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Date : 20060621

Dossier : T‑14‑05

Référence : 2006 CF 784

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

BIOVAIL CORPORATION (s/n BIOVAIL

PHARMACEUTICALS CANADA), BIOVAIL

LABORATORIES INC. et GLAXOSMITHKLINE INC.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

et SANDOZ CANADA INC.

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Version expurgée pour le public)

[1]               La défenderesse Sandoz souhaite commercialiser une nouvelle drogue. Elle soutient que cette drogue ne contreferait pas les brevets détenus par les demanderesses (ci-après désignées collectivement Biovail). Biovail soutient le contraire et me demande de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social d'autoriser Sandoz à mettre sa drogue sur le marché. Sandoz affirme en outre que l'un des brevets de Biovail est invalide.

[2]               Je suis convaincu que la preuve produite devant moi étaye la thèse de Sandoz selon laquelle sa drogue ne contrefera pas les brevets de Biovail. Par conséquent, je me vois dans l'obligation de refuser à Biovail l'ordonnance d'interdiction qu'elle demande. Vu les faits, je n'ai pas à trancher la question de la validité.

I.        Les questions en litige

1.  L'allégation de Sandoz selon laquelle la drogue qu'elle propose ne contrefera pas le brevet canadien no 2142320 de Biovail (le brevet 320) est-elle infondée?

2.  L'allégation de Sandoz selon laquelle la drogue qu'elle propose ne contrefera pas le brevet canadien no 2168364 de Biovail (le brevet 364) est-elle infondée?

 

II.     Analyse

A.  Questions générales de procédure

1. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

[3]               Les procédures relevant de ce règlement remplissent un objet limité. Elles constituent un moyen expéditif de décider des questions relatives à la validité et à la portée des brevets sur médicaments dans le cadre des dispositions réglementaires qui régissent le droit des fabricants à commercialiser leurs produits au Canada. Elles n'équivalent pas à une action civile en contrefaçon de brevet : Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1996] A.C.F. no 1333 (C.A.) (QL), au paragraphe 12. La décision que rend la Cour sous le régime du Règlement n'a de caractère obligatoire à l'égard d'aucune action qui opposerait ultérieurement les parties : Fournier Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1718, [2004] A.C.F. no 2149.

 

2. Le fardeau de la preuve

[4]               Sandoz soutient que sa drogue ne contrefera pas les brevets de Biovail. Elle formule les motifs de sa position dans un avis d'allégation signifié à Biovail le 24 novembre 2004. Elle y fait notamment valoir qu'elle ne contrefera pas le brevet 320 parce qu'elle prévoit d'utiliser un agent de libération continue différent de celui que spécifie ce brevet, et qu'elle ne contrefera pas le brevet 364 au motif qu'elle n'utilisera aucun des agents stabilisants qui y sont énumérés.

 

[5]               Pour obtenir l'ordonnance qu'elle demande dans la présente espèce, Biovail doit prouver que les allégations de Sandoz sont infondées. Sandoz, quant à elle, doit produire des éléments de preuve établissant que ses allégations sont fondées.

 

3. La courtoisie judiciaire

 

[6]               Le juge Sean Harrington a récemment décidé une affaire mettant en jeu le brevet 320 : Biovail Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2005 CF 9, [2005] A.C.F. no 7. Comme dans la présente espèce, l'une des principales questions à trancher dans cette affaire était celle de savoir si l'utilisation par la défenderesse de l'hydroxypropyl cellulose (l'HPC) comme agent de libération continue contreferait le brevet 320 de Biovail. Le juge Harrington a répondu à cette question par la négative.

 

[7]               Sandoz soutient que je devrais décider dans le même sens que le juge Harrington par courtoisie judiciaire, à moins que sa décision ne soit selon moi entachée d'erreur flagrante. Biovail affirme quant à elle que je devrais trancher de manière indépendante les questions relatives au brevet 320, étant donné que la preuve produite devant moi est différente de celle dont disposait le juge Harrington. Selon elle, la courtoisie judiciaire pourrait m'amener à suivre le juge Harrington sur les questions de droit, mais ne devrait pas influer sur mes conclusions de fait.

 

[8]               Je pense comme Biovail que la courtoisie judiciaire ne devrait pas influer sur l'analyse de la preuve produite devant moi. En outre, comme je souscris à l'analyse du droit applicable effectuée par le juge Harrington, je n'ai pas à me demander de quel degré de retenue j'aurais dû faire preuve à l'égard de cette analyse si elle n'avait pas entraîné ma complète adhésion.

 

B. L'allégation de Sandoz selon laquelle la drogue qu'elle propose ne contrefera pas le brevet canadien no 2142320 de Biovail (le brevet 320) est-elle infondée?

1. La preuve

[9]               Le brevet 320 de Biovail est relatif à un comprimé comprenant du chlorhydrate de bupropion, un antidépresseur bien connu, et de l’hydroxypropylméthyl cellulose (HPMC). On utilise l’HPMC dans les médicaments dans le but d’obtenir une libération continue de l’ingrédient actif. Sandoz propose de fabriquer un comprimé comprenant du chlorhydrate de bupropion et de l’hydroxypropyl cellulose (HPC), un autre agent de libération continue.

 

[10]           Chacune des parties a retenu les services de deux experts pour examiner la question de savoir si la drogue proposée par Sandoz contreferait le brevet de Biovail. Les experts se sont révélés d'accord sur plusieurs points, mais pas sur la question fondamentale de savoir si la nouvelle drogue de Sandoz contreferait le brevet de Biovail. J'exposerai d'abord les points d'accord, puis les points de désaccord.

 

a)  Les points d'accord

 

i)  L'utilisation d'éthers de cellulose comme agents de libération continue

 

[11]           L’HPMC et l’HPC sont des produits de la cellulose, un composant naturel des végétaux. Plus particulièrement, il s’agit d’éthers de la cellulose. Les éthers de la cellulose possèdent des propriétés qui les rendent aptes à être utilisés comme agents de libération continue dans les comprimés. Quand ils entrent en contact avec un liquide (p. ex. les sucs gastriques), ils forment un gel à la surface du comprimé. Le gel contrôle la vitesse à laquelle l’ingrédient actif est libéré du comprimé et ingéré par le patient. Le gel se dissout assez lentement, mais il finit par se disperser et l’ingrédient actif est libéré complètement.

 

[12]           Les agents de libération continue sont utiles dans toutes sortes de médicaments parce qu’ils permettent l’ingestion progressive par le patient d’une quantité appropriée de l’ingrédient actif du médicament. Ceci permet au médicament d’être efficace pendant un certain temps. Il est aussi plus facile pour les patients de se rappeler de prendre un comprimé par jour que d’en prendre plusieurs.  En ce qui concerne le chlorhydrate de bupropion en particulier, les patients peuvent parfois souffrir de crises d’épilepsie si l’ingrédient actif est libéré trop rapidement. Un comprimé à libération continue évite ce problème.

 

(ii) Comparaison entre l’HPMC et l’HPC

 

[13]           L’HPMC et l’HPC sont constitués d’une chaîne de molécules de cellulose. On les prépare en combinant la cellulose avec l’oxyde de propylène. Au cours de la réaction, certains atomes d’hydrogène des molécules de cellulose sont remplacés par des groupements hydroxypropyles. En ce qui concerne l’HPMC, une réaction supplémentaire est nécessaire. La cellulose est aussi combinée avec du chlorure de méthyle. Il en résulte que dans l’HPMC, certains atomes d’hydrogène de la cellulose sont remplacés par des groupements méthoxys et d’autres par des groupements hydroxypropyles. En conséquence, la composition chimique de l’HPMC est similaire à celle de l’HPC, mais elle contient un composant supplémentaire : les groupements méthoxys.

 

[14]           Des qualités diverses d’HPMC et d’HPC sont disponibles chez différents fabricants. Les qualités correspondent respectivement aux concentrations diverses des groupements hydroxypropyles et des groupements méthoxys. Par exemple, le brevet 320 identifie une qualité d’HPMC désignée sous le numéro 2910, contenant 29 % de groupements hydroxypropyles et 10 % de groupements méthoxys à la place d’atomes d’hydrogène présents initialement dans les molécules de cellulose.

(b)  Points de désaccord  

 

[15]           Les experts de Biovail soutiennent que les différences entre l’HPMC et l’HPC sont minimes. La composition chimique des deux substances est pratiquement identique, la seule différence réside dans la présence d’une certaine quantité de groupements méthoxys dans l’HPMC, lesquels sont absents dans l’HPC. Ils soutiennent que l’existence de groupements méthoxys ne modifie pas de façon importante la manière dont l’HPMC fonctionne en tant qu’agent de libération continue. En conséquence, une personne versée dans le domaine de la formulation de médicament comprendrait que dans un brevet où l’HPMC est identifié comme agent de libération continue, tel que le brevet 320 de Biovail, on pourrait remplacer facilement l’HPMC par l’HPC. Ces experts revendiquent donc que le nouveau médicament proposé par Sandoz contrefait le brevet de Biovail parce que l’HPMC y est tout simplement remplacé par un substitut bien connu.

 

[16]           Les experts de Sandoz suggèrent qu’il existe des différences importantes entre l’HPMC et l’HPC. Ils soulignent la différence de composition chimique entre les deux substances, nommément la présence de groupements méthoxys dans l’HPMC. Ils suggèrent que la présence de groupements méthoxys pourrait avoir une incidence sur l’efficacité de l’HPMC en tant qu’agent de libération continue. De plus, ils insistent que les deux substances ne peuvent pas être automatiquement remplacées l’une par l’autre. Afin de créer une forme à libération continue du chlorhydrate de bupropion en utilisant l’HPC, on ne peut pas simplement substituer l’HPMC spécifié dans le brevet 320 par une quantité équivalente de HPC. Il faudrait effectuer des essais en utilisant des quantités et des qualités diverses d’HPC pour arriver à une formulation qui serait médicalement appropriée et efficace. Ces experts revendiquent donc que le médicament proposé par Sandoz ne contrefait pas le brevet 320 de Biovail parce qu’il présente une formulation différente de celle divulguée dans le brevet.

2.  Portée du brevet 320

[17]           Afin de déterminer si le nouveau médicament proposé par Sandoz contrefait le brevet 320 de Biovail, il faut examiner le brevet lui-même pour voir ce qu’il revendique. La revendication principale du brevet 320 (revendication 1) est la suivante :

1.  Un comprimé à libération continue contenant du chlorhydrate de bupropion et de l’hydroxypropylméthyl cellulose dont les proportions du second par rapport au premier varient de 0,19/1 à 1,1/1,  ce comprimé pouvant libérer dans l’eau de 20 à 60 % de la quantité totale de chlorhydrate de bupropion en une heure, de 50 à 95 % de la quantité totale de chlorhydrate de bupropion en quatre heures, et pas moins de 75 % de la quantité totale de chlorhydrate de bupropion en huit heures. (Non souligné dans l’original.)

 

[18]           Le reste des revendications du brevet 320 s’appuie sur la revendication 1. L’essentiel de la revendication 1 consiste à la combinaison du chlorhydrate de bupropion avec l’HPMC sous forme de comprimé, et à la concentration d’HPMC comprise dans une plage particulière, mesurée en poids, amenant une vitesse de libération continue de l’ingrédient actif.

 

[19]           La question à laquelle je dois répondre est celle de savoir si Biovail a établi le caractère infondé de l'allégation de Sandoz selon laquelle sa drogue ne contrefera pas le brevet de Biovail. Il me faut tenir compte du fait que le brevet 320 désigne expressément l'HPMC comme agent de libération continue, et spécifie les limites entre lesquelles doivent s'inscrire sa concentration et la vitesse de libération continue du principe actif.

 

[20]           Les brevets contiennent souvent à la fois des éléments essentiels et d'autres qui ne le sont pas. On peut dire en règle générale que le fabricant qui remplace un élément non essentiel d'un brevet par un équivalent enfreint peut-être ce brevet, et qu'il ne l'enfreint pas s'il remplace un élément essentiel. Le juge Binnie expose une méthode pour établir si un élément donné est essentiel ou non au paragraphe 55 de l'arrêt Free World Trust c. Electro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024 :

 

Pour qu'un élément soit jugé non essentiel et, partant, remplaçable, il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l'invention, c.‑à‑d. que, si le travailleur versé dans l'art avait alors été informé de l'élément décrit dans la revendication et de la variante et [traduction] « qu'on lui avait demandé de déterminer si la variante pouvait manifestement fonctionner de la même manière », sa réponse aurait été affirmative : Improver Corp. c. Remington, précité, à la p. 192. Dans ce contexte, je crois qu'il faut entendre par « fonctionner de la même manière » que la variante (ou le composant) accomplirait essentiellement la même fonction, d'une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat.

 

 

[21]           Pour ce qui concerne la première possibilité, il m'apparaît, compte tenu de l'ensemble du brevet 320, que l'HPMC est un élément essentiel de l'invention. En effet, cette substance est mentionnée dans toutes les revendications du brevet, qui n'en désignent aucun substitut ou équivalent possible.

 

[22]           En ce qui a trait à la deuxième façon de distinguer les éléments essentiels des non essentiels, la preuve produite par les parties me donne à penser que le lecteur du brevet 320 versé dans l'art de la formulation de médicaments se serait rendu compte qu'il serait probablement possible d'obtenir une formule semblable de libération continue en utilisant l'HPC. Mais cela ne suffit pas. Si l'on avait dit à cette personne versée dans l'art que l'HPMC était utilisée dans le brevet 320 pour obtenir une libération continue du principe actif et qu'on lui avait demandé si l'HPC fonctionnerait manifestement de la même manière, elle n'aurait pas répondu par l'affirmative. Au mieux, elle aurait répondu « peut-être ». Ce n'est qu'après la mise à l'épreuve expérimentale de différentes quantités et qualités d'HPC qu'on aurait pu mettre au point un comprimé en grande partie semblable. Je note à ce propos que, selon les inventeurs du brevet 320, il a fallu trois années d'essais pour obtenir la formulation de libération continue utilisant l'HPMC. Cela étant, force m'est de conclure que l'HPMC constitue un élément essentiel du brevet 320.

 

3.  Conclusion

 

[23]           Je tiens pour établi que l'inventeur du brevet 320, lorsqu'il a spécifié l'HPMC comme agent de libération continue dans sa formulation, voyait en cette substance un élément essentiel du brevet et ne considérait pas l'HPC comme comprise dans les termes de ce dernier. En conséquence, je ne suis pas persuadé du caractère infondé de l'allégation de Sandoz selon laquelle son utilisation de l'HPC ne contreferait pas le brevet de Biovail.

 

C. L'allégation de Sandoz selon laquelle la drogue qu'elle propose ne contrefera pas le brevet canadien no 2168364 de Biovail (le brevet 364) est-elle infondée?

1. La preuve

[24]           Le chlorhydrate de bupropion a tendance à se dégrader. Le brevet 364 de Biovail porte sur un comprimé combinant du chlorhydrate de bupropion avec un agent stabilisant de façon à augmenter sa durée de conservation. On utilise souvent les acides comme agents stabilisants. Le brevet 364 mentionne quatre acides particuliers qui pourraient servir d’agents de stabilisants appropriés. Sandoz propose de fabriquer un comprimé de chlorhydrate de bupropion qui ne contiendrait aucun des agents stabilisants mentionnés dans le brevet 364.

 

[25]           Chaque partie a demandé à ses experts respectifs d’examiner si le médicament proposé par Sandoz contrefait le brevet 364 de Biovail. Il n’y avait ici que peu de terrain d’entente. Les rapports des experts ont donné des réponses aux questions suivantes :

 

(a)  Le but de la dilution de l’acide chlorhydrique dans la formulation de Sandoz

 

[26]           Les experts de Biovail remarquent que la formulation de Sandoz comprend la dilution de l’acide chlorhydrique (HCl). Ils pensent que le HCl fonctionne en tant qu’agent stabilisant dans la formulation de Sandoz. C’est pourquoi ils suggèrent que l’inclusion de HCl dans la formulation de Sandoz contrefait le brevet de Biovail parce que le HCl agit de la même façon que les acides mentionnés dans le brevet 364. Contrairement aux prétentions de Sandoz, les experts de Biovail déclarent douter que l’on puisse retirer tout le HCl au cours du procédé de fabrication.

 

[27]           Les experts de Sandoz déclarent que le HCl contenu dans leur formulation sert à des fins autres que la stabilisation. De plus, comme Sandoz l’indique dans son avis d’allégation, ils insistent sur le fait que le HCl est totalement enlevé au cours de la fabrication. Finalement, ils font remarquer que, même si le HCl était présent dans la formulation de Sandoz et servait d’agent stabilisant, il ne se trouve pas parmi les agents mentionnés spécifiquement dans le brevet 364.

 

(b) La pertinence de l’acide chlorhydrique en tant qu’agent stabilisant

 

[28]           Les experts de Biovail prétendent que le HCl peut être utilisé comme agent stabilisant dans la formulation d’un médicament. Il contribuerait à maintenir un environnement acide dans les comprimés de Sandoz en libérant des ions hydrogène, essentiellement de la même manière que les autres acides identifiés dans le brevet 364. C’est cet environnement acide qui stabilise le bupropion.

 

[29]           Les experts de Sandoz déclarent que même si le HCl était présent dans leur formulation, ce qu’ils dénient, cet acide ne serait pas un agent stabilisant adéquat. Le HCl est un acide beaucoup plus fort que ceux qui sont cités dans le brevet 364. Son pH n’est pas compris dans la plage spécifiée dans les revendications du brevet. De plus, le HCl est incompatible avec le stéarate de magnésium qui est utilisé comme lubrifiant dans la formulation de Sandoz.

 

2. Portée du brevet 364

[30]           Revendication 1 du brevet ‘364 :

1. Une composition pharmaceutique de forme solide composée de chlorhydrate de bupropion et d’un stabilisant acceptable pharmaceutiquement ou d’une combinaison de stabilisants en quantité efficace, laquelle composition contient au moins 80 % p/p environ de chlorhydrate de bupropion après un stockage de 6 semaines à environ 40 °C et 75 % d’humidité relative, une solution aqueuse du/des stabilisants en concentration d’environ 6 % p/p ayant un pH d’environ 0,9 à environ 4, et le/les stabilisants sélectionnés parmi les acides organiques, les acides carboxyliques, les sels acides d’un acide aminé et de métabisulfite de sodium. (Non souligné dans l’original.) 

 

[31]           Les autres revendications pertinentes du brevet 364 mentionnent expressément aussi les quatre stabilisants spécifiés dans la revendication 1.

 

[32]           Ici encore, il m'incombe d'établir si l'allégation de Sandoz selon laquelle sa formulation ne contrefera pas le brevet de Biovail est infondée. Je dois supposer l'avis d'allégation de Sandoz conforme à la vérité, sauf si Biovail prouve le contraire : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.F.), au paragraphe 18. Il me faut aussi tenir compte du fait que le brevet spécifie quatre agents stabilisants, dont aucun n'est l'HCl.

 

[33]           L'avis d'allégation de Sandoz porte que l'HCl contenu dans sa formulation sera enlevé en cours de fabrication. Les experts de Biovail mettent cette proposition en doute, mais, leur scepticisme mis à part, rien ne me permet de conclure qu'elle soit fausse.

 

[34]           En tout état de cause, même s'il restait une certaine quantité d'HCl dans le produit final, je ne conclurais pas au caractère infondé de l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Sandoz. Le brevet Sandoz spécifie les agents stabilisants compris dans l'invention brevetée, et aucun de ces agents n'est l'HCl. Dans un contexte analogue, la juge Barbara Reed a conclu que « si la partie intimée n'utilise pas l'un des acides énumérés dans la revendication, alors il paraît évident qu'il n'y a pas de contrefaçon littérale de cette revendication » : Hoffmann-La Roche Ltée et al. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 67 C.P.R. (3d) 484 (C.F. 1re inst.), à la page 502. La Cour d'appel fédérale a souscrit à cette conclusion, déclarant que le brevet était « clair et dépourvu de toute ambiguïté » et n'exigeait pas d'autre interprétation : [1996] A.C.F. no 1333 (QL), au paragraphe 15. Cette approche me paraît conforme aux indications données par le juge Binnie au paragraphe 51 de Free World Trust, précité :

 

Les mots choisis par l'inventeur seront interprétés selon le sens que l'inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d'une manière qui est favorable à l'accomplissement de l'objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l'inventeur qui s'exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Le public doit pouvoir s'en remettre aux termes employés à condition qu'ils soient interprétés de manière équitable et éclairée.

 

3.  Conclusion

 

[35]           Je considère comme établi que la formulation de Sandoz ne contient pas d'HCl. Cependant, même si elle en contenait, je n'en conclurais pas moins que l'inventeur du brevet 364, lorsqu'il a spécifié les agents stabilisants pouvant être utilisés, ne considérait pas que l'HCl fût compris dans les termes de ce brevet. Par conséquent, on ne m'a pas convaincu du caractère infondé de l'allégation de Sandoz selon laquelle sa formulation ne contient aucun des agents stabilisants que spécifie le brevet de Biovail. 


III. Décision

[36]           Biovail ne s'est pas acquittée de la charge qui lui incombait de prouver le caractère infondé des allégations de Sandoz selon lesquelles la nouvelle drogue de celle‑ci ne contreferait pas les brevets 320 et 364. En conséquence, je dois rejeter avec dépens la demande de Biovail tendant à obtenir une ordonnance d'interdiction.

 

 

JUGEMENT

            LA COUR STATUE :

 

1.         La demande tendant à obtenir une ordonnance d'interdiction est rejetée avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑14‑05

 

INTITULÉ :                                       BIOVAIL CORP ET AL.

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL ET AL.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATES DE L'AUDIENCE :             LES 3 ET 4 AVRIL 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE O'REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 JUIN 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas N. Deeth

Heather E.A. Watts

POUR LES DEMANDERESSES

 

Edward Hore

Kevin Zive

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

Hazzard & Hore

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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