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Date : 20000721

Dossier : IMM-6169-98

OTTAWA (ONTARIO), le 21 juillet 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HANSEN

ENTRE

SEYED AHMAD ALIMARD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire contre la décision, datée du 19 octobre 1998, dans laquelle l'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur;

ET VU les documents qui ont été produits de même que les observations des parties;

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée pour qu'un autre agent des visas l'examine à son tour.

          « Dolores M. Hansen »          

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 20000721

Dossier : IMM-6169-98

ENTRE

SEYED AHMAD ALIMARD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 19 octobre 1998, dans laquelle une agente des visas de l'ambassade du Canada à Ankara (Turquie) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada que le demandeur avait présentée en tant qu' « entrepreneur » .

[2]         Le demandeur, un citoyen de l'Iran, a terminé ses études secondaires en 1965. En 1969, il a commencé à travailler pour la Iran Tobacco Company (la ITC) à titre de comptable. À l'époque où l'entrevue a eu lieu, il était le superviseur de cinquante et un employés du département de l'approvisionnement et des ventes de cette entreprise.


[3]         Le demandeur a également travaillé les après-midi et les soirs, de 1981 à 1996, à la confiserie Mehr (Mehr), où il a reçu une formation et occupé un poste de maître confiseur, et il a travaillé en tant que maître confiseur à la confiserie Bano (Bano), de 1996 à la date de l'entrevue.

[4]         Dans la demande de résidence permanente, le demandeur a déclaré qu'il avait l'intention [TRADUCTION] « d'ouvrir une boulangerie-pâtisserie/boutique de vente au détail offrant des sucreries, des pâtisseries, de la crème glacée, etc. » , à Toronto.

[5]         Pour soutenir sa demande, il a produit des lettres de recommandation de la ITC, de Mehr et de Bano, confirmant qu'il y avait occupé des emplois.

[6]         L'agente des visas a conclu que le demandeur n'était pas visé par la définition d'entrepreneur. Voici ce qu'elle a écrit dans la lettre qu'elle a fait parvenir au demandeur pour l'informer de sa décision :

[TRADUCTION] ... Je suis d'avis que vous n'êtes pas visé par cette définition [entrepreneur] étant donné que vous n'avez pas établi que vous possédiez une telle aptitude. Vous n'avez jamais possédéni exploité votre propre entreprise. Les renseignements que vous avez fournis à votre entrevue du 16 septembre 1998 au sujet de votre expérience des affaires ne m'ont pas convaincue que vous étiez capable d'établir une entreprise rentable au Canada. Les fonds dont vous disposez paraissent insuffisants pour des fins personnelles et commerciales. De plus, vous n'avez pas visité le Canada pour y évaluer vos perspectives commerciales et vous ne connaissez ni les pratiques commerciales canadiennes, ni le contexte commercial du Canada.

[7]         Le demandeur a d'abord soutenu que l'agente des visas a commis une erreur de droit en interprétant la définition d' « entrepreneur » .


[8]         Le demandeur a fait valoir que la question de savoir s'il avait déjà possédé et exploité une entreprise ne fait pas partie de la définition d'entrepreneur et que, partant, il s'agit d'une considération non pertinente. Pour étayer cet argument, il cite la décision So c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration, (1998) 46 F.T.R. 67, dans laquelle le juge Dubé a dit :

Le Règlement n'exige pas expressément que le requérant qui invoque la catégorie des entrepreneurs ait une expérience de l'exploitation ou de la gestion d'une entreprise.

[9]         Cette question avait déjà été traitée dans l'arrêt Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 96, où le juge Stone de la Cour d'appel a expliqué, à la page 102, que la définition d'entrepreneur est complète. Voici ce qu'il a dit :

... Le fait d'introduire dans la définition cette notion « des antécédents en affaires » ferait en sorte que certaines personnes revendiquant le statut de résidents permanents en vertu de cette catégorie ne pourraient jamais satisfaire à l'exigence voulant qu'elles soient « en mesure » de poser les gestes précisés. Suivant l'interprétation que j'en donne, le libellé de la définition n'exclut pas les requérants qui ne possèdent pas de tels antécédents, mais il exige simplement d'eux qu'ils soient « en mesure » de poser les gestes requis. S'il en était autrement, aucun requérant ne pourrait satisfaire à cette exigence sans au préalable établir qu'il a « des antécédents en affaires » . Manifestement, cette intention ne ressort pas du langage utilisé.

[10]       On a cependant distingué cet arrêt d'avec d'autres affaires dans les cas où la propriété ne constituait pas le seul facteur dont l'agent des visas avait tenu compte. Par exemple, dans la décision Zhen c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1537, le juge Heald a dit :

Il ressort clairement de la décision de l'agent des visas, lue dans son intégralité, que celui-ci n'a pas jugé que la propriétéde l'entreprise était le seul indice, ou l'indice le plus important, attestant que le requérant était en mesure d'établir son entreprise.

[11]       Voici ce que l'agente des visas a écrit dans ses notes du STIDI au sujet de l'expérience que le demandeur avait acquise chez Bano :


[TRADUCTION] [...] La confiserie qu'il gère est une petite entreprise qui ne lui appartient pas. Il ne fait que la gérer. Il ne court aucun risque financier et ne dirige pas l'entreprise; il ne fait que gérer la confiserie [...]

[12]       Même si l'agente des visas a, en prenant sa décision, également tenu compte de la question de savoir si le demandeur disposait de fonds suffisants et s'il connaissait suffisamment le contexte commercial canadien, son appréciation de l'expérience du demandeur s'inscrivait dans le contexte du fait que le demandeur n'avait jamais possédé ni exploité sa propre entreprise, ce qui l'a menée à n'accorder que peu de poids, voire aucun, à l'expérience considérable que le demandeur avait déjà acquise dans le domaine de la confiserie. En fait, elle cherchait à déterminer si le demandeur avait déjà possédé ou exploité avec succès une entreprise. À mon avis, elle a commis une erreur à cet égard.

[13]       Le demandeur a également avancé que l'agente des visas avait violé l'obligation d'agir équitablement qui lui incombait à son égard en omettant de lui faire part des réserves qu'elle avait au sujet de la fiabilité de l'évaluation qu'il avait produite avant de rejeter sa demande de résidence permanente.


[14]       L'agente des visas n'était pas convaincue que le demandeur disposait de fonds suffisants pour des fins commerciales et personnelles au Canada. Pour étayer sa prétention selon laquelle il avait des avoirs nets totalisant environ 335 000 $, le demandeur a produit plusieurs actes de propriété, une évaluation de l'une de ses propriétés, et une attestation bancaire établissant qu'il possédait un solde équivalant à 5 000 $. Se fondant sur son expérience en ce qui concerne la fiabilité d'évaluations immobilières iraniennes et sur le fait qu'elle ne connaissait pas l'organisme qui avait préparé l'évaluation, l'agente des visas n'a pas accordé de poids à cette évaluation. Le demandeur n'a été mis au courant des réserves de l'agente des visas au sujet de l'évaluation que lorsqu'il a reçu la lettre rejetant sa demande de résidence permanente.

[15]       Dans de telles situations, la jurisprudence prévoit clairement que dans les cas où l'agent des visas a l'impression que la preuve produite fait défaut, l'équité exige que l'agent des visas donne au demandeur l'occasion de le détromper (Muliadi c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1986] 2 A.C.F. 205).

[16]       Comme la conclusion de l'agente des visas que le demandeur ne disposait pas de fonds suffisants constituait un facteur clé de son appréciation de la capacité de ce dernier d'établir avec succès une entreprise au Canada, elle aurait dû lui donner l'occasion de traiter de ses réserves. Il aurait peut-être été en mesure de lui fournir de la preuve établissant le bien-fondé de l'évaluation ou encore de produire une nouvelle évaluation.

[17]       Le défendeur a soutenu que c'est l'omission du demandeur de produire des évaluations concernant l'ensemble de ses propriétés qui a empêché l'agente des visas d'apprécier convenablement ses aptitudes financières. Comme il a été expliqué dans la décision Muliadi, précitée, cela « ne décharge pas l'agent des visas de son obligation d'agir de manière équitable » .


[18]       Enfin, le demandeur a soutenu que l'agente des visas avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu'elle avait tirées sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.

[19]       Il ressort clairement des notes du STIDI que l'agente des visas pensait que le demandeur soutenait qu'il avait droit à une partie des profits de Bano. La demande de résidence permanente et la lettre de Mehr, cependant, indiquent clairement que le demandeur avait plutôt droit à une partie des profits de Mehr. Cette erreur de l'agente des visas a poussé cette dernière à douter de la crédibilité du demandeur vu qu'il était incapable de produire des documents établissant qu'il possédait un intérêt financier dans Bano. Bien que l'agente des visas ait tenté de remédier à cette erreur dans l'affidavit qu'elle a produit dans le cadre de la présente demande, je suis convaincue qu'à l'époque où l'entrevue a eu lieu et où elle a pris sa décision, elle se trompait sur les faits.

[20]       Plus loin dans les notes du STIDI, l'agente des visas a décrit de la façon suivante les fonctions que le demandeur exerçait chez Mehr :

[TRADUCTION] Il est responsable de la tenue de leurs dossiers, de l'établissement des prix et de la supervision du produit.

La lettre de recommandation de Mehr dit :

[TRADUCTION] ... M. Seyed Ahmad Alimard travaille pour la confiserie Mehr à titre de maître confiseur, tant sur le plan opérationnel et que sur celui de l'investissement, ... depuis environ 13 ans, et il a été responsable de la gestion de la production, l'établissement du prix de types de produits, et de l'embauche et du congédiement des employés, ainsi que du versement des salaires de ces derniers...


[21]       Les notes du STIDI prises le jour de l'entrevue ne renvoient pas à cette lettre. Par ailleurs, les notes de résumé que l'agente des visas a prises le jour où elle est parvenue à sa décision ne renvoient pas à l'emploi du demandeur chez Mehr. Bien que l'agente des visas ne fût pas tenue d'identifier chaque élément de preuve sur lequel elle s'est fondée pour prendre sa décision, la façon dont elle a décrit les fonctions que le demandeur exerçait chez Mehr mène à la conclusion qu'elle a pris sa décision sans tenir compte de la lettre de recommandation de Mehr. Or, comme les antécédents professionnels du demandeur chez Mehr sont très pertinents en ce qui concerne l'appréciation de sa capacité d'établir l'entreprise qu'il entendait fonder au Canada, l'omission de l'agente des visas de tenir compte de cette preuve lorsqu'elle a conclu qu'il n'était pas en mesure d'établir avec succès une entreprise au Canada constitue une erreur susceptible de contrôle.

[22]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il l'examine à son tour.

[23]       Ni l'une ni l'autre partie n'a proposé de question à certifier.

          « Dolores M. Hansen »          

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                  IMM-6169-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Seyed Ahmad Alimard

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 25 janvier 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE HANSEN

EN DATE DU :                                     21 juillet 2000

ONT COMPARU :                   

M. Samuel R. Baker                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Sally Thomas                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :            

M. Samuel R. Baker. c.r.                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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