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Date : 20060517

Dossier : IMM-4927-05

Référence : 2006 CF 612

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

SALIM RAMZAN ALI LAKHANI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un ressortissant musulman chiite du Pakistan, qui affirme avoir été persécuté sur l'ordre du Sipa Sahaba du Pakistan (SSP). En 1997, il a fui le Pakistan et s'est établi aux États-Unis, où il est demeuré jusqu'en décembre 2002. En janvier 2004, il a présenté une demande d’asile au Canada. Dans la présente demande, il réclame le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la réouverture de la demande d'asile qu'il sollicitait. J'ai conclu que la demande est dénuée de fondement et qu'elle doit donc être rejetée.

 

[2]               L'audience sur la demande d’asile du demandeur était fixée au 12 janvier 2005. Le 7 janvier, il a souffert d'une blessure au dos sur les lieux de travail; son médecin lui a prescrit de s'absenter pour une semaine et de prendre des médicaments sur ordonnance. Le 10 janvier, le demandeur a envoyé à la SPR une lettre et une copie de la note du médecin, et a sollicité une courte remise.

 

[3]               Le 12 janvier, le demandeur a retenu les services d'un nouveau conseil. L'assistant juridique de ce dernier a comparu devant la SPR pour la mettre au courant de la situation du demandeur; la SPR a fixé une audience de justification au 25 février 2005 et ordonné au demandeur d'obtenir et de produire une preuve médicale confirmant qu'il était dans l'incapacité d'assister à l'audience du 12 janvier, ou encore un rapport de la CAT confirmant qu'il avait été blessé sur les lieux de travail, comme il le soutenait.

 

[4]               Le 25 février 2005, le demandeur et son conseil étaient présents à l'audience de justification; le demandeur y a produit une note du médecin confirmant qu'il était [traduction] « trop mal pour travailler le 7/1/05, actuellement capable d'y retourner ». Le conseil du demandeur a fait savoir qu'il (le conseil) était malade et serait dans l'incapacité de procéder sur le fond de l'affaire. Un bref ajournement était demandé sur le bien-fondé de la cause, parce que le demandeur ne voulait pas procéder sans conseil. Le conseil a assisté à l'audience relative au désistement, à laquelle il a pleinement participé.

 

[5]               À l'issue d'une audience plutôt longue (la transcription compte 28 pages), le membre de la SPR a prononcé le désistement de la demande et motivé oralement, en détail, la décision, entre autres le défaut de production par le demandeur des informations demandées touchant son incapacité d'assister à l'audience du 12 janvier. Le membre a conclu que, même si l'on acceptait la note du médecin sur la blessure subie le 7 janvier, elle remontait déjà à quatre jours le 12 janvier, alors qu'il aurait pu retourner au travail après trois jours. S'appuyant sur les différents motifs précités, le membre concluait que l'absence du 12 janvier représentait [traduction] « une décision prise de propos délibéré en vue de retarder l’audience [du demandeur] afin que celle-ci  se déroule en même temps qu'étaient entendues les demandes d’asile du restant de [sa] famille, plus tard dans l'année, étant donné que ces demandes venaient tout juste d'être présentées ».

 

[6]               Le demandeur n'a pas sollicité une demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la décision de désistement; son argumentation à l’égard de la présente demande consiste en une récitation du mécontentement que lui inspire le prononcé du désistement. La méthode adoptée par le demandeur témoigne d'une confusion entre le rôle de la SPR lorsqu'elle instruit les demandes de réouverture de demandes d'asile et celui qu'elle joue lors des audiences sur le désistement.

 

[7]               La demande de réouverture est présentée en vertu de l'article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228. Le paragraphe 55(4) est libellé ainsi :

55. (4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

 

55. (4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

 

 

[8]               Je suis d'avis qu'il est bien établi en droit que, hormis une violation de la justice naturelle, une demande d’asile ne peut être rouverte : Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 258 F.T.R. 226 (C.F.); Shahid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 266 F.T.R. 109 (C.F.); Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 25 Admin. L.R. (4th) 220 (C.F.); Wackowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 280; Nazifpour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1694. Mes propres décisions dans Krishnamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 45 Imm. L.R. (3d) 126, Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 512 et Ntim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1389 vont dans le même sens.

 

[9]               Dans la mesure où le demandeur conteste les conclusions du membre de la SPR sur la procédure de désistement, la voie de recours qui convient en l'espèce est de solliciter l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[10]           Les observations du demandeur, quand il a présenté sa demande de réouverture à la SPR, consistaient en une argumentation qui aurait été adaptée aux circonstances uniquement si la SPR effectuait un contrôle judiciaire ou instruisait un appel de la décision de désistement. La SPR a fait observer, avec raison, qu'elle n'a pas pour fonction d’examiner des questions qu'il aurait fallu soulever à l'occasion d'un contrôle judiciaire de l'audience de désistement. Au lieu de cela, elle [traduction] « se borne à déterminer si la Commission a omis de respecter les principes de justice naturelle à l'audience de désistement. Le réexamen de la preuve ne s'inscrit pas dans ce mandat ».

 

[11]           Touchant la demande de réouverture, le membre de la SPR a conclu, sur la question de l'audience de désistement, que le conseil du demandeur était présent avec ce dernier, qu’il s'est occupé de la question de désistement et [traduction] « a donné la suite qui convient à la question en l'espèce ». La demande de réouverture a été rejetée en l'absence de tout manquement aux règles de justice naturelle à l'audience de désistement.

 

[12]           À l'audition de la présente demande, l’avocat du demandeur a invoqué un manquement aux règles de justice naturelle, à savoir que le membre de la SPR aurait dû accepter la note du médecin qui avait été produite et qu'il était [traduction] « injuste » de la part de ce membre d'en exiger davantage. La SPR est maître chez elle : la Cour n'a pas pour mandat de s'ingérer dans ses modes de procédure si la SPR s’acquitte de son obligation d'agir équitablement et respecte les règles de justice naturelle. Il était loisible au membre de la SPR d'exiger des renseignements plus précis que ceux présentés par le demandeur au sujet de son absence du 12 janvier. Le membre a donné avis qu'une preuve plus probante était exigée longtemps avant l'audience de justification – en réalité – il l’a fait le 12 janvier. En tout état de cause, la note du médecin ne réglait aucunement le problème du demandeur; en effet, le membre a clairement dit que cette note, même si elle était acceptée, ne constituait pas une justification suffisante de l’absence.

 

[13]           Il ressort d'un examen de la transcription que le membre de la SPR a accordé au demandeur, à l'audience de désistement, toutes les chances de justifier son incapacité d'assister à l'audience fixée au 12 janvier. Non seulement le demandeur n'a pas convaincu le membre qu'il lui avait été impossible de se présenter à l'audience, mais de plus le membre en est arrivé à la conclusion que le demandeur cherchait délibérément à retarder la procédure. Il s'agit en l'espèce d'une conclusion de fait parfaitement légitime à la lumière de la preuve disponible.

 

[14]           Pour ce qui est de la demande de réouverture, la SPR a conclu, après avoir pesé cette preuve, à l'absence de tout manquement à un principe de justice naturelle. Le rejet de la demande est justifiable quelle que soit la norme de contrôle appliquée, y compris celle du bien-fondé.

 

[15]           L'avocat n'a proposé la certification d'aucune question et aucune n'est soulevée.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4927-05

 

INTITULÉ :                                       SALIM RAMZAN ALI LAKHANI

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 16 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 17 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mak Sultan

 

POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mak Sultan

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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