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Date: 19980604

Dossier: IMM-2062-97

Entre

ARTURO MANUEL MORANTE DEL MORAL MARIA DE LOS ANGELES AGUIRRE CORONA DIEGO ARTURO MORANTE AGUIRRE,

Requérants,

-et­

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

Intimé.

MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ:

111                                    Les requérants sont des citoyens du Mexique qui allèguent avoir une crainte de persécution en raison de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social. Le revendicateur principal (l'époux) était impliqué au sein du Parti Révolutionnaire Démocratique (PRD). Il soutient que lui et deux autres militants du PRD ont dérobé des boîtes de scrutin trafiquées par le parti au pouvoir, soit le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) pour prouver la fraude électorale commise par ce parti. Suite à ces événements, le 15 septembre 1995, un des militants a été assassiné.

Page: 2 [2]         Par la suite, le requérant soutient qu'il a reçu un appel téléphonique lui apprenant qu'il était le prochain sur la liste. Il en a conclu qu'il était recherché et le 21 octobre 1995 a quitté le Mexique pour venir demander le statut de réfugié au Canada.

[3]                            Le Tribunal a conclu que le requérant n'est pas crédible en se

fondant sur deux contradictions majeures de sa part. La première contradiction se rapporte à la date du vol des boîtes de bulletins en question. À l'audience le requérant

a affirmé que cet événement s'est produit sept ou huit jours avant le ler septembre

1995 mais dans sa réponse à la question 37 il a indiqué la date comme étant le 30 août 1995.

[4]                            La deuxième contradiction retenue par le Tribunal se rapporte à

l'endroit où il aurait reçu la menace téléphonique après l'assassinat du premier militant. Était-ce à Celaya ou à Mexico? Mexico, selon le témoignage du requérant,

mais Celaya selon sa réponse à la question 37.

[5]                            Le procureur représentant le requérant à l'audience de ce recours judiciaire attaque la décision du Tribunal au motif de son manque d'impartialité vis à vis le requérant en particulier et tous les requérants du Mexique en général. Il rappelle au Tribunal que l'audience n'a duré que de 30 à 45 minutes, une courte période au

Page: 3 cours de laquelle le Tribunal ne s'est pas intéressé aux explications que les requérants tentaient de lui fournir sur la situation dangereuse au Mexique.

[6]                            Il prétend également que "la pratique courante" du Tribunal est de traiter le plus rapidement possible les causes de revendicateurs mexicains, "présumément des réfugiés économiques". Le Tribunal aurait entendu trois ou quatre autres demandes de Mexicains au cours du même après-midi. De plus, il a critiqué le fait que le Tribunal a ordonné que l'agente d'audience commence son interrogatoire en premier lieu, selon lui une procédure injuste pour en arriver à une réponse négative rapide. Il allègue que le Tribunal s'est fondé sur deux contradictions de peu d'importance et a totalement négligé la situation au Mexique en général et la crainte justifiée du requérant en particulier.

[7]                            Par ailleurs, le procureur du requérant ne s'est pas objecté à la procédure et n'a soulevé aucune crainte de partialité de la part des membres du Tribunal.

[8]                            Il est clairement établi qu'un Tribunal est maître de ses procédures,

et n'est pas lié aux règles formelles de la Cour. Le requérant avait toute l'opportunité

voulue pour faire valoir les mérites de sa cause. D'ailleurs, les paragraphes 68(2) et

68(3) de la Loi sur l'immigration ("la Loi") le stipulent très clairement:

68. (2) Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, la section du statut fonctionne sans formalisme et avec célérité.

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(3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.

La lecture de la transcription des témoignages à l'audience révèle que le membre audiencier a ouvert l'audience, a résumé les faits et a commencé à questionner le requérant. L'agent d'audience et le procureur du requérant ont également participé. Vers la fin de l'audience, le membre audiencier a donné la parole à ce dernier qui a fait valoir ses arguments.

[10]                          Il est clairement établi par la jurisprudence qu'une partie qui

éprouve une crainte raisonnable de partialité de la part d'un tribunal doit alléguer la

violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion':

...Corrélativement, le droit de celui qui craint que le tribunal devant lequel il se présente ne soit partial a toujours été, encore une fois selon mon interprétation de la jurisprudence, le droit de s'opposer à être jugé par le tribunal, mais un droit qui ne subsiste que jusqu'à ce qu'il se soumette à lui de manière expresse ou implicite. C'est seulement parce que M. MacBain a soulevé ses objections au début de l'affaire que sa contestation à l'égard des procédures pouvait réussir.

Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion.

In re Tribunal des droits de la personne et énergie atomique Can., [1986] 1 C.F. 103, aux pages 110 et 113.

Page: 5 [11]      De plus, la Cour suprême a établi clairement qu'une crainte de

partialité doit être raisonnable. Dans l'affaire Comm. for Justice c. L'Office Nat. de l'Énergie', aux pages 394 et 395 le juge de Grandpré disait ce qui suit à la page 395:

Évidemment, le principe fondamental est le même: la justice naturelle doit être respectée. En pratique cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal. Comme le remarque Reid, Administrative Law and Practice, 1971, à la p. 220:

[TRADUCTION] . . . `tribunal' est un mot fourre-tout qui désigne des organismes multiples et divers. On se rend vite compte que des normes applicables à l'un ne conviennent pas à un autre. Ainsi, des faits qui pourraient être des motifs de partialité dans un cas peuvent ne pas l'être dans un autre.

[12]                          En ce qui a trait à la participation du premier procureur du requérant devant le Tribunal, il n'y a sûrement pas lieu d'imposer au Tribunal l'obligation de venir en aide au requérant. Dans l'affaire Gholam-Nejad v. Minister of Employment and Immigration', le juge Gibson de cette Cour déclarait qu'il ne voit rien au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale qui autorise l'intervention de cette Cour alors que le problème n'est pas dû à un manque de la part du Tribunal mais bien à une carence de la part du procureur du requérant. Le juge Gibson s'est référé à une décision du juge Mahoney, alors de la Cour d'appel fédérale, dans Paterno v. Minister of Employment and Immigration 4 qui rejetait une demande d'autorisation en ces termes:

[197811 R.C.S. 369. 77 F.T.R. 44. A-1770-92, 23 juin 1992 (non reporté).

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"Notwithstanding the consent of the respondent, this application for leave to appeal is dismissed. The incompetence of counsel chosen by a refugee claimant is not, of itself, a ground upon which it may be reasonably agreed that the refugee division erred."

[13]                          Évidemment, en l'espèce, je ne tire pas la conclusion que le premier procureur a été incompétent. Je me reporte tout simplement à l'argument présenté par le deuxième procureur. Je me permets également d'ajouter une remarque tout à fait appropriée prononcée par le juge Rothstein, de cette Cour, dans l'affaire Cam Hoa Huynh':

...That the applicant's story was not told or did not come out clearly may have been a fault of counsel or it may have been that the applicant did not properly brief counsel. As I understand the circumstances, counsel was freely chosen by the applicant. If counsel did not adequately represent his client, that is a matter between client and counsel.

[14]                          Finalement, en ce qui a trait à l'importance attachée par le Tribunal

aux deux contradictions précitées et à la conclusion du Tribunal que le requérant

mérite peu de crédibilité, il est à propos de citer le paragraphe du juge Pinard, de cette

Cour, dans l'affaire Ali Nejme6:

La décision du tribunal est fondée purement et simplement sur l'absence de crédibilité du requérant, et ce, en raison du comportement de ce dernier, de l'incompatibilité entre le formulaire de renseignements personnels et son témoignage et d'autres contradictions. Il est vrai que ces incompatibilités et contradictions, prises individuellement, peuvent sembler peu importantes. Cependant, prises ensemble et considérées dans le contexte de la revendication du statut de réfugié faite par le requérant, elles m'apparaissent avoir été l'objet d'une

5 6

92-T-1772, 24 juin 1993, aux pages 5 et 6.

A-1614-92, 28 novembre 1994, à la p. 1.

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appréciation qui s'est formée adéquatement.' De plus, les membres du tribunal ont eu l'avantage de voir et d'entendre le requérant.

[15]                          En résumé, la jurisprudence abondante et constante est à l'effet qu'en matière de crédibilité, attendu que c'est le Tribunal qui a rencontré le requérant, a constaté ses réactions et jaugé ses réponses aux questions posées, il n'appartient pas à cette Cour d'imposer sa propre évaluation, à moins qu'il ne soit clair et évident que l'appréciation du Tribunal était tout à fait déraisonnable. Tel n'est pas le cas ici.

[16]       En conséquence, cette demande ne peut être accueillie.

[17]       Il n'y a pas de question sérieuse à certifier.

0TTAWA,Ontario le 4 juin 1998

Juge

Rajaratnam c. Canada (M.E.L) (5 décembre 1991), n' A-842-90 (C.A.F.).

COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                         IMM-2062-97

INTITULÉ :                                   ARTURO MANUEL MORANTE DEL MORAL ET AUTRES v. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :            20 MAI 1998 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DURÉ EN DATE DU 4 JUIN 1998

COMPARUTIONS

ME STEWART ISTVANFFY ME PATRICIA DESLAURIERS

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

POUR LA PARTIE INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ME STEWART ISTVANFFY

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

ME JACINTHE LANDRY

M. George Thomson                                                                 POUR LA PARTIE INTIMÉE Sous-procureur général du Canada

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