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     Date : 19980123

     Dossier : IMM-2395-96

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 23 JANVIER 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

Entre :

     YIP GING LAW,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La COUR,

     VU le recours en contrôle judiciaire introduit contre la décision en date du 10 juin 1996 d'une agente d'immigration, vu les pièces du dossier, ouï les avocats des parties à l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 29 juillet 1997, et par les motifs prononcés ce jour,

     FAIT DROIT à ce recours.

     Signé : James A. Jerome

     ________________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date : 19980123

     Dossier : IMM-2395-96

Entre :

     YIP GING LAW,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge en chef adjoint

[1]      Par ce recours en contrôle judiciaire, le requérant conclut à ordonnance de certiorari pour annuler la décision en date du 10 juin 1996, par laquelle l'agente d'immigration C. Athoe [désignée ci-après " l'agente d'immigration "] du consulat général du Canada à Buffalo (New York) a rejeté sa demande de résidence permanente [ci-après la " DDE "].

[2]      Le requérant demande à la Cour d'ordonner la réouverture et le renvoi de sa DDE à un autre agent des visas pour nouvelle instruction, de juger s'il est légal de lui accorder, à lui et aux personnes à sa charge, un visa de statut permanent, et d'ordonner à l'intimé de ne pas les renvoyer du Canada en attendant l'issue de ce recours en contrôle judiciaire.

LES FAITS DE LA CAUSE

[3]      Dans sa DDE soumise le 28 juillet 1984 au consulat du Canada à Buffalo, le requérant indiquait qu'il avait quatre personnes à charge, savoir son épouse et leurs trois filles, Alison, Elizabeth et Diana. Le requérant et son épouse sont apatrides, et leurs trois filles, citoyennes de territoires britanniques. Dans la case M7 de sa DDE, il indiquait que ni lui-même ni aucune des personnes à sa charge n'avait jamais souffert d'aucune maladie grave ni d'aucuns troubles physiques ou mentaux graves.

[4]      Selon l'affidavit de l'agente d'immigration, le requérant et son épouse séjournent actuellement au Canada en vertu de permis de visiteur valides jusqu'en septembre 1996.

[5]      Le 2 novembre 1994, l'agente d'immigration a interrogé le requérant par téléphone et lui a demandé pour quelles raisons il s'était vu refuser un visa d'immigrant en 1989. Il a répondu que sa demande de 1989 avait été rejetée en raison de la non-admissibilité pour raisons médicales d'une quatrième fille, l'aînée. Au début de 1990, il a été jugé que celle-ci était un cas " M7 ", c'est-à-dire un cas de non-admissibilité pour raisons médicales du plus haut degré. À l'époque de l'entrevue téléphonique, cette fille allait à l'école au Canada. Elle n'était pas portée sur la DDE du requérant à titre de personne à charge.

[6]      Le 9 janvier 1995, l'agente d'immigration a eu avec le requérant et son épouse une entrevue personnelle, au cours de laquelle il a été question de cette quatrième fille, qui s'appelle Kwai Wing Alice Law [ci-après " Alice "] et qui est née le 3 juillet 1974. Le requérant faisait savoir que Alice fréquentait une école pour enfants handicapés au Canada parce qu'elle était " lente ", qu'il avait toujours pourvu à ses besoins et qu'elle n'avait jamais cessé d'aller à l'école. L'agente d'immigration en a conclu qu'elle était une personne à charge et a ajouté son nom sur la DDE du requérant. À la fin de l'entrevue, elle a décidé d'attendre les résultats d'une nouvelle évaluation médicale d'Alice avant de poursuivre l'instruction de la DDE du requérant.

[7]      Le 10 mai 1995, le bureau d'immigration de Buffalo envoie au requérant une lettre pour l'informer que sa DDE était toujours pendante mais que si ce bureau ne recevait pas dans les trois mois les résultats de l'examen médical demandé, il présumerait que le requérant n'avait plus l'intention de poursuivre sa DDE et son dossier serait " clôturé ".

[8]      Le 20 juin 1995, l'agente d'immigration envoie à l'avocat qui représentait le requérant à l'époque, une lettre l'informant, entre autres, qu'" aucune décision ne sera prise en l'espèce tant que le nécessaire n'aura pas été fait pour ce qui est de la personne à charge susmentionnée [Alice] ".

[9]      L'agente d'immigration témoigne qu'elle ne recevait aucune réponse du requérant mais qu'elle a pu voir dans le système d'informatique que le bureau des Programmes de santé a informé celui-ci que Alice avait à passer d'autres examens médicaux en septembre 1995. L'avocat du requérant a produit en preuve une lettre en date du 25 juillet 1995 qu'il avait envoyée à l'agente d'immigration en réponse à sa lettre du 20 juin, pour confirmer que Alice avait subi un examen médical par un médecin désigné.

[10]      Le 30 avril 1996, l'agente d'immigration reçoit confirmation du bureau des Programmes de santé que le requérant n'a toujours pas répondu à la nouvelle demande de renseignements médicaux.

[11]      Par lettre en date du 10 juin 1996, l'agente d'immigration informe le requérant que sa DDE a été rejetée parce qu'il n'a pas satisfait à l'obligation de faire passer un examen médical à Alice, sa fille à charge.

ANALYSE

Les conditions imposées par la loi

[12]      Les personnes qui désirent immigrer au Canada peuvent se voir accorder le droit d'établissement si elles ne font pas partie d'une catégorie de personnes non admissibles, tout en satisfaisant aux conditions prévues par la Loi sur l'immigration et les règlements pris pour son application. C'est à l'immigrant qu'il incombe de prouver qu'il est admissible et qu'il a satisfait à toutes les conditions légales.

[13]      Le paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration prévoit ce qui suit :

     Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.         

                                                 [non souligné dans l'original]

[14]      En examinant un candidat immigrant, le médecin désigné doit conclure, conformément à l'alinéa 19(1)a) de la Loi sur l'immigration, si en raison de l'état de santé de celui-ci, son admission au Canada entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé ou services sociaux du Canada par suite de la nature, de la gravité et de la durée probable de quelque maladie constatée.

Analyse

[15]      L'agente d'immigration a demandé cette consultation médicale au sujet d'Alice, fille à charge du requérant. Celui-ci a été prévenu par écrit que son dossier serait " clôturé " s'il ne satisfaisait pas à la demande dans les trois mois. Un mois après, l'avocat du requérant a été informé qu'aucune décision ne serait prise dans le dossier de celui-ci tant que les renseignements relatifs à Alice feraient encore défaut. Un mois après cette communication, l'avocat du requérant a informé l'agente d'immigration que Alice avait subi un examen médical, et il lui a donné le nom du médecin qui avait effectué cet examen. La décision prise par l'agente d'immigration de rejeter la DDE du requérant n'est intervenue qu'un an après la demande écrite initiale de renseignements médicaux. Ce rejet était motivé par le fait que le requérant, faute d'avoir produit les renseignements requis, ne s'était pas conformé au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration et que de ce fait, il relevait de la catégorie des personnes non admissibles que vise l'alinéa 19(2)d) de la même loi. Le requérant a été informé à cette occasion qu'il pouvait faire une nouvelle demande à l'avenir, moyennant de nouveaux droits de traitement.

[16]      L'intimé soutient que le requérant ne s'est pas vu dénier l'équité procédurale puisqu'il avait été informé plusieurs fois et suffisamment à l'avance que sa demande serait rejetée s'il ne produisait pas les renseignements médicaux requis; et que le requérant doit assumer seul la responsabilité des conséquences de son manque de diligence.

[17]      Les preuves administrées semblent indiquer le contraire. Dans sa lettre du 10 mai 1995, l'agente d'immigration informait le requérant que son dossier serait " clôturé " si les renseignements requis n'étaient pas produits. Je ne sais pas ce que signifie exactement la " clôture " d'un dossier. Je pense que ce concept peut sous-entendre le rejet. Cependant, dans l'instruction d'une DDE, il faut employer des termes précis pour éviter toute possibilité de confusion et de malentendu. En l'espèce, il y avait un surcroît de confusion du fait de la lettre du 20 juin 1995 de l'agente à l'immigration, qui informait l'avocat du requérant qu'" aucune décision ne sera prise en l'espèce tant que le nécessaire n'aura pas été fait pour ce qui est de la personne à charge susmentionnée ". Au lieu de faire savoir que la demande serait rejetée passé un certain délai, cette lettre semble sous-entendre le contraire. Elle semble sous-entendre que l'instruction de la DDE se poursuivra jusqu'à la réception des renseignements requis. Les mots employés, dans leur sens courant et grammatical, ne peuvent indiquer rien d'autre.

[18]      Les arguments proposés par les avocats de l'une et l'autre parties sont peu nombreux tout autant qu'ils sont faibles. Aucune jurisprudence applicable n'a été citée.

CONCLUSION

[19]      Il est certainement naturel de la part du requérant de présumer, dans ces conditions, qu'une fois que sa fille à charge a subi l'examen médical ordonné, il n'a plus rien à faire, même si la Loi sur l'immigration prévoit autre chose. Je ne vois rien dans la correspondance officielle qui ait pu attirer son attention sur les conséquences qui se sont réalisées en fin de compte. En l'espèce, il n'y a pas eu observation des impératifs d'équité procédurale.

[20]      Cependant, peu importe qui est en défaut en l'espèce, la fille à charge du requérant ne peut de ce fait être exemptée des conditions imposées par la Loi sur l'immigration en matière d'admissibilité médicale. En conséquence, la décision attaquée est annulée et la DDE du requérant peut être rouverte pour instruction par un autre agent d'immigration. J'ordonne en outre que tous les renseignements médicaux nécessaires, y compris ceux qui proviennent de tout nouvel examen médical qu'il reste à arranger, soient produits à cet agent d'immigration dans les six mois de la présente décision. Ce délai devrait donner au requérant amplement de temps pour parfaire sa demande pour ce qui est d'Alice, et l'agent des visas aura à sa disposition un dossier complet qui lui permettra de rendre une décision en conséquence.

[21]      Par ces motifs, la Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire.

     Signé : James A. Jerome

     ________________________________

     Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario),

le 23 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-2395-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Yip Ging Law c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      29 juillet 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

LE :                      23 janvier 1998

ONT COMPARU :

M. Robin Morch                  pour le requérant

Mme Marie-Louise Wcislo              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Robin Morch                  pour le requérant

Toronto (Ontario)

M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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