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Date : 20001024

Dossier : IMM-3945-99

Ottawa (Ontario), le mardi 24 octobre 2000

EN PRÉSENCE DE : Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                       CHAUDHRY MOHAMMAD ASLAM

                                                                                                                               demandeur

                                                                    - et -

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                                                             JUGEMENT

IL EST ORDONNÉ ET DÉCIDÉ CE QUI SUIT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                         Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20001024

Dossier : IMM-3945-99

ENTRE :

                                       CHAUDHRY MOHAMMAD ASLAM

                                                                                                                               demandeur

                                                                    - et -

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON

[1]         M. Aslam, le demandeur, est un ressortissant pakistanais âgé de 62 ans qui, le 19 septembre 1996, a demandé la résidence permanente au Canada dans la catégorie des entrepreneurs. M. Aslam présente cette demande de contrôle judiciaire d'une décision de Robert McLeman, vice-consul au Consulat général du Canada à Seattle (Washington), en date du 5 juillet 1999, décision par laquelle la demande de M. Aslam avait été refusée.


LES FAITS

[2]         Les pièces présentées au soutien de la demande de M. Aslam mentionnaient que M. Aslam a obtenu en 1962 un diplôme de l'École militaire du Pakistan. S'en est suivie une longue et fructueuse carrière dans l'armée, qui a duré jusqu'en 1988, année où M. Aslam a pris sa retraite de l'armée avec le grade de colonel.

[3]         Tout au long de sa carrière militaire, M. Aslam s'est spécialisé dans le service, la gestion et la logistique du matériel. Ses tâches comprenaient les achats, le contrôle des stocks, les approvisionnements et la gestion.

[4]         Après sa retraite, M. Aslam a entrepris des activités de consultation au cours desquelles il a exercé la fonction de consultant auprès de diverses sociétés pakistanaises, qui utilisaient ses services en vue de structurer leurs soumissions pour des marchés publics. En 1990, M. Aslam a commencé de fournir des services de conseils par l'entremise de Shamoun International, une société qu'il avait constituée. Cette société servait semble-t-il d'intermédiaire à la fois pour des achats militaires et pour des achats civils.

[5]         En 1995, M. Aslam fondait Kahuta Gases Ltd., une société qui produisait de l'acétylène. M. Aslam était et demeure l'un des administrateurs délégués de l'entreprise.


[6]         La demande de M. Aslam indiquait qu'il était également propriétaire d'immeubles de rapport, notamment des fermes et un motel. La valeur nette déclarée de M. Aslam dépassait 2 millions de dollars.

[7]         M. Aslam a été interrogé par l'agent des visas le 10 février 1998. Ce jour-là, l'agent des visas et M. Aslam ont discuté des projets d'affaires de M. Aslam au Canada, de l'expérience des affaires de M. Aslam, ainsi que de ses intérêts.

[8]         Il y a un certain désaccord sur ce qui s'est dit à la fin de l'entrevue.

[9]         L'agent des visas, dans un affidavit produit sous la foi du serment en opposition à la présente instance, a témoigné que, à la conclusion de l'entrevue, M. Aslam s'était offert à fournir, comme preuve des résultats financiers de ses entreprises, une information concernant les impôts que payaient les sociétés de M. Aslam. L'agent des visas a juré également que, s'agissant de Kahuta Gases Ltd., M. Aslam s'était engagé à transmettre des documents fiscaux se rapportant à lui-même et à ses entreprises, pour les périodes de trois ans les plus récentes.


[10]       M. Aslam a affirmé que, à la fin de l'entrevue, l'agent des visas lui avait demandé d'envoyer au bureau des visas des documents fiscaux concernant sa situation fiscale personnelle ou celle de ses sociétés. M. Aslam a juré que, à la fin de l'entrevue, il s'était engagé à produire certains documents portant sur sa propre situation fiscale ou sur celle de ses sociétés.

[11]       L'agent des visas et M. Aslam s'entendent pour dire que, à la fin de l'entrevue, l'agent des visas avait remis à M. Aslam une note manuscrite indiquant ce qui était exigé. Cette note n'a pas été produite comme preuve. Par la suite, le 11 février 1998, l'agent des visas a écrit à l'avocat de M. Aslam, afin de lui rappeler que le bureau des visas espérait recevoir des comptes de résultats et des bilans préparés par un cabinet d'experts comptables de bonne réputation, à la fois pour Kahuta Gases Ltd. et pour Shamoun International, couvrant les trois années antérieures, ainsi que des relevés de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour les années correspondantes, sans oublier les déclarations fiscales personnelles et déclarations d'impôt sur le patrimoine pour les trois années antérieures.

[12]       La lettre du 11 février 1998 a été envoyée à la mauvaise adresse et, selon l'avocat de M. Aslam qui est intervenu dans la demande de visa, la lettre n'a jamais été reçue.

[13]       Ce qui a finalement été produit par M. Aslam est une lettre émanant d'un cabinet d'experts comptables et portant la mention « À qui de droit » , qui certifiait l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le patrimoine payés au cours des cinq années antérieures par M. Aslam.


[14]       Dans sa partie pertinente, la lettre de refus de l'agent des visas était rédigée ainsi :

[TRADUCTION]

Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 définit un entrepreneur comme un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur ou les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi. Il doit également avoir l'intention et être en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce.

L'information contenue dans votre demande, et que vous avez présentée lors de votre entrevue, indique que vous avez fait peu de planification ou peu de préparatifs en vue de lancer une entreprise au Canada, et vous vous êtes surtout servi de votre patrimoine accumulé et de votre expérience passée et actuelle au Pakistan comme preuve de votre aptitude à devenir un entrepreneur au Canada. Il m'est apparu, à la fin de votre entrevue, que votre expérience et votre réussite dans les affaires au Pakistan semblent en grande partie résulter de vos relations et contacts et de votre connaissance des procédures d'achat de l'armée pakistanaise. Vous n'avez pas montré en quoi de tels attributs pourraient vous être utiles pour devenir un entrepreneur au Canada.

Les documents que vous aviez produits avant et durant votre entrevue ne donnent pas une idée précise de vos activités commerciales au Pakistan. Vous avez produit des copies de plusieurs lettres et accords signés par vous-même, Shamoun International (une société dont vous affirmez avoir été un administrateur délégué) et autres sociétés, lettres et accords qui prévoyaient que vous apporteriez votre aide dans la vente de biens à l'armée pakistanaise, lesquels services ont donné lieu à des virements de fonds dans des comptes à l'étranger. Vous avez confirmé lors de votre entrevue que, pour au moins l'un de ces accords, qui prévoyait votre intervention dans la vente de camions FIAT à l'armée, vous avez été payé sur un compte à l'étranger. Ces lettres et accords donnent une idée de la manière dont vous avez accumulé au moins une partie de votre fortune personnelle, mais je ne crois pas qu'ils attestent que vous possédez les capacités requises selon la définition du mot « entrepreneur » indiquée ci-dessus.

Je vous ai donc demandé, à la fin de votre entrevue, de me fournir des états financiers préparés par un cabinet d'experts comptables de bonne réputation, et se rapportant à vos entreprises établies au Pakistan (Kahuta Gases et Shamoun International), pour les trois années antérieures, de même que des relevés de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour ces entreprises et pour la même période de trois ans, enfin des déclarations fiscales personnelles et déclarations d'impôt sur le patrimoine pour les trois années antérieures. J'ai demandé ces documents afin de me faire une meilleure idée de vos activités commerciales au Pakistan et de décider si telles activités permettraient de dire que vous avez la capacité de devenir un entrepreneur au Canada, selon la définition ci-dessus. En réponse, vous avez envoyé une simple lettre préparée par Tahir Khan & Co Consultants indiquant l'impôt sur le revenu et sur le patrimoine que vous avez payé depuis 1993, sommes qui ne semblent pas avoir dépassé l'équivalent de 1 000 $ canadiens pour une année donnée. Vous n'avez pas fourni les documents demandés concernant vos activités commerciales au Pakistan.


DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES

[15]       L'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS 78/172 (le Règlement) est rédigé ainsi :


« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce; (entrepreneur)

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture; (entrepreneur)


QUESTION

[16]       M. Aslam a affirmé que la décision de l'agent des visas selon laquelle M. Aslam ne pouvait être considéré comme un entrepreneur était déraisonnable compte tenu des éléments de preuve présentés à l'agent des visas.

ANALYSE


[17]       L'essentiel de la plainte de M. Aslam est que la décision de l'agent des visas est viciée par ce qu'il qualifie de scepticisme excessif. M. Aslam affirme que la décision de l'agent des visas n'a pas reconnu les intérêts commerciaux du demandeur en dehors des achats d'équipements militaires, qu'elle a donné une importance injuste et excessive à l'utilisation d'un compte bancaire à l'étranger sans qu'on lui demande pourquoi il avait recours à des banques non pakistanaises, enfin que l'agent des visas n'a pas indiqué exactement à M. Aslam ou à son avocat les renseignements complémentaires que le bureau des visas exigeait. M. Aslam affirme qu'il était déraisonnable pour l'agent des visas de ne pas dire ce qui l'inquiétait à propos de ce qu'il considérait comme une documentation insuffisante, d'autant que l'agent, avant de rendre sa décision, avait en main la demande depuis 15 mois.

[18]       Après examen des documents qui m'ont été présentés, j'arrive à la conclusion que M. Aslam n'a pas montré que, au vu la preuve, l'agent des visas ne pouvait raisonnablement décider comme il l'a fait. Il est un principe reconnu du droit qu'il appartenait à M. Aslam de fournir toute l'information requise au soutien de sa demande de résidence permanente (voir Hajariwala c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.)).


[19]       Je ne crois pas que l'omission de l'agent des visas de mentionner expressément dans la lettre de refus l'expérience des affaires et les intérêts de M. Aslam autres que son expérience et ses intérêts se rapportant aux achats d'équipements militaires constitue une erreur révisable. Les notes versées au STIDI indiquent que l'agent des visas a bien tenu compte des autres activités commerciales en question. Eu égard à l'information fournie par M. Aslam, avec sa demande et durant l'entrevue, l'agent des visas avait toute latitude de conclure que les activités commerciales de M. Aslam se rapportaient surtout au commerce du matériel militaire.

[20]       L'agent des visas a reconnu dans la lettre de refus que M. Aslam avait acquis une expérience enviable dans les affaires au Pakistan, mais il a jugé que M. Aslam n'avait pas montré en quoi cette expérience allait lui permettre de devenir un entrepreneur au Canada. L'agent des visas aurait pu estimer que cette expérience allait constituer un tremplin, mais il ne l'a pas fait, et c'est une conclusion à laquelle il pouvait raisonnablement en arriver.

[21]       S'agissant de l'argument selon lequel l'agent des visas a agi injustement en n'informant pas M. Aslam que les documents produits étaient insuffisants, les parties ont reconnu que, à la conclusion de l'entrevue, M. Aslam s'est vu remettre un avis écrit des autres documents qu'exigeait le bureau des visas. M. Aslam ne s'est pas plaint que la note manuscrite fût de quelque façon inexacte. En conséquence, et compte tenu de l'obligation pour M. Aslam de produire toute l'information nécessaire au soutien de sa demande, je ne puis conclure à une violation de l'obligation d'équité de la part de l'agent des visas.


[22]       Je reconnais avec M. Aslam que certains des commentaires de l'agent des visas dans sa lettre de refus, par exemple la mention par l'agent des visas de comptes à l'étranger et l'allusion à la manière dont une partie de la valeur nette de M. Aslam a été accumulée, sont regrettables et auraient dû être formulés autrement. Toutefois, je ne crois pas que de telles observations dénaturent le processus au point de justifier l'annulation de la décision de l'agent des visas.

[23]       En résumé, je crois que l'insuffisance des documents produits par M. Aslam autorisait le scepticisme de l'agent des visas.

[24]       La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Les avocats n'ont posé aucune question pouvant être certifiée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                           Juge                          

Ottawa (Ontario)

24 octobre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               IMM-3945-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Chaudhry Mohammad Aslam c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 20 septembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU                                     24 octobre 2000

ONT COMPARU :

Peter Johnson                                                    POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Johnson                                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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