Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020110

Dossier : T-662-01

Référence neutre : 2002 CFPI 29

ENTRE :

                                             HELIODORE AUCOIN et al.

                                                                                                                    demandeurs

                                                               - et -

                                           SA MAJESTÉLA REINE et al.                          défendeurs

                                      TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

FRANÇOIS PILON

Officier taxateur

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire a étéaccueillie, annulant la décision du Ministre des Pêches et des Océans. Dans ses motifs rendus le 17 juillet 2001, la Cour a écrit au paragraphe 51 :

Dans un contrôle judiciaire, l'adjudication des dépens est discrétionnaire. Eu égard aux circonstances de la demande, je suis prêt à entendre les observations des demandeurs à ce sujet.


[2]      Après que les parties eurent déposéleurs observations écrites, une ordonnance adjugeant des dépens a étérendue le 5 septembre 2001 dans les termes suivants :

[traduction]

[1]      Après examen des observations fournies par les demandeurs et le ministre défendeur quant aux dépens, et compte tenu des conclusions touchant à la conduite des agents du ministre que j'ai énoncées dans ma décision en date du 17 juillet 2001, je suis convaincu qu'il y a lieu d'accorder des dépens.

[2]      Pour arriver à cette conclusion, j'ai également tenu compte des facteurs énoncés à la règle 400 des Règles de la Cour fédé rale, à savoir le résultat de l'instance, la charge de travail et, plus particulièrement, le défaut de la part de la Couronne de reconnaître ce qui aurait dûêtre admis.

[3]      Je conviens avec la Couronne que la somme de 11 875 $ réclamée par les demandeurs est appropriée. Je n'accepte pas les prétentions de la Couronne que les autres défendeurs devraient contribuer au paiement des dépens.

[3]      L'avocat des demandeurs, Me Danys Delaquis, a déposéun mémoire de frais le 28 novembre 2001 dans lequel il réclamait la somme de 11 875 $ au titre de services à taxer (somme fixée par la Cour) en plus d'une somme additionnelle de 8 881,86 $ au titre de débours, et il a demandéque la taxation ait lieu par conférence téléphonique. La taxation a eu lieu le 10 décembre 2001 en présence de l'avocat des demandeurs et de Me Ginette Mazerolle, agissant au nom de la défenderesse. Me Delaquis a signifiéet déposédes observations écrites supplémentaires le 12 décembre 2001. Le 7 janvier 2002, Me Mazerolle a aviséle greffe qu'elle ne déposerait pas de réponse.


[4]      La question préliminaire qu'il convient de trancher est de savoir si les demandeurs ont le droit de taxer les débours séparément. Ou, en d'autres termes, la somme fixée à 11 875 $ au titre des dépens inclut-elle les services à taxer et les débours? Selon les demandeurs, l'ordonnance sur l'adjudication des dépens visait à les indemniser pour les services qu'il avaient fournis et les débours devaient être taxés plus tard, d'oùle dépôt de leur mémoire de frais. Toutefois, selon la défenderesse, l'adjudication des dépens constituait plutôt une somme globale couvrant également les débours.

[5]      En rétrospective, je crois qu'il aurait étépréf érable qu'une partie demande des précisions au juge qui a rendu l'ordonnance en déposant un avis de requête en vertu de l'alinéa 397(1)b) des règles. Toutefois, cette question n'a étésoulevé e qu'au moment de la taxation. Dans les circonstances, l'officier taxateur tranchera la question d'après les faits au dossier et les arguments des avocats.

[6]      L'argument principal de Me Delaquis peut se résumer ainsi :

a)    la conduite de certains agents du ministre s'apparentait à de la mauvaise foi et justifie l'augmentation des dépens,

b)    dans les règles de la province du Nouveau-Brunswick, il ressort clairement des dispositions relatives aux dépens que les débours suivent toujours l'issue de la cause et il cite la règle 59.08(8) :

Sauf ordonnance contraire, la partie qui a droit à ses dépens ou à une partie de ceux-ci a également droit, au même titre, aux débours calculés suivant le tarif « D »

c)    les dispositions prévues aux règles 400(4) et 407 s'appliquent; la Cour a adjugédes dépens distincts en sus de tous dépens taxés(soulign épar l'avocat).

[7]      En réponse, Me Mazerolle fait valoir ce qui suit :

a)    l'ordonnance sur l'adjudication des dépens ne mentionne pas de débours; il faut donc présumer que les débours étaient inclus dans ladite ordonnance,


b)    il est beaucoup plus simple pour les parties de s'en remettre à la Cour pour fixer la somme des dépens que de se soumettre au processus complet de l'adjudication des dépens,

c)     si la Cour avait ordonnéque des dépens soient taxés en vertu du tarif B, la somme que les demandeurs pourraient recouvrer au titre des services à taxer s'élèverait approximativement à 3 000 $ selon le niveau le plus élevéde la colonne III et à 5 000 $ selon celui de la colonne V. La défenderesse soutient que la Cour a déjà admis la somme de 11 875 $ à titre de compensation maximale accordée aux demandeurs pour leurs dépens et qu'il serait injuste que les demandeurs réclament la somme additionnelle de 8 881,86 $. Selon Me Mazerolle, autoriser cette somme serait manifestement déraisonnable et équivaudrait à accorder des dommages punitifs.

                                                                

                                                       Mes conclusions

[8]      Àmon avis, l'ordonnance sur l'adjudication des dépens était probablement censée inclure les services à taxer et les débours. Après avoir entendu les arguments des avocats, on comprend tout à fait pourquoi l'interprétation que chaque partie a donnée à l'ordonnance était opposée à celle de l'autre. Cependant, j'estime que la thèse de la défenderesse est plus convaincante pour les raisons suivantes.

[9]      Je n'accepte pas l'argument des demandeurs selon lequel la règle 59.08(8) concernant les dépens taxés dans la province du Nouveau-Brunswick s'applique en l'espèce. Les Règles de la Cour fédérale s'appliquent au présent dossier. La règle 400(4) dispose :

La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.


L'ordonnance sur l'adjudication des dépens n'indique pas, à mon humble avis, les postes précis (savoir, les services seulement, ou les services et les débours) qui étaient censés être couverts à titre d'indemnitéaccordé e aux demandeurs. Je sais qu'il existe plusieurs autres décisions de la Cour fédérale dans lesquelles les ordonnances sur l'adjudication des dépens sont explicites, par exemple :

« l'action est rejetée avec dépens fixés à xxxxx $, y compris les débours » ou

« la Cour adjuge des honoraires taxables en sus des débours » .

[10]        S'agissant des dommages punitifs liés à la question des dépens, j'invite les parties à se reporter à la décision suivante, Satellite Earth Station Technology Inc. c. Canada, 50 F.T.R. 4, oùle juge MacKay a affirméce qui suit :

Les dépens doivent se rapporter à ceux qui sont engagés dans les procédures devant la Cour; ils ne sont pas comparables à des dommages-intérêts que l'on demanderait pour une prétendue perte ou conduite préjudiciable.

[11]     Je conviens avec la défenderesse que la somme des dépens taxés en vertu du tarif B aurait oscilléentre 3 000 $ et 5 000 $ au titre des services à taxer, ce qui laisse un solde de 6 800 $ ou de 8 800 $ à verser pour indemniser les demandeurs au titre de leurs débours. J'estime que ce raisonnement s'inscrit dans la logique de l'ordonnance sur l'adjudication des dépens. Les parties ne doivent pas perdre de vue le principe bien établi de l'indemnitépartielle; elles ne sont pas censées recouvrer l'intégralité de leurs frais. Dans la décision Wellcome Foundation Ltd. c. Apotex, (1992), 40 C.P.R. (3rd) 376, le juge MacKay a dit :

Quant à l'exercice de la discrétion dans le cadre des directives données à l'officier taxateur, mes collègues ont reconnu certains principes généraux, notamment que les parties ne peuvent s'attendre à recouvrer tous leurs frais en vertu du tarif concernant les dépens entre parties et que les frais exorbitants supérieurs aux sommes prévues par les postes du tarif ne devraient pas être acceptés, car la Cour ne doit pas intervenir à la légère dans l'application des règles se rapportant aux sommes à accorder entre parties.


[12]     Àmon avis, la somme de 11 875 $ était raisonnable et juste dans les circonstances. Dans la décision Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. DRS 99-02429, le juge Wetston a conclu :

Un principe important sous-tend les dépens : l'allocation de dépens représente un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d'une charge excessive à la partie qui succombe. [. . .] Le tarif B est formuléen fonction du principe général que les frais entre parties devraient raisonnablement correspondre aux dépens réels d'un litige [. . .]

[13]     Enfin, à la page 15 de son ouvrage intituléThe Law of Costs (1968), Mark Orkin a défini le mot « dépens » de la manière suivante :

[traduction] le mot « dépens » dé signe le total des honoraires et des débours

[14]     En l'absence de directives de la Cour, j'estime que, dans les circonstance de l'espèce, l'ordonnance sur l'adjudication des dépens n'a pas laisséde frais en suspens. Le mémoire de frais des demandeurs sera donc taxéet admis à 11 875 $ (conformément à l'ordonnance de la Cour). La somme supplémentaire de 8 881,86 $ réclamée à titre de débours n'est pas admise. Un certificat de taxation des dépens sera délivréen conséquence.

Halifax (Nouvelle-Écosse)                                                                                              

le 10 janvier 2002                                                                           François Pilon

Officier taxateur

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-662-01

INTITULÉ :                                           HELIODORE AUCOIN et al.

demandeurs

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE et al.

défendeurs

LIEU DE LA TAXATION :             Halifax (Nouvelle-Écosse) par téléconférence

DATE DE L'AUDIENCE :              le 10 décembre 2001

TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS : François Pilon, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :                        le 10 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Danys R.X. Delaquis                                                     pour les demandeurs

Ginette Mazerolle                                                             pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gilbert, McGloan, Gillis

Saint John (Nouveau-Brunswick)                                   pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                 pour la défenderesse

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.