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Date : 20000929


Dossier : IMM-4927-99


Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2000

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :


MUNIR H. ABDUL-KARIM


demandeur


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE



[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par M. Lavelle (ci-après l'agente des visas) en date du 31 juillet 1999 par laquelle celle-ci a rejeté la demande de résidence permanente au Canada déposée par le demandeur.

[2]      Le demandeur, citoyen iraquien dont la profession envisagée est celle de physicien (CNP 2111-1), a déposé une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants le 21 décembre 1997.

[3]      Le demandeur est titulaire d'un doctorat en physique théorique depuis 1993. Il a travaillé à titre de chercheur en physique et de conférencier pendant environ 9 ans.

[4]      Le 15 mars 1999, le demandeur a rencontré en entrevue l'agente des visas à l'ambassade canadienne à Amman (Jordanie).

[5]      Dans son affidavit, le demandeur a déclaré qu'il avait apporté avec lui certains documents à l'entrevue, notamment des copies des échanges qu'il a eus avec plusieurs universités quant à des possibilités d'emploi, ainsi que des renseignements de nature interne à propos des offres d'emploi dans des universités et au sein du Programme spatial canadien.

[6]      Il appert que l'agente des visas avait quelques doutes relativement à la quantité des travaux de recherche auxquels se consacrait le demandeur, vu que ce dernier n'a pas publié ses recherches, à l'exception d'un nouvel article paru dans une revue suédoise, ni assisté à des conférences portant sur ses domaines d'intérêt.

[7]      L'agente des visas a procédé à l'évaluation du demandeur et lui a accordé un total de 74 points d'appréciation, dont un point pour le facteur professionnel et quatre points pour les qualités personnelles. L'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement) et a tiré la conclusion suivante :

[TRADUCTION] Même si on vous a alloué plus de 70 points, je suis d'avis que, pour l'instant, vous ne seriez pas en mesure de réussir votre installation au Canada. Comme vous avez travaillé exclusivement dans un milieu universitaire mais que vous n'avez pas publié d'articles dans des revues accréditées, ni assisté ou participé à des conférences, et comme vous n'avez aucune véritable personne-ressource au Canada pour ce qui est des possibilités d'emploi, ma conclusion, à laquelle souscrit l'agent d'immigration supérieur conformément à l'alinéa 11(3)b) du Règlement sur l'immigration, précité, est que les points attribués ne reflètent pas adéquatement votre capacité à réussir votre installation au Canada. Votre demande est donc rejetée.

[1]      Le demandeur a témoigné que l'agente des visas ne l'avait pas avisé que l'absence de publications de sa part, le défaut d'assister à des conférences et l'absence de personnes-ressources pour ce qui est des possibilités d'emploi pouvaient mettre en doute sa capacité à réussir son installation au Canada.

[2]      L'agente des visas a déposé qu'elle avait mis le demandeur au courant de ses doutes. Les notes STIDI ne font nullement mention d'un tel avis.

[3]      Questions en litige

1. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière défavorable, soit en interprétant de façon erronée les exigences requises pour le poste de physicien (CNP 2111-1), soit en ne tenant pas compte ou en omettant de tenir compte des faits pertinents quant à l'expérience de travail du demandeur?

2. L'agente des visas a-t-elle entravé de façon déraisonnable l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents portant que le demandeur pouvait réussir son installation au Canada?

3. L'agente des visas a-t-elle manqué à son devoir d'agir équitablement à l'égard du demandeur en omettant de lui faire part des doutes qu'elle avait par rapport à sa capacité de réussir son installation au Canada et en omettant de lui donner l'occasion de la convaincre de l'avis contraire sur cette même question?


Le droit

[1]      Le paragraphe 11(3) du Règlement prévoit :


(3) A visa officer may

. . .

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10,

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

(3) L'agent des visas peut

. . .

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

Analyse et décision
[2]      En ce qui concerne le fardeau de preuve, il va sans dire qu'il incombe au demandeur de s'acquitter du fardeau de la preuve en démontrant qu'il satisfait aux exigences de la Loi sur l'immigration et du Règlement (voir le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration).
[3]      La prochaine question préliminaire à trancher consiste à savoir quelle norme de contrôle est applicable à la décision de l'agente des visas. Je suis d'avis en l'espèce que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999) 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.).
[4]      Je propose d'aborder en premier lieu la question 3, formulée ainsi :
         L'agente des visas a-t-elle manqué à son devoir d'agir équitablement à l'égard du demandeur en omettant de lui faire part des doutes qu'elle avait par rapport à sa capacité de réussir son installation au Canada et en omettant de lui donner l'occasion de la convaincre de l'avis contraire sur cette même question?
     Un examen des notes STIDI prises par l'agente des visas révèle que le demandeur a reçu un total de 70 points lors de la sélection administrative et que l'agente des visas lui a attribué 74 points d'appréciation en fonction des divers facteurs.
[5]      Les affidavits déposés par le demandeur et l'agente des visas se contredisent quant à la question de savoir si le demandeur avait été mis au courant des doutes que l'agente des visas avait relativement à la capacité du demandeur de réussir son installation au Canada, même si celui-ci s'est vu attribuer 74 points d'appréciation. Les notes STIDI sont muettes quant à cette question et aucun des déposants n'a été contre-interrogé relativement aux affidavits.
[6]      Dans l'affaire Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a déclaré au paragraphe 24 :
Bref, lorsqu'il convient d'interviewer un requérant pour évaluer sa demande, l'équité exige que l'agent des visas interroge le requérant de manière exhaustive sur les facteurs pertinents de la demande, et qu'il donne au requérant l'occasion de répondre aux allégations ou aux hypothèses dont il ne saurait, raisonnablement, avoir connaissance.

[7]      Tel que je l'ai indiqué précédemment, l'entrevue a eu pour effet d'attribuer au demandeur quatre points d'appréciation de plus que la sélection administrative. Par conséquent, la décision de l'agente des visas de refuser un visa au demandeur n'était pas fondée sur un problème relatif aux points d'appréciation. En fait, l'agente des visas a augmenté le total de quatre points. L'agente des visas a refusé d'accorder un visa en se fondant uniquement sur les pouvoirs qui lui sont attribués en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière défavorable aux termes de cette disposition; par conséquent, son refus n'a rien à voir avec les facteurs énumérés à l'annexe I.
[8]      Le juge Lutfy (aujourd'hui juge en chef adjoint) a déclaré au paragraphe 14 de l'affaire Moataz c. Canada (M.C.I.) (1999) Carswell Nat. 1670 (C.F. 1re inst.) :
Lorsque soixante-dix points d'appréciation ou plus on été attribués et que les raisons touchant l'utilisation potentielle d'un pouvoir discrétionnaire de manière défavorable en vertu du paragraphe 11(3) n'émanent pas directement des facteurs de l'annexe 1, l'agent des visas devrait aviser le demandeur que sa capacité de réussir son installation au Canada est toujours en question. Ceci donnera au demandeur la possibilité d'aborder les difficultés et les inquiétudes ressenties par l'agent des visas qui ne peuvent pas être évidentes pour l'immigrant potentiel.
Je fais mien cet exposé du droit.
[9]      Même si on n'exige pas que l'agente des visas inscrive dans ses notes STIDI chaque déclaration faite au cours de l'entrevue, il me semble qu'un point aussi important que celui qui consiste, pour l'agente des visas, à informer le demandeur des doutes qu'elle a quant à la capacité du demandeur de réussir son installation aurait dû être consigné dans les notes STIDI si un tel avis avait effectivement été communiqué.
[10]      Je ne suis pas convaincu que le demandeur avait été mis au courant de ces doutes; je suis par conséquent d'avis qu'il y a eu, en l'espèce, violation de l'équité procédurale.
[11]      Pour ce motif, je conclus que la décision de l'agente des visas doit être annulée et que l'affaire doit être renvoyée devant un agent des visas et un agent d'immigration supérieur différents pour que ceux-ci la réexaminent.
[12]      Aucune partie n'a demandé la certification d'une question de portée générale.
[13]      En raison de ma conclusion relative à la question 3, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur les questions 1 et 2.

ORDONNANCE
[14]      LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE que la demande soit accueillie, que la décision de l'agente des visas soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant un agent des visas et un agent d'immigration supérieur différents pour que ceux-ci la réexaminent.
     « John A. O'Keefe »
     J.C.F.C.
Ottawa (Ontario)
Le 29 septembre 2000

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20000929
Dossier : IMM-4927-99
ENTRE :
MUNIR H. ABDUL-KARIM
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
        





MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE





COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-4927-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MUNIR H. ABDUL-KARIM

                     - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

    

LIEU DE L'AUDIENCE :          HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE MARDI 12 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR: LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                  VENDREDI 29 SEPTEMBRE 2000

ONT COMPARU :

                     Roderick Rogers

                         POUR LE DEMANDEUR

                     Lori Rasmussen

                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Stewart McKelvey Stirling Scales

                     900 - 1959 Upper Water Street

                     C.P. 997

                     Halifax (Nouvelle-Écosse)

                     B3J 2X2

                         POUR LE DEMANDEUR

                     Ministère de la Justice

                     Bureau régional de Halifax

                     Bureau 1400, Duke Tower

                     5251 Duke Street

                     Halifax (Nouvelle-Écosse)

                     B3J 1P3

                         POUR LE DÉFENDEUR

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