Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 19990908


Dossier : T-1761-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

     MITCHIKANIBIKOK INIK (aussi connu sous le nom de

     LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE)

     demandeurs

     et

     MICHEL THUSKY

     défendeur

     et

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

     défendeur



     Dossier : T-1762-98

ENTRE :

     MITCHIKANIBIKOK INIK (aussi connu sous le nom de

     LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE)

     demandeurs

     et


     Page : 2

     CÉCILE WAWATIE, ANTHONY VINCENT,

     PATRICK RATT, SIMON WHITEDUCK, MARTIN RATT,

     ANGÉLIQUE NOTTAWAY, PAUL PIEN,

     JACQUELINE RATT et ERIC CHARBONNEAU

     défendeurs

     et

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

     défendeur


     O R D O N N A N C E


     La décision de l'arbitre Joseph E. Roach, en date du 10 août 1998, est annulée. La question est renvoyée à un autre arbitre pour nouvel examen conformément aux présents motifs. Il n'y aura pas de dépens.




     Danièle Tremblay-Lamer

                                     JUGE








Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.






Date : 19990908


Dossier : T-1761-98



ENTRE :

     MITCHIKANIBIKOK INIK (aussi connu sous le nom de

     LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE)

     demandeurs

     et

     MICHEL THUSKY

     défendeur

     et

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

     défendeur


     Dossier : T-1762-98

ENTRE :

     MITCHIKANIBIKOK INIK (aussi connu sous le nom de

     LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE)

     demandeurs

     et

     CÉCILE WAWATIE, ANTHONY VINCENT,

     PATRICK RATT, SIMON WHITEDUCK, MARTIN RATT,

     ANGÉLIQUE NOTTAWAY, PAUL PIEN,

     JACQUELINE RATT et ERIC CHARBONNEAU

     défendeurs


     et

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER :


[1]      La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de M. Joseph E. Roach (l'arbitre), un arbitre nommé conformément au paragraphe 251.12(1) du Code canadien du travail1. La demande porte sur des appels interjetés par les demandeurs en matière de recouvrement de salaire. Dans sa décision, l'arbitre ordonnait au chef Harry Wawatie, de la bande des Algonquins du lac Barrière, en sa qualité d'employeur, de verser sans délai au Receveur général du Canada les sommes précisées dans l'ordre de paiement. Ces sommes étaient réclamées par neuf personnes, qui avaient toutes été des employés de la Bande. Les sommes en cause portaient sur des indemnités tenant lieu de préavis et des indemnités de départ, supposément dues aux personnes nommées ici comme les défendeurs, qui avaient été embauchées par le Conseil de bande provisoire (CDBP).

[2]      Le dossier T-1761-98 implique M. Michel Thusky, alors que le dossier T-1762-98 implique M. Cécile Wawatie et d'autres. Comme les deux dossiers se rapportent à la même situation et portent sur les mêmes questions, les présents motifs s'appliqueront mutatis mutandis au dossier T-1762-98.

LES FAITS

     Le contexte

[3]      Les Mitchikanibikong Inik, aussi connus sous le nom de Les Algonquins du lac Barrière, habitent la réserve du lac Rapide, dans l'ouest du Québec.

[4]      Les Algonquins du lac Barrière choisissent leur chef et leur conseil selon la coutume, et non par une élection en vertu de la Loi sur les Indiens (la Loi)2. Au début de la période en cause, le Conseil coutumier était composé du chef Jean-Maurice Matchewan et des conseillers Jean Paul Ratt et Jules Papatie. Jusqu'au 23 janvier 1996, le chef et le conseil étaient reconnus par le MAINC comme le conseil légitime des Algonquins du lac Barrière.

[5]      En 1994, la communauté s'est divisée et un " gouvernement provisoire " a été mis sur pied sous la direction de Gérard Guay. En octobre 1994, Joseph Wawatie Jr. a demandé au MAINC de reconnaître ce gouvernement " dissident ". Le MAINC n'a pas accédé à cette demande, au motif que la politique du Ministère était de ne pas [traduction ] " intervenir dans les disputes internes portant sur le choix du chef et du conseil conformément à la coutume de la Bande3 ".

[6]      Le 10 juillet 1995, une deuxième demande a été présentée en ce sens. Cette requête a aussi été rejetée, puisque la [traduction] " politique du Ministère [était] de ne pas intervenir dans les affaires internes de la Bande4 ". Malgré ce refus, le MAINC a écrit au gouvernement " dissident " en septembre 1995 pour expliquer la procédure à suivre afin d'être officiellement reconnu par le Ministère. En conséquence, le groupe a fait circuler une pétition sur la réserve et à l'extérieur de celle-ci, se proclamant le " Conseil de bande provisoire " (CDBP), pétition qui a été présentée au Ministère le 27 novembre 1995.

[7]      Le 8 décembre 1995, le CDBP a présenté en cette Cour une demande de bref de quo warranto révoquant le Conseil coutumier pour le remplacer par le CDBP. La Cour a refusé de délivrer cette interjonction interlocutoire sur-le-champ, et elle a ordonné la tenue d'un procès au fond.

[8]      Le 23 janvier 1996, alors que la question était toujours devant la Cour fédérale, le chef Matchewan et son Conseil ont reçu un message télécopié de Denis Chatain, directeur général régional du MAINC. Ce message les informait que le MAINC avait décidé de reconnaître le CDBP comme [traduction] " le conseil légitime de la Bande du lac Barrière ", suite à la pétition5.

[9]      Le 25 janvier 1996, M. Chatain envoyait une deuxième lettre pour confirmer sa décision antérieure de reconnaître le CDBP comme le [traduction] " seul conseil légitime de la Bande du lac Barrière ", conformément à la coutume de la Bande6. Il ajoutait que le mandat du CDBP serait court, se terminant le 30 juin 1996, et que la décision était définitive7.

[10]      Le 20 février 1996, les demandeurs ont déposé une requête introductive d'instance (dossier T-357-96) pour demander le contrôle judiciaire de la décision du MAINC de reconnaître le CDBP. Le 30 juin 1996, le mandat provisoire du CDBP s'est terminé. Un nouveau Conseil de bande a été élu le 9 avril 1997 et il a été reconnu par le MAINC le 17 avril 1997.

[11]      Le 17 décembre 1997, le juge McGillis a délivré une ordonnance demandant une justification. Le 8 janvier 1998, le juge Lutfy a ordonné le rejet de la requête de quo warranto, présentée par le CDBP, ainsi que de la demande de contrôle judiciaire du Conseil coutumier, pour défaut de procéder.

     La décision de l'arbitre     

[12]      L'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour examiner la validité de la décision par laquelle le ministre a accordé au CDBP le statut de représentant des Algonquins du lac Barrière. Il a donc conclu que les personnes en cause étaient des employés de la Bande durant la période visée, puisqu'elles avaient été embauchées par le Conseil légalement constitué.

[13]      En s'appuyant sur les éléments de preuve, l'arbitre a conclu que les personnes en cause étaient [traduction] " des employés de la Bande et que leurs salaires étaient établis et payés par la Bande ". De plus, il a conclu que le Ministère avait nommé un administrateur indépendant [traduction ] " pour protéger les intérêts des membres de la communauté du lac Barrière et voir à ce que les programmes et les services soient fournis à la Bande sans interruption ". Finalement, il a décidé que le Conseil de bande coutumier était le successeur du CDBP et qu'il devait respecter l'obligation de satisfaire aux ordres de paiement délivrés par Travail Canada. Pour arriver à cette conclusion, l'arbitre s'est appuyé sur sa conclusion qu'il existait une continuité juridique entre les conseils de bande successifs.

QUESTIONS EN LITIGE

     1.      L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'il n'avait pas compétence pour contester la validité de la décision du ministre de reconnaître le CDBP?
     2.      L'arbitre a-t-il agi de façon manifestement déraisonnable en concluant que les personnes en cause étaient des employés des Algonquins du lac Barrière durant la période visée?

LA POSITION DES PARTIES

[14]      Les demandeurs soutiennent que l'arbitre a commis une erreur en n'examinant pas la question de savoir si la législation autorisait le ministre à reconnaître le CDBP. Ils soutiennent que le ministre ne peut reconnaître que les conseils choisis par les membres selon leurs coutumes, ou élus conformément à la Loi. Les demandeurs soutiennent que l'arbitre a outrepassé sa compétence en s'appuyant sur une décision erronée en droit et que, de ce fait, sa décision est manifestement déraisonnable.

[15]      Les demandeurs insistent encore plus sur le fait que l'arbitre aurait commis une erreur en concluant que l'administrateur indépendant avait compétence pour continuer à employer les plaignants après l'expiration du mandat du Conseil de bande provisoire. Ils soutiennent que l'entente de financement de 1996-1997 entre le CDBP et le MAINC, qu'on peut interpréter comme accordant au MAINC la compétence de nommer un mandataire pour agir au nom de la Première nation, est venue à expiration le 31 mars 1997. De ce fait, les demandeurs soutiennent que l'arbitre ne peut s'appuyer sur une entente expirée pour imposer un mandataire à la Première nation.

[16]      Le défendeur plaide que la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire ne peut excéder celle du décideur mis en cause. En l'instance, le paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale8 donne compétence exclusive à la Section de première instance pour contrôler les décisions de tout office fédéral. En d'autres mots, l'arbitre ayant eu raison de conclure qu'il n'a pas compétence pour contrôler la décision du ministre, la Cour n'aurait donc pas compétence pour contrôler la décision de l'arbitre. La demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre ayant été rejetée pour défaut de procéder, la décision doit être maintenue.

[17]      Néanmoins, le défendeur soutient qu'au vu de la preuve, la décision de l'arbitre n'était pas manifestement déraisonnable. Les personnes en cause ont été embauchées par le CDBP durant son mandat. Leurs heures et conditions de travail, ainsi que leurs salaires, étaient fixés par le CDBP. Le défendeur soutient aussi que l'arbitre avait compétence pour conclure que l'administrateur indépendant n'était pas un mandataire de la Couronne et qu'il y avait continuité juridique entre les conseils de bande successifs.

ANALYSE

     L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'il n'avait pas compétence pour contester la validité de la décision du ministre de reconnaître le CDBP?

[18]      L'arbitre a été nommé en vertu du Code canadien du travail pour trancher les appels en matière de recouvrement de salaire présentés par les demandeurs. Le Code canadien du travail fixe, au paragraphe 251.12(2), la compétence de l'arbitre.


251.12 (2) A referee to whom an appeal has been referred by the Minister

(a) may summon and enforce the attendance of witnesses and compel them to give oral or written evidence on oath and to produce such documents and things as the referee deems necessary to deciding the appeal;


(b) may administer oaths and solemn affirmations;

(c) may receive and accept such evidence and information on oath, affidavit or otherwise as the referee sees fit, whether or not admissible in a court of law;

(d) may determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the appeal to present evidence and make submissions to the referee, and shall consider the information relating to the appeal; and


(e) may make a party to the appeal any person who, or any group that, in the referee's opinion, has substantially the same interest as one of the parties and could be affected by the decision.

251.12 (2) Dans le cadre des appels que lui transmet le ministre, l'arbitre peut:

a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu'à produire les documents et les pièces qu'il estime nécessaires pour lui permettre de rendre sa décision;

b) faire prêter serment et recevoir des affirmations solennelles;

c) accepter sous serment, par voie d'affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu'à son appréciation il juge indiqués, qu'ils soient admissibles ou non en justice;

d) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

e) accorder le statut de partie à toute personne ou tout groupe qui, à son avis, a essentiellement les mêmes intérêts qu'une des parties et pourrait être concerné par la décision.

[19]      De son côté, le paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale accorde expressément à la Section de première instance compétence exclusive en première instance pour contrôler les décisions de tout office fédéral :


18. (1) Subject to section 28, the Trial Division has exclusive original jurisdiction


(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Section de première instance a compétence exclusive, en première instance, pour_:

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l'alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d'obtenir réparation de la part d'un office fédéral.

[20]      Le ministre des AINC tombe sous le coup de la définition d'un office fédéral. Par conséquent, la Section de première instance a compétence exclusive en première instance pour contrôler la légalité de ses décisions. Comme je l'ai déjà mentionné, la demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre a été rejetée pour défaut de procéder. Pour l'essentiel, ce rejet venait confirmer la légalité de la décision du ministre de reconnaître le CDBP comme représentant des Algonquins du lac Barrière.

[21]      Les demandeurs soutiennent qu'en s'appuyant sur une décision qui est erronée en droit, la décision de l'arbitre est aussi erronée en droit. En conséquence, la Cour devrait avoir compétence pour réviser une telle erreur. À mon avis, cet argument donne une interprétation trop vaste à l'alinéa 18.1(4)f) : le contrôle judiciaire doit se limiter à la décision mise en cause. L'alinéa 18.1(4)f) ne devrait pas permettre aux demandeurs d'attaquer la légalité d'une décision antérieure à celle qui est contestée dans le cadre du contrôle. Il est clair en droit que les demandeurs ne doivent pas être autorisés à faire indirectement ce qu'ils ne peuvent faire directement. Pour ces motifs, je suis d'avis que la Cour n'a pas compétence pour contester la validité de la décision du ministre dans son processus de contrôle de la décision de l'arbitre.

     L'arbitre a-t-il agi de façon manifestement déraisonnable en concluant que les personnes en cause étaient des employés des Algonquins du lac Barrière durant la période visée?

[22]      L'arbitre a appliqué la jurisprudence pertinente en déterminant, au vu des faits, qui des Algonquins du lac Barrière ou du MAINC était en fait l'employeur. L'arbitre s'est appuyé sur les critères de Northern Television Systems Ltd.9 pour déterminer l'existence de la relation employeur-employé :

     1)      qui embauche les employés?
     2)      qui contrôle leur travail?
     3)      qui détermine effectivement leurs salaires et conditions de travail?
     4)      qui contrôle les négociations portant sur les salaires et conditions d'emploi?10

[23]      L'arbitre a ensuite appliqué les critères en cause, analysant chaque aspect au vu de faits.

         [TRADUCTION]
         Quant au premier critère, la preuve démontre que les plaignants ont été embauchés par le Conseil de bande provisoire en sa qualité de conseil légitime de la Bande du lac Barrière. L'embauche a été rendue possible par le Comprehensive Funding Arrangement signé par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et les Algonquins du lac Barrière. [...] De plus, les résolutions 96/97, 104, 96/36 et 96/32 du Conseil de bande provisoire [...] indiquent de façon très claire que les plaignants ont été embauchés par le Conseil de bande provisoire agissant en tant que conseil légitime de la Bande du lac Barrière.
         Quant au second critère portant sur le contrôle du travail, notamment la distribution du travail, la preuve démontre que le Ministère n'est pas intervenu dans les conditions de travail ou dans les affectations, celles-ci étant la responsabilité du Conseil de bande aux termes du Comprehensive Funding Agreement. Une conclusion semblable s'impose quant aux troisième et quatrième critères susmentionnés. Pour résumer simplement, la preuve a démontré, par les témoignages de M. André Côté et la présentation de Mme Jacqueline Ratt, que les plaignants travaillaient pour la Bande, et que leurs salaires étaient déterminés et payés par la Bande. Rien ne permet de supposer que les plaignants étaient des employés du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. À l'examen de la preuve, il ressort clairement en examinant la relation d'emploi concrète que le Conseil de bande avait le contrôle réel des éléments essentiels qui constituent la relation employeur-employé. [...]11

[24]      Au vu de la preuve présentée à l'arbitre, je conclus que sa décision voulant que les demandeurs étaient les employés des plaignants n'était pas manifestement déraisonnable.

[25]      Ceci étant dit, il y a une autre question clé à examiner. Le 30 juin 1996, le mandat du Conseil de bande provisoire est venu à expiration et les affaires de la bande ont continué à être gérées par l'administrateur indépendant.

[26]      L'arbitre a conclu que l'administrateur indépendant nommé par le MAINC [traduction] " pour protéger les intérêts des membres de la communauté du lac Barrière et voir à ce que les programmes et les services soient fournis à la Bande sans interruption "12, restait en fonction après l'expiration du mandat du CDBP.

[27]      Il a conclu que l'administrateur indépendant avait géré les affaires de la Bande en conformité du Comprehensive Funding Agreement. Selon la décision de l'arbitre, cette entente porte que le rôle de l'administrateur indépendant est d'assurer et de contrôler la gestion financière de la Bande. Il n'a jamais eu le mandat de signer des contrats de travail au nom du MAINC. Par conséquent, de l'avis de l'arbitre, il n'y avait aucune preuve que l'administrateur indépendant avait agi à titre de mandataire du MAINC.

[28]      Comme je l'ai mentionné plus tôt, les demandeurs soutiennent que, même si on pouvait interpréter l'entente de financement de 1996-1997 entre le CDBP et le MAINC comme accordant au MAINC la compétence de nommer un mandataire pour agir au nom de la Première nation, cette entente est venue à expiration le 31 mars 1997. Je suis d'accord avec les demandeurs.

[29]      Tout mandat d'agir à titre de mandataire de la Première nation que l'administrateur pouvait tirer de l'entente est venu à échéance à l'expiration de cette entente. Par conséquent, l'entente de financement de 1996-1997 ne peut donner compétence à l'administrateur pour lier les Algonquins du lac Barrière dans les renvois qui se sont produits en 1997-1998 suite à l'expiration de l'entente.

[30]      De plus, le 8 avril 1997, le MAINC et l'administrateur ont conclu un " Third Party Funding Arrangement ". Comme le mandat est un lien de droit créé par consentement mutuel, on ne peut dire, à mon avis, que l'administrateur était un mandataire de la Première nation puisque les Algonquins du lac Barrière n'avaient pas donné leur consentement. De plus, au vu des faits de l'affaire, je ne peux conclure qu'un tel lien était implicite ou qu'il avait été établi par l'application du droit.

[31]      Comme l'administrateur n'était pas un mandataire des Algonquins du lac Barrière après le 31 mars 1997, il n'avait plus compétence pour agir au nom des Algonquins du lac Barrière.

[32]      L'arbitre a donc agi de façon manifestement déraisonnable en concluant qu'il y avait continuité juridique entre les conseils de bande successifs, alors que les faits n'appuyaient pas une telle conclusion.

[33]      Pour ces motifs, la décision de l'arbitre Joseph E. Roach, en date du 10 août 1998, est annulée. La question est renvoyée à un autre arbitre pour nouvel examen conformément aux présents motifs. Il n'y aura pas de dépens.



     Danièle Tremblay-Lamer

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 septembre 1999




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



Nos DU GREFFE :              T-1761-98 / T-1762-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mitchikanibikok Inik c. Michel Thusky

                     et autres

                     Dossier : T-1761-98

                     Mitchikanibikok Inik c. Cécile Wawatie

                     et autres

                     Dossier : T-1762-98

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le mercredi 1er septembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE Mme LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              mercredi 8 septembre 1999



ONT COMPARU

M. Patrick Nadjiwan              POUR LE DEMANDEUR
M. Claude Morissette              POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nahwegahbow, Nadjiwan          POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Le sous-procureur général du Canada      POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

__________________

1      L.R.C. (1985) ch. L-2, et modifications.

2      L.R.C. (1985), ch. I-5, et modifications, art. 2(1), 74 et 79.

3      Lettre de J. Laplatte, directeur général associé, région du Québec MAINC, à J. Wawatie Jr. (le 26 avril 1994).

4      Lettre de P. Napier, directeur régional intérimaire, MAINC, à J. Wawatie Jr. (le 10 juillet 1995).

5      Télécopie de D. Chatain, directeur général, région du Québec MAINC, aux membres du CDBP (le 23 janvier 1996).

6      Lettre de D. Chatain, directeur général, région du Québec MAINC, à J-M Matchewan, J-P Ratt et J. Papatie (le 25 janvier 1996) [non souligné dans l'original].

7      Ibid.

8      L.R.C. (1985), ch. F-7.

9      (1976) 76 C.L.L.. 16 031 (C.C.R.T).

10      C. Foisy, D. Lavery et L. Martineau, Canada Labour Relations Board"s Policies and Procedures (Toronto: Butterworths, 1986), à la p. 34.

11      Cécile Wawatie et autres c. Mitchikanibikong Inik et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le 29 juillet 1998), C.C.R.T. (l'arbitre Roach), aux pp. 15 et 16 [notes de bas de page omises].

12      Supra, note 5.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.