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Date: 20000508


Dossier: T-951-99



ENTRE:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION

     Demandeur

ET:

     ROSAMARIA BASSO PERRIER

     Défenderesse


     MOTIFS DE JUGEMENT


LE JUGE ROULEAU


[1]      Il s"agit d"un appel interjeté par le Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la Citoyenneté, relativement à une décision du juge de citoyenneté, Barbara Seal. La juge de citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté de la défenderesse.

[2]      La défenderesse, Rosamaria Basso Perrier, est née le 30 août 1950 au Vénézuéla. Elle est arrivée au Canada le 9 mars 1985 et elle a été admise à titre de résidente permanente le même jour. Le 28 mai 1984, elle avait marié un citoyen canadien, M. Michel Perrier. M. Perrier est mécanicien d"hélicoptère et doit régulièrement travailler à l"étranger. Les enfants de M. Perrier ainsi que ses petits-enfants vivent au Canada.

[3]      Dans sa déclaration en date du 26 août 1998, la défenderesse attestait n"avoir été présente au Canada que 659 jours durant les quatre années précédant sa demande de citoyenneté.

[4]      La juge de citoyenneté a déclaré que les absences de la défenderesse étaient de nature temporaires, dans le but d"accompagner son mari dans son travail à l"étranger. La juge remarque que la défenderesse à une maison au Canada depuis 1989. Elle mentionne aussi que le mari de la défenderesse paie de l"impôt au Canada, qu"il a un compte bancaire, une police d"assurance, une voiture et un REER au Canada. Le passeport de la défenderesse a été renouvelé en 1991 et indique Montréal comme lieu de résidence. Pour ces motifs, la juge de citoyenneté a donc déclaré que le Canada est le lieu de résidence de la défenderesse. Le demandeur, le Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, en appelle de cette décision.

[5]      Le demandeur soumet que le critère relatif à la période de résidence au Canada n"a pas été satisfait par la défenderesse. Il rappelle que la Loi sur la Citoyenneté indique qu"il faut avoir résidé pendant un minimum de trois ans (soit 1095 jours) durant la période de quatre ans qui précède la demande de citoyenneté.

[6]      Il maintient que la notion de résidence s"évalue selon la présence physique au Canada et soumet donc que la juge de citoyenneté a erré dans l"interprétation de laLoi sur la Citoyenneté.

[7]      Le demandeur affirme de plus que certaines absences du Canada peuvent être comptabilisées dans la période requise de trois ans, mais seulement dans des circonstances spéciales, ce qui ne serait pas le cas dans la présente affaire.

[8]      L"argument principal du demandeur est à l"effet que la défenderesse s"est absentée pour plus de deux ans à peine un mois après son arrivée au Canada. Il soumet qu"afin que les absences de la défenderesse soient comptabilisées dans la période de trois ans, il aurait d"abord été nécessaire que celle-ci s"établisse personnellement au Canada avant de partir pour plus de deux ans.

[9]      Le demandeur soumet finalement que la défenderesse venait au Canada plutôt en visite que pour y résider, du fait qu"elle a été plus souvent à l"extérieur du pays qu"à l"intérieur.

[10]      La Loi sur la Citoyenneté impose à un demandeur de résider pendant un minimum de trois années durant les quatre années précédant la demande de résidence. L"article 5 de la Loi ne définit malheureusement pas la notion de "résidence". Toutefois, il est établi que la présence physique durant la période précédant une demande de résidence n"est pas impérative ou déterminante en soi. En fait, la notion de résidence au Canada s"analyse en fonction des faits propres à chaque cas. En général, il convient de considérer les circonstances entourant l"établissement d"un demandeur ainsi que son intention de faire du Canada sa demeure permanente.

[11]      Dans l"affaire Re Hung1, le juge Dubé a écrit ceci:

     Where an applicant for citizenship has clearly and definitively established a home in Canada with the transparent intention of maintaining permanent roots in this country, he ought not to be deprived of citizenship merely because he has to earn his livelihood and that of his family by doing business offshore.

[12]      Dans l"affaire Re Farah2, le juge Denault a déclaré ce qui suit à propos de la notion de résidence:

     ... an applicant must establish a "pied-à-terre" in Canada and provide clear evidence of his intention to reside here. Furthermore, the definition of the term "residence", as extended by this Court, should not be construed as enabling an applicant to adopt Canada merely as a flag of convenience.

[13]      Malgré le fait que la défenderesse n"ait été présente au Canada que pendant 659 jours, je ne suis pas satisfait que ce seul facteur soit suffisant pour conclure qu"elle ne rencontre pas les critères de l"article 5 de la loi.

[14]      Il est vrai que lors de son arrivée au Canada en 1985, la défenderesse n"est demeurée au pays que très peu de temps. Étant alors citoyenne italienne, elle est retournée dans ce pays pour une période de deux ans. Elle est toutefois revenue au Canada et s"est établie avec son mari. Il a été mis en preuve qu"elle a résidé au Canada de juillet 1992 à juin 1995.

[15]      Les périodes d"absence de la défenderesse au cours des quatre ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté sont dues au fait qu"elle accompagnait son mari qui devait se rendre à l"étranger en raison de son emploi. Dans ce but, ils se sont rendus en Bolivie, en Argentine et au Vénézuéla. La preuve a également révélé que la défenderesse avait suivi son mari à Fort Érié en Ontario où M. Perrier avait obtenu un contrat de travail pour la compagnie Union Hélicoptère.

[16]      Madame Basso Perrier et son mari possèdent une maison au Canada et paient leurs taxes municipales et scolaires. M. Perrier détient un REER assez considérable dont la défenderesse est bénéficiaire. Ils ont également un compte bancaire conjoint. De plus, le médecin de la défenderesse a attesté qu"elle a toujours été sa patiente depuis 1990.

[17]      À la lumière des faits qui sont devant moi, je suis convaincu que la défenderesse avait établi un pied-à-terre au Canada. La décision de la juge de citoyenneté ne peut être considérée comme déraisonnable.

[18]      Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.




                                 JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 8 mai 2000

__________________

1 [1996] F.C.J. No.1401.

2[1995] F.C.J. No.1422.

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