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     Date : 19990106

     Dossier : IMM-239-98

Entre :

     WANLI PENG,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Version révisée des motifs prononcés à l'audience

     le mardi 5 janvier 1999 à Toronto (Ontario))

LE JUGE REED

[1]      Je ne suis pas convaincue qu'il y a des motifs justifiant d'infirmer la décision de l'agent des visas.

[2]      Le dossier établit que l'agent d'immigration supérieur était saisi de l'ensemble du dossier STIDI quand il a approuvé la décision de l'agent des visas, fondée sur le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration, de refuser un visa d'immigrant au demandeur. Il y a lieu de faire une distinction entre cette décision et la décision Hoballahi c. Canada (1996), 124 F.T.R. 164.

[3]      Je ne peux pas non plus conclure que l'agent des visas a mal interprété la preuve. Il a fait référence au fait que le demandeur, qui réclamait l'admission au Canada en tant qu'immigrant reçu avec l'intention de travailler comme vétérinaire, ne s'était pas informé des conditions qu'il devrait respecter afin de pouvoir exercer cette profession. L'agent des visas a mentionné que le demandeur n'avait fait aucune recherche active d'emploi au Canada. Il a fait référence aux " offres d'emploi " du demandeur aux États-Unis, et n'en a pas tenu compte, parce qu'il se posait des questions sur les efforts déployés par le demandeur sur le marché du travail canadien. La seule preuve documentaire que le demandeur a produite à ce sujet est une lettre d'un réseau de vétérinaires de la Floride qui décrit les possibilités de se faire une clientèle en Floride et qui demande son curriculum vitae au demandeur. Ce n'est pas une offre d'emploi. L'agent des visas a aussi mentionné que le demandeur a affirmé qu'il avait des amis et des associés au Canada qui étaient disposés à l'aider à s'établir. L'agent des visas note qu'aucune d'elles n'est un parent ou un ami intime du demandeur et, particulièrement, qu'aucune de ces personnes n'est une personne-ressource à laquelle il pourrait avoir recours pour trouver de l'emploi. La lettre du professeur du Manitoba est une lettre invitant le demandeur à poursuivre des études, et non pas une offre pour l'aider à trouver de l'emploi. Comme je l'ai déjà indiqué, la preuve n'a pas été mal interprétée.

[4]      J'aborde maintenant l'argument, fondé sur l'arrêt Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1991] 3 C.F. 350 (C.F. 1re inst.), confirmé à [1995] 1 R.C.S. 725, indiquant que l'agent des visas ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser l'admission en vertu de l'article 13 à moins qu'il n'ait attribué aucun point au demandeur au titre de la personnalité. Les commentaires du juge Strayer dans cette affaire ont été expliqués dans d'autres décisions de notre Cour, par exemple dans Savin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 102 F.T.R. 67 et Covrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 104 F.T.R. 41.

[5]      Le juge Strayer fonde essentiellement sa décision sur le fait que, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire conféré à l'article 13 du Règlement, les agents des visas doivent mettre l'accent sur des facteurs qui se rapportent aux chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada.

[6]      Aux pages 359 à 361 de sa décision il écrit ceci :

         De façon plus précise, la question fondamentale est la suivante : sur quels motifs l'agent des visas peut-il fonder l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de décider qu'il existe " de bonnes raisons " de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas adéquatement les chances d'un immigrant de " s'établir avec succès " au Canada ? Il est inconcevable que cette disposition législative ait pour but de donner à l'agent des visas un pouvoir illimité de décider si un immigrant particulier est généralement apte ou non à devenir un futur membre de la société canadienne, étant donné l'existence d'autres dispositions importantes de la Loi précisant l'identification des personnes qui sont aptes ou inaptes.                 
         [...]                 
         [...] il est difficile de voir comment le pouvoir discrétionnaire accordé à un agent des visas par le paragraphe 11(3) du Règlement peut permettre à ce dernier de ne pas tenir compte du nombre de points d'appréciation et de déterminer, essentiellement pour des raisons non économiques, qu'un immigrant n'aura pas de chance de s'établir avec succès au Canada. Même si ce paragraphe exige uniquement que l'agent des visas soit " d'avis qu'il existe de bonnes raisons ", ces raisons doivent être de nature à le porter à croire que l'immigrant n'est pas en mesure de s'établir avec succès au sens économique du terme. Elles ne peuvent embrasser des raisons comme les suivantes : qu'un immigrant ne sera probablement pas un bon voisin, un bon résident ou finalement un bon citoyen du Canada, ou encore qu'un immigrant particulier est une personne mauvaise ou immorale si on le juge à la lumière de son passé.                 

[7]      Le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration est rédigé dans les termes suivants :

         11(3) L'agent des visas peut [...]                 
         b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10, s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.                 

[8]      C'est dans ce contexte que le juge Strayer faisait référence, à la page 363, à la nécessité de n'obtenir aucun point d'appréciation :

         Ce point soulève des questions difficiles en ce qui a trait au lien entre une appréciation effectuée conformément aux articles 8 et 9 et à l'annexe I, et une conclusion prise en vertu du paragraphe 11(3) portant qu'une telle appréciation ne devrait pas être concluante sur la question de savoir si une personne est en mesure de s'établir avec succès. Si l'appréciation faite à l'aide de points est erronée, l'agent des visas devrait la modifier. En l'espèce, M. Spunt a examiné l'appréciation de la " personnalité " effectuée par Mme Trillo, qui avait accordé 7 points sur 10, et il l'a confirmée. Je ne vois pas comment il peut motiver l'exercice négatif de son pouvoir discrétionnaire par le fait que le requérant n'a pas un degré suffisant de personnalité. Il est concevable que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) puisse être utilisé adéquatement lorsqu'un immigrant souffre d'une telle insuffisance à l'égard d'un des facteurs énumérés dans la colonne I qu'un zéro comme résultat ne refléterait pas adéquatement l'incidence négative de cette insuffisance sur son aptitude à s'établir avec succès. Il me semble toutefois que préalablement à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire pour ce motif, l'agent devrait attribuer un zéro dans l'appréciation de ce facteur.                 

[9]      D'après mon interprétation, cette décision signifie que lorsqu'un agent des visas examine des facteurs qui ne sont pas directement pertinents aux chances d'un demandeur de s'établir avec succès au Canada, et que ces facteurs ont été examinés au regard de l'un des critères d'appréciation, c'est cette dernière appréciation qui doit être modifiée, et non pas un refus fondé sur l'article 13 du Règlement. Le juge Strayer n'a pas déclaré que dans tous les cas de refus fondés sur l'article 13 du Règlement, le nombre de points d'appréciation au titre de la personnalité doit être nul avant qu'un refus puisse être opposé.

[10]      En l'espèce, les raisons données par l'agent des visas pour justifier son refus ont toutes trait à l'établissement économique proposé du demandeur. Aucune de ces raisons ne se fondait sur sa personnalité.

                         " B. Reed "

                         Juge

TORONTO (ONTARIO)

le 6 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :                      IMM-239-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              WANLI PENG
                             - et -
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 5 JANVIER 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE REED
DATE :                          LE MERCREDI 6 JANVIER 1999
ONT COMPARU :                      Nkunda I. Kabateraine
                             Regina Seryide
                                 pour le demandeur
                             Leena Jaakkimainen
                                 pour le défendeur
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Nkunda I. Kabateraine
                             Avocat et procureur
                             403-607, rue Gerrard Est
                             Toronto (Ontario)
                             M4M 1Y2
                                 pour le demandeur
                             Morris Rosenberg
                             Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
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