère nouveau ou inventif par rapport aux revendications du brevet 547.

·                     La formulation de Novopharm est divulguée et enseignée dans le brevet 018.

·                     Une personne moyennement versée dans l'art, dans le contexte des brevets 006 et 547, est un formulateur pharmaceutique.

Le Dr Gideon Koren est un pédiatre et un professeur de médecine. Devant le problème de cristallurie chez les singes, il a conclu que la solution serait de diminuer la concentration de la substance active au-dessous de 1 %.

M. Leon Lachman, titulaire d'un doctorat, est un consultant independant et agit à ce titre dans divers domaines, y compris la recherche et le développement pharmaceutiques (comme la formulation de médicaments destinés à être administrés par voie parentérale), l'optimisation des formulations et des procédés, les systèmes de contrôle de la qualité, la qualification et la validation de procédés et de méthodes de laboratoire, le dépôt et la conformité à la réglementation, ainsi que la biopharmaceutique des médicaments stériles et non stériles. Il a acquis une expérience directe dans les domaines de la formulation, de la fabrication, des essais et de la qualification de médicaments injectables stériles ainsi que d'autres formes pharmaceutiques.

Voici ses conclusions :

·                     Les brevets 547 et 006 s'adressent à un formulateur. Ils décrivent la façon de préparer des solutions destinées à être administrées par perfusion et, en outre (en ce qui concerne le brevet 547), la façon de préparer des solutions destinées à être administrées par injection contenant de la ciprofloxacine. En conséquence, la personne moyennement versée dans l'art est un formulateur plutôt qu'un amalgame de personnes, comme l'a laissé entendre Bayer.

·                     Les revendications du brevet 006 ne contiennent rien d'inventif ou de nouveau par rapport à ce qui est revendiqué dans le brevet 547.

·                     La solution pour perfusion de 2 mg/ml de Novopharm est la même solution pour perfusion divulguée dans le brevet 018. En fabriquant ses solutions pour perfusion de 2 mg/ml, Novopharm ne fait que suivre l'exposé du brevet 018.

M. Samuel Yalkowsky est professeur de sciences pharmaceutiques au College of Pharmacy, à l'université de l'Arizona. On lui a demandé de reproduire ce qu'un formulateur ferait avec le brevet 547, en juillet 1983, pour formuler une solution destinée à être administrée par perfusion contenant 200 mg de Cipro. Il en a conclu que la plupart de ses propres solutions se rapprochaient d'au moins quelques-unes des solutions revendiquées dans le brevet 006.

[19]            Bayer a critiqué la preuve d'expert de Novopharm parce que trois des quatre témoins appelés sont versés dans l'art des formulations et l'autre est pédiatre. Elle affirme que ce choix d'experts constitue non seulement un mauvais classement du brevet 006 dans l'art des formulations, mais signifie également que les experts n'ont pas été en mesure de se pencher sur les aspects cliniques du brevet 006 -le problème de cristallurie rénale d'une part et l'efficacité du médicament d'autre part. Même le témoignage du Dr Koren (le professeur de pédiatrie) n'a pas été jugé convaincant sur la question des cristaux rénaux parce qu'il ne savait pas que le médicament en cause était le Cipro et qu'il n'avait jamais travaillé avec ce médicament auparavant.

[20]            Novopharm attaque les témoins des faits de Bayer, les Drs Ruhl-Fehlert, Serno et Archieri, parce qu'ils sont des employés de celle-ci, travaillant dans ses laboratoires sur le développement des solutions de perfusion de Cipro. Pour cette raison, ils ne constituent pas des [traduction] « personnes moyennement versées dans l'art » au sens où l'entend Novopharm.

[21]            Novopharm a fortement contesté le témoin expert de Bayer, John Evans, présenté à titre de personne versée dans l'art des formulations pharmaceutiques. Elle se fondait sur le fait que M. Evans n'a aucun diplôme universitaire (encore moins un doctorat ou une maîtrise, dont tous les autres témoins semblent être titulaires) et n'a jamais rédigé d'articles sur les formulations pharmaceutiques pour publication dans des ouvrages ou des revues médicales ou pharmaceutiques. Novopharm a précisé qu'elle ne contestait pas vraiment la crédibilité de M. Evans à titre d'expert, mais faisait plutôt valoir qu'il fallait accorder moins de poids à son témoignage en raison de l'absence de reconnaissance des milieux universitaires et professionnels.

[22]            Novopharm a critiqué l'expert de Bayer, le Dr Ball - médecin spécialisé en maladies infectieuses - en raison de sa relation avec Bayer depuis 1982, dans le cadre de laquelle il était rémunéré pour ses services professionnels. Elle conteste également le témoignage du Dr Ball parce qu'il ne possède aucune expertise comme spécialiste en élaboration de formules chimiques ni aucune expérience en rédaction de brevet. Pour cette raison, Novopharm fait valoir que la partie de son témoignage relative à l'interprétation des revendications devrait être rejetée - le Dr Ball n'étant pas une personne moyennement versée dans l'art.

[23]            Tous les témoins ont été reconnus comme experts. En l'absence de preuve directe du contraire, la Cour estime que leur témoignage était véridique. Plus précisément, la Cour rejette la suggestion selon laquelle, parce qu'un témoin est rémunéré pour donner son opinion d'expert ou parce qu'il entretient une relation à long terme avec une des parties, son témoignage est nécessairement d'une franchise discutable.

[24]            La difficulté à laquelle de nombreux témoins ont fait face était de s'imaginer ce qu'aurait fait une personne dans le passé sans avoir les connaissances actuelles. Cet exercice de spéculation ou d'opinion rétrospective doit être comparé à ce que les personnes « sur le terrain » ont réellement fait. De plus, le témoignage des personnes se livrant effectivement au genre d'activités en cause, la formulation, doit être préféré à celui des personnes qui ont étudié ce type d'activités, en ce qu'il reflète plus étroitement les réalités sur lesquelles porte l'opinion d'expert.

[25]            Dans l'ensemble, la Cour conclut que les témoignages de personnes telles que John Evans est convaincant, tout comme ceux des experts de Bayer qui ont travaillé directement sur le problème du brevet 547 et la solution apportée par le brevet 006. Cette preuve est claire, cohérente et fondée.

III.        QUESTIONS EN LITIGE

[26]            En l'espèce, les principales questions en litige sont les suivantes :

·                     le brevet 006 de Bayer est-il invalide pour cause de double brevet (évidence)?

·                     la formulation de Novopharm a-t-elle été enseignée ou trouvée dans le brevet 547, lui donnant ainsi le droit d'invoquer la « défense Gillette » ?

·                     le brevet 006 satisfait-il aux exigences spéciales du brevet de sélection?

[27]            Les parties ont soulevé la question du fardeau de la preuve, et la Cour examinera donc brièvement cette question, mais les questions en litige ne sont pas liées à ce sujet plus restreint. Les demanderesses ont été attaquées comme si le fardeau de preuve leur incombait entièrement sans égard pour la présomption de validité du brevet 006. J'analyserai plus à fond cette question dans la dernière partie des présents motifs.

IV.        ANALYSE

A.         Interprétation des revendications

[28]            Novopharm allègue que la lecture du brevet 547 enseigne le contenu exact du brevet 006. En d'autres termes, elle soutient que la position de Bayer consiste à limiter la portée du brevet 547 de façon à ce que le brevet 006 semble apporter quelque chose de nouveau. Novopharm prétend que Bayer rabaisse intentionnellement le brevet 547 dans le but de renforcer le brevet 006.

[29]            Il faut amorcer l'analyse des questions soulevées par les parties par l'interprétation des revendications en litige.

[30]            La primauté de la teneur des revendications et les principes d'interprétation sont bien énoncés dans l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024; (2001), 9 C.P.R. (4th) 168, aux pages 1043 et 1044 :

a)          La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.

b)          Le respect de la teneur des revendications favorise à son tour tant l'équité que la prévisibilité.

c)                  La teneur d'une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l'objet.

d)          Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s'en remettre à des notions imprécises comme « l'esprit de l'invention » pour en accroître l'étendue.

e)          Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l'invention sont essentiels, alors que d'autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :

(i)          en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art dont relève l'invention;

(ii)         à la date à laquelle le brevet est publié;

(iii)        selon qu'il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l'emploi d'une variante d'un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l'invention, ou

(iv)        conformément à l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu'un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;

(v)         mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l'intention de l'inventeur.

f)           Il n'y a pas de contrefaçon lorsqu'un élément essentiel est différent ou omis. Il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis.

[31]            La Cour suprême a de nouveau mis l'accent sur l'interprétation téléologique et la notion d' « esprit désireux de comprendre » dans l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067; (2001), 9 C.P.R. (4th) 129, aux pages 1093,1095 et 1096 :

c)          Selon la règle orthodoxe, un brevet [TRADUCTION] « doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre » , le juge Chitty dans Lister c. Norton Brothers and Co. (1886), 3 R.P.C. 199 (Ch. D.), à la p. 203. Un « esprit désireux de comprendre » prête nécessairement une grande attention au but et à l'intention de l'auteur.

[...]

g)          Même si elle est une appellation qui a été appliquée à l'interprétation des revendications par l'arrêt Catnic, précité, l' « interprétation téléologique » elle-même est fort compatible, selon moi, avec ce que le juge Dickson avait affirmé, l'année précédente, dans l'arrêt Consolboard, précité, au sujet de l'interprétation des revendications (aux pp. 520 et 521) :

Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement (Noranda Mines Limited c. Minerals Separation North American Corporation, [1950] R.C.S. 36), sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n'est pas le moment d'être trop rusé ou formaliste en matière d'oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dans l'arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c. Baldwin International Radio of Canada, [1934] R.C.S. 570, à la p. 574 : [TRADUCTION] « quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l'inventeur l'exclusivité de ce qu'il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet » .

Non seulement l' « interprétation téléologique » est-elle compatible avec ces principes bien établis, mais encore elle favorise l'atteinte de l'objectif visé par le juge Dickson, à savoir une interprétation des revendications de brevet qui « soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » .

[32]            À l'examen du brevet 547, il est manifeste que l'accent porte sur l'utilisation d'un acide qui [traduction] « ne provoque pas de précipitation » . Les éléments de la revendication 1 sur lesquels se fondent les autres revendications exigent que les solutions soient des sels d'acide lactique dans un rapport 1:1 avec le Cipro. De plus, il est nécessaire d'avoir un excédent d'acide afin d'empêcher la précipitation, excédent d'acide dont la quantité doit demeurer à l'intérieur de la gamme prescrite.

[33]            La portée du brevet 547 a soulevé une vive controverse, plus particulièrement la question de savoir si le brevet imposait une gamme de concentration d'acide lactique pour la solution. L'élément en litige, qui se trouve à la page 3 de la divulgation, est libellé comme suit :

[traduction] Selon le principal moyen d'emballage choisi, la concentration de la substance active de la solution, le pH de la solution et les caractéristiques de durée de conservation imposées, la teneur en acide lactique des solutions prévue par l'invention peut varier entre 0,1 et 90 %. La teneur en acide lactique de la solution à administrer peut varier entre 0,1 et 10 %, de préférence entre 0,5 et 1,4 %.

[Non souligné dans l'original.]

[34]            Novopharm soutient que l'expression [traduction] « peut varier » devrait être interprétée comme exprimant une faculté et que le brevet 547 enseigne donc qu'une gamme de concentrations peut être utilisé. Elle allègue que cela mène à l'enseignement de la dilution, mais ne restreint pas le brevet 547 de manière à lui donner une portée plus restreinte que celle du brevet 006.

[35]            Comme le brevet 547 porte sur la stabilisation, il est difficile de comprendre en quoi l'expression [traduction] « peut varier » peut être de portée aussi générale que le suggère Novopharm. En appliquant une approche téléologique à l'obtention de la stabilité et de la non-précipitation, il est plus logique d'interpréter cette expression comme établissant des limites inférieures et supérieures obligatoires visant à assurer la stabilité.

[36]            À l'examen du brevet 006, on remarque que celui-ci calcule les rapports en grammes par 100 ml - 0,015 à 0,5 g du composé actif par 100 ml de solution aqueuse. On y utilise également des rapports molaires, par exemple 0,99 à 1,50 mole, par rapport à 1 mole du composé actif d'acide lactique (revendication 9).

[37]            Pour effectuer une comparaison valable entre les brevets, il est nécessaire de convertir les rapports molaires en pourcentages, comme dans le brevet 547. Si l'on fait appel à la stoéchiométrie (le nombre d'atomes nécessaire de chaque ingrédient pour former un composé), la gamme de concentrations d'acide lactique du Cipro du brevet 006 varie entre 0,0005 % et 0,03 %. Dans le brevet 547, la limite inférieure de concentration d'acide lactique de l'ensemble de la solution est de 0,1 %, soit trois fois plus que la gamme de concentrations établie pour un seul composé actif (Cipro).

[38]            Voici les autres différences importantes entre les deux brevets :

·                     le brevet 006 concerne uniquement les solutions pour perfusion et non pas les solutions pour perfusion et pour injection;

·                     le brevet 006 est limité au Cipro et ne comprend aucun autre des composés divulgués dans le brevet 547;

·                     le brevet 006 limite la concentration du Cipro à une gamme précise allant de 0,015 à 0,5 g par 100 ml de solution;

·                     pour les revendications 8 à 10 du brevet 006, il faut combiner une certaine quantité de Cipro avec une certaine gamme de concentrations d'acide excédentaire. Il y est également indiqué que les revendications (p. ex. 9 et 10) peuvent s'appliquer dans les cas où il n'y a pas équimolarité (moins de 1:1), facteur qui n'est pas mentionné au brevet 547.

[39]            Les revendications des brevets 547 et 006 ne sont pas identiques même si elles se chevauchent un peu. En plus des gammes de concentrations, des rapports molaires et du moyen d'administration du médicament, la revendication 36 du brevet 006 vise précisément les humains et les animaux - ce qui permet d'établir que les problèmes éprouvés avec le brevet 547 ont été résolus. L'application de l'approche téléologique aux brevets 547 et 006 démontre qu'ils constituent deux brevets très différents à l'intérieur d'une même gamme de produits pharmaceutiques.

B.          Double brevet relatif à une évidence - généralités

[40]            Il n'est pas allégué que le brevet 006 de Bayer et la formulation de Novopharm sont pratiquement identiques. Novopharm n'a pas fait valoir une « évidence » en soi, mais un double brevet relatif à une évidence. Elle soutient que le brevet 006 viole l'interdiction d'obtenir un second brevet pour un élément contenu dans un brevet antérieur ou d'obtenir un second brevet dont les revendications ne constituent pas des éléments brevetables distincts de ceux du brevet antérieur.

[41]            Comme l'indique les pages 1105 et 1106 de l'arrêt Whirlpool, le juge Binnie a confirmé l'interdiction discutée dans Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, portant qu'un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d'ingéniosité » par rapport au premier brevet.

[42]            Comme le juge l'a conclu dans Whirlpool, une comparaison entre les revendications des deux brevets est essentielle pour déterminer s'il y a double brevet. Les différences importantes entre les brevets sont énumérées au paragraphe 38 des présents motifs.

[43]            Nul doute que Bayer éprouvait de sérieux problèmes avec le brevet 547. La Cour rejette l'allégation de Novopharm selon laquelle les problèmes étaient des « hommes de pailles » que Bayer a « maîtrisés » pour qu'on puisse donner foi à son brevet 006. La preuve démontre que les problèmes étaient réels et importants et que la solution n'était pas si évidente.

[44]            Non seulement la découverte de la solution est une question d'inventivité, mais il peut y avoir une invention dans le fait de reconnaître l'existence du problème (GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 28 C.P.R (4th) 307, au paragraphe 45).

[45]            Bayer se fonde sur trois principaux éléments de l'inventivité et de la nouveauté :

·                     l'établissement d'un lien entre la concentration de Cipro et l'acide lactique;

·                     l'emploi de quantités moins qu'équimolaires d'acide;

·                     l'emploi de concentrations plus faibles pour soigner les humains.

C.         Personne moyennement versée dans l'art

[46]            Pour apprécier si un élément est nouvellement découvert ou s'il était déjà enseigné dans le brevet antérieur, il importe de déterminer à qui s'adresse les enseignements du brevet - la personne moyennement versée dans l'art.

[47]            Bayer allègue qu'une telle personne, particulièrement au regard du brevet 006, est l'amalgame multidisciplinaire d'une personne versée dans l'art possédant les compétences d'un formulateur et d'un clinicien. La personne moyennement versée dans l'art ressemble quelque peu à l'équipe regroupant les compétences utilisées pour résoudre le problème du brevet 547. L'extrait suivant de Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58, à la page 79, appuie la position de Bayer :

[traduction] Le technicien fictif versé dans l'art peut être un groupe de scientifiques, de chercheurs et de techniciens qui apportent chacun leur propre expertise à l'examen du problème en cause : « Cela est particulièrement vrai lorsque l'invention se rapporte à une science ou à un art qui vise plusieurs disciplines scientifiques » (le juge Wetston dans Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (non publié, 21 septembre 1994, C.F.1re inst., à la page 5 [aujourd'hui publié à 57 C.P.R. (3d) 488, à la page 494, 82 F.T.R. 211]).

[48]            Par contre, Novopharm soutient que la personne moyennement versée dans l'art est un formulateur qui ne possède aucune expérience clinique. En ce qui concerne le double brevet relatif à une évidence, elle appuie son argument sur la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (CAF), à la page 294 :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du monde des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

[49]            Toutefois, l'argument de Novopharm est affaibli par les réponses de son témoin (le Dr Lachman) aux questions 66 à 77, selon lesquelles le formulateur a besoin de renseignements externes pour accomplir son travail. L'équivalent scientifique de la « personne raisonnable » a des connaissances externes et ressent le besoin de procéder à des consultations, contrairement à ce que semble indiquer l'extrait de Beloit, précitée. En conséquence, la description de la personne moyennement versée dans l'art proposée par Bayer correspond davantage aux réalités de l'espèce.

[50]            Au moment de l'élaboration du brevet 006, le formulateur, qui possède la compétence essentielle dont les deux parties ont convenu, devait nécessairement avoir des connaissances ou bénéficier d'un apport en matière clinique.

[51]            En recherchant l'équivalent de cette personne mythique moyennement versée dans l'art, les parties ont proposé un certain nombre d'experts qui ont tenté, au mieux de leur capacité, de décrire et de reproduire ce que cette personne saurait et ferait. Toutefois, la seule personne correspondant le plus au profil de la personne moyennement versée dans l'art sur laquelle Novopharm se fonde est M. Evans, qui compte des années d'expérience (plus que ce qui a été jugé nécessaire) à titre de formulateur.

[52]            On reproche à M. Evans non seulement de ne pas avoir de diplôme universitaire, mais également de ne jamais avoir publié d'articles ou de livres. Il serait conjectural de suggérer qu'il était trop occupé par la formulation, soit la compétence fondamentale que, selon Novopharm, la personne moyennement versée dans l'art doit posséder. Peu importe la raison, l'absence de publications n'amoindrit d'aucune façon l'importance à accorder à son témoignage.

[53]            Le témoignage de M. Evans selon lequel une personne moyennement versée dans l'art ne serait pas directement et facilement arrivée à l'invention contenue dans le brevet 006 et selon lequel la formulation de celui-ci n'était pas évidente, mine grandement l'argument de Novopharm concernant les conclusions auxquelles parviendrait la personne moyennement versée dans l'art.

D.         Double brevet relatif à une évidence - Particularités

[54]            La position de Novopharm concernant le double brevet et son recours à la défense Gillette reposent, pour l'essentiel, sur des motifs similaires. Novopharm affirme que le brevet 547 (qui, selon elle, constitue une antériorité) enseigne la dilution, méthode utilisée par elle pour arriver à sa formulation. Novopharm affirme donc que le brevet 006 emploie la même méthode que le brevet 547 et qu'il est donc une tentative pour breveter un objet déjà breveté et dont le brevet est expiré.

[55]            Comme je l'ai mentionné précédemment, il existe des différences importantes entre les brevets 006 et 547 qui font en sorte que le brevet 006 présente un caractère de nouveauté, notamment :

·                     le brevet 006 revendique une concentration précise de Cipro et limite la quantité d'acide lactique en rapport avec cette concentration, tandis que le brevet 547 revendique uniquement l'excédent d'acide lactique relatif au poids de la solution;

·                     la gamme de concentrations d'acide lactique autorisé dans le brevet 006 varie entre des valeurs moins qu'équimolaires et des valeurs plus grandes qu'équimolaires, tandis que le brevet 547 est limité à des valeurs plus grandes qu'équimolaires;

·                     contrairement au brevet 547, le brevet 006 comporte une revendication divulguant l'utilisation de solutions à faible teneur.

[56]            Pour ce qui est de cet aspect du double brevet, il s'agit de déterminer si les revendications des brevets 547 et 006 sont suffisamment identiques pour justifier l'invalidation du brevet 006 (voir Whirlpool, précité, au paragraphe 63).

[57]            Pour confirmer la défense contre l'allégation de double brevet relatif à une évidence, les revendications doivent faire preuve de nouveauté et d'ingéniosité (Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc. (2005), 39 C.P.R. (4th) 202; 2005 CF 390, au paragraphe 86).

[58]            Il ressort d'un examen historique du brevet 006 que Bayer a satisfait à ce critère. Les problèmes causés par le brevet 547 n'étaient connus de personne hormis Bayer. Une équipe d'expert a dû consacrer deux ans à la recherche de la solution au problème d'intolérance que représente le brevet 006. Pour parvenir à cette solution, Bayer n'a pas seulement dilué une substance, mais a dû trouver le juste équilibre entre le composé actif et les autres éléments du médicament, exercice qui nécessitait une multitude de permutations et de combinaisons.

[59]            Par le recours à l'inventivité et à l'ingéniosité, le brevet 006 a permis de régler un problème créé par le brevet 547. Ce problème d'intolérance physiologique rendait le brevet 547 pratiquement inutile. La preuve établit que, bien plus que la dilution pour la dilution (comme l'indique Whirlpool), d'autres aspects inventifs étaient nécessaires.

[60]            Si la personne moyennement versée dans l'art est le formulateur expert sur lequel se fonde Novopharm, la preuve de son manque d'inventivité démontrée par M. Yalkowsky est affaiblie par le fait que ses essais ne sont pas limités à l'antériorité ou aux revendications du brevet 547.

[61]            Si la personne moyennement versée dans l'art est le formulateur polyvalent mis de l'avant par Bayer, la preuve de l'inventivité est bien documentée. La preuve de l'absence d'évidence de la formulation du brevet 006 est convaincante.

[62]            Le fait que Bayer a consacré deux ans de recherche et développement à la résolution des problèmes créés par le brevet 547 donne fortement à penser qu'il fallait plus que ce qui était enseigné dans le brevet 547 pour régler les problèmes d'intolérance physiologique. Toute autre conclusion équivaut à suggérer que Bayer était pratiquement incompétente en passant à côté d'une solution aussi évidente.

[63]            La prépondérance de la preuve confirme que Novopharm ne peut démontrer que, selon la définition traditionnelle de l'évidence (bien qu'aucune allégation d'antériorité du brevet 006 ne soit en litige), soit que sa personne moyennement versée dans l'art serait « directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet » (décision Beloit, précitée). Si c'était le cas, il est difficile de comprendre pourquoi Bayer n'est pas immédiatement, directement et facilement, arrivée à la solution du brevet 006.

E.          La défense Gillette

[64]            La défense Gillette est une défense fondée à la fois sur l'absence de contrefaçon et l'invalidité. Elle peut être invoquée lorsqu'il est allégué qu'un produit contrefait un brevet, mais qu'il est fabriqué selon une divulgation particulière de l'antériorité.

[65]            Il est allégué que la formulation de Novopharm s'apparente à la revendication 1 du brevet 547. Novopharm affirme qu'elle utilise une « vieille » technique d'un brevet expiré ainsi que l'antériorité divulguée dans le brevet européen correspondant au brevet 547, soit la demande de brevet 018 (demande de brevet 018).

[66]            La formulation de Novopharm s'apparente également au moins aux revendications 8, 9 et 10 du brevet 006, ce qui indiquerait que Novopharm utilisait une technique moderne (le brevet 006) et non l'antériorité. Pour les fins de la présente instance, comme la Cour estime que le brevet 006 ne constitue pas un double brevet, Novopharm ne peut alléguer qu'elle ne contrefait pas le brevet de Bayer.

[67]            De plus, la demande de brevet 018 ne constitue pas une antériorité. Sa date de publication (avril 1985) est ultérieure à la date de l'invention du brevet 006 alléguée par Bayer (février 1985).

[68]            Pour avoir gain de cause, Novopharm doit établir que l'objet de son invention est enseigné dans l'antériorité, plus particulièrement le brevet 547. Pour les motifs susmentionnés, la preuve ne démontre pas qu'il serait évident que la dilution du Cipro et de l'acide lactique selon les rapports précis est enseignée dans le brevet 547, encore moins pour la dilution par un facteur de cinq requise par le brevet 006.

[69]            Le témoin de Novopharm, M. DeLuca, a reconnu que l'antériorité ne comportait aucun élément évident en matière de dilution. Ses propres formulations ne correspondaient pas aux exemples du brevet 547, y compris à l'exemple 22.

[70]            La formulation de Novopharm ne découlait ni du brevet 547 ni de la demande de brevet 018, en ce que ces derniers ne régleraient pas les problèmes de cristallurie du rein, d'intolérance locale ou de stabilité. Comme l'a confirmé le M. DeLuca, la personne moyennement versée dans l'art (peu importe le genre) n'aurait aucune raison de chercher une dilution par un facteur de cinq et, en fait, dans sa meilleure formulation découlant du brevet 547, il a choisi, même en rétrospective, une dilution par un facteur de quatre seulement.

[71]            Novopharm ne peut donc invoquer la défense Gillette en raison de l'antériorité sur laquelle elle pouvait se fonder pour élaborer sa propre formulation.

F.          Brevet de sélection

[72]            Dans son mémoire des faits et du droit, Novopharm a soulevé pour la première fois la question des exigences particulières des brevets de sélection. Cette question n'avait pas été mentionnée dans l'AA, mais a été soulevée en réponse à l'argument de Bayer portant que le brevet 006 est plus inventif que le brevet 547.

[73]            Lorsqu'un brevet peut être invalidé pour cause de double brevet relatif à une évidence, sa validité peut être sauvegardée si le brevet satisfait à toutes les exigences d'un « brevet de sélection. » Une de ces exigences est que le brevet doit divulguer l'avantage à gagner (ou le désavantage à éviter) par l'emploi du brevet de sélection. Novopharm affirme que Bayer n'a pas fait cette divulgation.

[74]            Les allégations de Novopharm concernant le brevet de sélection présentent trois problèmes :

·                     l'absence de double brevet relatif à une évidence;

·                     la procédure par laquelle la question a été soulevée;

·                     la suffisance de la divulgation de l'avantage.

[75]            Comme je l'ai déjà indiqué dans les présents motifs, le brevet de Bayer ne constituait pas un double brevet relatif à une évidence. En conséquence, la question du brevet de sélection n'est pas pertinente.

[76]            Même si on pouvait affirmer qu'elle est pertinente, la façon dont la question a été soulevée pose problème. Elle n'a pas été soulevée dans l'AA. Bayer en a pris connaissance quand Novopharm a déposé son mémoire des faits et du droit à la Cour. En conséquence, aucun élément de preuve particulier n'a été présenté sur la question de savoir si le brevet 006 aurait satisfait aux exigences d'un brevet de sélection.

[77]            Indépendamment de la question de fardeau de preuve, la suffisance d'un AA est déterminée par le fait que le document a fourni assez d'information au titulaire de brevet ou au détenteur de licence pour lui permettre de comprendre la nature de la preuve à réputer (voir Abbott Laboratories et Abbott Laboratories Limited c. Le ministre de la Santé et Apotex Inc., [2005] A.C.F. no 1721 (QL); 2005 CF 1332).

[78]            Le fait de soulever cette question comme on invoque une défense crée une injustice envers le détenteur du brevet en le privant de la possibilité de répondre à la question dans sa preuve et dans son mémoire. Il peut également priver le tribunal des éléments de preuves et des arguments juridiques nécessaires à une appréciation adéquate du litige.

[79]            En l'espèce, rien n'aurait empêché que l'AA soulève l'allégation portant que le brevet 006 n'est pas un brevet de sélection ou, subsidiairement, qu'un nouvel AA soit déposé, même s'il est reconnu qu'une telle procédure pouvait entamer un nouveau sursis de 24 mois.

[80]            Même si Novopharm était en mesure de surmonter ces deux problèmes, la Cour est convaincue que si Bayer avait à présenter une preuve de brevet de sélection, elle l'a fait.

[81]            Dans Halsbury's Laws of England, volume 35, 4e éd., Butterworths, Londres, 1994, selon le résumé du droit en matière de brevets de sélection, aucune norme de divulgation particulière n'est exigée; il n'est pas nécessaire de chanter les louanges du brevet de sélection.

[82]            Il suffit de démontrer que le brevet de sélection divulgue l'élément inventif qui le distingue du brevet d'origine (en l'espèce, prétendument le brevet 547) (voir Pfizer Canada Inc. Apotex Inc. (1997), 77 C.P.R. (3d) 547).

[83]            Les avantages sont suffisamment divulgués, en ce que le brevet 006 indique sa faible toxicité, et la revendication 36 fait précisément valoir l'[traduction] « utilisation d'une solution pour perfusion selon la revendication 1 pour le traitement thérapeutique des humains ou des animaux » .

[84]            Pour tous ces motifs, l'allégation de Novopharm portant que le brevet 006 est un brevet de sélection invalide doit être rejetée.

G.         Fardeau de preuve

[85]            Comme je l'ai indiqué précédemment, le sort du présent litige ne dépend pas de la question du fardeau de la preuve ni de celle de savoir à quelle partie il incombe. Dans ce domaine, particulièrement dans le contexte de la présomption légale de validité, le droit est quelque peu obscur.

[86]            Toutefois, dans la présente instance, Bayer a fait exactement ce qu'elle devait faire quand Novopharm a manifestement soulevé la question de la validité. Bayer y a opposé une défense, comme si elle avait une preuve à réfuter, sans se fonder entièrement sur la présomption légale de validité. Si la question avait dû être tranchée « de justesse » , le recours à la présomption légale de validité aurait pu être nécessaire.

[87]            La présomption légale ne constitue qu'une présomption - rien d'autre. Le fardeau de preuve général incombe au demandeur. En ce qui concerne la question de la validité, la Cour doit examiner la preuve pour établir si la présomption a été réfutée et, dans l'affirmative, elle doit déterminer si le demandeur s'est déchargé de son fardeau de réfuter l'allégation d'invalidité.

[88]            La Cour doit donc partir du principe que le fardeau incombe au demandeur dans tous les cas, mais qu'une forte présomption joue en faveur de la validité. Bayer s'est largement déchargée de son fardeau.

V.         CONCLUSION

[89]            Pour tous ces motifs, la Cour conclut que les demanderesses ont confirmé la validité du brevet 006 et qu'elles ont droit à l'ordonnance demandée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE qu'il soit interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Novopharm Inc. pour le médicament Ciprofloxacin, y compris les minisacs pour perfusion intraveineuse (liquide) sous forme pharmaceutique à teneur de 2 mg/ml (DIN 02237334), avant l'expiration du brevet canadien no 1,282,006 (le brevet 006).

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que les dépens et débours des demanderesses soient taxés selon l'échelon supérieur de la colonne III du tarif de la Cour fédérale.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


ANNEXE A

LISTE DES TÉMOINS

Témoins experts pour Bayer

Dr george Michael Archieri

Dr Peter Ball

Mme Anna Braeken

M. John Raymond Evans

Dre Christine Ruhl-Fehlert

Dr Peter Serno

Témoins experts pour Novopharm

M. Patrick DeLuca

M. James galbraith

Dr gideon Koren

M. Leon Lachman

Mme Maureen McFarland

M. Neil Nachshen

M. Samuel Yalkowsky


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-697-04

INTITULÉ :                                        BAYER AG, BAYER HEALTHCARE AG ET BAYER INC.

                                                            c.

                                                            NOVOPHARM LIMITED ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 31 JANVIER 2006

                                                            LES 1er, 2 ET 3 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 24 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Neil Belmore

Ken Clark

POUR LES DEMANDERESSES

Ian godfrey

William Mayo

POUR LA DÉFENDERESSE,

NOVOPHARM LIMITED

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

HEENAN BLAIKIE LLP.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE,

NOVOPHARM LIMITED

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