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Date : 20040507

Dossier : T-757-02

Référence : 2004 CF 675

ENTRE :

                                                     

                               ALWAYS TRAVEL INC. et

                    HIGHBOURNE ENTERPRISES INC. et

CANADIAN STANDARD TRAVEL AGENT REGISTRY (CSTAR)

                                                                                  demanderesses

                                                  - et -

              AIR CANADA, AMERICAN AIRLINES INC.,

         UNITED AIRLINES INC., DELTA AIRLINES INC.,

CONTINENTAL AIRLINES INC., NORTHWEST AIRLINES INC.,

et ASSOCIATION DU TRANSPORT AÉRIEN INTERNATIONAL (ATAI)

                                                                                    défenderesses

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                  (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

                                           le 6 mai 2004)

                                                     

LE JUGE HUGESSEN

[1]    Je suis saisi de deux requêtes. La première est présentée par les demanderesses afin d'obtenir la levée de la suspension prononcée par la Cour en première instance dans une ordonnance du 30 mai 2003, puis à nouveau dans une ordonnance du 10 décembre 2003, relativement au recours collectif qu'elles envisagent d'intenter.


[2]    La seconde requête est présentée par les cinq défenderesses qui ne sont protégées ni par la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) au Canada ni par le chapitre 11 du US Bankruptcy Code aux États-Unis, textes législatifs qui régissent les deux autres défenderesses, à savoir Air Canada et United Airlines.

[3]    J'examinerai d'abord la requête des demanderesses. Au cours des deux occasions où j'ai déjà eu à me pencher sur la présente affaire, je crois avoir précisé de façon suffisamment claire qu'à mon avis, même si la Cour prononçait une suspension pour assister la Cour de justice de l'Ontario dans son administration de la LACC et de la procédure de faillite introduite à l'étranger, j'estimais que le tribunal compétent pour décider si et quand il y avait lieu de lever la suspension était la Cour de justice de l'Ontario puisqu'elle est mieux placée pour savoir exactement quels seront les effets que la présente instance et la poursuite de celle-ci auront sur l'administration des deux compagnies insolvables. Plus précisément, j'étais d'avis que la personne compétente pour prendre ces décisions, le cas échéant, était le juge Farley, lequel est responsable de ce dossier à la Cour supérieure de l'Ontario.


[4]                Subséquemment au prononcé de ces deux ordonnances les 30 mai et 10 décembre 2003, les demanderesses, donnant suite à ma proposition, ont soumis au juge Farley des requêtes afin d'obtenir la levée de la suspension, mais ces demandes ont été refusées. Pendant une brève période allant du 1er octobre au 10 décembre 2003 environ, aucune suspension ne visait l'instance puisque le juge Farley avait sommé les défenderesses Air Canada et United Airlines de produire des éléments de preuve en réponse à la requête en certification, mais sans rien ordonner de plus.

[5]                Dans la dernière requête présentée au juge Farley plus tôt cette année, les demanderesses en l'espèce lui demandaient de lever la suspension. Il a refusé cette requête et, dans son certificat à l'appui de son ordonnance, il donne des motifs exhaustifs et convaincants pour expliquer pourquoi il est arrivé à cette décision. La raison pour laquelle je rejette la requête des demanderesses aujourd'hui tient simplement au fait qu'à mon sens, elles se sont adressées au mauvais tribunal et au mauvais juge. J'ai mentionné sans équivoque qu'il faudrait des circonstances tout à fait exceptionnelles pour me convaincre de m'immiscer dans l'administration de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, ch. C-36, et faire obstacle à la participation très active du juge Farley dans cette administration. Selon moi, la présente requête des demanderesses - lesquelles, si mes calculs sont exacts, en sont à leur cinquième tentative devant les tribunaux pour faire prononcer la levée de la suspension - est vexatoire et constitue un abus de procédure. J'estime qu'il s'agit en outre d'une tentative d'attaque indirecte dirigée contre les ordonnances du juge Farley et portant exactement sur les mêmes questions que celles que ce dernier a tranchées lorsqu'il a rejeté les requêtes visant à obtenir la levée de la suspension. C'est pourquoi j'ai conclu que la demande doit être rejetée.



[6]                Je me penche maintenant sur la seconde requête dont je suis saisi, laquelle est présentée par les défenderesses qui ne sont pas visées par la LACC, à savoir cinq transporteurs aériens auxquels on reproche d'avoir comploté avec les défenderesses insolvables Air Canada et United Airlines. Ces défenderesses me demandent de surseoir à l'instance introduite contre elles. Je vais rejeter cette requête pour une raison très simple : les parties requérantes n'ont pas satisfait et ne peuvent, à la lumière de la preuve présentée devant moi, satisfaire au critère habituel à trois volets énoncé par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd, [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. J'examinerai brièvement les trois éléments de ce critère. Premièrement, il m'est impossible d'affirmer que les défenderesses sollicitant le sursis s'appuient sur une cause d'action légitime ou une cause défendable. Elles n'ont même pas, à leur propre demande, déposé de défense dans l'action et, bien que le critère préalable soit peu rigoureux, je ne vois tout simplement pas comment un tribunal judiciaire pourrait apprécier le caractère raisonnable ou autre de leur cause d'action en l'absence d'une défense de leur part. Deuxièmement, j'estime qu'aucun élément de preuve n'établit l'existence d'un préjudice irréparable. Le seul préjudice évoqué est un préjudice possible, qui risque de se produire si l'action se poursuit et qu'à un moment donné, les deux défenderesses insolvables sont d'une façon ou d'une autre abandonnées sans être récupérées en cours de route. Il s'agit d'une simple hypothèse puisque la preuve présentée devant moi donne à entendre que les deux cas d'insolvabilité progressent de façon absolument normale et avec une certaine rapidité. Je crois qu'on a fixé des échéances au début de l'automne 2004 pour qu'il soit mis un terme à la situation d'insolvabilité d'Air Canada et peut-être un peu plus tard en ce qui concerne United Airlines. Or, que ces dates limites soient ou non respectées, il me semble que le préjudice irréparable que les défenderesses requérantes auraient l'obligation de mettre en preuve n'existe tout simplement pas.

[7]                Enfin, quant à la prépondérance des inconvénients, il me paraît que ce facteur joue manifestement en faveur des demanderesses. Les défenderesses me demandent d'empêcher les demanderesses de poursuivre leur action, mais je ne vois aucune raison me justifiant d'agir en ce sens. Je dois ajouter, comme je l'ai mentionné lors du débat, qu'à mon avis, les demanderesses auront de la difficulté à poursuivre leur action. En effet, elles se trouvent dans une situation très complexe sur le plan de la procédure, même si ce n'est pas entièrement de leur faute. Cela étant dit, il n'en demeure pas moins qu'il leur appartient de prendre leur propre décision sur la façon dont elles entendent procéder. Elles doivent cependant garder à l'esprit qu'il s'agit d'une instance à gestion spéciale, que je suis le juge chargé de cette gestion et que tout ce qu'elles tenteront de faire à partir de maintenant nécessitera mon approbation. Je ne crois pas qu'il existe un risque sérieux qu'un préjudice irréparable ou des dommages graves soient causés à ces cinq défenderesses.


[8]                Selon moi, ces motifs suffisent pour justifier ma décision de ne pas ordonner le sursis demandé par les cinq défenderesses qui ne sont pas visées par la LACC.

Plus tard

[9]                En ce qui touche la question des dépens, je suis convaincu que les demanderesses n'auraient pas dû présenter la requête dont je suis saisi. Comme je l'ai précisé dans mes motifs, il s'agit en outre d'une requête qui, à mon sens, est frivole et vexatoire. J'estime donc approprié de rendre une ordonnance pour les dépens compte tenu des circonstances spéciales en l'espèce, malgré la règle générale de non-adjudication de dépens prévue au paragraphe 299.41(1) des Règles.



299.41 (1) Sans dépens - Sous réserve des paragraphes (2) et (3), aucuns dépens ne sont adjugés aux parties à une requête en autorisation d'une action comme recours collectif, à un recours collectif ou à un appel découlant d'un recours collectif, à quelque étape de l'instance que ce soit.

(2) Exception - Les dépens peuvent, à tout moment, être adjugés contre une partie visée au paragraphe (1) dans les cas suivants:

(a) sa conduite a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l'instance;

(b) une mesure prise par elle au cours de l'instance était inappropriée, vexatoire ou inutile ou a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

(c) des circonstances exceptionnelles font en sorte qu'il serait injuste d'en priver la partie qui a eu gain de cause.

...

299.41 (1) No costs - Subject to subsections (2) and (3), no costs may be awarded to any party to a motion for certification of an action as a class action, to a class action or to an appeal arising from a class action at any stage of the motion, class action or appeal.

(2) Exception - Costs may be awarded against a party referred to in subsection (1) at any time if

(a) the conduct of the party tended to unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

(b) any step in the proceeding by the party was improper, vexatious or unnecessary or was taken through negligence, mistake or excessive caution; or

(c) there are exceptional circumstances that make it unjust to deprive the successful party of costs.

...


[10]            Même si je ne crois pas qu'il y a lieu d'adjuger ces dépens entièrement sur la base avocat-client, j'estime opportun, compte tenu de la quantité de documents produits, du temps consacré à cette affaire et du fait que les demanderesses soumettent cette question pour la troisième fois devant moi - et pour la cinquième fois devant un tribunal ou un autre -, d'ordonner le paiement immédiat, peu importe l'issue de la cause, de dépens s'élevant à 10 000 $ à chacune des défenderesses Air Canada et United Airlines.

[11]            Quant à la requête des défenderesses non visées par la LACC, même si j'arrive à la conclusion qu'elle est dénuée de fondement, je ne crois pas qu'elle puisse être qualifiée de frivole ou de vexatoire et, bien que je n'aie aucun doute sur la nécessité de la rejeter, je ne pense pas qu'il soit satisfait aux critères prévus au paragraphe 299.41(1) des Règles susmentionné, lesquels constituent des conditions préalables au prononcé d'une ordonnance pour les dépens. Par conséquent, aucune ordonnance d'adjudication des dépens ne sera prononcée relativement à cette requête.

                                                                         « James K. Hugessen »         

                                                                                                     Juge                       

Ottawa (Ontario)

Le 7 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-757-02

INTITULÉ :                                                                ALWAYS TRAVEL INC. ET AL. c. AIR CANADA ET AL.

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 6 MAI 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                                               LE 7 MAI 2004                       

COMPARUTIONS :

John Legge, William Sharpe                                           POUR LES DEMANDERESSES

Tad McLeod                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE Continental Airlines Inc.

Katherine Kay, Nicholas McHaffie                               POUR LA DÉFENDERESSE

Air Canada

Michael Penny, Ticho Manson                           POUR LA DÉFENDERESSE

United Airlines Inc.

Louis Brousseau                                                            POUR LA DÉFENDERESSE American Airlines

Mathew Milne-Smith                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Delta Airlines

Monique Jilesen                                                             Avocate d'Air Canada, surveillance au titre de la LACC


Stanley Wong                                                                POUR LA DÉFENDERESSE Association du transport aérien international

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legge et Legge                                                  POUR LES DEMANDERESSES

Ogilvy Renault

Ottawa (Ontario)                                                           POUR LA DÉFENDERESSE Continental Airlines Inc.

McCarthy Tétrault

Montréal (Québec)                                                        POUR LA DÉFENDERESSE American Airlines Inc.

Stikeman Elliott

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Air Canada

Torys

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

United Airlines Inc.

Davies Ward Phillips & Vineberg

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Delta Airlines Inc.

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Toronto (Ontario)                                                          POUR Air Canada, surveillance au titre de la LACC

Davis & Company                                                         POUR LA DÉFENDERESSE Association du transport aérien international


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