Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200305


Dossier : IMM-4427-19

Référence : 2020 CF 339

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mars 2020

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

KATYA DOBREVA VARBANOVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

JUGEMENT

APRÈS avoir instruit la présente demande à Toronto (Ontario), le mardi 11 février 2020;

ET APRÈS avoir entendu les avocats des parties et examiné le dossier documentaire;

ET APRÈS avoir mis la décision en délibéré;

ET APRÈS avoir conclu que la présente demande devait être rejetée pour les motifs suivants :

[1]  La demanderesse, Katya Dobreva Varbanova, conteste la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a jugé que sa demande d’asile était manifestement infondée.

[2]  Mme Varbanova est arrivée au Canada en 2019 en provenance de la Bulgarie. Elle a prétendu craindre d’être persécutée en raison de son origine ethnique rom. L’un des aspects centraux de sa demande était qu’elle alléguait avoir été illégalement détenue et agressée par la police bulgare, qui voulait la forcer à se prostituer.

[3]  La Commission a rejeté la demande de Mme Varbanova pour des raisons de crédibilité. Elle a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à établir son ethnicité rom ni qu’elle avait été la cible des policiers bulgares. Elle a par ailleurs jugé que les aspects centraux de sa demande avaient été inventés. Se fondant sur ces motifs, elle a conclu que la demande était manifestement infondée.

[4]  Mme Varbanova conteste la décision de la Commission et affirme qu’elle repose sur des erreurs dans l’énoncé de la preuve, des interprétations erronées des témoignages et un raisonnement abusif. Elle reproche également à la Commission de ne pas l’avoir questionnée sur les aspects centraux de son récit portant sur les risques et de s’être plutôt concentrée déraisonnablement sur des [traduction] « éléments non pertinents » concernant ses documents corroborants. Toutes les questions que Mme Varbanova soulève sont liées à la preuve et doivent être évaluées selon la norme de la décision raisonnable : voir l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] ACS no 65 (QL). 

[5]  Mme Varbaova conteste l’évaluation que la Commission a faite d’une lettre rédigée par un représentant du Roma Community Centre de Toronto et qui atteste de son origine ethnique rom en plus de valider son histoire de persécution. La Commission n’a accordé aucun poids à la lettre parce que l’auteur n’a pas fourni de fondement factuel pour étayer ses conclusions et qu’il n’a pas non plus témoigné. Elle était également préoccupée par le fait que Mme Varbanova était incapable de fournir des détails sur les discussions qu’elle avait eues avec l’auteur de la lettre.

[6]  L’évaluation que la Commission a faite de ce document n’est pas déraisonnable. La lettre ne fournit aucun renseignement sur la façon dont l’auteur est arrivé à la conclusion que Mme Varbanova est d’origine ethnique rom et ni sur les raisons pour lesquelles il a jugé son histoire convaincante. En l’absence de ces détails pertinents, il était raisonnable pour la Commission de s’attendre à ce que l’auteur témoigne. La lettre à elle seule ne méritait donc pas d’être prise en considération.

[7]  Mme Varbanova s’insurge contre les doutes soulevés par la Commission quant à son utilisation du subjonctif. Elle décrit les préoccupations de la Commission comme étant [traduction] « absurdes » parce qu’elles laissent entendre de façon déraisonnable que ses éléments de preuve décrivent des faits hypothétiques et non réels.

[8]  La transcription fait effectivement état d’un échange entre la Commission, le traducteur et l’avocat de Mme Varbanova à propos de cette question, au cours duquel l’avocat a accusé la Commission de partialité. Rien dans la transcription ni dans la décision de la Commission ne laisse toutefois entendre que cette question a continué de préoccuper la Commission. La seule raison pour laquelle elle est soulevée dans la décision est parce que l’avocat a soulevé une allégation de partialité. En fait, au paragraphe 15 de sa décision, la Commission a confirmé qu’elle acceptait l’explication de l’interprète selon laquelle l’utilisation du subjonctif par Mme Varbanova n’était pas inappropriée.

[9]  La plainte de Mme Varbanova concernant le fait que la Commission ne l’a pas questionnée directement à propos de son origine ethnique rom ou de son allégation d’inconduite policière n’est pas fondée. Bien que la Commission ait renoncé à questionner Mme Varbanova assez tôt au cours de l’audience, cette dernière a été interrogée de façon serrée par son conseil au sujet de son origine ethnique rom et des aspects centraux de l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile. Dans ces circonstances, il était équitable et approprié pour la Commission de limiter son interrogatoire de Mme Varbanova aux questions sur lesquelles elle avait des doutes et qui portaient principalement sur la fiabilité des documents corroborants.

[10]  Mme Varbanova conteste les conclusions défavorables tirées par la Commission concernant la fiabilité d’un rapport médical et d’une sommation de police. La Commission a conclu que les deux documents étaient des faux, en se basant sur des invraisemblances inhérentes importantes. Elle a raisonnablement mis en doute la sommation parce qu’elle mentionnait une disposition pénale qui n’avait aucun sens.

[11]  La conclusion de la Commission selon laquelle le rapport médical déposé en preuve était un faux découle du témoignage de Mme Varbanova sur les points suivants :

  1. Elle avait reçu ce rapport sans le demander;

  2. Il avait la forme d’un renvoi médical qui n’avait jamais été fait;

  3. Il a été préparé à titre de preuve qu’elle aurait été agressée par la police huit jours après avoir obtenu une autorisation de voyage électronique pour entrer au Canada.

[12]  Toutes les préoccupations susmentionnées étaient justifiées. En effet, l’allégation d’agression par la police était l’élément central des risques invoqués par  Mme Varbanova. Le fait qu’elle ait obtenu une autorisation de voyage quelques jours avant ce prétendu événement a jeté des doutes importants sur sa crédibilité.

[13]  Si la Commission a rejeté la sommation de police et le rapport médical, c’est en raison de problèmes légitimes découlant de ces documents. Ceux‑ci étaient, après tout, importants dans l’histoire de Mme Varbanova concernant son agression par la police. Ayant raisonnablement conclu que les documents étaient des faux, la Commission pouvait donc rejeter l’ensemble de l’exposé des risques personnels de Mme Varbanova.

[14]  Les reproches de Mme Varbanova concernant le fait que la Commission a qualifié de manière péjorative son témoignage, trouvant qu’il semblait avoir été appris par cœur, sont tout aussi infondés. De fait, il est quelque peu surprenant qu’elle ait été en mesure de décrire en détail un mariage rom célébré il y a plusieurs années, mais qu’elle ait été incapable de se souvenir des détails de ses discussions beaucoup plus récentes avec le représentant du Roma Community Centre. Dans tous les cas, la préoccupation générale de la Commission concernant le témoignage de Mme Varbanova ne constituait pas un aspect important de sa conclusion en matière de crédibilité. Comme il en a été question précédemment, la Commission avait des motifs raisonnables de rejeter la preuve de Mme Varbanova et de conclure que la demande était manifestement infondée en raison de sa malhonnêteté : voir Nagornyak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 215, au par. 12‑15, 276 ACWS (3d) 419. 

[15]  La conclusion de la Commission concernant l’apparence de Mme Varbanova a été mentionnée en réponse aux éléments de preuve liés au fait qu’elle puisse être identifiée comme étant d’origine rom en raison de la couleur de ses cheveux et de sa peau. Il est difficile de savoir pourquoi la Commission a fait mention des différences relevées par rapport à une vieille photo, mais elle n’a pas tiré d’inférence défavorable de cette comparaison. Par conséquent, ces observations n’étaient pas importantes eu égard au résultat.

[16]  Tous les arguments de Mme Varbanova visaient à demander à la Cour de soupeser ou de qualifier de nouveau la preuve. Les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité étaient toutefois fondées sur la preuve et étaient donc raisonnables. Lorsque l’évaluation de la preuve par le premier décideur repose sur un fondement rationnel, il n’appartient pas à la Cour, lors d’un contrôle judiciaire, de substituer sa propre opinion à celle de ce décideur ni d’apprécier à nouveau la preuve. La présente demande est donc rejetée.

[17]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale.

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour d’avril 2020.

Édith Malo, LL.B.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.