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Date : 20050401

Dossier : IMM-9277-04

Référence : 2005 CF 436

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                         IKEMFUMA AYALOGU

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience)

[1]                Il s'agit d'une requête présentée par le défendeur en vertu du paragraphe 87(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), afin que la Cour interdise la divulgation de certains renseignements.


[2]                M. Ayalogu, un citoyen du Nigéria, est arrivé au Canada en 1998 ou en 1999, à l'âge de 15 ans. Il a ensuite présenté une demande d'asile. L'audition de cette demande a été suspendue en application du paragraphe 103(1) de la LIPR lorsque son cas a été déféré à la Section de l'immigration (SI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour constat d'interdiction de territoire pour criminalité organisée suivant l'alinéa 37(1)a) de la LIPR. Le ministre allègue que le demandeur est membre d'un gang de rue appelé Ledbury Banff Crips (LBC), présent dans le sud d'Ottawa.

[3]                Lors de l'audience visant à déterminer si le demandeur était interdit de territoire, le ministre a demandé à la SI de ne pas divulguer certains renseignements. La demande a été accueillie en partie et la SI a décidé qu'elle prendrait en compte certains éléments de preuve pertinents, mais qu'elle ne les divulguerait pas au demandeur. La SI a remis au demandeur un résumé des renseignements en question (alinéa 78h) de la LIPR). Le demandeur estimait que ce résumé ne lui permettait pas d'être suffisamment informé des circonstances ayant entraîné l'action du ministre. Par décision datée du 29 octobre 2004, la SI a décidé que M. Ayalogu était interdit de territoire suivant l'alinéa 37(1)a) de la LIPR et a ordonné son expulsion. M. Ayalogu a présenté une demande d'autorisation visant le contrôle judiciaire de cette décision.


[4]                Après que M. Ayalogu eut reçu une décision défavorable à la suite d'un examen des risques avant renvoi (ERAR), une date a été fixée pour son renvoi. La Cour a ordonné qu'il soit sursis à celui-ci jusqu'à ce qu'une décision soit rendue relativement à sa demande d'autorisation. L'autorisation a été accordée le 18 janvier 2005, et le contrôle judiciaire doit avoir lieu lundi prochain. Le ministre peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, demander au juge d'interdire la divulgation des renseignements qui n'ont pas été divulgués mais qui ont été pris en compte par la SI lorsqu'elle a constaté l'interdiction de territoire. Comme il a été mentionné précédemment, le ministre a présenté une telle demande en l'espèce en vertu du paragraphe 87(1) de la LIPR.

[5]                La nature de la procédure visée à l'article 87 et les différentes dispositions législatives connexes sont décrites en détail dans Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 2 R.C.F. 427 (C.F.), conf. par [2005] 1 R.C.F. 171 (C.A.); Gariev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 531 (C.F.); Andeel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 240 F.T.R. 1 (C.F.); Alemu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 257 F.T.R. 52 (C.F.). Il n'est pas nécessaire de les reprendre ici.


[6]                En l'espèce, la procédure était conforme à celle décrite dans ces décisions. Les avocates du ministre et du demandeur ont comparu et ont fait des observations sur la demande du ministre. Ces observations font partie du dossier public. Le ministre a aussi déposé un dossier confidentiel contenant les renseignements « secrets » qui n'ont pas été divulgués au demandeur et qui ne font pas partie du dossier public. Le dossier confidentiel contient trois affidavits, auxquels des pièces sont jointes, dont, pour chaque affidavit, la transcription du témoignage de son auteur qui, selon la SI, ne devait pas être divulguée. Il faut mentionner que, bien qu'aucun renseignement contenu dans le dossier confidentiel n'ait été divulgué au demandeur avant la présentation de la requête, le ministre a remis des versions expurgées des trois affidavits (sans les pièces) à l'avocate du demandeur après l'audience.

[7]                Immédiatement après que les observations « publiques » eurent été présentées, la Cour a suspendu l'audience et a tenu une audience à huis clos à laquelle seuls l'avocate du ministre et le greffier de la Cour ont assisté. Les auteurs des affidavits ont été exclus de la salle d'audience jusqu'à ce que l'affidavit de chacun soit examiné. En d'autres termes, seul l'auteur d'un affidavit était présent dans la salle d'audience à la fois, et aucun n'a assisté à la présentation des observations de l'avocate.

[8]                L'audience de la Cour a été ouverte par le fonctionnaire du greffe de la manière habituelle. L'avocate a présenté en bonne et due forme des observations qui étaient fondées uniquement sur le dossier confidentiel. Chacun des auteurs des affidavits a ensuite été interrogé par la Cour.

[9]                Le ministre soutenait que la non-divulgation était justifiée parce que les affidavits et les pièces jointes contenaient des renseignements qui avaient été obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne et que, s'ils étaient divulgués, ces renseignements porteraient atteinte à la sécurité de cette source. Par souci de clarté, il faut mentionner que l'on n'a pas, avec raison, indiqué que les renseignements en question porteraient atteinte à la sécurité nationale.

[10]            Avant de décider si je dois interdire la divulgation des renseignements, je dois souligner que la définition de « renseignements » prévue à l'article 76 de la LIPR englobe les renseignements obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne. Je m'appuie en outre sur la décision Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (C.F. 1re inst.), conf. par (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.), autorisation de pourvoi rejetée, [1996] C.S.C.R. no 496, où il est indiqué (au paragraphe 19) que les renseignements provenant de sources humaines seront divulgués si cela est nécessaire pour permettre au demandeur d'être suffisamment informé, sauf lorsque la nature même des renseignements révélerait l'identité de la source et mettrait en danger sa sécurité. J'ai examiné la preuve afin d'en déterminer la pertinence et la valeur probante, et je suis arrivée à la conclusion - à laquelle souscrit à juste titre l'avocate du ministre - que les renseignements qui figurent déjà dans le dossier public ou qui sont du domaine public ne devraient pas être visés par une ordonnance de non-divulgation. Cet exercice était nécessaire parce que la norme de contrôle applicable à la décision de la SI de ne pas divulguer les renseignements est celle de la décision correcte, selon ce que la Cour d'appel fédérale a statué dans Sogi, précité.


[11]            Après avoir entendu les avocates, examiné les affidavits et les pièces jointes et interrogé chacun des auteurs de ces affidavits, j'ai conclu que certains des renseignements pertinents, mais pas tous, devaient être visés par une ordonnance de non-divulgation. Les paragraphes 14, 15 et 16 ci-dessous énumèrent les renseignements qui, à mon avis, ne devraient pas être divulgués parce que je suis convaincue qu'ils sont pertinents, qu'ils ont été obtenus sous le sceau du secret, que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité de la source qui les a fournis et qu'ils ne sont pas du domaine public.

[12]            Étant donné que j'ai conclu que certains des renseignements pouvaient être divulgués, il appartient maintenant au ministre de décider s'ils seront divulgués ou non dans le cadre du contrôle judiciaire.

[13]            Les renseignements énumérés ci-dessous sont pertinents, mais ils ne devraient pas être divulgués. Le numéro de page qui est parfois indiqué est celui du dossier confidentiel, à moins d'indication contraire.

[14]            En ce qui concerne l'affidavit signé par Ann Lapointe le 24 février 2005 :

- pièce A : la ligne 1 de la page 3 de la pièce;

- pièce B : les cinq derniers mots de la ligne 17 et toute la ligne 21 de la page 37.

[15]            Pour ce qui est de l'affidavit d'Eric Beaurivage signé le 2 mars 2005 :

- le paragraphe 7 de l'affidavit, après le mot « incident » à la ligne 2;

- le paragraphes 8, 9 et 10 de l'affidavit;

- les six derniers mots de la ligne 5 du paragraphe 11 de l'affidavit;

- pièce A : de la ligne 7 de la page 48 à la ligne 22 de la page 55, la ligne 11 de la page 57, les lignes 3 à 13 de la page 59 et les lignes 1 à 19 de la page 60.


[16]            Pour ce qui est de l'affidavit de Michael Hyndman signé le 7 mars 2005 :

- le paragraphe 8 de l'affidavit, après le mot « event » à la ligne 3;

- le paragraphe 9 de l'affidavit;

- les lignes 1 à 5 du paragraphe 11 de l'affidavit;

- au paragraphe 12 de l'affidavit, la mention de la date particulière en avril 2004, le nom de la source aux lignes 2 et 3 et la mention de l'objet à la ligne 5;

- au paragraphe 13 de l'affidavit, la mention du nom à la ligne 6;

- pièce A à la page 66, toute la première mention;

- pièce A à la page 67, la date dans la troisième phrase du deuxième paragraphe;

- pièce A à la page 68, la mention du jour particulier, toutes les mentions du nom et de l'âge de la source et la mention de l'objet;

- pièce B : ligne 5 de la page 127, lignes 1 à 19 de la page 128, de la ligne 16 de la page 129 à la ligne 22 de la page 130, ligne 15 de la page 132, lignes 7 à 9 et 14 à 17 de la page 134 et la mention du jour particulier aux lignes 8 et 9 de la page 135;

- pièce B à la page 136, la mention du jour particulier à la ligne 6, la mention de l'objet à la ligne 7, la mention du nom à la ligne 15, la mention de l'âge à la ligne 18 et la mention du nom à la ligne 25;

- pièce B à la page 137, toute la ligne 8, la mention du nom à la ligne 14 et la mention de l'objet aux lignes 19 et 20;

- pièce B à la page 138, la mention de l'objet à la ligne 6;


- pièce B à la page 139, toute la ligne 4 et la mention du nom à la ligne 8;

- pièce C à la page 1 de la pièce, toute la mention de l'événement;

- pièce C à la page 2 de la pièce, la première phrase de la première inscription et la première phrase de la ligne 10 de la même inscription, ainsi que toutes les mentions du jour particulier, du nom et de l'âge de la source et de l'objet dans la deuxième inscription.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie en partie conformément aux paragraphes 14, 15 et 16 des présents motifs.

              « Carolyn A. Layden-Stevenson »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-9277-04

INTITULÉ :                                                             IKEMFUMA AYALOGU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 31 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                            LE 1ER AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Chantal Tie                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Sonia Barrette                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

South Ottawa Community                                           POUR LE DEMANDEUR

Legal Services

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

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