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Date : 20050120

Dossier : IMM-533-04

Référence : 2005 CF 94

Toronto (Ontario), le 20 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON    

ENTRE :

KISHWER FATIMA (alias KISHWAR FATIMA)

AQSA ALI

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]        Kishwer Fatima est citoyenne pakistanaise. Sa fille de six ans, Aqsa Ali, est citoyenne américaine car elle est née aux États-Unis. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dans sa décision du 2 janvier 2004, a conclu que les demanderesses ne sont ni des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2]        Mme Fatima et son mari sont des musulmans shiites. Au Pakistan, son mari a fourni de la nourriture, des vêtements, des abris et des transports à d'autres shiites. Ces activités auraient attiré l'attention du Sipah-e-Sahaba (SSP). Mme Fatima a déclaré que le SSP avait menacé de tuer son mari et que, en février 1998, il a mis le feu à la maison familiale. Mme Fatima, qui était enceinte à cette époque, a perdu conscience et a été hospitalisée. Son mari a pris des dispositions pour lui faire gagner les États-Unis, où ses parents et frères et soeurs habitaient depuis 1995. Mme Fatima a quitté le Pakistan en mai 1998 et, le 24 août 1998, a donné naissance à sa fille, un enfant ayant besoin de soins médicaux particuliers.

[3]        En août, 2000, le père de Mme Fatima a fait une demande d'immigration au Canada avec ses dépendants, notamment Mme Fatima elle-même. Elle a été exclue de cette demande parce qu'elle ne correspondait pas à la définition d'un enfant à charge dépassant l'âge limite. Elle est venue au Canada en février 2001, et a prétendu craindre avec raison d'être persécutée par le SSP en raison de son appartenance à un groupe social particulier, c'est-à-dire les activistes religieux musulmans shiites. Environ un an plus tard, sa fille est arrivée au Canada et sa revendication du statut de réfugié a été jointe à celle de Mme Fatima.

[4]        La SPR a conclu à l'absence, chez Mme Fatima, de l'élément subjectif nécessaire de crainte fondée de persécution. Son jugement reposait principalement sur sa conclusion que Mme Fatima n'avait pas de crédibilité comme témoin. Subsidiairement, la Commission a jugé que, même si Mme Fatima avait établi l'existence de l'élément subjectif (ce qui n'était pas le cas), elle n'avait pas démontré qu'elle n'aurait pas droit à une protection raisonnable de l'État si elle retournait au Pakistan à ce moment. Sa revendication a donc été rejetée. Celle de sa fille a été rejetée au motif que, puisqu'elle n'avait pas de statut juridique au Pakistan, son seul pays de référence était les États-Unis. Aucun élément de preuve n'indiquait qu'Aqsa Ali serait persécutée aux États-Unis.

[5]        La décision de la Commission concernant l'enfant n'est pas contestée. Seul le rejet de la revendication de Mme Fatima fait l'objet d'une contestation. A cet égard, elle prétend que la conclusion relative à la crédibilité et celle relative à la protection offerte par l'État sont erronées. Je conclus que la demande de contrôle judiciaire de Mme Fatima doit être rejetée.

[6]        La conclusion défavorable concernant la crédibilité n'est pas manifestement déraisonnable. La SPR pouvait à bon droit rejeter les explications répétées de Mme Fatima, selon lesquelles certains détails avaient été omis de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) sur les conseils de son avocat (qui n'était pas celui qui l'a représentée à l'audience). Étant donnée la nature de ces omissions, et en particulier celle qui concerne l'époque où le prétendu incendie et son hospitalisation auraient eu lieu (l'incident qui aurait déclenché son départ du Pakistan), les suppositions de la SRP étaient raisonnables et justes.

[7]        Je conviens que l'inférence défavorable tirée du fait que Mme Fatima n'avait pas signalé dans son FRP que ses parents et frères et soeurs habitaient à New York lorsqu'elle y est arrivée en 1998 n'était pas pertinente quant à sa revendication. Cependant, je suis d'avis la SPR pouvait à bon droit tirer une inférence de cette omission relativement à sa volonté d'être sincère en ce qui a trait aux aspects plus fondamentaux de sa revendication. Mme Fatima a déclaré dans son FRP qu'elle était seule à New York, qu'elle avait commencé à vivre dans différents endroits et qu'elle y avait eu sa fille seule à Manhattan et ce sont ces déclarations qui avaient incité la Commission à faire ces commentaires. Comme cette omission n'était pas pertinente quant à sa revendication, elle n'était pas non plus déterminante.

[8]        En ce qui a trait aux activités du mari, la SPR a conclu, en se fondant sur la preuve documentaire, que la violence sectaire visait les membres importants de la communauté shiite et que Mme Fatima et son mari ne correspondaient pas à ce profil. Mme Fatima cite des extraits de la preuve qui vont, selon elle, dans le sens contraire, mais les motifs de la Commission montrent qu'elle a tenu compte de la possibilité que la demanderesse soit exposée à de la violence aveugle. C'est à la Commission, et non pas à la Cour, qu'il revient d'évaluer et de soupeser la preuve documentaire. Mme Fatima n'a pas établi que la SPR a commis une erreur à cet égard. De même, l'allégation de Mme Fatima selon laquelle, en la renvoyant au Pakistan, la SPR la prive, en fin de compte, de son droit universel à l'éducation ne tient pas. Elle constitue aussi une interprétation inexacte du raisonnement de la Commission.

[9]        Il y a eu d'autres conclusions. Mme Fatima ni ne conteste le refus de la Commission d'accepter son explication concernant le fait qu'elle avait omis d'indiquer dans son FRP que le SSP avait sa photo, ni ne fait d'observations sur la conclusion se rapportant au fait qu'elle n'avait pas signalé exactement son statut matrimonial et le nombre des personnes à sa charge sur sa demande d'immigration. Cependant, elle prétend que la SPR aurait dû reconnaître la véracité de son explication figurant dans son FRP concernant le fait qu'elle avait tardé à revendiquer le statut de réfugié et qu'elle n'avait pas revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis. Cette explication divergeait des deux explications (elles aussi différentes) qu'elle a données à l'audience. Elle ne donne pas de raisons pour lesquelles la SPR devrait être disposée à juger une explication plus convaincante que les autres. Je conviens que, à lui seul, le fait de tarder à revendiquer le statut de réfugié ne peut aboutir au rejet de l'allégation d'une crainte subjective. En l'occurrence, la SPR ne s'est pas appuyée uniquement sur le retard de Mme Fatima.

[10]      En ce qui concerne les conclusions relatives à la crédibilité, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable. Mme Fatima ne m'a pas persuadé que, à cet égard, les conclusions de la SPR sont manifestement déraisonnables. Il s'ensuit que la SPR pouvait à bon droit, en s'appuyant sur ses conclusions, décider qu'elle n'avait pas de crainte subjective.

[11]      Étant donnée cette conclusion, je n'ai pas besoin de me pencher sur les arguments relatifs à la protection assurée par l'État. Cependant, je ne serais pas disposée, de toute façon, à infirmer la conclusion de la SPR au sujet de la protection offerte par l'État. Je conviens avec le défendeur que, dans ses observations, la demanderesse exprime essentiellement son désaccord en ce qui a trait à l'appréciation de la preuve. La Commission a pris bonne note des articles mentionnés par l'avocat de Mme Fatima, et elle a conclu que, selon la prépondérance des preuves objectives, il fallait conclure à l'existence de la protection de l'État. Je suis d'avis que les motifs exposés par la SPR montrent qu'elle a soigneusement soupesé toute la preuve documentaire et les arguments présentés avant d'arrêter sa décision. C'est à bon droit qu'elle pouvait conclure que, à la date de l'audience, Mme Fatima serait en mesure d'avoir accès à la protection de l'État si elle rentrait au Pakistan, et c'était une conclusion qui n'était pas déraisonnable, peu importe la norme de contrôle.

[12]      Les avocats ne m'ont pas demandé de certifier une question et il n'y en a aucune qui soit susceptible de l'être.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-533-04

INTITULÉ :                                                   KISHWER FATIMA, AQSA ALI

                                                                       c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 18 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                 LE 20 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Ali M. Amini                                                    POUR LES DEMANDERESSES

Sharon Stewart Guthrie                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Amini Carlson LLP                                          FOR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

                                  

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

Date : 20050120

Dossier : IMM-533-04

ENTRE :

KISHWER FATIMA (alias KISHWAR FATIMA)

AQSA ALI

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


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