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Date : 20060331

Dossier : IMM-3200-05

Référence : 2006 CF 418

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

SILVIA LIDUVINA BENAVIDES APARICIO

SILVIA CAMILA ZAVALETA BENAVIDES

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En 2001, Mme Silvia Liduvina Benavides Aparicio et sa fille ont quitté le Salvador et sont venues au Canada pour demander asile. Mme Benavides Aparicio alléguait qu’elles avaient quitté leur pays parce qu’elles avaient été menacées par des personnes qui tentaient de dissuader son mari, Manuel, un éminent avocat des droits de la personne, de poursuivre ses efforts en vue d’améliorer la situation des droits de la personne au Salvador.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de Mme Benavides Aparicio. La Commission a conclu que le comportement de Manuel était incompatible avec une crainte subjective de persécution et, par conséquent, elle n’a pas cru à l’allégation de Mme Benavides Aparicio selon laquelle sa fille et elle couraient un grave danger. Cette dernière soutient que la Commission a commis de nombreuses erreurs et qu’elle ne l’a pas traitée de façon équitable au cours de l’audience. Elle demande une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué. Je suis d’accord avec la demanderesse, la décision de la Commission devrait être annulée et je devrai, par conséquent, accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

I.  Les questions en litige

 

[3]               Mme Benavides Aparicio a soulevé plusieurs questions qui semblent avoir un certain fondement. Cependant, l’argument principal porte sur le fait que la Commission n’a pas analysé de façon adéquate la preuve à l’appui de la demande. Comme je suis convaincu que la décision de la Commission doit être annulée pour ce motif, je n’ai pas à traiter des autres questions.

 

II.  Analyse

[4]               Je ne peux annuler la décision de la Commission que si je conclus qu'elle ne cadre pas avec la preuve dont elle était saisie.

 

[5]               La Commission a donné les motifs suivants pour justifier le fait qu’elle ne croyait pas à l’allégation de Mme Benavides Aparicio selon laquelle sa fille et elle étaient en danger au Salvador :

 

·             Son mari, Manuel, habite toujours à la même adresse au Salvador ;

·             Manuel a décidé de rester au Salvador jusqu’à ce que sa femme et sa fille se soient installées au Canada, plutôt que de quitter le pays avec elles.

 

[6]               En se fondant sur cette preuve, la Commission a conclu que Manuel ne courait aucun danger au Salvador et que par conséquent, sa femme et sa fille n’étaient pas en danger non plus. Il semble que la Commission ait traité cette demande d’asile comme si c’était Manuel, et non Mme Benavides Aparicio et sa fille, qui l’avait présentée. Les faits qu’a cités la Commission auraient pu servir de fondement pour rejeter la demande d’asile de Manuel, s’il en avait déposé une. Cependant, il existait d’autres faits au sujet de la demande de Mme Benavides Aparicio que la Commission n’a pas examinés. Il ne s’agissait pas d’une situation dans laquelle la demande d’un conjoint dépend entièrement de la demande de l’autre conjoint. Mme Benavides Aparicio a présenté des preuves à la Commission démontrant que sa fille et elle étaient particulièrement en danger parce que certaines personnes pouvaient tenter de leur faire du mal pour exercer des pressions sur Manuel. Il s’agissait d’une menace différente de celle qui pesait sur Manuel parce qu’il continuait de poursuivre ses objectifs en matière de droits de la personne.

[7]               Dans un affidavit (la Commission a refusé de lui permettre de témoigner par téléconférence), Manuel a déclaré qu’il souhaitait poursuivre son travail pour les droits de la personne au Salvador, mais qu’il prévoyait rejoindre sa femme et sa fille au Canada lorsqu’elles s’y seraient installées. Il a dit qu’il ne lui servirait à rien de se cacher, puisqu’on le retrouverait certainement. Un témoin expert, une personne qui avait déjà eu recours aux services de Manuel et qui avait par la suite obtenu asile au Canada, a confirmé le témoignage de Manuel à cet égard. Ce témoin a aussi déclaré que les intérêts des adversaires de Manuel ne seraient pas nécessairement servis si ce dernier était tué. Il serait plus efficace de faire du mal à sa famille ou de la menacer.

 

[8]               La Commission n’a pas fait référence à la preuve présentée à l’appui de l’allégation de Mme Benavides Aparicio selon laquelle sa fille et elle étaient particulièrement en danger parce qu’elles faisaient partie de la famille de Manuel. Comme cette preuve était essentielle à leur allégation, je ne suis pas convaincu que la décision de la Commission cadrait avec la preuve dont elle était saisie. Par conséquent, je devrai accueillir la demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué. Les parties ne m'ont pas demandé de certifier une question de portée générale et je n'en énoncerai aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

 

2.                  L’affaire est renvoyée devant un tribunal de la Commission différemment constitué pour une nouvelle audience;

 

3.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3200-05

 

INTITULÉ :                                       APARICIO c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mars 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patricia Wells

 

POUE LES DEMANDERESSES

 

Vanita Goela

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Patricia Wells

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

John H. Sims, c.r.

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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