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                                                                                                                                            Date : 20011010

                                                                                                                                Dossier : IMM-5405-00

                                                                                                             Référence neutre : 2001 CFPI 1097

Entre :

                                                    Haissam AZAKIR,

                                                       Rewa AZAKIR,

                                                       Racha AZAKIR,

                                                        Hani AZAKIR,

                                                       Asma AZAKIR,

                                                                                                       Partie demanderesse

                                                               - et -

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                        Partie défenderesse

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 20 septembre 2000 par la Section du statut de réfugié statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).

[2]         Le demandeur principal, M. Haissam Azakir, est un ressortissant du Liban de religion musulmane. Il est marié à Mme Asma Azakir et est père de trois enfants, Racha, Hani et Rewa, lesquels fondent leurs revendications sur la sienne qui allègue une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques.


[3]         Les demandeurs reprochent à la Section du statut de réfugié d'avoir exclu la demanderesse de la salle d'audience. Ils se fondent sur le paragraphe 69(2) de la Loi :


69. (2) Subject to subsections (3) and (3.1), proceedings before the Refugee Division shall be held in the presence of the person who is the subject of the proceedings, wherever practicable, and be conducted in camera or, if an application therefor is made, in public.


69. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (3.1), la section du statut tient ses séances à huis clos ou, sur demande en ce sens, en public, et dans la mesure du possible en présence de l'intéressé.


[4]         Il va sans dire que la demanderesse, une des parties dont les droits et les intérêts sont en jeu, est une personne intéressée au sens du paragraphe 69(2) de la Loi.

[5]         Le défendeur soutient d'abord que la demanderesse a renoncé à son droit d'assister à l'audience en raison de son omission de s'objecter à la première occasion à son exclusion. Il appert cependant que la demanderesse avait bien indiqué son désir d'être présente à l'audience et d'y participer. Dans ce qui apparaît être la seule décision de cette Cour traitant de cette question particulière, mon collègue le juge Rothstein, dans l'affaire Phillip v. Canada (M.C.I.) (1998), 159 F.T.R. 49, aux paragraphes 4 et 6, interprète le paragraphe 69(2) comme suit :

[TRADUCTION]

Le paragraphe 69(2) dispose que les parties ne peuvent être exclues des délibérations de la section du statut qui portent sur leurs droits et intérêts. Même s'ils reconnaissent que dans certaines circonstances la présence du demandeur n'est pas toujours possible, les mots "dans la mesure du possible" exigent que, lorsque cela est faisable, le demandeur soit présent. Cela signifie que, lorsque la présence du demandeur est possible sur le plan pratique, la formation ne peut l'exclure.

[. . .]

Il ne s'agit pas d'une situation où la décision de la formation ne peut être infirmée parce que l'avocat n'a soulevé aucune objection ou parce qu'il a demandé un résumé quand la demanderesse est revenue dans la salle d'audience. La présence des parties prévue au paragraphe 69(2) est obligatoire. . . .

[6]         J'accepte d'emblée ce point de vue. La présence d'une personne intéressée est expressément prévue au paragraphe 69(2) de la Loi. Il y va donc plus qu'une simple exigence de justice naturelle ou d'équité de procédure.


[7]         Le défendeur soutient aussi que la présence de la demanderesse n'était pas possible sur le plan pratique, puisqu'elle et ses enfants rendaient difficile le témoignage du demandeur au niveau émotif.

[8]         Dans l'affaire Phillip, supra, le défendeur a tenté de justifier l'exclusion de la demanderesse en disant que la Section du statut de réfugié voulait éviter que celle-ci influe ses enfants pendant leur témoignage. Le juge Rothstein a conclu que la Section du statut aurait pu résoudre ce problème d'autres façons sans avoir à exclure la demanderesse. Pareillement en l'instance, la Section du statut avait l'obligation de trouver un moyen de régler le problème sans nécessairement exclure la demanderesse, comme par exemple en excluant seulement les enfants et en offrant au demandeur autant de pauses raisonnables que nécessaires pour qu'il puisse se ressaisir.

[9]         Enfin, le défendeur prétend que la présence de la demanderesse n'aurait eu aucun effet sur la décision de la Section du statut, la demanderesse n'ayant pas été présente lors des incidents persécuteurs allégués par son époux à l'appui de sa revendication.

[10]       Je ne peux accepter cette position. Il est évident que la Section du statut a fondé en partie son évaluation de la crédibilité du demandeur sur les notes de ce dernier au point d'entrée, notes toutefois préparées et complétées par la demanderesse. À titre d'auteur de ces notes, la demanderesse est certainement dans une meilleure position que le demandeur pour offrir des explications sur toute omission ou contradiction qui s'y retrouve.

[11]       En conséquence, vu les circonstances particulières du présent cas, je considère que la Section du statut de réfugié a erré en regard du paragraphe 69(2) de la Loi, ce qui justifie l'intervention de cette Cour.


[12]       La demande de contrôle judiciaire est donc accordée, la décision attaquée, annulée et l'affaire, renvoyée devant un panel différemment constitué de la Section du statut de réfugié.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 octobre 2001

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