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Date : 19990208

Dossier : IMM-1721-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 FÉVRIER 1999.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

DMITRIY LAVRINENKO

VALERIYA LAVRINENKO,

demandeurs,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

O R D O N N A N C E

      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une autre formation pour qu'elle statue de nouveau sur celle-ci.

     « Danièle Tremblay-Lamer »     

                                                               JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990208

Dossier : IMM-1721-98

ENTRE :

DMITRIY LAVRINENKO

VALERIYA LAVRINENKO,

demandeurs,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]         Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) selon laquelle Valeriya LAVRINENKO et Dmitriy LAVRINENKO (les demandeurs) ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]         Les demandeurs sont des citoyens de l'Ukraine mariés l'un à l'autre. Ils disent avoir une crainte fondée d'être persécutés étant donné que la mère de Mme Lavrinenko était juive. Mme Lavrinenko a déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et, de nouveau, dans l'affidavit qu'elle a produit pour étayer la présente demande de contrôle judiciaire, avoir fait l'objet de discrimination antisémite pendant la plus grande partie de sa vie. Son époux, un artiste, soutient que, vu la nationalité de son épouse, il n'a jamais pu exposer ses oeuvres dans le cadre d'expositions et n'a plus le droit de travailler avec des métaux précieux, et que le Salon des arts a unilatéralement mis fin à son contrat et refusé de continuer de vendre ses oeuvres.

[3]         Les demandeurs soutiennent qu'en 1992, des nationalistes ont mis le feu à l'entrée de leur appartement et y ont jeté une grenade lacrymogène par la fenêtre. Des messages antisémites ont été peints sur leur porte.

[4]         Par ailleurs, ils soutiennent qu'en 1995, des nationalistes se sont rendus à leur domicile et ont ordonné au demandeur de quitter son épouse vu la nationalité de cette dernière. À la suite du refus du demandeur, ils ont tous les deux été battus et leur demeure a été saccagée. La police a été avisée, mais n'a pas mené d'enquête.

[5]         Au mois d'octobre de la même année, des nationalistes se sont de nouveau présentés à leur domicile : ils ont alors battu le demandeur. Celui-ci a dû être hospitalisé mais, encore une fois, la police n'a rien fait.

[6]         En février 1996, le demandeur a quitté l'Ukraine pour se rendre aux États-Unis; la demanderesse a fait de même le 15 septembre 1996. Les demandeurs ont passé respectivement 13 et 6 mois aux États-Unis. Ils ont expliqué qu'ils y attendaient leur fils, afin de pouvoir se rendre les trois ensemble au Canada. Cependant, le fils n'ayant pu obtenir de visa, il n'a pas rejoint ses parents aux États-Unis.

[7]         Les deux demandeurs se sont présentés à la frontière canadienne et ils ont revendiqué le statut de réfugiés au sens de la Convention le 15 mars 1997.

L'ANALYSE

[8]         En vertu de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale[1], notre Cour peut intervenir si la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments dont elle disposait. À mon avis, c'est le cas en l'espèce.

[9]         La Commission a conclu que la revendication de la demanderesse n'était pas crédible en se fondant sur le fait qu'une personne qui a caché son identité juive pendant toute sa vie ne déciderait pas de s'exposer elle-même et d'exposer les membres de sa famille à des actes de discrimination à un moment où l'antisémitisme est le plus répandu.

[10]       Cette conclusion n'est étayée par aucun élément de preuve. Il ne ressort nullement du dossier dont disposait la Commission que la demanderesse a caché son identité juive. Au contraire, la demanderesse n'a cessé de soutenir qu'elle avait fait l'objet de discrimination pendant toute sa vie en raison de l'origine juive de sa mère. De plus, elle décrit dans son FRP plusieurs incidents de discrimination qu'elle a subis à divers moments de sa vie.

[11]       En outre, dans l'affidavit qu'elle a produit pour étayer la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse confirme qu'elle a toujours fait l'objet de discrimination. Elle mentionne aussi clairement qu'elle n'a jamais caché son identité juive et qu'en fait, il lui serait impossible de cacher cette identité, étant donné qu'elle est mentionnée sur toutes ses pièces d'identité.

[12]       Il est vrai que les passeports ukrainiens ne précisent plus la nationalité de la personne, mais cela est un développement relativement récent. En outre, le certificat de naissance de la demanderesse déclare clairement que sa mère était de nationalité juive.

[13]       En conséquence, la conclusion de la Commission est inacceptable, vu qu'une partie essentielle de sa décision a été prise sans que la Commission ne tienne compte des éléments dont elle disposait ou a été fondée sur une conclusion de fait erronée.

[14]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une autre formation pour qu'elle statue de nouveau sur celle-ci.

[15]       Ni l'un ni l'autre avocat n'a recommandé qu'une question soit certifiée.

     « Danièle Tremblay-Lamer »     

                                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 février 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                 IMM-1721-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    DMITRIY LAVRINENKO

                                                            VALERIYA LAVRINENKO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                     L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 2 FÉVRIER 1999

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                                     8 FÉVRIER 1999

ONT COMPARU :

M. JEFFREY NADLER                                                                       POUR LES DEMANDEURS

MME JOSÉE PAQUIN                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

NADLER & JOFFE                                                                             POUR LES DEMANDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



        L.R.C. (1985), ch. F-7.

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