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Date : 20000215


Dossier : T-630-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 15 FÉVRIER 2000

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT


ENTRE :


RONALD WING HONG YOUNG


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



ORDONNANCE


     Pour les



" Allan Lutfy "

                                         juge en chef adjoint





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000215


Dossier : T-630-99


ENTRE :


RONALD WING HONG YOUNG


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY


[1]      Dans sa lettre de décision datée du 11 février 1999, le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à l"exigence en matière de résidence prévue à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté. Le demandeur a été physiquement présent au Canada pendant environ 303 des 1 095 jours au cours de la période de quatre ans qui a immédiatement précédé le dépôt de sa demande de citoyenneté. Le demandeur a formé un appel contre cette décision en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi et de la Règle 300c) des Règles de la Cour fédérale (1998).

[2]      Le 16 août 1994, le demandeur, alors âgé de 18 ans, a obtenu le statut de résident permanent en même temps que ses parents et sa soeur. La famille a acheté une résidence à Burnaby (Colombie-Britannique), où le demandeur résidait pendant ses séjours au Canada.

[3]      Le 31 août 1994, le demandeur a quitté le Canada pour aller poursuivre ses études à l"Université de Pennsylvanie, à Philadelphie, où il a obtenu deux baccalauréats en sciences, l"un en génie, l"autre en économie. Ses diplômes sont datés d"août 1998.

[4]      Pendant ses études à l"Université de Pennsylvanie, le demandeur est retourné au Canada pour les vacances de Noël de 1994 et 1996. Il a rendu visite à des membres de sa famille à Hong Kong lors des vacances de Noël de 1995 et 1997. Il est retourné à la résidence familiale à Burnaby pour passer ses vacances d"été en 1995 et 1996. Il a travaillé à Hong Kong pendant l"été de 1997. Il s"est rendu au Canada six autres fois pour de courts séjours d"environ deux semaines ou moins chaque fois avant de présenter une demande de citoyenneté le 10 janvier 1998.

[5]      Rejetant la demande de citoyenneté sur la base que le demandeur n"avait pas satisfait aux exigences applicables en matière de résidence, le juge de la citoyenneté a fait les remarques suivantes dans sa lettre de décision :

     [TRADUCTION] Vous êtes revenu au Canada en compagnie de votre père, mère et soeur et vous avez obtenu le droit de vous y établir le 16 août 1994. Vos parents ont acheté une résidence à Burnaby. Vous vous êtes renseigné sur l"inscription à l"Université de la Colombie-Britannique, mais vous ne pouviez fréquenter cette institution avant le printemps de 1995. En conséquence, vos parents vous ont suggéré d"aller aux États-Unis, où vous avez été admis au programme de premier cycle de l"Université de Pennsylvanie. Vous avez poursuivi vos études aux États-Unis, où vous avez loué un logement. Vous reveniez à la maison de temps en temps pour voir vos parents, dont la demeure comprenait une pièce que vous pouviez utiliser pour entreposer vos effets personnels. Pendant vos études à l"Université de Pennsylvanie, vous vous êtes également rendu plusieurs fois à Hong Kong pour rendre visite à vos amis et parents et pour y travailler, l"été, dans plusieurs banques. À Hong Kong, vos viviez chez votre grand-mère. Vous avez obtenu un baccalauréat en sciences à l"Université de Pennsylvanie en janvier 1998.
     Pendant la période qui a précédé le dépôt de votre demande de citoyenneté le 10 janvier 1998, vous ne vous êtes trouvé au Canada que 290 jours, de sorte qu"il vous manquait 805 jours pour satisfaire à l"exigence de 1 095 jours. En fait, vous avez été absent du Canada pendant 953 jours. Vous avez passé 770 jours à l"université que vous fréquentiez aux États-Unis, 133 jours à travailler à Hong Kong, 7 jours en Angleterre, où vous avez visité l"Université d"Oxford, et 43 jours en congé et en visite de votre grand-père hospitalisé qui est décédé en janvier 1998.
     Pendant votre séjour universitaire, vous êtes retourné huit fois à Burnaby et avez passé 116 jours à faire du bénévolat et à suivre des cours de premier cycle à l"Université de la Colombie-Britannique, et 48 jours dans votre famille. Vous avez obtenu un emploi au Canada chez Keith Y. Wong & Co., où vous commencerez à travailler le 1er mars 1999.
     ...
     Malheureusement, vous avez passé très peu de temps au Canada et, bien que je n"aie pas de doute que vous deviendrez éventuellement un bon citoyen canadien, il vous faudra y séjourner plus longtemps pour connaître notre pays. Une fois que vous aurez vécu plus longtemps au Canada, vous présenterez une nouvelle demande de citoyenneté. [Non souligné dans l"original.]

[6]      Le demandeur soutient que la décision contient trois erreurs de fait qui justifient l"intervention de notre Cour. Les erreurs que le demandeur a soulevées ont été signalées dans le paragraphe précédent.

[7]      Premièrement, le demandeur fait valoir qu"il a été admis à l"Université de Pennsylvanie avant d"immigrer au Canada. En conséquence, soutient-il, le juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu"il a déduit que le demandeur s"était inscrit à cette université seulement après avoir appris, pendant qu"il se trouvait au Canada, qu"il ne pourrait fréquenter l"Université de la Colombie-Britannique avant le printemps de 1995. Même s"il s"agissait d"une déduction fondée au regard de la décision (à mon avis elle ne l"est pas), cette question a peu d"importance.

[8]      Deuxièmement, le juge de la citoyenneté a souligné que le demandeur avait terminé ses études en janvier 1998, ce qui, bien entendu, n"est pas compatible avec les dates des diplômes. Cependant, comme la période pertinente pour ce qui est de l"examen de la résidence du demandeur au Canada prenait fin le 10 janvier 1998, je suis convaincu que le fait que le juge ait considéré que ce dernier avait terminé ses études en janvier plutôt qu"en août n"a pas d"importance. De la même façon, l"omission du juge de constater que le demandeur a obtenu deux baccalauréats en sciences et non un seul n"a pas d"incidence en l"espèce.

[9]      Troisièmement, le juge de la citoyenneté a dit que le demandeur était revenu huit fois au Canada. Le demandeur dit être revenu neuf fois. Encore une fois, même si le demandeur avait raison sur ce point, il est clair que le juge de la citoyenneté a compris que le demandeur s"était trouvé au Canada pendant environ 300 jours au cours de la période pertinente.

[10]      Dans Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), le juge en chef adjoint Thurlow (tel était alors son titre) a dit, aux pages 213 et 214 :

     Il me semble que les termes " résidence " et " résident " employés dans l"alinéa 5(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté ne soient pas strictement limités à la présence effective au Canada pendant toute la période requise, ainsi que l"exigeait l"ancienne loi, mais peuvent aussi comprendre le cas de personnes ayant un lieu de résidence au Canada, qu"elles utilisent comme un lieu de domicile dans une mesure suffisante pour prouver le caractère effectif de leur résidence dans ce lieu pendant la période pertinente, même si elles en ont été absentes pendant un certain temps.

Le même principe a été rappelé par le juge Dubé dans Re Banerjee (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), par cette formule laconique en page 238 : " C"est la qualité de l"attachement au Canada qui doit être examinée ".

[11]      Dans Lam, Re (1999), 164 F.T.R. 177, j"ai examiné la norme de contrôle qu"il convient d"appliquer dans le cadre d"appels en matière de citoyenneté, dans le contexte de deux développements récents. Premièrement, en vertu des nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998) , les appels en matière de citoyenneté ne sont plus considérés comme des procès de novo. En vertu de la Règle 300c), un appel en matière de citoyenneté est dorénavant traité comme une demande. Deuxièmement, le législateur étudie présentement la possibilité d"adopter une nouvelle loi en matière de citoyenneté qui modifierait considérablement la façon dont les demandes de citoyenneté sont examinées et tranchées et la façon dont notre Cour examine les décisions en cette matière. Après avoir fait état de certains facteurs objectifs susceptibles d"appeler une plus grande retenue judiciaire, j"ai conclu que, dans la période de transition, il ne conviendrait pas de s"éloigner radicalement de la norme de contrôle présentement en vigueur (au paragraphe 33) :

     La justice et l"équité, tant pour les demandeurs de citoyenneté que pour le ministre, appellent la continuité en ce qui concerne la norme de contrôle pendant que la Loi actuelle est encore en vigueur et malgré la fin des procès de novo . La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu"un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu `a l"alinéa 5(1)c ), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C"est dans cette mesure qu"il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l"expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition.

[12]      À mon avis, le juge de la citoyenneté en l"espèce était disposé à appliquer les principes de l"affaire Papadogiorgakis , dans laquelle le demandeur avait vécu au Canada pendant quelque quatre années avant de poursuivre des études aux États-Unis. Le juge de la citoyenneté pouvait à bon droit douter de la durée de la période de résidence du demandeur au Canada, d"autant plus que ce dernier s"était rendu à l"Université de Pennsylvanie environ deux semaines après son arrivée au pays en tant que résident permanent et qu"il s"était souvent absenté du Canada pour se rendre à Hong Kong. À

mon avis, l"analyse du juge de la citoyenneté ne comporte pas d"erreur qui justifierait l"annulation de la décision. Il a exposé [TRADUCTION] " des motifs clairs qui démontrent une compréhension de la jurisprudence ". Son affirmation que le demandeur obtiendra probablement la citoyenneté après avoir passé plus de temps au pays reflète, à mon avis, le fait que la première demande de citoyenneté de ce dernier était prématurée.

[13]      Pour ces motifs, le présent appel est rejeté.



" Allan Lutfy "

                                         juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 15 février 2000.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              T-630-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ronald Wing Hong Young

                     c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration


LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)


DATE DE L"AUDIENCE :          le 7 février 2000


MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY


EN DATE DU :              15 février 2000



ONT COMPARU :

M. Lawrence Wong                          POUR LE DEMANDEUR

M. Garth Smith                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver 9Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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