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Date : 20040607

Dossier : T-597-04

Référence : 2004 CF 813

ENTRE :

                                                    MARIA ASSUNTA PEZZENTE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                               ROGERS COMMUNICATIONS INC.

                                                     SHAW CABLESYSTEMS G.P.

                                                                et MEL TUGADE

                                                                                                                                            défendeurs

                                                                             

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                Dans la présente affaire, la demanderesse, qui n'est pas représentée par un avocat, a correctement signifié l'avis de demande de contrôle judiciaire à Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) le 2 avril 2004; voir l'affidavit de signification du 15 avril 2004 et les observations écrites déposées par Shaw le 13 mai 2004.

[2]                Shaw demande maintenant par écrit une prorogation du délai de dépôt de son avis de comparution. La requête de Shaw n'invoque aucune raison pour la prorogation. Le dossier de requête ne contient aucun affidavit à l'appui. Les trop brèves observations écrites, que je paraphrase, reconnaissent que l'avis de demande a été signifié le 2 avril 2004 et exposent ensuite que le cabinet d'avocats à qui l'avis de demande a été signifié a alors demandé des instructions et que cela a pris un certain temps pour obtenir ces instructions, que, en plus, l'un des avocats commis au dossier était à l'extérieur du pays et que [traduction] « d'autres retards sont survenus par suite d'erreurs d'écritures dans la préparation et le dépôt du dossier de requête et de l'avis de la requête demandant une prorogation du délai de dépôt de la comparution » .

[3]                Le dossier de Shaw ne satisfait aucunement aux exigences d'une requête en prorogation de délai, exigences exposées dans Canada c. Hennelly (1999) 244 N.R. 399 (C.A.F.), à la page 400. Rien dans le dossier ne laisse entrevoir une intention ferme de s'opposer à la demande. Rien ne laisse entrevoir que Shaw ait des raisons sérieuses de s'opposer à la demande de contrôle judiciaire. Il n'y a très vraisemblablement aucun préjudice réel, puisque le délai de dépôt de l'avis de comparution a expiré le 12 avril et que la présente requête n'a été déposée que le 13 mai. Il n'y a cependant aucune explication valable pour le retard comme tel.

[4]                Dans sa réponse, Mme Pezzente avance un certain nombre d'arguments pertinents. Premièrement, elle met en doute la déclaration faite dans les observations écrites présentées par l'avocat de Shaw quant au temps pris pour obtenir des instructions et elle fait observer [traduction] « [...] une fois que vous êtes au courant de l'existence d'un document, s'il y a un retard à obtenir des instructions ou des difficultés dans les communications entre Heenan Blaikey et les défendeurs, cela n'est le problème de personne d'autre [...] » .

[5]                Madame Pezzente ajoute, en ce qui concerne l'exigence du délai de dépôt d'un avis de comparution, que le délai de 10 jours :

[traduction] [...] imposé par les Règles de la Cour doit être pris au sérieux et appliqué. Les défendeurs ont eu tout le temps voulu pour déposer un avis de comparution. Il est évident que les défendeurs n'en ont pas fait leur priorité et qu'ils ne prennent pas les Règles au sérieux.

                                  [Paragraphe 5 de l'affidavit de Mme Pezzente déposé le 17 mai 2004]

et

[traduction] Il n'y a aucune raison pour laquelle les défendeurs ne devraient pas être tenus de suivre et de respecter les Règles et les délais. Il n'y a aucune raison légitime pour le retard, simplement de mauvaises excuses, et je crois que ce genre de longs retards ne devraient pas survenir et est la faute des défendeurs    

                                                                                                               [Ibid., paragraphe 6]


[6]                Madame Pezzente allègue ensuite que le fait qu'un avocat de Shaw ait été à l'extérieur du pays pendant quatre jours ne fait aucune différence [traduction] « parce qu'il aurait dû prendre les mesures nécessaires pour que quelqu'un s'occupe du courrier important et puisse communiquer avec lui pour d'autres instructions » (Ibid., paragraphe 8). Madame Pezzente fait ensuite remarquer très directement qu'il [traduction] « n'y a par ailleurs aucune preuve de cela » . Son observation est tout à fait juste.

[7]                Elle fait ensuite remarquer :

[traduction] La Cour a ses raisons pour imposer des délais et elle devrait les faire respecter par toutes les personnes qui sont parties à une instance. Les défendeurs n'ont aucun respect pour le temps, les Règles de la Cour et pour qui que ce soit qui a un rôle à jouer dans l'instance. Je dois respecter les délais et obéir aux Règles comme tout le monde, et les défendeurs devraient respecter la loi et les délais de la Cour comme tout le monde. Je m'oppose à la requête de Shaw Cablesystems en prorogation du délai de dépôt de son avis de comparution et exhorte le greffe de la Cour de ne pas accepter cet avis.

                                                                                                             [Ibid., paragraphe 11]

C'est là une observation très à-propos faite dans la langue claire d'un non-juriste. La juge Reed a exprimé une opinion qui allait dans ce sens dans Chin c. MEI (1993) 69 F.T.R. 77, aux pages 79 et 80 :

Comme je l'ai indiqué, j'estime que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés et sont censés s'appliquer à chacun, de la même manière. Si une prolongation devait être accordée automatiquement simplement parce qu'un avocat en fait la demande, les règles devraient le prévoir pour chaque personne qui le demande.

L'idée maîtresse ici, c'est que les Règles s'appliquent à tous ceux qui ont un rôle à jouer dans la résolution d'un litige et que les prorogations de délai ne sont pas automatiques.


[8]                L'article 305 des Règles, qui exige d'une partie qui s'oppose à une demande de contrôle judiciaire qu'elle dépose un avis de comparution, est une disposition centrale qui doit être prise au sérieux. Dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Canadian Association of Internet Providers (2001) 267 N.R. 82, à la page 86, le juge Stone a affirmé :

Selon moi, l'article 305 est au coeur du régime établi par la partie 5 des Règles. Cet article exige que les intimés désignés fassent connaître leur intention de "s'opposer à la demande" par un avis de comparution. Ceci permet aux parties et à la Cour de savoir au tout début quels intimés désignés vont en fait s'opposer à la demande en vertu l'article 28. La signification et le dépôt d'un avis de comparution fait que tout intimé qui s'oppose véritablement à la demande se verra signifier toute la documentation déposée dans le cadre de la procédure, lui permettant ainsi que participer de façon efficace. Comme je l'ai déjà dit, à défaut du dépôt d'un avis de comparution, le paragraphe 145a) des Règles fait qu'un intimé désigné ne se verra pas signifier d'autres documents dans le cadre de la demande en vertu de l'article 28.

Cet extrait souligne non seulement l'importance du dépôt d'un avis de comparution, mais aussi, par conséquent, dans le cas d'un retard, celle de la présentation d'une demande en bonne et due forme de prorogation du délai de ce dépôt.

[9]                L'avocat de Shaw semble ne pas avoir pris au sérieux la préparation des documents de la requête en prorogation de délai. Dans une requête en prorogation de délai parallèle présentée pour le compte de Rogers Communications Inc., un autre avocat a présenté ses documents de façon appropriée, fournissant des raisons à l'appui de sa requête, et a obtenu un résultat très différent.

[10]            Compte tenu des documents présentés, il serait manifestement injuste d'accorder une prorogation de délai à Shaw pour le dépôt de son avis de comparution. Sa requête sera rejetée.


[11]            Pour ce qui est du fait que Mme Pezzente n'est pas représentée par un avocat, il serait inhabituel de lui adjuger des dépens. En fait, bien qu'elle se soit opposée à la requête de façon experte, elle ne demande pas expressément des dépens. Je me suis demandé, cependant, si je ne devais pas octroyer une somme tenant lieu de dépens au motif d'un abus de la procédure de la part de Shaw. Je ne suis pas sûr que la négligence relevée dans les documents de Shaw le justifierait. Plutôt, il ressort des documents que son avocat tient pour acquis qu'une prorogation de délai est automatique et qu'il s'agit de sa part d'une méconnaissance du droit et de la procédure en matière de délais.

                                                                            « John A. Hargrave »              

                                              _______________________________

                                                                                         Protonotaire                  

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-597-04

INTITULÉ :                                                    MARIA ASSUNTA PEZZENTE

c.

ROGERS COMMUNICATIONS INC. ET AL.

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                               LE 7 JUIN 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Maria Assunta Pezzente

POUR LA DEMANDERESSE

Peter R. Sheen

POUR LA DÉFENDERESSE Shaw Cablesystems

Israel Balter

POUR LA DÉFENDERESSE Rogers Communications

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Heenan Blaikie LLP

Vancouver (C.-B.)

POUR LA DÉFENDERESSE Shaw Cablesystems

Lang Michener

Vancouver (C.-B.)

POUR LA DÉFENDERESSE Rogers Communications                                    


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