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Date : 20001127

T-1311-99

Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

E n t r e :

MORESBY EXPLORERS LTD. et

DOUGLAS GOULD

demandeurs

- et -

DIRECTEUR DE LA RÉSERVE DU

PARC NATIONAL DE GWAII HAANAS,

CONSEIL DE GESTION DE L'ARCHIPEL DE GWAII HAANAS

et STEVE LANGDON

défendeurs

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]                 Moresby Explorers Ltd. (MEL) et son codemandeur (et principal actionnaire) Douglas Gould exploitent une entreprise touristique dans la région de l'île Moresby-Sud dans les îles de la Reine-Charlotte, plus précisément dans la réserve du parc national de Gwaii Haanas. Ils ont un différend avec la direction du parc au sujet de l'attribution de leur quota d'utilisateur, qui sert à déterminer l'ampleur des activités commerciales qu'ils sont autorisés à exercer dans le parc. L'exposé des faits suivants est tiré du mémoire des défendeurs :

[TRADUCTION]

Contexte de la création de la réserve du parc national (Entente de 1988 signée entre le Canada et la Colombie-Britannique)

7.      Le 12 juillet 1988, le Canada et la Colombie-Britannique ont signé un « protocole d'entente sur la création du parc national de l'île de Moresby-Sud et du parc marin national des îles de la Reine-Charlotte » (l'entente sur le parc), qui a servi de base à la création d'une réserve de parc national terrestre (la réserve du parc national) et d'une réserve de parc marin national (le parc marin national) dans les îles de la Reine-Charlotte.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 3

Affidavit de Bruce Amos, paragraphes 5 et 6.

8.      La Colombie-Britannique a transféré la gestion et le contrôle de la réserve du parc national au Canada le 27 mars 1992 ou vers cette date en vertu du décret no 438, modifié le 10 septembre 1992 par le décret no 1432.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphe 17, annexe F.

9.              L'entente sur le parc abordait la question du laps de temps écoulé entre le transfert de la gestion et du contrôle de la réserve du parc national et du parc marin national de la Colombie-Britannique au Canada et la désignation subséquente de ces terres comme parc national. Les articles 23 et 24 de l'entente sur le parc :

   a)           interdisaient à la Colombie-Britannique d'accorder des droits sur la réserve du parc national ou le parc marin national sans le consentement du Canada jusqu'au transfert de ces terres au Canada ;

b)           limitaient l'utilisation des terres par le Canada à des activités conformes à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d'application ;

c)            obligeaient la Colombie-Britannique à demander au Comité sur l'environnement et l'utilisation des terres, en vertu de la Environment and Land Use Act de recommander la prise, par la Colombie-Britannique, d'un décret autorisant le Canada à exercer sa compétence sur la réserve du parc national au nom de la Colombie-Britannique ;

d)           obligeaient la Colombie-Britannique à examiner les demandes par lesquelles le Canada invitait la Colombie-Britannique à prendre des mesures pour corriger tout problème particulier concernant la réserve du parc national.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphe 5, annexe A,

Environment and Land Use Act, R.S.B.C. 1996,

ch. 117.


10.            Ainsi que le prévoyait l'article 24 de l'entente sur le parc et conformément à l'article 6 de la Environment and Land Use Act (ELUC), la Colombie-Britannique a pris le décret no 586 le 19 avril 1989 ou vers cette date. Ce décret a eu pour effet de transférer les pouvoirs de gestion de la réserve du parc national au Service canadien des parcs, à son directeur général et à ses fonctionnaires et de les autoriser à gérer et à administrer les terres au nom de la Colombie-Britannique comme si ces terres constituaient une zone touristique au sens de la loi provinciale sur les parcs, ce qui a permis au directeur général de délivrer des permis portant sur les terres en question.

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 3,

annexe A, Park Act, R.S.B.C. 1996, ch. 344.

11.            Le Canada a accepté le transfert et l'administration et le contrôle de la réserve du parc national de la Colombie-Britannique le 28 mars 1995 par le décret C.P. 1995-3/534.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphe 19, annexe G.

12.            La réserve du parc national a été officiellement constituée et est devenue assujettie à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d'application le 22 février 1996 ou vers cette date.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphes 20, 21,

annexe H

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 4.

Entente de 1993 de Gwaii Haanas (entre le Canada et le Conseil de la Nation haïda)

13.            En novembre 1980, le Conseil de la Nation haïda (les Haïdas) a soumis au Canada une revendication territoriale globale sur les îles de la Reine-Charlotte. Le 30 juin 1983, le Canada a accepté de négocier avec les Haïdas. Conformément à la politique de Parcs Canada, le Canada a créé une réserve de parc national dans les îles de la Reine-Charlotte en attendant que soit tranchée la revendication territoriale des Haïdas.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphe 10,

annexes C et D.

14.            L'article 39 de l'entente de 1988 sur le parc prévoyait la participation des Haïdas à la planification et à la mise en oeuvre des mesures relatives à la réserve du parc national et au parc marin national, et c'est sur le fondement de ces dispositions que le Canada a pu négocier des ententes avec les Haïdas pour gérer les terres en question en collaboration avec les Haïdas.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphe 5, annexe A

Affidavit de Stephen Langdon, paragraphe 6

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 7.

15.            Le décret C.P. 1992-1591 du 16 juillet 1992 autorisait le ministre fédéral de l'Environnement à conclure une entente avec les Haïdas au nom du Canada au sujet de la gestion et de l'exploitation de l'archipel (où se trouve la réserve du parc national) dans les îles de la Reine-Charlotte.


16.            Le 30 janvier 1993, ou vers cette date, le Canada et les Haïdas ont signé l' « Entente Gwaii Haanas/Moresby-Sud » (l'entente de Gwaii Haanas) en vue de la cogestion de l'archipel. La réserve du parc national se trouve dans l'archipel, qui a été désigné par les Haïdas comme un site patrimonial haïda.

Affidavit de Bruce Amos, paragraphes 12, 13,

annexe D, Affidavit de Stephen Langdon,

paragraphe 4.

Le Comité de gestion de l'archipel (CGA)

17.            L'entente Gwaii Haanas prévoit la constitution d'un comité de gestion de l'archipel composé de quatre personnes (le CGA) chargé d' « examiner toutes les initiatives et entreprises visant la planification, le fonctionnement et la gestion de l'archipel » dans un esprit de collaboration entre le Canada et les Haïdas. Le directeur de la réserve du parc national copréside le CGA pour le compte du Canada avec un représentant des Haïdas.

Art. 4.1 et 4.2 de l'entente Gwaii Haanas, affidavit

de Bruce Amos, paragraphes 11, 12, 18, affidavit

de Stephen Langdon, paragraphes 3, 4, 5,

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 5.

18.            Parmi les questions sur lesquelles le CGA se penche, mentionnons l'élaboration de lignes directrices ayant trait à la conservation, à la protection et à la jouissance de la réserve du parc national, notamment au moyen de la délivrance de permis visant les voyages organisés.

Art. 4.3e) Entente Gwaii Haanas, affidavit de

Bruce Amos, annexe D.

19.            Aucune des dispositions de l'entente Gwaii Haanas n'entrave ou ne limite les pouvoirs du directeur. Toutefois, avant de prendre quelque mesure que ce soit, le directeur doit d'abord s'efforcer de dégager un consensus parmi les membres du CGA.

Art. 9.2 Entente Gwaii Haanas Agreement, affidavit de

Bruce Amos, annexe D.

Le système de permis d'exploitation

20.            Conformément à l'entente Gwaii Haanas, Parcs Canada et le CGA ont élaboré une politique de quotas pour le système de permis d'exploitation en vigueur dans la réserve du parc national.

Affidavit de Stephen Langdon, paragraphe 9,

Art. 4.1, 4.2, 4.3e) de l'entente Gwaii Haanas

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 9.


21.            En 1995, le CGA a encouragé les voyagistes à tenir des registres au sujet de leurs excursions et de leurs clients et à participer à un système volontaire de permis d'exploitation aux termes duquel des quotas sont attribués aux voyagistes pour réglementer leur accès à la réserve du parc national.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 12.

22.            En 1996, après que la réserve du parc national eut été officiellement désignée comme réserve de parc national, un système de permis d'exploitation obligatoire a remplacé le système volontaire.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 9 et 15.

23.            Le système volontaire et le système obligatoire visaient tous les deux à réglementer l'accès des voyagistes à la réserve du parc national. Un des objectifs du système de permis obligatoire était de bloquer les activités commerciales à leur niveau actuel en attendant d'évaluer leurs incidences sur l'intégrité écologique culturelle et écologique du parc et la qualité de l'expérience des visiteurs de la réserve du parc national.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 8 et 12.

24.            La politique de quotas renfermait les éléments suivants :

a)            Les quotas sont calculés en fonction des renseignements fournis par les voyagistes au sujet des visites guidées qui ont eu lieu dans la zone de la réserve du parc national avant que celle-ci soit classée réserve de parc national en 1996 ;

b)           Aucun permis ou quota n'a été accordé aux voyagistes qui n'exerçaient pas d'activités dans la réserve du parc national avant 1996 ;

c)            Les entreprises existantes ne pouvaient modifier le type de service qu'elles fournissaient avant 1996 pour devenir admissibles à un quota ;

d)           Les demandes présentées par de nouveaux voyagistes et les demandes de changement d'utilisation ne seront examinées que lorsque le plan de gestion aura été adopté pour la réserve du parc national pour s'assurer que la zone est gérée conformément au plan de gestion ;

e)            Aucun quota n'est accordé aux voyagistes dont les activités sont incompatibles avec la politique sur les quotas ou avec la loi.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 9, 10, 11,

20 et 21.

Affidavit de Steve Langdon, paragraphes 8, 9,

annexe C.

25.            Le quota de l'utilisateur dont les activités ne sont pas incompatibles avec la politique sur les quotas ou avec la loi est calculé de la manière suivante :

a)              le nombre le plus élevé d'excursions réalisées au cours de toute année antérieure à 1996 ;


b)             la capacité démontrée des excursions organisées par le voyagiste, en l'occurrence la moyenne des cinq excursions ayant comporté le nombre le plus élevé de personnes (clients et personnel) avant 1996 ;

c)              la durée des excursions réalisées au cours de l'année où le nombre le plus élevé d'excursions a eu lieu.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 10 et 11

Affidavit de Stephen Langdon, paragraphe 9,

annexe C.

26.            Dans le cadre de la gestion conjointe Canada-Haïda de la réserve du parc national en conformité avec l'entente Gwaii Haanas Agreement, le CGA a examiné toutes les demandes de permis commerciaux visant à obtenir un quota pour la réserve du parc national.

Affidavit de Steve Langdon, paragraphe 10

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 10

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphes 9 et 10.

27.            Les permis commerciaux et les quotas ont par la suite été délivrés par le directeur conformément au Règlement de 1998 sur l'exploitation de commerces dans les parcs nationaux, DORS 198-455, pris en application de la Loi sur les parcs nationaux.

Les demandeurs et la décision de 1999

Avant 1996

28.            En 1989, les demandeurs ont installé un camp flottant dans le passage de la Bêche, qui est situé dans le parc marin national proposé.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 4,

annexes B et C.

Affidavit de Ronald Keith Hamilton.

29.            En 1990, les demandeurs ont présenté à Parcs Canada une demande en vue d'être enregistrés comme entreprise commerciale. Il s'agissait d'une procédure volontaire. Parcs Canada a refusé la demande des demandeurs au motif qu'ils ne pouvaient exploiter des installations commerciales telles que le camp flottant dans la réserve du parc national ou le parc marin national proposé sans un plan de gestion prévoyant une telle utilisation. Les fonctionnaires de Parcs Canada ont en outre avisé les demandeurs que le camp flottant ne conférait aucun droit de propriété qui pourrait donner lieu à une indemnité si les zones en question étaient classées comme réserve de parc national.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 5, annexe D

Affidavit de Ronald Keith Hamilton,

paragraphe 15, annexe H.


30.            En 1995, Parcs Canada a mené un sondage auprès des visiteurs pour le compte de la réserve du parc national pour connaître l'opinion du public. Le sondage contenait des questions se rapportant à des structures semblables au camp flottant des demandeurs. Les résultats du sondage de 1995 indiquaient que le public n'était pas en faveur de l'érection de camps flottants dans des zones devant être classées comme parc national.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 14.

1996

31.            Le camp flottant des demandeurs a continué à occuper la zone du parc marin national sans autorisation.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 16.

32.            Conformément à l'entente sur le parc, et à la demande du Canada, la Colombie-Britannique a, le 28 février 1996, enjoint aux demandeurs d'enlever toutes les améliorations érigées dans l'estran du passage de La Bêche dans un délai de 60 jours.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 16, annexes K, L et M

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, paragraphe 16.

33.            En mars et en mai 1996, des fonctionnaires de Parcs Canada ont avisé les demandeurs d'enlever les accessoires non autorisés du camp flottant, dont la conduite d'eau qui amenait de l'eau de la réserve du parc national. Le camp flottant se trouvait toujours dans le passage de La Bêche en mai 1996.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 18 et 19,

annexes O, P et Q.

34.            Les demandeurs ont obtenu un quota leur permettant d'utiliser la réserve du parc national en 1996, mais uniquement pour des activités non liées au camp flottant, étant donné que la présence de ce dernier dans le passage de La Bêche n'était pas autorisé et qu'il n'était pas conforme aux utilisations acceptables ou aux politiques de Parcs Canada.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 17, 27, 31,

33, 34, annexes E, N, X, Y, Z, CC,

DD, EE, FF, GG

Affidavit de Bruce Amos, paragraphes 6, 8, 9.

1997

35.            Au printemps 1997, le directeur général des Parcs pour l'Ouest canadien a refusé la demande présentée par les demandeurs en vue d'obtenir un quota supplémentaire de 900 jours-utilisateurs ou nuitées pour des activités liées au camp flottant au motif que celui-ci ne faisait pas l'objet d'un permis d'occupation et ne constituait pas une activité acceptable selon le CGA et les politiques de Parcs Canada. Les motifs de ce refus ont été communiqués aux demandeurs à plusieurs reprises en 1997.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 20 et 23

annexes R et U.


36.            Le Canada a réclamé l'aide de la Colombie-Britannique au sujet du camp flottant et le ministère provincial de l'Environnement, des Terres et des Parcs a envoyé aux demandeurs un avis d'intrusion en août 1997 pour leur demander d'enlever le camp flottant de la zone désignée pour la réserve du parc national et le parc marin national au plus tard le 30 septembre 1997.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 22, annexe S

Affidavit de Ronald Keith Hamilton,

paragraphes 13(6) et 18.

37.            À l'automne 1997, les demandeurs ont soumis d'autres renseignements au sujet des excursions effectués dans la réserve du parc en 1988 (avant 1996). Les demandeurs ont obtenu un quota supplémentaire de 25 nuitées-utilisateurs pour les excursions en embarcations à moteur au cours desquelles le camp flottant n'était pas utilisé.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 24, annexe V.

1998 - 1999

38.            En 1998, les demandeurs ont déménagé le camp flottant dans le passage de Crescent, à l'extérieur des limites nord du parc marin national (le camp flottant) et en octobre de la même année, ils ont demandé un permis commercial et un quota pour l'année 1999.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 29

Affidavit de Ronald Keith Hamilton,

paragraphe 18, Affidavit supplémentaire d'Anna Gajda.

39.            Un permis commercial assorti d'un quota de 1 597 jours-utilisateurs ou nuitées pour les excursions en embarcation à moteur et pour le transport dans la réserve du parc national a été délivré aux demandeurs par le directeur Stephen (Steve) Langdon le 30 novembre 1998 en vertu de la Loi sur les parcs nationaux et ses règlements d'application (la décision).

Affidavit supplémentaire d'Anna Gajda.

40.            Les demandeurs ont été avisés de la décision pour la première fois le 3 décembre 1998 ou vers cette date.

Affidavit supplémentaire d'Anna Gajda.

41.            On a tenu compte des activités liées au camp flottant pour calculer les quotas. La décision allait dans le sens des communications échangées entre Parcs Canada et les demandeurs depuis 1990, et la méthodologie utilisée pour fixer les quotas en 1996 a été appliquée aux demandeurs de la même manière que dans le cas de toute autre entreprise commerciale lors de la fixation des quotas pour 1996.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphes 21 et 27

annexe Z.


42.            Les demandeurs ont contesté leur quota de 1999 dans la lettre qu'ils ont adressée le 11 décembre 1998 au directeur. Ils se sont notamment plaints du fait qu'aucun quota ne leur avait été accordé pour leurs activités liées au camp flottant. En réponse à cette contestation, le directeur a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Bien que je comprenne votre désir de diversifier vos activités, le Comité de gestion de l'archipel (CGA) a toujours maintenu que votre entreprise ne recevrait pas de quota pour les excursions au cours desquelles votre camp flottant serait utilisé tant que celui-ci serait situé dans le passage de la Bêche. Suivant vos brochures d'excursion de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak d'après les politiques actuelles.

[...]

Le CGA ne peut accorder pour le moment à votre entreprise de quota commercial supplémentaire. Toutefois, lorsque l'élaboration du plan de gestion de l'arrière-pays sera terminée, vous aurez l'occasion de demander un quota supplémentaire si les programmes de contrôle des incidences indiquent que Gwaii Haanas peut tolérer des niveaux d'utilisation supérieurs. Je prévois que le plan provisoire de gestion de l'arrière-pays sera publié en mars 1999 en vue d'être examiné par le public et par les intervenants. Je vous encourage à continuer à participer aux discussions qui auront lieu lors de l'examen du plan provisoire et compte sur la poursuite de notre dialogue pour répondre à nos préoccupations.

Affidavit de Stephen Langdon, annexe G.

43.            En mars 1999, la version définitive du plan de gestion de l'arrière-pays Gwaii Haanas a été publiée. Le plan exige que les activités qui se déroulent dans le parc soient conformes à la Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d'application, à l'entente Gwaii Haanas Agreement, aux principes et politiques opérationnelles de Parcs Canada et aux principes directeurs et outils de gestion de Gwaii Haanas. La version définitive de ce plan a été publiée en septembre 1999.

Affidavit d'Anna Gajda, paragraphe 31.

44.            En juin 1999, le demandeur a écrit de nouveau au directeur de Gwaii Haanas au sujet des quotas relatifs à ses activités au camp flottant. Le directeur intérimaire, Ronald Keith Hamilton, lui a déclaré qu'il ne modifierait pas la décision :


[TRADUCTION] Ainsi que Steve Langdon vous l'a précisé dans sa lettre du 29 janvier 1999, le Comité de gestion de l'archipel (CGA) ne vous attribuera pas de quota pour les excursions qui ont lieu à votre camp flottant tant que celui-ci sera situé dans le passage de la Bêche. Suivant vos brochures d'excursion de plongée et de kayak, le camp flottant est utilisé au cours de ces excursions. Vous ne pouvez donc pas obtenir de quota pour vos excursions de plongée et de kayak suivant les politiques actuelles.

Affidavit de Ronald Keith Hamilton, annexe P.

45.            La politique de quotas qui a servi pour les demandeurs a aussi été appliquée aux demandes présentées par d'autres voyagistes en vue d'obtenir des quotas et des permis commerciaux.

Affidavit de Stephen Langdon, 11

[2]                 Les demandeurs donnent une version des faits analogue, à quelques différences importantes près. Plus précisément, les demandeurs nient qu'une décision a été prise par les divers directeurs et ils affirment que toutes les décisions, dont celle qui fait l'objet de la présente demande, ont été prises par le Comité de gestion de l'archipel.

[3]                 Le permis qui a été délivré à la demanderesse MEL était ainsi libellé :

[TRADUCTION]

RÉSERVE DU PARC NATIONAL GWAII HANAAS

ET SITE PATRIMONIAL HAÏDA

Les propriétaires d'entreprises et leurs employés ont l'obligation permanente de minimiser l'impact de leurs activités sur Gwaii Haanas. En étant conscients de ce qui constitue une conduite appropriée à Gwaii Haanas, les voyagistes donnent l'exemple et envoient un message aux visiteurs par le biais de leurs pratiques commerciales. Ils ont eux aussi l'obligation de sensibiliser et d'informer les visiteurs au sujet des caractéristiques uniques de Gwaii Haanas et de sa fragilité.

Il est interdit d'exploiter dans le parc national de Gwaii Haanas un commerce, une entreprise, une industrie, un métier ou une profession dans un but lucratif à moins d'être titulaire d'un permis annuel délivré par le conseil de la Nation Haïda en conformité avec le Règlement sur l'exploitation de commerces dans les parcs nationaux.


Moresby Explorers Ltd et/ou Douglas Gould est(sont) par les présentes autorisé(s) à organiser des excursions et du transport en embarcations à moteur dans la réserve du parc national Gwaii Haanas et sur le site patrimonial haïda jusqu'au 31 décembre 1999 sous réserve de toutes les modalités stipulées à l'annexe A ci-jointe.

Approuvé en vertu du                                                            Approuvé sous l'autorité du

Règlement sur l'exploitation de                                           Conseil de la Nation haïda

commerces dans les parcs nationaux.

Le Directeur,

[signature]                                                                                    [signature]

Le 30 novembre 1998                                                                Le 30 novembre 1998

[4]                 L'annexe A jointe au permis renferme diverses modalités, dont plusieurs obligent le titulaire du permis à satisfaire aux exigences [TRADUCTION] « du directeur et du représentant du Conseil de la Nation haïda » .

[5]                 En réponse à une lettre adressée à Steve Langdon, directeur de la réserve du parc Moresby-Sud (Gwaii Haanas), le 11 décembre 1998, M. Gould a reçu une réponse dans une lettre en date du 29 janvier 1999 écrite sur papier à en-tête du Comité de gestion de l'archipel et portant la signature du coprésident Steve Langdon, qui l'informait que [TRADUCTION] « Le Comité de gestion de l'archipel (CGA) a toujours maintenu que votre entreprise ne recevrait pas de quota pour les excursions au cours desquelles votre camp flottant serait utilisé tant que celui-ci serait situé dans le passage de la Bêche [...] Le CGA ne peut accorder pour le moment à votre entreprise de quota commercial supplémentaire. » La lettre faisait toutefois allusion à des demandes futures : « Toutefois, lorsque l'élaboration du plan de gestion de l'arrière-pays sera terminée, vous aurez l'occasion de demander des quotas supplémentaires si les programmes de contrôle des incidences indiquent que Gwaii Haanas peut tolérer des niveaux d'utilisation supérieurs. »


[6]                 M. Gould s'est absenté de la région de janvier à avril 1999, vraisemblablement dans le but de guider des kayakistes dans la région de la Basse-Californie. Il n'a pris connaissance de la lettre du 29 janvier qu'à la fin d'avril. Il affirme qu'il n'a trouvé le temps d'y répondre qu'en juin, bien qu'il déclare qu'il avait l'intention, lorsqu'il l'a reçue, d'exercer son droit de contester la décision. Quoi qu'il en soit, le 14 juin 1999, M. Gould a écrit à M. Langdon pour réclamer une fois de plus un quota qui lui aurait permis d'utiliser le camp flottant. Il a reçu une réponse le 22 juin sur une lettre rédigée sur du papier à en-tête du Comité de gestion de l'archipel Gwaii Haanas et portant la signature du coprésident, Ron Hamilton, qui l'informait que [TRADUCTION] « ainsi qu'il vous a été précisé dans la lettre du 29 janvier 1999 de Steve Langdon, le Conseil de gestion de l'archipel (CGA) ne vous accordera pas de quota pour des excursions au cours desquelles sera utilisé votre camp flottant tant que celui-ci se trouvera dans le passage de la Bêche. »

[7]                 Le 16 juillet 1999, un avis de demande a été déposé dans la présente affaire. La décision à l'examen a été présentée comme étant :

[TRADUCTION]

[...] le refus exprimé ou réitéré par les défendeurs en réponse à une demande visant à obtenir un permis d'entreprise commerciale pour l'année 1999 avec une désignation et un quota permettant d'organiser des excursions en embarcation à moteur ou en kayak ou de la plongée selon les chiffres obtenus en appliquant une formule établie au nombre d'excursions effectuées par le demandeur au cours de la période admissible (les quotas). La date de la décision dont le contrôle judiciaire est demandé est le 22 juin 1999 (lettre du coprésident du Comité de gestion de l'archipel, Ron Hamilton).


[8]                   À la suite des questions soulevées par les défendeurs au sujet de l'identité des défendeurs et du respect des délais prescrits pour présenter l'avis de demande, les demandeurs ont obtenu la permission de modifier l'avis de demande. La décision à l'examen est maintenant présentée comme étant :

[TRADUCTION]

[...] le refus exprimé ou réitéré par les défendeurs en réponse à une demande visant à obtenir un permis d'entreprise commerciale pour l'année 1999 avec une désignation et un quota permettant d'organiser des excursions en embarcation à moteur ou en kayak ou de la plongée selon les chiffres obtenus en appliquant une formule établie au nombre d'excursions effectuées par le demandeur au cours de la période admissible (les quotas).

La date de la décision et des mesures continues pour lesquelles le contrôle judiciaire est demandé sont le 30 novembre 1998 (permis commercial pour 1999 délivré en vertu du Règlement sur l'exploitation des commerces dans les parcs nationaux et « sous l'autorité du Conseil de la Nation haïda » ) et le 29 janvier 1999 (lettre du coprésident du Comité de gestion de l'archipel, Steve Langdon) et le 29 juin 1999 (lettre du coprésident du Comité de gestion de l'archipel, Ron Hamilton).

[9]                 La première question à examiner est celle de savoir si la demande a été présentée dans les délais prescrits. Les défendeurs soutiennent que la demande a été présentée après l'expiration des délais, étant donné que la décision en cause est celle de la délivrance du permis commercial de 1999, un fait dont M. Gould était au courant le 13 décembre 1998. Le délai de prescription de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi), L.R.C. (1985), ch. F-7, a expiré le 13 janvier 1999, de sorte que la demande a été présentée six mois trop tard. Les défendeurs affirment que la question du quota afférent au permis était une question non résolue et que M. Gould a été amené à croire qu'il pouvait demander à nouveau un quota une fois que le plan de gestion de l'arrière-pays serait publié, ce qui s'est produit en mars 1999. Il a inclus dans sa lettre du 14 juin la demande qu'il a été amené à croire qu'il avait le droit de formuler, de sorte que la décision à l'examen comprend la lettre du 22 juin 1999.


[10]            En revanche, si la décision porte sur la délivrance du permis daté du 30 novembre 1998, les demandeurs sollicitent une prorogation du délai qui leur est imparti pour présenter une demande en vertu du paragaphe 18.1(2).

[11]            Les demandeurs invoquent l'arrêt Independent Contractors and Business Assn. c. Canada (ministre du Travail), (1998), 225 N.R. 19 (C.A.F.), [1998] A.C.F. no 352, à l'appui de la proposition que « chaque fois qu'une autorité décisionnaire qui y est habilitée accepte de revoir une décision à la lumière de faits nouveaux, il en résultera une nouvelle décision, que la décision initiale soit changée, modifiée ou maintenue » . En l'espèce, les demandeurs affirment que les faits nouveaux sont la publication, en mars 1999, du plan de gestion provisoire de l'arrière-pays, publication qui a été suivie par la demande de quota contenue dans la lettre du 14 juin 1999.


[12]            Dans le jugement Dumbrava c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995), 101 F.T.R. 230, [1995] A.C.F. no 1238, le juge Noël (maintenant juge de la Cour d'appel) a examiné une série de décisions portant sur l'effet de la correspondance échangée avec l'auteur de la décision après que celle-ci a été prise. Dans ces décisions, le tribunal avait jugé qu'une « réponse faite par courtoisie » ne crée pas une nouvelle décision ouvrant droit à un contrôle judiciaire. Ainsi que le juge McKeown l'a déclaré dans le jugement Dhaliwal c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 982 : « un procureur ne peut reporter la date d'une décision en envoyant une lettre dans l'intention de susciter une réponse » . Avant qu'il y ait une nouvelle décision susceptible d'un contrôle judiciaire, il doit y avoir un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, tel que le réexamen d'une décision antérieure à la lumière de faits nouveaux.

[13]            La question en litige dans la présente affaire est celle du défaut des autorités du parc d'accorder aux demandeurs un quota relativement aux activités exercées à leur camp flottant. Le refus des défendeurs est intervenu au moment de la délivrance du permis, étant donné que la quota était considéré comme une modalité du permis. Les demandeurs soutiennent que la lettre du 29 janvier 1999 de Steve Langdon renfermait une invitation à rouvrir la question du quota une fois que le plan de gestion de l'arrière-pays serait publié. Le plan de gestion de l'arrière-pays qui a effectivement été publié traitait notamment de la question de savoir si la réserve du parc pouvait soutenir des niveaux d'utilisation accrus. La lettre du 14 juin ne fait aucune mention du plan de gestion de l'arrière-pays ou de l'augmentation des niveaux d'utilisation, qui sont des éléments qui auraient étayé la thèse des demandeurs. La lettre du 14 juin 1999 n'était pas une réponse au contenu du plan de gestion de l'arrière-pays. Je conclus qu'elle n'a pas été écrite en réponse à une présumée invitation à rouvrir la question du quota après la publication du plan de gestion de l'arrière-pays.


[14]            Si la lettre du 14 juin 1999 soulève quoi que ce soit de nouveau, c'est le retrait par les demandeurs du compromis qu'ils avaient proposé dans la lettre du 11 décembre 1998 par laquelle ils limitaient leur demande à une parti du quota auquel ils prétendaient avoir droit. On ne voit guère comment le fait de formuler une demande encore plus exigeante que celle pour laquelle ils avaient déjà essuyé un refus pourrait constituer un fait nouveau. Il n'y a rien non plus qui permette de penser que l'auteur de la décision a accepté de réexaminer la question. La lettre du 22 juin commence d'ailleurs par les mots suivants : [TRADUCTION] « ainsi qu'il vous a été précisé dans la lettre du 29 janvier 1999 de Steve Langdon, le Conseil de gestion de l'archipel (CGA) ne vous accordera pas de quota pour des excursions au cours desquelles sera utilisé votre camp flottant tant que celui-ci se trouvera dans le passage de la Bêche. » On ne peut discerner dans ces propros une intention d'examiner de nouveau les arguments des demandeurs.

[15]            En conséquence, je rejette l'argument que la correspondance échangée entre les parties constitue une décision continue ou une ligne de conduite qui donnerait ouverture à un contrôle judiciaire même après 30 jours de la date de la dernière lettre. À mon avis, cette correspondance démontre simplement les tentatives répétées qui ont été faites pour infirmer une décision négative et la volonté des défendeurs de s'en tenir à la première décision. À moins que la Cour ne soit disposée à exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à proroger le délai imparti pour présenter la demande, force est de constater que celle-ci a été soumise après l'expiration des délais prescrits et doit être rejetée.


[16]            Les principes applicables à la prorogation du délai imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire ont été analysés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Grewal c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263, (1985), 63 N.R. 106, qui portait sur la prorogation du délai imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi), qui est analogue au paragraphe 18.1(2) de la même Loi qui s'applique à la présente demande. Le facteur le plus important est de faire justice aux parties :

L'imposition de délais applicables à la contestation de la validité des décisions judiciaires a naturellement pour but de mettre en oeuvre un principe fondamental de notre pensée juridique selon lequel, dans l'intérêt de la société dans son ensemble, les litiges doivent avoir une fin (interest reipublicae ut sit finis litium), et les règles générales adoptées par les tribunaux relativement aux demandes de prorogation de ces délais ont été élaborées en tenant compte de ce principe. L'autorisation d'interjeter appel après expiration du délai imparti ne sera accordée que si, considérant les circonstances d'une affaire, la recherche ultime de la justice semble transcender la nécessité de mettre fin à l'incertitude relative aux droits des parties. D'où l'obligation d'étudier différents facteurs, tels la nature du droit visé par les procédures, le redressement sollicité, l'effet du jugement rendu, ce qui a été fait en exécution de ce jugement, le préjudice que subiront les autres parties au litige, le temps écoulé depuis le prononcé du jugement, la façon dont le requérant a réagi à ce jugement, la raison pour laquelle il n'a pas exercé son droit d'appel plus tôt, le sérieux de ses prétentions contre la validité du jugement. Il me semble que, pour apprécier la situation comme il se doit et tirer une conclusion valide, il est essentiel de balancer les différents facteurs impliqués. Par exemple, une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguements appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante.

(Le juge Marceau, à la page 282.)


[17]            Pour déterminer si les intérêts de la justice exigent que l'autorisation demandée soit accordée, on peut tenir compte de divers facteurs, notamment des explications fournies pour justifier le retard et du fond de la cause sous-jacente. En l'espèce, l'explication avancée pour justifier le retard n'est pas satisfaisante. Les demandeurs ont consulté un avocat avant mai 1998, comme le démontre le fait que le conseiller juridique des demandeurs a écrit au directeur général de Parcs Canada au nom des demandeurs le 20 mai 1998. Les demandeurs avaient donc toutes les raisons d'être conscients des contraintes de temps que supposait la présentation d'une telle demande. Ils savaient aussi qu'une nouvelle décision serait prise lorsqu'ils ont présenté leur demande de permis pour 1999. Le fait que le demandeur, M. Gould, ait ensuite quitté la région sans prendre de dispositions pour faire face à un éventuel refus de sa demande de quota supplémentaire démontre son absence de volonté de faire le nécessaire avant l'expiration du délai imparti par la loi. Qui plus est, lorsque le refus a effectivement été porté à son attention en avril, il a attendu en juin pour agir, en envoyant alors une autre lettre. Il n'est pas nécessaire de déterminer s'il a pris cette mesure dans le but de faire ce que, selon ce que le juge McKeown a déclaré, un avocat ne peut pas faire. L'explication avancée pour justifier le retard n'est pas satisfaisante.

[18]            On peut également tenir compte d'autres facteurs. Ainsi que je l'ai déjà signalé, la délivrance du permis et l'octroi du quota qui font l'objet du présent litige constitue une question qui revient chaque année, contrairement à la question en litige dans l'affaire Grewal, précitée, qui portait sur la contestation d'une mesure d'expulsion, une question qui ne se pose qu'une seule fois et qui était susceptible d'être une question de vie ou de mort pour le requérant. Les demandeurs auront en l'espèce d'autres occasions de soulever la même question et d'obtenir une réparation adéquate.


[19]            Il vaut la peine de se rappeler que les demandeurs ont attendu que la saison 1999 soit bien avancée avant de contester le permis de 1999. Après avoir présenté leur demande, ils ont attendu au 10 janvier 2000 pour demander la tenue d'une audience. Ils n'ont pas demandé d'audition accélérée. Aucune demande n'a été présentée au sujet des permis subséquents qui ont été délivrés. La question du respect des délais découle des agissements des demandeurs.

[20]            Suivant l'arrêt Grewal, précité, on peut examiner le fond de la demande pour décider s'il y a lieu d'accorder une prorogation de délai. Comme la demande de prorogation de délai a été entendue en même temps que l'audience sur le fond, celui-ci a été analysé en détail. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans un examen complet du fond dans le simple but de me prononcer sur une requête en prorogation de délai. Qu'il suffise de dire que le demandeur a démontré qu'il avait des arguments défendables, mais pas des arguments convaincants au point où le défaut d'accorder la prorogation demandée constituerait un déni de justice.


[21]            Il y a finalement la question du caractère théorique du débat. Les défendeurs affirment que la demande est théorique parce qu'elle concerne un permis de 1999 maintenant expiré. Il n'y a rien que la Cour pourrait ordonner qui puisse avoir une incidence sur un permis expiré. Les demandeurs répliquent que cette question est une question récurrente et de courte durée au sens où le juge Sopinka a employé cette expression dans l'arrêt Borowski c. Procureur général du Canada, [1989] 1 R.C.S. 342, (1989), 92 N.R. 110, qui est l'arrêt de principe sur la question du caractère théorique. Dans cet arrêt, le juge Sopinka a proposé une démarche en deux temps pour analyser la question du caractère théorique du litige :

       La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire.

[22]            La question précise soumise à la Cour en l'espèce est théorique, parce que la Cour ne peut remonter dans le temps et accorder aux demandeurs les réparations qu'ils sollicitent au sujet du permis visé par la demande.

[23]            Pour décider s'il y a lieu d'entendre une demande théorique, le tribunal doit veiller à ce qu'une partie adverse puisse faire valoir des intérêts opposés de manière à bénéficier pleinement d'un débat contradictoire pour analyser les questions en litige. C'était le cas lors du débat sur la présente demande, mais ce sera aussi le cas si la demande est présentée dans les délais prescrits.


[24]            Le tribunal devant qui un moyen tiré du caractère théorique de la demande est invoqué doit aussi se demander si le fait d'accepter d'instruire un litige dont l'issue risque de ne rien régler constitue un bon emploi de ses maigres ressources. La décision qui sera rendue en l'espèce permettra-t-elle de résoudre un litige effectif, en supposant que le litige soumis au tribunal soit lui-même résolu? Les demandeurs répondent que la décision qui sera rendue en l'espèce liera les parties en ce qui concerne les permis subséquents. Cela n'est vrai que lorsqu'on peut démontrer, ou supposer sans crainte d'erreur, que tous les facteurs clés demeureront les mêmes dans l'intervalle. Sinon, un nouvel argument sur l'applicabilité de la décision se superpose au litige initial. Compte tenu du fait que la délivrance de permis a lieu chaque année, il n'est pas nécessaire de supposer quoi que ce soit. Une demande peut être présentée à la lumière des faits qui existent au moment de la présentation de la demande.

[25]            Il s'agit là d'un problème récurrent, mais pas d'un problème dont la durée est tellement courte qu'il ne peut être abordé en temps utile avec l'exercice d'une certaine diligence de la part des avocats et l'aide du tribunal, au besoin. Une demande constitue une procédure sommaire et, s'il n'y a pas de contre-interrogatoire au sujet des affidavits (il n'y en a pas eu en l'espèce), une demande d'audition pourrait être signifiée dès le début de l'année du permis. Si le calendrier habituel ne permet pas de faire instruire l'affaire par la Cour assez tôt, une demande d'audience accélérée peut être présentée. En l'espèce, l'avis de demande a été délivré en juillet 1999, mais la demande d'audition n'a été signée qu'en janvier 2000. C'est une cadence qu'on aurait facilement pu accélérer, avec des efforts raisonnables.

[26]            Finalement, le tribunal est sensible à la question du respect de son rôle propre :

     On pourrait penser que prononcer des jugements sans qu'il y ait de litige pouvant affecter les droits des parties est un empiétement sur la fonction législative.


[27]            Trancher la présente affaire à la lumière de ses faits en partant du principe que la solution s'appliquera à d'autres affaires dont les faits ne sont pas encore connus ressemble à un empiétement sur la fonction législative.

[28]            Les arguments qui militent en faveur de l'instruction de la présente affaire sont insuffisants. Les explications fournies pour justifier le retard qu'accuse la présentation de la demande dans les délais impartis sont très faibles. Le fond de la cause des demandeurs ne justifie pas l'absence d'explication satisfaisante pour justifier le retard. La demande est théorique et il n'y a aucune raison de principe convaincante pour laquelle le présent litige ne devrait pas être tranché à la lumière des faits actuels. La demande de prorogation de délai est rejetée.

[29]            Par ces motifs, la Cour prononcera une ordonnance rejetant la demande au motif qu'elle a été présentée après l'expiration du délai prescrit et que la demande de prorogation de délai a été rejetée.


ORDONNANCE

Pour les motifs ci-dessus exposés, la demande est rejetée au motif qu'elle a été présentée après l'expiration du délai de 30 jours prescrit au paragraphe 18.1(2) de la Loi et qu'une prorogation du délai imparti pour présenter la demande n'a pas été accordée.

        « J.D. Denis Pelletier »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  T-1311-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : MORESBY EXPLORERS LTD. et autre c. DIRECTEUR DE LA RÉSERVE DU PARC NATIONAL DE GWAII HAANAS et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 9 août 2000

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                                     27 novembre 2000

ONT COMPARU :

Me Christopher Harvey, c.r.                                              pour les demandeurs

Mes Daniel L. Kiselbach                                                    pour les défendeurs

et Suzanne S. Williams

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken, Martineau, DuMoulin                                           pour les demandeurs

Vancouver (Colombie-Britannique)

Swinton & Company                                                         pour les défendeurs

Vancouver (Colombie-Britannique)


T-1311-99

E n t r e :

                          MORESBY EXPLORERS LTD. et

                                       DOUGLAS GOULD

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                        DIRECTEUR DE LA RÉSERVE DU

                    PARC NATIONAL DE GWAII HAANAS,

CONSEIL DE GESTION DE L'ARCHIPEL DE GWAII HAANAS

                                     et STEVE LANGDON

                                                                                                 défendeurs

JE CERTIFIE PAR LA PRÉSENTE que la Cour (le juge Pelletier) a, le 27 novembre 2000, ordonné ce qui suit à la fin de ses motifs d'ordonnance :

« Pour les motifs ci-dessus exposés, la demande est rejetée au motif qu'elle a été présentée après l'expiration du délai de 30 jours prescrit au paragraphe 18.1(2) de la Loi et qu'une prorogation du délai imparti pour présenter la demande n'a pas été accordée. »

                                                                                                                                                                                    

P. Lavoie

Agent du greffe

CERTIFIÉ À Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2000.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

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