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Date : 20040331

Dossier : IMM-5043-03

Référence : 2004 CF 504

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

                                                        NATALIA MAXIMENKO

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le présent contrôle judiciaire fait suite à la décision d'une agente d'évaluation du risque avant renvoi (l'agente d'évaluation), pour qui la demanderesse ne serait pas exposée à un risque si elle était renvoyée en Moldavie ou dans la Fédération de Russie.

Les faits

[2]                La demanderesse est à la fois Moldave et Russe. Elle a fondé sa revendication du statut de réfugié sur sa crainte d'actes de violence conjugale de la part de son ex-mari, qui est un policier russe.


[3]                En octobre 2000, sa demande d'asile a été rejetée, et sa demande d'autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire a elle aussi été rejetée.

[4]                En octobre 2001, sa demande en vue d'être considérée dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada était refusée.

[5]                Avant qu'il ne soit disposé de sa demande d'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de la demande susmentionnée, le prédécesseur du défendeur a voulu faire exécuter une mesure de renvoi prononcée contre elle. Le juge Lemieux a accordé un sursis d'exécution de la mesure jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la demande d'autorisation d'introduire une procédure de contrôle judiciaire. L'effet de la décision du juge Lemieux est discuté plus loin dans les présents motifs.

[6]                L'autorisation a été accordée, mais, avant l'audience, le défendeur d'alors a consenti à faire procéder à une évaluation du risque avant renvoi. Le présent contrôle judiciaire fait suite à la décision issue de ladite évaluation.

[7]                La demanderesse a aussi déposé une demande fondée sur des considérations humanitaires, au titre de son mariage avec un citoyen canadien.

[8]                L'agente d'évaluation est arrivée à la conclusion que, même si la violence conjugale demeurait un problème en Moldavie, le gouvernement moldave prenait des mesures pour enrayer cette violence, que des voies de recours étaient accessibles et qu'une protection d'État adéquate existait.

[9]                L'agente a trouvé aussi que la demanderesse n'avait pas épuisé toutes ses voies de recours et que ses parents avaient eux aussi négligé de prendre des mesures suffisantes pour lui assurer une protection d'État.

[10]            Finalement, l'agente a estimé que la demanderesse n'avait pas prouvé, d'une manière claire et convaincante, que la protection d'État était insuffisante ou qu'elle ne lui était pas accessible. Elle a estimé aussi que la demanderesse disposait d'une possibilité de refuge intérieur (PRI) en Moldavie. Elle n'a pas cherché à savoir si la demanderesse courait un risque en Russie, étant donné qu'elle ne serait pas exposée à un risque en Moldavie.

[11]            L'avocat de la demanderesse a informé la Cour qu'il n'avait pu, malgré ses efforts en ce sens, obtenir d'instructions selon lesquelles il devait aller de l'avant, compte tenu par ailleurs que la demanderesse était informée de la procédure en cours. Puisque cette affaire avait été inscrite au rôle, que les avocats étaient prêts et qu'aucune directive portant cessation de la procédure n'avait été reçue, il a été ordonné que l'audience suive son cours.


Analyse

[12]            La demanderesse dit que l'agente a commis une erreur sous trois aspects :

(1)         elle a ignoré une preuve claire et convaincante du risque de violence conjugale en Moldavie, violence que les fonctionnaires de ce pays n'ont pas enrayée;

(2)         elle a estimé que la demanderesse avait une PRI acceptable, alors que son ex-mari, un policier, pouvait la retrouver en Moldavie;

(3)         l'agente a effectué une analyse sélective de la preuve documentaire.

[13]            La troisième présumée erreur recoupe les deux premières.

[14]            Malgré les efforts faits par l'avocat de la demanderesse, il m'est impossible de dire que l'agente a commis une erreur sujette à révision.

[15]            Il ne vaut guère la peine de se demander quelle norme de contrôle est applicable, puisque, qu'il s'agisse de la norme de la décision raisonnable simpliciter ou de la norme de la décision manifestement déraisonnable, cette demande n'est pas recevable.

[16]            La demanderesse a eu raison de faire observer qu'il était prouvé que la violence conjugale était un problème et que le gouvernement moldave, bien qu'ayant adopté des lois répressives en ce sens, n'avait pas toujours montré de l'empressement à poursuivre les délinquants.


[17]            Il ressortait cependant du rapport de 2002 du Département d'État (le rapport de 2002) que des mesures étaient prises pour régler le problème de la violence conjugale. Il n'existait pas suffisamment de preuves claires et convaincantes pour réfuter la présomption de l'existence d'une protection d'État.

[18]            La Cour a toujours dit que, lorsque la preuve est ambiguë ou équivoque, comme c'était le cas ici, il suffit au décideur d'examiner l'ensemble de la preuve (sans faire état expressément de chaque élément de preuve) et d'arriver à une conclusion qui n'est pas manifestement déraisonnable : Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) _[2000] A.C.F. 300.

[19]            L'agente pouvait parfaitement arriver aux conclusions qu'elle a tirées en ce qui concerne le risque, l'existence d'une protection d'État et l'existence d'une PRI.

[20]            La demanderesse se plaint que l'agente ait été sélective dans son utilisation et son analyse de la preuve. Plus exactement, la demanderesse dit que parfois, certaines parties de la preuve documentaire sont citées dans les motifs, alors que les commentaires subsidiaires favorables à la demanderesse ne le sont pas.

[21]            Sans doute pourrait-on s'interroger sur la nature sélective de la preuve retenue, et le point soulevé paraît valide à première vue, mais il faut tenir compte du contexte tout entier dans lequel certaines parties de la preuve documentaire sont citées et d'autres non.

[22]            En l'espèce, les omissions n'ont pas été fatales. L'objet de certaines d'entre elles était mentionné ailleurs, par exemple le fait que le gouvernement ne poursuit pas les auteurs de violence conjugale. À d'autres endroits, la critique des statistiques données concernait un point de vue particulier, et les commentaires n'ajoutaient guère au débat qui ne fût déjà connu.

[23]            La décision du juge Lemieux mentionnée précédemment (2002 CFPI 147), qui concernait la demande de sursis, ne dispose pas de la question de la protection d'État, ni de celle de la PRI.

[24]            L'agente avait devant elle des faits nouveaux et plus récents, qui n'avaient pas été présentés au juge Lemieux. Ces faits étaient notamment le rapport 2002 plus récent du Département d'État, la preuve de moyens déployés par la police pour enquêter sur les cas de violence conjugale, et la preuve de l'existence d'une PRI acceptable en Moldavie.

[25]            La conclusion du juge Lemieux concernant le préjudice irréparable doit être considérée dans le contexte de sa conclusion selon laquelle l'existence d'une question sérieuse à trancher avait été prouvée. Cette conclusion ne dispose pas des points soulevés dans cette demande de contrôle judiciaire.


[26]            Le seuil de la « question sérieuse à trancher » est nettement plus faible que ce qui doit être établi dans le contrôle judiciaire. La décision rendue dans une demande de sursis d'exécution ne peut, dans l'examen de l'affaire au fond, servir de fondement à une exception de chose jugée ni à une exception d'irrecevabilité pour question déjà tranchée.

[27]            La présente décision porte sur le bien-fondé du point de droit soulevé et en rejette la validité. Par conséquent, la conclusion de préjudice irréparable à laquelle est arrivé le juge Lemieux ne tient plus.

[28]            Il n'y a aucune question à certifier.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

      « Michael L. Phelan »       

                                                                                                                                                     Juge                   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             IMM-5043-03

INTITULÉ :                                            NATALIA MAXIMENKO c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 24 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                            LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                           LE 31 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Peter D. Woloshyn

POUR LA DEMANDERESSE

Tamrat Gebeyehu

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter D. Woloshyn

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


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