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                                                                                                                                 Date : 20040430

                                                                                                                    Dossier : IMM-6416-02

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 640

ENTRE :

                           MANSOOR JAVADINIA, a/s Services juridiques canadiens,

                                                         C.P. 32422, Dubay, É.A.U

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                ET DE L'IMMIGRATION, a/s ministère de la Justice,

                                  Complexe Guy Favreau, 200, René-Lévesque Ouest,

                                       tour Est, 5e étage, Montréal (Québec), J2Z 1X4

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE :

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 29 octobre 2002 par l'agente d'immigration Gillian Tao-Yin Wan (l'agente) au Haut-Commissariat du Canada à Londres (Royaume-Uni), par laquelle elle a refusé la demande de résidence permanente du demandeur parce qu'il ne remplissait pas les conditions requises par les paragraphes 8(1) et 9(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, pour immigrer au Canada.

[2]         Mansoor Javadinia (le demandeur) est un citoyen de l'Iran. Le 10 juillet 2000, il a présenté une demande de visa de résidence permanente au Haut-Commissariat du Canada à Londres (Royaume-Uni) dans la catégorie des immigrants indépendants à titre d'ingénieur mécanicien.


[3]         Le 19 juillet 2001, le demandeur s'est vu refuser le visa d'immigrant parce que l'agente n'était pas convaincue qu'il avait exercé antérieurement les fonctions d'ingénieur mécanicien. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision. Le 9 août 2002, le juge Lemieux de la Cour fédérale a conclu que l'agente des visas n'avait pas tenu compte de la preuve documentaire présentée par le demandeur et avait interprété trop strictement les exigences de la Classification nationale des professions (la CNP) concernant les fonctions d'ingénieur mécanicien.

[4]         Le 21 octobre 2002, la demande présentée par le demandeur a été réexaminée par une nouvelle agente qui a reçu le demandeur en entrevue afin de déterminer s'il remplissait les conditions requises pour immigrer au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants.

[5]         L'agente a conclu que le demandeur ne remplissait pas les conditions requises pour immigrer au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants. L'agente n'était pas convaincue que le demandeur avait exercé les fonctions décrites dans la CNP quant à la profession envisagée. L'agente a également conclu que, bien que le demandeur était capable de parler et de lire l'anglais, il écrivait mal dans cette langue.

[6]         La norme de contrôle applicable à une décision rendue par un agent quant à une demande de résidence permanente est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Shabashkevich c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 510 (1re inst.) (QL) et Liu c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1125 (1re inst) (QL)). Par conséquent, la Cour n'annulera pas une décision discrétionnaire rendue par un agent d'immigration si celle-ci est raisonnable.


[7]         Le demandeur prétend que l'agente a commis une erreur dans l'évaluation qu'elle a faite de son expérience et de sa compétence professionnelle étant donné que la preuve documentaire démontre clairement que ses antécédents professionnels remplissent les conditions de la CNP quant à la profession d'ingénieur mécanicien. Il est établi que dans une demande de résidence permanente présentée dans la catégorie des immigrants indépendants, le demandeur doit présenter une preuve prima facie qu'il remplit les conditions de l'emploi pour lequel il est apprécié (Wankhede c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 968 (1re inst.) (QL)). Selon l'énoncé principal de la description figurant au no 2132.0 de la CNP concernant la profession d'ingénieur mécanicien :

Les ingénieurs mécaniciens étudient, conçoivent et élaborent des appareils et des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, de production d'énergie, de transport, de traitement et de fabrication. Ils exécutent également des tâches reliées à l'évaluation, à la mise en place, à l'exploitation et à l'entretien d'installations mécaniques. Les ingénieurs mécaniciens travaillent dans des firmes de consultants, des services de production d'énergie et dans une grande variété d'industries de fabrication, de transformation et de transport, ou ils travaillent à leur compte.

[8]         Selon le no 2132.0 de la CNP, les ingénieurs mécaniciens accomplissent les tâches suivantes :

                             -               mener des études en matière de faisabilité, de conception, d'exploitation et de performance des mécanismes et des systèmes

-               établir des estimations de coûts et de temps, des devis de conception et autres documents concernant la machinerie et les systèmes et rédiger des rapports

-               concevoir des centrales, des machines, des composants, des outils, des appareils et du matériel

-               surveiller et inspecter la mise en place, la modification et la mise en service d'installations mécaniques sur des chantiers de construction ou dans des locaux industriels

-               élaborer des normes d'entretien, des calendriers d'exécution et des programmes et encadrer les équipes d'entretien industriel

-               rechercher la cause des défaillances mécaniques ou des problèmes d'entretien non prévus

-               préparer des documents contractuels et évaluer des soumissions portant sur des travaux de construction ou d'entretien industriel


-               superviser des techniciens, des technologues et autres ingénieurs et réviser et approuver les designs, les calculs et les coûts estimatifs.


[9]         En l'espèce, après avoir vérifié les compétences professionnelles du demandeur, l'agente n'a attribué aucun point pour le facteur de l'expérience et le facteur professionnel. Les notes d'entrevue expliquent en détail les questions relatives aux connaissances du demandeur en génie mécanique. L'agente a interrogé le demandeur sur le rôle qu'il avait joué dans la conception de systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC), en renvoyant spécifiquement aux documents qu'il avait fournis. L'agente a demandé au demandeur comment il calculerait la charge de chauffage et de refroidissement dans un système de CVC. D'après les réponses qu'il a fournies, l'agente a conclu que le demandeur ne comprenait pas les formules et les calculs qu'il utilisait. Bien que l'agente se soit fiée aux connaissances de physique en matière de lois de la thermodynamique qu'elle avait acquises à l'école secondaire pour démontrer que les calculs du demandeur étaient erronés, elle a également évalué les calculs du demandeur selon la logique et a conclu que ceux-ci ne faisaient aucun sens. L'agente a également souligné que les connaissances limitées du demandeur en anglais ont pu l'empêcher de parler de son expérience en matière de conception d'une manière plus détaillée mais que, à la suite de ce qui a été présenté lors de l'entrevue, il ne remplissait pas les conditions de la CNP concernant la profession d'ingénieur mécanicien. J'estime que l'agente n'a pas commis d'erreur dans son évaluation de l'expérience et des compétences professionnelles du demandeur à titre d'ingénieur mécanicien. La question de savoir si un demandeur a réellement les compétences requises pour exercer une profession mentionnée dans la CNP est une pure question de fait qui relève entièrement du mandat de l'agent des visas (Lim c. Canada (M.E.I.) (1991), 121 N.R. 241 (C.A.F.)). Après avoir interrogé le demandeur et lui avoir demandé des explications, l'agente pouvait décider d'accorder moins de poids aux documents fournis, comme les lettres témoignant de l'expérience du demandeur (Elijah c Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1437 (1re inst) (QL)). De plus, l'agente a le pouvoir de vérifier les capacités professionnelles du demandeur au titre de la catégorie des immigrants indépendants et le fait qu'elle ait conclu que les calculs du demandeur étaient erronés n'était pas déraisonnable (Belashova c. Canada (M.C.I.), [2001] AC.F no 1055 (1re inst.) (QL)). En l'espèce, l'agente avait le droit de conclure que, à partir des réponses que le demandeur avait données à ses questions durant l'interrogatoire, celui-ci n'avait pas exercé une partie importante des fonctions mentionnées dans sa demande.


[10]       Le demandeur prétend que l'agente a évalué de mauvaise foi sa personnalité et ses connaissances linguistiques parce que l'agente qui, la première, a analysé son dossier, lui avait accordé un nombre de points plus élevé quant à ces catégories. Selon les notes du STIDI, l'agente a conclu que le demandeur était plutôt limité au titre de la personnalité et de la motivation. En tirant sa conclusion, l'agente a tenu compte du fait que le demandeur était incapable de donner le nom d'associations ou d'organismes canadiens d'ingénieurs professionnels et qu'il ne connaissait pas les procédures qui permettent d'acquérir la reconnaissance professionnelle au Canada. Quant à l'appréciation des connaissances en anglais du demandeur, l'agente a évalué les réponses écrites au questionnaire, le programme d'établissement du demandeur et la facilité du demandeur à répondre à ses questions durant l'entrevue afin de conclure qu'elle lui accorderait 2 points pour ce facteur. J'estime que l'évaluation que l'agente a faite du demandeur quant à sa personnalité et quant à ses connaissances en anglais était bien fondée et était étayée par ses notes d'évaluation. Quant à l'allégation de mauvaise foi du demandeur, la Cour a déjà conclu que le fait que l'évaluation d'un deuxième agent soit différente de celle d'un autre agent ne rend pas en soi l'évaluation déraisonnable (Gunarathna c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 986 (1re inst.) (QL)). Comme le demandeur ne soulève aucun autre fondement quant à l'allégation de mauvaise foi, je conclus que cette allégation n'est pas bien fondée et que le demandeur ne peut pas prétendre qu'il pouvait s'attendre à ce qu'un deuxième agent lui accorde, à tout le moins, le même nombre d'unités que le premier.

[11]       Enfin, le demandeur a prétendu dans son mémoire que l'agente était irritable et que l'on pouvait inférer de sa conduite lors de l'entrevue qu'elle avait un parti pris. Le demandeur n'explique toutefois pas précisément le fondement de son allégation de partialité. Le critère qui s'applique en matière de partialité a été mentionné dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, page 394 :

[. . .] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste.

[12]       L'affidavit de l'agente ne révèle pas une conduite qui suscite une crainte raisonnable de partialité. Comme les prétentions du demandeur dans son affidavit ne sont étayées par aucune preuve, le demandeur n'a pas réussi à réfuter la présomption d'impartialité de l'agent (Zündel c. Citron, [2000] 4 C.F. 225 (C.A.)). Par conséquent, je conclus que le demandeur n'a pas établi qu'un contrôle judiciaire serait justifié quant à ce point.

[13]       Pour les motifs susmentionnés, je conclus que l'agente n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a refusé la demande de résidence permanente présentée par le demandeur et, par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   « Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 avril 2004


Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6416-02

INTITULÉ :                                                    MANSOOR JAVADINIA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 31 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                   LE 30 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand                          POUR LE DEMANDEUR

Mario Blanchard                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertand, Deslauriers                                          POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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