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Date : 19990907

Dossier : T-264-98

ENTRE :

                   AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                                                     L.R.C. (1985) ch. C-29

                                           ET un appel interjeté de la décision

                                                  d'un juge de la citoyenneté

                                                                      ET

                                                       YUK HING WONG,

                                                                                                                       demanderesse,

                                                                       et

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                              défendeur.

                                   MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]         Le présent appel, interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, vise la décision d'un juge de la citoyenneté de ne pas accorder la citoyenneté canadienne à Yuk Hing Wong au motif qu'elle ne répondait pas au critère de résidence prévu à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[2]         Cet appel a été logé en vertu des Règles de la Cour fédérale d'avant 1998 et constitue donc un procès de novo.

[3]         L'appelante est arrivée au Canada en 1993 et a obtenu le statut de résidente permanente. Elle est venue de Hong Kong avec ses enfants et son mari.

[4]         Un mois après leur arrivée, ils sont retournés à Hong Kong afin que son mari, qui était malade, puisse consulter le médecin de Hong Kong qui le soignait depuis des années. En novembre 1993, le mari a subi une intervention chirurgicale par laquelle on lui a enlevé un kyste sur le cerveau. Le rapport de son médecin déclare qu'il s'est bien remis de la chirurgie et qu'il n'a fait état d'aucun nouveau symptôme lors de ses visites régulières chez son médecin au cours des trois années suivantes.

[5]         La famille est revenue au Canada pendant un mois à l'été de 1995 et, à cette occasion, ils ont acheté et meublé une maison à Toronto. Ils ont toutefois quitté le pays à nouveau après un mois, le mari de Mme Wong étant toujours malade selon le témoignage de cette dernière. Ils sont revenus au Canada une troisième fois en juillet 1996, quelques semaines avant que l'appelante ne demande la citoyenneté canadienne.

[6]         Depuis lors, ils ont passé quelques mois au Canada à l'automne de 1996 et leurs enfants ont fait des études ici. Toutefois, l'état de santé du mari l'a amené à retourner à Hong Kong pour se faire enlever une tumeur sur le cerveau en janvier 1997. L'appelante et leurs enfants sont allés à Hong Kong, pour être avec lui au moment de l'intervention et par la suite.

[7]         Au cours des 1 095 jours précédant la demande de citoyenneté de l'appelante, elle a été physiquement présente au Canada pendant 83 jours, soit moins de 8 p. 100 de la période de résidence prescrite. Par contre, elle a été à Hong Kong pendant 92 p. 100 du temps. Malgré les difficultés auxquelles Mme Wong a dû faire face avec sa famille ces dernières années, qui l'ont empêchée de donner suite à son intention expresse de vivre au Canada, je dois conclure qu'elle ne répond pas au critère de l'alinéa 5(1)c).

[8]         La jurisprudence établit que même s'ils ne doivent pas nécessairement être présents physiquement au Canada pendant toute la période, les demandeurs de citoyenneté doivent démontrer qu'ils ont établi leur résidence au Canada en y « centralisant leur mode de vie » et qu'ils ont maintenu cette résidence durant les absences temporaires qui ont suivi.

[9]         Bien qu'il n'y ait pas de période minimale fixée pour l'établissement de la résidence au Canada aux fins de la citoyenneté, une période d'un mois est très courte pour ce faire. Une période de présence aussi courte exige une qualité d'attaches substantielle.

[10]       Lors de son séjour au Canada en août 1993, Mme Wong a obtenu une carte de santé ainsi que certains des autres « critères passifs » de la résidence. La famille a transféré certain de ses biens au Canada et Mme Wong et sa famille ont visité Ottawa, Montréal et Niagara Falls afin de se familiariser avec le pays. De plus, la famille s'est renseignée sur le système scolaire pour leurs enfants.

[11]       Par ailleurs, le mari est propriétaire d'un appartement à Hong Kong où se trouvent leurs meubles, qu'ils n'ont toujours pas vendu. C'est toujours là qu'ils habitent lorsqu'ils sont à Hong Kong. En août 1993, lorsqu'ils sont venus à Toronto, ils n'ont pas loué ou acheté une maison pour leur famille. Ils ont habité chez des parents.

[12]       Madame Wong a témoigné qu'à leur retour à Hong Kong en septembre 1993, voyage entrepris pour que son mari puisse consulter son médecin, ils avaient l'intention de vendre leurs biens et de déménager au Canada. Lorsqu'ils sont revenus au Canada, où ils ont séjourné pendant un mois en 1995, ils ont acheté une maison et ont commencé à s'intégrer à la communauté, notamment en allant à l'église, en devenant membres d'un club de photographie et en s'impliquant dans la levée de fonds pour diverses oeuvres de bienfaisance. En octobre 1993, le mari a accepté un emploi avec une compagnie qui a des bureaux à Toronto, Vancouver et Hong Kong. Il devait la représenter à Hong Kong.

[13]       Toutefois, dans la mesure où l'appelante n'a pas centralisé son mode de vie au Canada en 1993 et n'a pas réussi à établir sa résidence aux fins de la citoyenneté, ses activités subséquentes ont peu d'importance. Une personne ne peut maintenir une résidence qu'elle n'a pas établie. Toutefois, je suis disposé à accepter que les deux autres mois que la famille Wong a passés au Canada lors des étés 1995 et 1996, ainsi que les événements qui se sont produits depuis que l'appelante a présenté sa demande de citoyenneté, indiquent une certaine intention de vivre au Canada.

[14]       Toutefois, les intentions ne suffisent pas et je dois décider si l'appelante a démontré qu'elle a établi sa résidence au Canada en août 1993 en me posant les questions que la juge Reed a formulées dans Koo : Re, [1993] 1 C.F. 286, aux pages 293 et 294 (C.F. 1re inst.).

[15]       L'appelante était-elle présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter? Non; elle n'a résidé ici qu'un mois avant de s'absenter pendant de longues périodes pour séjourner à Hong Kong.

[16]       Où résident les membres de la famille de la demanderesse? Son mari et ses enfants sont avec elle, alors que sa mère et ses frères et soeurs sont au Canada. La plus grande partie de la famille étendue du mari se trouve à Hong Kong. Ces faits appuient d'une certaine façon la demande de l'appelante.

[17]       La forme de présence physique au Canada dénote-t­-elle que l'appelante revient dans son pays ou qu'elle est en visite? À mon avis, la forme de présence de Mme Wong au Canada s'apparente à des visites, savoir un mois à la fois durant les étés 1993, 1995 et 1996.

[18]       Les périodes d'absence sont tellement longues, soit 1 012 jours, qu'il serait difficile pour elle d'établir une « résidence présumée » .

[19]       Le motif de ses absences était le désir d'être avec son mari qui était retourné à Hong Kong pour des raisons médicales. En ce sens, ses absences ne sont pas totalement volontaires. Toutefois, je ne suis pas convaincu, au vu de la preuve, que les problèmes de santé de son mari expliquent toutes ses absences, et je ne sais pas non plus pourquoi il a insisté pour retourner à Hong Kong se faire soigner en 1993 et 1995. Les gens qui ont des antécédents médicaux importants, comme cela semble être le cas du mari, ne décident pas généralement de prendre l'avion pour aller de l'autre côté du globe consulter leur médecin plutôt que d'aller visiter un médecin qui est plus près d'eux. De plus, le médecin qui a opéré le mari de l'appelante en 1993 a déclaré qu'il s'était bien remis de la chirurgie et qu'il n'avait fait état d'aucune séquelle dans les trois années qui ont suivi.

[20]       Quant à la qualité des attaches de Mme Wong avec le Canada, on ne peut dire qu'elles étaient particulièrement fortes, surtout qu'elle est restée ici très peu de temps. Ses attaches avec Hong Kong sont importantes (l'appartement meublé qui appartient à son mari, la voiture familiale, l'emploi de son mari et ses affaires). Toutefois, certains membres de sa famille étendue étaient ici et fournissaient une forme d'attache avec le Canada.

[21]       À mon avis, en me fondant sur les réponses apportées à ces questions, je ne peux conclure que Mme Wong a établi sa résidence au Canada en 1993. En conséquence, elle ne pouvait par la suite répondre au critère de résidence de l'alinéa 5(1)c).

[22]       Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

                    

OTTAWA (ONTARIO)                                                                                    John M. Evans         

                                                                                                                                                                                                     

Le 7 septembre 1999.                                                                                                  J.C.F.C.                 

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               T-264-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Affaire intéressant la Loi sur la citoyenneté et Yuk

Hing Wong

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 31 août 1999

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT DE M. LE JUGE EVANS

EN DATE DU :                                   7 septembre 1999

ONT COMPARU:

Mme Robin L. Seligman                                      pour la demanderesse

Mme Geraldine MacDonald                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mme Robin L. Seligman

Barrister and Solicitor

Toronto (Ontario)                                                         pour la demanderesse

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                          pour le défendeur

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