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Date : 20050720

Dossier : IMM-10231-04

Référence : 2005 CF 1002

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                            ARISTAR MALLARE ASUNCION

                                                                                                                               demandeur

                                                                       et

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) de rejeter, en date du 29 novembre 2004, l'appel de la mesure de renvoi prise lors d'une enquête contre le demandeur, Aristar Mallare Asuncion. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était interdit de territoire pour fausse déclaration suivant l'alinéa 40(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]                Le demandeur, un citoyen des Philippines, était parrainé par sa mère comme personne à charge. Il est entré au Canada le 17 mars 1998. Sa mère était arrivée au Canada en mars 1993 en qualité d'aide familiale résidante et est devenue une citoyenne canadienne par la suite.

[3]                À l'enquête, le demandeur a reconnu ne pas avoir informé les autorités de l'immigration qu'il n'était plus célibataire lorsqu'il est arrivé au Canada en 1998 puisqu'il s'était marié civilement avec une citoyenne des Philippines le 30 avril 1997.

[4]                Le demandeur a trouvé du travail au Canada en août 1998. Il était important à ses yeux d'envoyer de l'argent à sa famille aux Philippines. Il est retourné dans ce pays pour un séjour de trois mois, au cours duquel son mariage a été célébré à l'église. Il a été brièvement au chômage mais, depuis mai 2000, il a un emploi qui lui rapporte environ 30 000 $ par an. Son employeur l'apprécie beaucoup. Le demandeur va à l'église et apporte son aide à de nombreuses organisations. Il aide financièrement et moralement sa mère, avec laquelle il habite, et subvient aux besoins de sa famille aux Philippines.


[5]                En 2001, le demandeur a demandé de parrainer son épouse et leur enfant né le 10 avril 1998. Un deuxième enfant est né le 12 septembre 2002. La fausse déclaration a été découverte lorsque l'agent a constaté que le demandeur avait obtenu le statut de résident permanent en qualité de fils à charge célibataire alors qu'il était marié depuis presque un an à son arrivée au Canada.

[6]                La demande de résidence permanente de l'épouse et de l'enfant du demandeur a été rejetée au motif que l'épouse n'avait pas fait l'objet d'un contrôle au moment où le répondant était devenu résident permanent (alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement)). Cette décision a été portée en appel et fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant la Cour.

[7]                Le demandeur a expliqué qu'il s'était marié parce que sa mère et la tante de son épouse pensaient que c'était la chose à faire puisque lui et sa petite amie entretenaient une relation sérieuse et qu'il était sur le point de partir. Lorsqu'elle est revenue au Canada après le mariage, la mère du demandeur a appris que ce mariage ferait obstacle à la demande de son fils et a suggéré à ce dernier de ne pas en parler. Le demandeur savait qu'il serait réprimandé pour avoir omis de déclarer son nouvel état civil.


[8]                Le tribunal a d'abord fait remarquer que le demandeur avait lui-même dissimulé l'information sur son statut et que lui et sa mère savaient qu'il y aurait des conséquences et s'attendaient à une forme quelconque de réprimande.

[9]                Le tribunal a expliqué qu'en mettant en vigueur le paragraphe 117(9) du Règlement le législateur réagissait à la situation suivante : des étrangers obtenaient un statut au Canada en passant sous silence des renseignements et demandaient ensuite de bénéficier d'une mesure spéciale pour des motifs d'ordre humanitaire afin que leur famille soit réunie au Canada. Il s'écoulait suffisamment de temps, pendant que le dossier était traité, pour permettre à un demandeur de présenter une argumentation solide fondée sur son degré d'établissement.

[10]            Aux termes du paragraphe 117(9), un étranger n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial si le fait qu'il était un membre de la famille du répondant à l'époque où ce dernier a présenté une demande de résidence permanente n'était pas connu. De plus, selon l'article 65 de la LIPR, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération si l'étranger ne fait pas partie de la catégorie du regroupement familial. L'alinéa 117(9)d) prévoit ce qui suit :

117 (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.


[11]            Le tribunal a conclu que, même en soupesant toutes les circonstances conformément à l'alinéa 67(1)c), la fausse déclaration était directement liée à l'omission ayant eu pour effet d'exclure l'épouse et l'enfant du demandeur de la catégorie du regroupement familial.

[12]            Le tribunal a reconnu la bonne moralité du demandeur, le fait qu'il a travaillé sans interruption et le fait qu'il dispose d'un réseau social et familial. Ce degré d'établissement n'a cependant été rendu possible que parce qu'il a fait une fausse déclaration. Selon le droit applicable, le choix fait par le demandeur l'empêche maintenant de parrainer sa famille et lui interdit de tenter de revenir au Canada pendant une période de deux ans.

[13]            Le tribunal a conclu que la possibilité pour le demandeur de revenir au Canada une fois réuni avec son épouse et son enfant est une circonstance qui milite davantage en faveur de son renvoi aux Philippines que de son maintien au Canada. C'est là la seule façon de permettre la réunification de la famille.

[14]            Le demandeur soutient que le tribunal a eu tort de conclure qu'il ne pouvait pas parrainer sa famille, mais qu'il pouvait parrainer ses enfants étant donné que ceux-ci n'étaient pas nés lorsqu'il a obtenu le droit d'établissement le 18 mars 1998.


[15]            Toutes les prétentions sur lesquelles s'appuie le demandeur ont récemment été examinées de façon approfondie par le juge Kelen dans la décision Josephine Soliven de Guzman c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CF 1276.

[16]            Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes en l'espèce :

67. (1) Il est fait droit à l'appel sur preuve qu'au moment où il en est disposé :

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l'appel du ministre, il y a -- compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché -- des motifs d'ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales.

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d'une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l'affaire est renvoyée devant l'instance compétente.

[17]            Pour accueillir l'appel et annuler la décision en faisant l'objet, je dois être convaincu que l'article 67 de la LIPR n'a pas été respecté. Le demandeur conteste la constitutionnalité de l'alinéa 117(9)d) du Règlement.

[18]            Le juge Kelen a statué dans Guzman (précitée), en se fondant sur Jafari c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 2 C.F. 595, une décision dans laquelle le juge Strayer a écrit qu'il était convaincu que l'alinéa 117(9)d) du Règlement avait pour objet la bonne administration de la législation canadienne en matière d'immigration, qu'il est raisonnable que la législation en matière d'immigration exige qu'un demandeur de résidence permanente divulgue tous les renseignements pertinents.


[19]            Il ne fait aucun doute que le demandeur est un individu respectable. Il a travaillé sans interruption depuis son arrivée au Canada. Il soutient sa mère et subvient aux besoins de sa famille et de ses enfants aux Philippines. Cependant, il ne peut, par aucun moyen, surmonter la conséquence de sa fausse déclaration qui est décrite à l'alinéa 40(2)a) de la Loi :


40.(2) Les dispositions suivantes s'appliquent au paragraphe (1) :

a) l'interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l'étranger n'est pas au pays, ou suivant l'exécution de la mesure de renvoi;

[...]

40.(2) The following provisions govern subsection (1):

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation or a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

[...]


[20]            La loi fait en sorte que le choix que le demandeur a fait l'empêche maintenant de parrainer les personnes qui lui sont chères (alinéa 117(9)d) du Règlement) et lui interdit de tenter de revenir au Canada pendant une période de deux ans à compter de l'exécution de la mesure de renvoi.

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                             « Paul U. C. Rouleau »                  

       Juge

Ottawa (Ontario)

Le 20 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       IMM-10231-04

INTITULÉ :                                                      ARISTAR MALLARE ASUNCION

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 1ER JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                     LE 20 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Nathalia Dzera                                                   POUR LE DEMANDEUR

Ian Demers                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waice Ferdoussi, avocats                                    POUR LE DEMANDEUR

1550, rue Metcalfe, bureau 903

Montréal (Québec)

H3A 1X6

John H. Sims, c.r.                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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