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Date : 20200403


Dossier : IMM-6190-18

Référence : 2020 CF 487

Ottawa (Ontario), le 3 avril 2020

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

ADNAN EL HADDAD

CAROLINE EL HADDAD

ELIE EL HADDAD

SALIM EL HADDAD

CAMILLE AVRAHAM EL HADDAD

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Les demandeurs se pourvoient à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) du 26 novembre 2018, rejetant leur demande d’asile. Les demandeurs sont membres d’une famille : M. Adnan El Haddad, le demandeur principal, son épouse Caroline El Haddad, leurs fils majeurs Salim El Haddad et Elie El Haddad, et leur fils mineur Camille Avraham El Haddad. Ils sont citoyens du Liban et d’Israël, à l’exception de Camille, qui est uniquement citoyen israélien.

[2]  Les demandeurs sont arrivés au Canada le 14 juillet 2009, après avoir quitté l’Israël, et ils ont revendiqué le statut de réfugié le même jour. Il est malheureux que, pour diverses raisons, l’audience de leur demande n’ait eu lieu que le 14 novembre 2018, ayant été remise quelque fois. La SPR a rejeté leur demande le 26 novembre 2018.

[3]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Contexte

[4]  Les demandeurs allèguent craindre un retour tant au Liban qu’en Israël. L’épouse du demandeur principal et leurs fils fondent leur demande d’asile sur celle du demandeur principal, quoique ces deniers ajoutent des craintes propres à leur situation personnelle.

[5]  Le demandeur principal prétend avoir été menacé de mort par le Hezbollah et le gouvernement libanais. Ceux-ci lui reprocheraient d’avoir collaboré avec les services secrets israéliens et de s’être engagé dans l’Armée du Liban Sud (ALS). Le demandeur principal affirme qu’il était membre de l’ALS de 1987 à 1990. Il a fui le Liban pour la Suisse en 1990, où il a tenté sans succès d’obtenir le statut de réfugié. Il serait retourné au Liban en 1993, et il déclare avoir rejoint l’ALS en 1995, pendant quelques années.

[6]  En 2000, le demandeur a été menacé, et il est déménagé en Israël avec sa femme et ses deux fils. Un troisième fils est né en Israël, et la famille a obtenu la citoyenneté israélienne. La famille n’a pas eu de difficultés jusqu’en 2008. Le demandeur principal a alors appris que le Hezbollah faisait partie du gouvernement libanais, et qu’il était à la recherche de gens ayant été impliqués dans l’ALS dans les années 1980-1990 afin de les interroger ou de les emprisonner pour avoir collaboré avec l’armée israélienne. Le demandeur principal affirme aussi qu’il a eu peur pour son fils le plus âgé, car ce dernier serait appelé à faire son service militaire obligatoire et à rejoindre l’armée israélienne. Il affirme aussi craindre la société et l’État israéliens en raison de ses origines arabes et de sa religion chrétienne.

[7]  Les fils du demandeur principal ont des craintes de retour en Israël, en raison du service militaire obligatoire pour les hommes de 18 à 54 ans. Ils ont aussi des craintes en raison de leur origine arabe, de l’implication de leur père dans l’ALS, de la situation sécuritaire en Israël et du rôle des forces militaires. De plus, lors de l’audience, les fils ont ajouté une crainte de retour en Israël en raison de leur religion; ils sont chrétiens, et ils ont peur de ne pas pouvoir pratiquer leur religion.

[8]  La demande d’asile des demandeurs a été partiellement entendue en septembre 2012, mais après quelques heures le commissaire a mis fin à l’audience parce que les demandeurs ont signalé un problème avec la traduction. Le commissaire a indiqué qu’une audience de novo serait fixée, mais pour diverses raisons l’audience n’a pas eu lieu avant les 28 août 2018 et 14 novembre 2018.

[9]  Le 2 mars 2012, le représentant du Ministre a soumis un avis d’intervention et déclaration des faits et règles de droit. Le Ministre alléguait que le demandeur principal devait être exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention relative au Statut des Réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 [Convention] en vertu de ses articles 1Fa) et c), compte tenu de sa qualité de membre de l’ALS. Le représentant a interrogé le demandeur principal à l’audience, mais il a renoncé à demander l’application de la clause d’exclusion prévue à l’article 1F de la Convention, car il n’était pas en mesure de rencontrer le fardeau affirmé par la Cour suprême dans l’affaire Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40. En conséquence, la SPR n’a pas traité de cette question.

[10]  La SPR a trouvé le témoignage du demandeur principal crédible en ce qui concernait sa crainte de retourner au Liban. Considérant la documentation objective sur les droits de la personne au Liban, et l’implication du demandeur principal dans l’ALS, la SPR a conclu qu’il existait une possibilité raisonnable de persécution en cas de retour.

[11]  Comme tous les membres de la famille sont citoyens israéliens, la SPR a aussi examiné les craintes des demandeurs quant à un retour en Israël. La SPR a noté que leurs craintes de persécution en raison de leurs origines arabes n’étaient pas appuyées par la preuve. Le demandeur principal affirme ne pas avoir été victime de discrimination par rapport à son origine, et la preuve documentaire indique que la discrimination qui existe en Israël n’équivaut pas à de la persécution.

[12]  Concernant la crainte alléguée des fils, la SPR a trouvé deux problèmes majeurs. Premièrement, ils ont fait un ajout majeur à leur récit initial quand ils ont témoigné devant la SPR. Ainsi, ils ont affirmé avoir une crainte en tant que chrétiens en Israël, mais ils n’avaient pas fait mention de cette crainte dans leurs formulaires de renseignements personnels. La SPR a conclu que cet ajout d’un nouveau motif de persécution minait leur crédibilité. De plus, la documentation objective n’indiquait pas que les chrétiens sont persécutés en Israël.

[13]  Deuxièmement, les fils ont justifié leur crainte de retour en Israël par l’existence du service militaire obligatoire. La SPR a rejeté cet argument, parce que la loi sur le service militaire obligatoire est une loi d’application générale, et ne constitue donc pas de la persécution envers les demandeurs. De plus, la SPR a noté qu’il existe la possibilité de service alternatif, mais que les demandeurs n’ont pas exploré cette option.

[14]  Finalement, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils ne pouvaient pas être protégés en Israël; la documentation objective affirmant que l’État d’Israël est en mesure de protéger ses citoyens.

[15]  Pour tous ces motifs, la SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[16]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Est-ce qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale quand la SPR n’a pas restreint la participation du Ministre à l’audience?
  2. Est-ce que la décision de la SPR était déraisonnable?

[17]  La Cour d’appel fédérale a récemment expliqué la façon d’approcher les questions d’équité procédurale dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadien Pacifique]. Selon cette décision, la Cour n’applique pas de norme de contrôle à une question d’équité procédurale : « elle doit plutôt se demander si le processus suivi était juste et équitable, en portant attention à la nature des droits en jeu et aux conséquences pour les individus touchés (Canadien Pacifique au para 54) » (Farrier c Canada (Procureur général), 2018 CF 1190 au para 29). La Cour affirme que « même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [traduction] « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte », même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Canadian Pacifique au para 54).

[18]  La norme de contrôle qui s’applique à la révision du fond de la décision est celle de la décision raisonnable. Pour être raisonnable, une décision doit être fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et être justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles applicables : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 101 [Vavilov]; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux paras 29-33 [Société canadienne des postes]. Il incombe à la partie qui conteste la décision de convaincre la cour que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Société canadienne des postes au para 33, citant Vavilov au para 100).

IV.  Analyse

A.  Est-ce qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale quand la SPR n’a pas restreint la participation du Ministre à l’audience?

[19]  Les demandeurs prétendent qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale parce que la SPR n’a pas restreint la participation du représentant du Ministre à l’audience. L’avis d’intervention déposé par le représentant du Ministre portait uniquement sur l’exclusion du demandeur principal sur la base des articles 1Fa) et c) de la Convention. Lors de l’audience, le représentant du Ministre a indiqué qu’il renonçait à soulever l’application des clauses d’exclusion. Le Ministre n’a informé ni la SPR ni les demandeurs qu’il avait l’intention de participer à l’audience afin d’attaquer la crédibilité des demandeurs sur leur crainte de retour au Liban ou en Israël, et un nouvel avis d’intervention n’a pas été soumis. Malgré cela la SPR a permis au représentant du Ministre de participer à l’audience sur d’autres points, concernant l’inclusion des demandeurs, et en particulier sur la question de la crédibilité des demandeurs.

[20]  Les demandeurs affirment que la participation, sans avis, du représentant du Ministre a eu une influence sur la décision de la SPR. En conséquence, ils affirment que la SPR a manqué à l’équité procédurale.

[21]  Le défendeur affirme que le Ministre pouvait intervenir quant à l’inclusion, parce que l’article 170(e) de la Loi sur l’immigration et de la protection des réfugiés, SC 2001 c 27 [LIPR] requiert que la SPR permette aux demandeurs et au ministre de présenter des éléments de preuve, d’interroger des témoins, et de présenter des observations :

Fonctionnement

Proceedings

170 Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

170 The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

[...]

...

e) donne à la personne en cause et au ministre la possibilité de produire des éléments de preuve, d’interroger des témoins et de présenter des observations;

(e) must give the person and the Minister a reasonable opportunity to present evidence, question witnesses and make representations;

[...]

...

[22]  Le défendeur soutient qu’aucun principe d’équité procédurale n’a été enfreint parce que le représentent du Ministre a été autorisé à présenter des observations quant à leur manque de crédibilité.

[23]  Je suis d’accord avec le défendeur. Il n’y a pas un bris d’équité procédurale en l’instance, parce que la SPR a respecté l’article 170(e) de la LIPR. De plus, dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Atabaki, 2007 CF 1170, la Cour a renversé une décision de la SPR où le Commissaire avait retreint la participation du représentant du Ministre. La Cour affirme que « (l)e libellé de [l’article 170(e)] est clair : il parle de la procédure à suivre et non des questions à trancher et il s’applique tant au ministre qu’au demandeur d’asile » (au para 31).

[24]  Compte tenu du fait que la crédibilité des demandeurs est toujours en question dans ces causes, que les demandeurs étaient représentés par un avocat à l’audience, et que le ministre n’est qu’intervenu pour faire des soumissions à la fin de l’audience et n’a pas questionné les demandeurs, en l’instance je ne suis pas persuadé qu’il y ait un bris d’équité procédurale.

B.  Est-ce que la décision de la SPR était déraisonnable?

(1)  Position des parties

[25]  Les demandeurs prétendent que la SPR a commis une erreur dans l’évaluation de la preuve quant à trois questions. Premièrement, le demandeur principal a indiqué qu’il craint retourner en Israël parce que le Hezbollah peut l’identifier comme ancien collaborateur en tant que membre de l’ALS. La SPR a complètement omis d’analyser ce motif. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’une erreur importante qui justifie à elle seule l’intervention de la Cour.

[26]  Deuxièmement, la SPR a erré concernant la crainte des demandeurs quant au service militaire obligatoire en Israël. La conclusion de la SPR que les fils peuvent obtenir une exemption du service militaire n’est que spéculative et n’est pas appuyée par la preuve. Bien que la documentation parle de la possibilité d’exemption, rien dans la preuve ne démontre que les demandeurs satisferaient aux conditions d’exemption. De plus, la SPR a ignoré les circonstances personnelles des demandeurs à savoir qu’ils sont d’origine arabe, qu’ils sont Libanais, chrétiens, et que leur père a été un collaborateur de l’ALS. Ce sont pour ces raisons que les demandeurs craignent et refusent d’effectuer le service militaire en Israël. La SPR a ignoré ces éléments de preuve.

[27]  Finalement, la SPR a erré dans son traitement des craintes de retour en Israël des demandeurs au motif de leurs origines arabes et de leur religion. Concernant leur crainte en raison de leurs origines arabes, la SPR a conclu:

Il convient donc de noter, d’une part, que si la discrimination existe, elle n’a guère touché les demandeurs et rien n’indique dans la preuve disponible qu’elle est devenue l’équivalent de la persécution et, d’autre part, l’expression d’un désir de demeurer au Canada après neuf ans d’attente ne peut nullement remplacer les exigences de la loi en matière d’octroi du statut de réfugié.

[28]  Les demandeurs constatent que c’est une erreur de droit, parce qu’un demandeur d’asile ne doit pas faire la preuve d’une persécution passée afin d’être reconnu comme réfugié au Canada. La définition de réfugié au sens de la Convention et de la LIPR est de nature prospective (Mohebbi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 182). Contrairement à ce que prétend la SPR, le délai de neuf ans passé au Canada depuis leur départ d’Israël est pertinent compte tenu de l’évolution de la situation dans ce pays concernant le traitement des Arabes. La crainte des demandeurs est corroborée par la preuve documentaire au dossier.

[29]  De plus, la SPR a erré en rejetant leurs craintes de retour en raison de leur religion. Les demandeurs sont chrétiens. Ils ont rempli leurs formulaires de renseignements personnels lors de leur arrivée au Canada en 2009. Avec le passage du temps, et l’évolution de la situation en Israël, les motifs de leurs craintes ont également évolué. La SPR a erré en concluant que l’ajout de ce motif mine leur crédibilité. C’est déraisonnable, compte tenu du fait que la SPR ne peut pas reprocher aux demandeurs le délai en l’espèce.

[30]  Le défendeur affirme que la décision est raisonnable, compte tenu du manque de crédibilité des demandeurs, ainsi que de la preuve documentaire.

[31]  En ce qui concerne leurs craintes d’être persécutés par le Hezbollah, le défendeur observe que le groupe est seulement présent au Liban et que les demandeurs sont citoyens d’Israël. Donc, la question est de savoir si les demandeurs bénéficieraient de la protection de l’État israélien advenant qu’ils fassent l’objet de persécution de la part des membres et partisans du Hezbollah en territoire israélien. La SPR a traité de cette question, et la conclusion que l’état israélien est en mesure de les protéger est appuyée par la preuve documentaire.

[32]  Quant à l’allégation selon laquelle la SPR aurait omis de tenir compte du fait que les fils sont d’origine arabe dans l’analyse de leur risque d’être contraints à effectuer le service militaire obligatoire, elle n’est pas fondée selon la preuve documentaire objective. De plus, la SPR n’a pas omis d’analyser le risque prospectif associé à cette crainte; le fait que la SPR ait noté que les demandeurs n’aient pas été victimes de discrimination par le passé n’est pas une indication que la SPR a omis de considérer leur risque prospectif. La conclusion de la SPR que le risque d’être victime de discrimination équivalent à de la persécution n’existe pas est aussi fondée sur la preuve objective au dossier.

[33]  Malgré le fait que les demandeurs soient en désaccord avec l’évaluation de la preuve et le poids accordé à leur témoignage, il ne s’agit pas d’un motif justifiant l’intervention de la Cour. En l’instance, la décision est raisonnable.

(2)  Discussion

[34]  Le point de départ est le cadre établi dans l’arrêt Vavilov, selon lequel : « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision » (au para 85).

[35]  Je ne suis pas persuadé que la décision est déraisonnable. La décision de la SPR en l’instance est justifiée eu égard des faits et du droit.

[36]  Quant aux craintes du demandeur principal quant à un retour en Israël, la SPR a traité du point clé, c’est-à-dire la question de savoir s’il recevrait la protection de l’État israélien advenant un risque de persécution par le Hezbollah. Le demandeur principal a fait référence à cette crainte dans son formulaire de renseignement personnel, ainsi que dans son témoignage, mais il n’a pas précisé ni donné d’exemple du risque ou de situations dans lesquelles l’État israélien n’a pas protégé ses citoyens. Il a plutôt parlé généralement du manque de sécurité et de la criminalité au pays. On ne peut pas reprocher à la SPR de ne pas avoir traité la question en plus de détails, compte tenu de la preuve en l’instance.

[37]  Concernant les craintes des fils, la SPR a noté qu’ils ont ajouté le motif de leur religion seulement dans leur témoignage, et que ceci a miné leur crédibilité. Les demandeurs soutiennent que c’est déraisonnable, compte tenu du fait que leur récit initial a été complété dès leur arrivée au Canada, et que les omissions dans les formulaires de renseignements personnels étaient dues à la fatigue. De plus, ils notent l’évolution de la situation des chrétiens en Israël pendant les neuf ans qu’ils ont attendu l’audience de leurs demandes d’asile. La SPR a rejeté leurs explications, notant que les demandeurs avaient eu neuf ans pour corriger leurs formulaires, et que leurs craintes étaient démenties par la preuve objective au dossier. C’est une conclusion justifiée en l’instance, compte tenu des faits. J’ajoute qu’au début de leur témoignage à l’audience, chaque fils a affirmé que son formulaire de renseignement personnel était complet et aucun n’a ajouté le motif de la religion à ce moment. La conclusion de la SPR quant à la crédibilité des demandeurs mérite une grande retenue, et en l’instance elle est justifiée au regard des circonstances (Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319).

[38]  En ce qui concerne la crainte de retour en Israël par rapport au service militaire obligatoire, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas rencontré leur fardeau d’établir une possibilité sérieuse de persécution. La SPR a noté que les demandeurs doivent établir qu’une loi d’application générale, comme la loi israélienne qui impose le service militaire obligatoire, « est discriminatoire à leur endroit à un point tel qu’elle pouvait être assimilée à la persécution ». Étant donné qu’ils n’étaient pas informés quant à leur possibilité de rencontrer les conditions pour un service alternatif, au lieu du service militaire, et qu’ils n’ont pas établi qu’ils avaient des convictions suffisamment importantes pour démontrer une objection de conscience, la SPR a conclu qu’ils n’avaient pas démontré le caractère raisonnable de leur crainte du service militaire. C’est une conclusion justifiée eu égard des faits et du droit.

[39]  Finalement, quant au traitement de la crainte de persécution en Israël en raison des origines arabes des demandeurs, je ne suis pas persuadé par l’argument voulant que la SPR a commis une erreur de droit. La SPR a noté que la preuve objective au dossier démontre qu’il existe de la discrimination contre les personnes d’origine arabe en Israël, mais la SPR a conclu que « rien n’indique dans la preuve disponible [que la discrimination] est devenue l’équivalent de la persécution ». C’est une conclusion raisonnable. La SPR n’a pas fondé cette conclusion seulement sur le témoignage du demandeur principal, et n’a pas erré en notant son témoignage à l’effet qu’il n’a pas été victime de discrimination pendant les années où il a vécu en Israël. Comme l’analyse doit être prospective, il n’est pas déraisonnable de tenir compte du témoignage d’un demandeur d’asile sur son expérience même si ce n’est pas un élément nécessaire dans l’analyse.

V.  Conclusion

[40]  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41]  Il n’y a pas de question d’importance pour la certification.


JUGEMENT au dossier IMM-6190-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question d’importance générale pour la certification.

  3. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6190-18

INTITULÉ :

ADNAN EL HADDAD ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JUILLET 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

PENTNEY J.

DATE DES MOTIFS :

LE 3 AVRIL 2020

COMPARUTIONS :

Me Stéphane Handfield

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Émilie Tremblay

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Handfield et Associés

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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