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Date : 20060614

Dossier : IMM‑5040‑05

Référence : 2006 CF 757

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

ENTRE :

WEI MIN LI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Contexte

[1]               Par une décision datée du 28 juillet 2005, un commissaire de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rejetait l’appel formé par Wei Min Li (l’appelant), un résident permanent du Canada, contre une décision rendue le 11 août 2003 par un agent des visas de l’ambassade du Canada à Pékin, en République populaire de Chine, qui avait refusé sa demande de parrainage visant à procurer à son épouse, Gui hua Zeng, le statut de résidente permanente au Canada.

 

[2]               Le tribunal a fondé sa conclusion sur ce qu’il appelait « le principe de la chose jugée et de l’abus de procédure ». Il s’est référé à une décision antérieure de la SAI, datée du 17 août 2001, qui avait rejeté un appel de M. Li à l’encontre de la décision d’un autre agent des visas à Pékin, lequel avait rejeté une première demande de parrainage visant l’octroi du statut de résidente permanente au Canada à Gui hua Zeng, avec qui M. Li s’était marié en Chine en avril 1999.

 

[3]               Dans sa décision de 2001, la SAI avait conclu que le mariage entre M. Li et Mme Zeng contrevenait au paragraphe 4(3) de l’ancien Règlement sur l’immigration de 1978, qui prévoyait que « [l]a catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s’est marié principalement dans le but d’obtenir l’admission au Canada à titre de parent et non dans l’intention de vivre en permanence avec son conjoint ».

 

[4]               Au soutien de sa décision de 2001, la SAI écrivait :

Compte tenu de la preuve qui lui a été soumise, le tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un mariage authentique et que la requérante principale [Mme Zeng] s’est mariée principalement dans le but d’obtenir l’admission au Canada et non dans l’intention de vivre en permanence avec l’appelant. La décision du tribunal repose sur une contradiction importante entre la preuve et les fausses représentations flagrantes que la requérante principale [Mme Zeng] a faites pendant son entrevue et les renseignements qu’elle a inscrits sur sa demande. Le tribunal n’accepte pas les explications que l’appelant a données quant aux raisons pour lesquelles la requérante principale a fourni des données inexactes, et il est d’avis que cette représentation erronée porte atteinte à la crédibilité de la requérante principale et à l’allégation selon laquelle il s’agit d’un mariage authentique. [Non souligné dans l’original.]

 

[5]               Le demandeur n’a pas sollicité le contrôle judiciaire de la décision de 2001 de la SAI. Mme Zeng a plutôt présenté une seconde demande parrainée de résidence permanente au Canada le 1er avril 2002.

 

[6]               La procédure qui a précédé la décision du tribunal est quelque peu inusitée, et je la résume ici :

1.  Le 5 novembre 2004, le tribunal a commencé d’instruire l’appel de M. Li. M. Li n’était pas représenté par un conseil durant cette audience. L’audience fut ajournée afin que le ministre ait la possibilité d’ajouter un autre motif de refus après que l’on se rendit compte que le motif invoqué par l’agent des visas dans sa décision d’août 2003 était la disposition d’exclusion de la division 117(9)c)(ii)(B) du nouveau Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), Mme Zeng étant la conjointe de fait d’une autre personne, et après que le tribunal eut constaté qu’une première demande de parrainage présentée en 1999‑2000 avait été refusée et qu’un appel de ce refus avait été rejeté par la SAI. Avant de prononcer l’ajournement, le tribunal a versé dans la preuve un document présenté par M. Li. Ce document de 93 pages portait la cote A‑1.

2.  Le 10 décembre 2004, le ministre décidait d’ajouter un motif additionnel de refuser la demande parrainée de résidence permanente. Selon le ministre, le principe de l’autorité de la chose jugée, plus exactement la préclusion pour question déjà tranchée, était applicable, et il invoquait à l’appui le raisonnement suivi par le commissaire Stein, de la SAI, dans la décision Vuong, Phuoc c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (SAI) TA2‑16835, du 22 décembre 2003. Le ministre faisait aussi valoir qu’un second appel interjeté du refus de la demande de résidence permanente constituait un abus de procédure. En somme, le conseil du ministre affirmait que [traduction] « la SAI devrait rejeter l’appel parce qu’il constitue un abus de procédure et que les points qui seraient examinés ont été décidés à titre définitif entre les parties et sont devenus chose jugée ».

3.  M. Li a engagé son avocat actuel en janvier 2005. Le 27 janvier 2005, M. Rotenberg écrivait à la SAI pour lui dire qu’il souhaitait la tenue d’une audience d’une journée entière, et cela pour une diversité de raisons, notamment pour obtenir les dépositions du parrain et de la requérante, et peut‑être d’autres personnes. Il disait que, selon son expérience de ce genre d’affaires, l’interrogatoire et le contre‑interrogatoire absorbent souvent une bonne partie de la matinée, et même davantage si le ministre entendait réitérer son argument fondé sur le principe de l’autorité de la chose jugée.

4.  Préalablement à l’audience devant avoir lieu le 9 mai 2005, le conseil de M. Li présenta le 19 avril 2005 des communications supplémentaires de son client, qui comportaient environ cinquante‑cinq pages de documents, avec photographies de lui‑même et de Mme Zeng, photocopies de pages timbrées de passeports, billets d’avion, cartes d’embarquement et billets d’autobus, photocopies de factures de téléphone et de cartes téléphoniques, ainsi qu’une photocopie d’une lettre de Mme Zeng adressée à l’agent des visas qui avait refusé sa seconde demande. Dans cette lettre, le conseil de M. Li écrivait qu’on lui avait remis un recueil de documents de quatre‑vingt‑treize pages qui avait déjà été déposé sous la cote A‑1.

5.  Dans son affidavit au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, M. Li écrivait ce qui suit : [traduction] « [L’]audience me concernant était censée avoir lieu le 9 mai 2005, mais elle n’a pas eu lieu parce qu’une autre audience qui avait débuté ce matin‑là dans la même salle d’audience s’était poursuivie durant l’après‑midi. »

6.  Le 26 mai 2005, le conseil de M. Li déposait les conclusions écrites de son client selon lesquelles ni l’argument de la chose jugée ni celui de l’abus de procédure n’étaient recevables dans cette affaire. À la page 18 du dossier certifié du tribunal, le conseil de M. Li précise ce que sera la nature de la preuve, et je cite ici le paragraphe 19 :

[TRADUCTION]

1.  La relation est véritable et authentique, elle a subsisté durant ces années et elle continue de subsister, puisque deux visites ont eu lieu depuis la décision initiale, et elle est confirmée par un grand nombre d’appels téléphoniques, même s’ils ont été faits au moyen de cartes téléphoniques, lesquelles sont consignées dans les factures de Sprint et mentionnées dans les documents communiqués.

 

2.  L’authenticité de la relation est confirmée non seulement par les communications elles‑mêmes et par le transfert de fonds, mais aussi par les rapports entre le fils de la demanderesse et le fils du parrain et, qui plus est, le fils de la demanderesse considère le parrain comme s’il était son père. Par conséquent, j’ajouterais aux arguments fondés sur la justice naturelle celui de l’intérêt de l’enfant.

 

 

 

[7]               Dans ces arguments, le conseil de M. Li exposait des faits additionnels et faisait expressément état de mauvais conseils reçus d’un conseiller en immigration. Il disait que l’avocat dont M. Li avait retenu les services pour l’appel formé en 2001 devant la SAI avait été négligent dans la manière dont il avait présenté la preuve de l’appelant.

 

[8]               Le conseil de M. Li terminait ses conclusions écrites par les propos suivants : [traduction] « [J]e suis donc d’avis que le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’applique pas, qu’une preuve additionnelle, et notamment la convocation de la demanderesse et de son fils, s’impose dans la présente affaire, qu’il n’y a pas “abus de procédure” et que le ministre n’est pas “injustement persécuté” ».

 

[9]               L’article 4 du Règlement aujourd’hui en vigueur, qui est intitulé « mauvaise foi », prévoit ce qui suit :

Mauvaise foi

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

Bad faith

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common‑law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common‑law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

DORS/2004‑167, art. 3(A).

SOR/2004‑167, s. 3(E).

 

 

 

La décision du tribunal

 

 

[10]           D’abord, le tribunal a cité de longs extraits de la décision antérieure de la SAI du 17 août 2001, laquelle se termine par la conclusion citée au paragraphe 4 des présents motifs.

 

[11]           Deuxièmement, le tribunal résume les arguments du conseil de M. Li concernant le point de savoir si le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquait, et plus exactement sur le point de savoir si les trois conditions requises étaient réunies : (1) la même question est en jeu dans les deux instances; (2) la décision judiciaire qui prétendument est à l’origine de la préclusion était définitive; (3) les parties visées par la décision judiciaire sont également les parties à l’instance dans laquelle est alléguée la préclusion.

 

[12]           Troisièmement, le tribunal a passé en revue les décisions divergentes de la SAI concernant le point de savoir si la même question était soulevée dans une décision de la SAI qui avait été rendue d’après le paragraphe 4(3) de l’ancien Règlement sur l’immigration, et dans une affaire soumise à un autre tribunal de la SAI appelé à statuer en vertu de l’article 4 du nouveau Règlement.

 

[13]           Quatrièmement, le tribunal a préféré le raisonnement suivi par le commissaire Stein dans la décision Vuong, précitée, selon lequel, bien que la disposition de l’ancien Règlement diffèrent de celle du nouveau Règlement, elles portent néanmoins sur la même question parce que leur esprit et la nature de l’enquête y sont essentiellement les mêmes. Le commissaire Stein écrivait dans la décision Vuong, précitée, que les deux dispositions ont pour effet d’exclure les personnes dont la qualité de conjoint ne repose pas sur la création d’un lien matrimonial authentique, l’idée étant d’exclure les conjoints dont le mariage a été conclu principalement à des fins d’immigration.

 

[14]           Cinquièmement, le tribunal s’est exprimé ainsi à propos des preuves nouvelles de l’appelant :

Maintenant, les nouveaux éléments de preuve que l’appelant présente n’équivalent à rien de plus que la défense usée du type [TRADUCTION] « ce n’est pas ma faute ». Il rejette la responsabilité de ces divers mensonges sur un consultant en immigration non qualifié et sur les conclusions du commissaire Whist sur la soi‑disant incompétence du conseil de l’appelant. Il semble fort peu probable que de tels éléments de preuve soient déterminants.

 

[15]           Septièmement, le tribunal a probablement exposé ses conclusions de la manière suivante :

Comme la conseil du ministre le souligne, plutôt que de demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale relativement à la première décision de la SAI, les parties ont décidé de présenter une deuxième demande de visa de résident permanent. Il est clair que, puisque la demande a été rejetée une seconde fois, l’appelant cherche maintenant à remettre en cause toute la question, espérant qu’un nouveau tribunal de la SAI rendra une décision factuelle différente et conclura que le mariage est effectivement fondé sur un amour véritable.

 

                Il serait difficile d’imaginer un exemple plus flagrant d’abus de procédure. Si cette pratique était acceptable, pratiquement tous les appelants dont il a été déterminé que le mariage n’était pas authentique pourraient profiter de ce manège ou d’un « appel par usure », tel que défini dans Khan, décision de la SAI qui précède Kaloti.

 

                En dernier lieu, la conseil de l’appelant avance que le principe de la chose jugée ne s’applique pas aux lois publiques et signale que, dans Kaloti, la SAI a préféré se fonder sur la doctrine de l’abus de procédure.

 

                Une fois de plus, cet argument mène l’appelant dans une impasse. Que la Cour d’appel fédérale ait eu ou non l’intention, dans Kaloti, de s’éloigner de la décision qu’elle avait rendue précédemment dans O’Brien, qui confirmait que le principe de la chose jugée s’appliquait aux lois publiques, l’appelant est toujours visé par la doctrine de l’abus de procédure qui a été invoquée dans Kaloti pour rejeter l’appel. Le tribunal n’est pas convaincu que le juge d’appel Décary, qui a rédigé les motifs de la Cour dans O’Brien et Kaloti, laissait entrevoir une telle intention de la part de celle‑ci.

 

                Il est légitimement dans l’intérêt public qu’une affaire ne soit pas remise en cause à maintes reprises par les mêmes parties. Le fait de permettre au présent appel de suivre son cours, compte tenu des fondements juridiques et des prétendus « nouveaux » éléments de preuve présentés ici, serait – pour la SAI – donner son aval à un processus qui, pour citer la Cour d’appel fédérale dans Kaloti, autoriserait l’intimé à « s’appuyer sur le dossier afin de ne pas être injustement persécuté ».

 

                En raison de la conclusion du tribunal concernant le principe de la chose jugée et de l’abus de procédure, ce dernier n’est pas tenu de considérer l’autre motif de refus [division 117(9)c)(ii)(B) du RIPR].

 

Analyse

[16]           L’avocat de M. Li avait soulevé trois points dans son mémoire :

           

1.  Le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’appliquait pas aux lois relevant du droit public;

2.  Si le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquait, les conditions de la préclusion pour question déjà tranchée, une variante de l’autorité de la chose jugée, étaient‑elles réunies? L’avocat a admis que la réponse à cette question dépendait si le même point avait été tranché dans la décision de la SAI de 2001, laquelle, comme je l’ai dit, reposait sur le paragraphe 4(3) de l’ancien Règlement, tandis que le second appel devait être instruit selon l’article 4 du nouveau Règlement. Il a fait valoir que les deux dispositions étaient différentes et que le tribunal avait commis une erreur en décidant comme il l’avait fait; et

3.  Le tribunal a commis une erreur parce qu’il n’a pas tenu compte des nouveaux documents présentés par l’appelant, avant de conclure à l’application du principe de l’autorité de la chose jugée ou à l’existence d’un abus de procédure. Selon l’avocat, le tribunal a rendu sa décision sans se fonder sur la preuve, et il a ajouté que le beau‑fils du parrain allait témoigner que les vêtements trouvés dans le placard durant la visite sur les lieux étaient ses vêtements à lui et expliquer pourquoi il avait sur le mur une photo de son père, pour ainsi réfuter la déduction faite par l’agent des visas dans la seconde demande, déduction selon laquelle l’épouse de l’appelant vivait encore avec son ex‑mari.

 

[17]           À l’audience, l’avocat de M. Li a abandonné son premier argument selon lequel le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’appliquait pas aux lois relevant du droit public.

 

[18]           S’agissant du second argument, auquel j’applique la norme de la décision correcte puisqu’il fait intervenir une question de droit, l’avocat de M. Li s’est rendu compte que son argument écrit avait été présenté avant que le juge Shore ne rende sa décision dans l’affaire Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CF 1442.

 

[19]           Dans la décision Mohammed, précitée, le juge Shore examinait une décision par laquelle la SAI avait rejeté un second appel concernant une seconde demande de parrainage, en invoquant le principe de l’autorité de la chose jugée. Le juge Shore examinait ce principe en se demandant si la même question avait été tranchée par la SAI selon l’ancien Règlement comme elle l’aurait été selon l’article 4 du nouveau Règlement. Il est arrivé à la conclusion que, dans les deux dispositions, la question était essentiellement la même, et il a cité en l’approuvant la décision Vuong, précitée, rendue par le commissaire Stein, de la SAI.

 

[20]           Je souscris aux motifs exposés par le juge Shore dans la décision Mohammed, précitée, et je rejetterais l’argument de l’avocat de M. Li.

 

[21]           Quant à son dernier argument, auquel s’applique également la norme de la décision correcte puisqu’il fait intervenir une question de droit, M. Rotenberg faisait valoir que le tribunal avait commis une erreur parce qu’il n’avait pas tenu compte du témoignage proposé de M. Li pour savoir si ce témoignage constituait une preuve nouvelle pertinente et recevable qui entrait dans l’exception à la règle selon laquelle une partie ne peut pas faire rejuger une affaire qui a été tranchée à titre définitif entre les mêmes parties. Il invoquait la décision rendue par le juge Nadon, de la Cour fédérale, Section de première instance, dans l’affaire Kular c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1393.

 

[22]           L’argument de l’avocat de M. Li est bien vu comme on peut le voir à la lecture des paragraphes suivants de la décision du juge Nadon :

¶ 5      Je crois qu’il convient de souligner que, lorsque l’affaire Kaloti a été entendue devant la Cour d’appel, l’avocat du demandeur a admis que la deuxième demande de parrainage de son client ne s’appuyait pas sur une nouvelle preuve. J’estime que c’est ce qui a motivé la Cour d’appel à conclure qu’il était loisible à la SAI de rejeter la demande, de manière à prévenir l’abus des procédures. La Cour d’appel n’a donc pas abordé la question de la chose jugée.

 

¶ 6      Dans l’affaire Kaloti, la Cour d’appel n’a pas décidé si un demandeur pouvait présenter une deuxième demande fondée sur une nouvelle preuve, c’est‑à‑dire une preuve pertinente et admissible. Autrement dit, un demandeur peut‑il déposer une deuxième demande pour démontrer l’intention de la conjointe qui fait l’objet du parrainage au moment du mariage, comme l’exige le paragraphe 4(3) du Règlement? Je suis d’avis que le dépôt d’une telle demande est permis.

 

¶ 7      Il appartient à la SAI de trancher la question de savoir si la deuxième demande constitue un abus des procédures ou si elle devrait être rejetée au motif qu’elle a déjà été jugée. Cependant, il me semble que la SAI doit donner l’occasion à la demanderesse de présenter sa preuve avant de trancher ces questions. Si la SAI est d’avis que la preuve présentée ne constitue pas une nouvelle preuve, il lui sera alors certainement loisible de rejeter la demande au motif qu’il s’agit d’un recours abusif. Si la preuve constitue effectivement une preuve nouvelle, la Commission peut alors décider si les questions soulevées ont qualité de chose jugée.

 

¶ 8      Je suis donc d’avis que la Commission a commis une erreur susceptible de révision judiciaire lorsqu’elle a rejeté l’appel de la demanderesse avant de lui donner l’occasion de présenter sa preuve. En conséquence, la décision de la SAI, rendue le 20 septembre 1999, est annulée et l’affaire est renvoyée pour une nouvelle audition et un réexamen devant une formation différemment constituée.

 

[23]           L’avocate du défendeur a fait valoir que le tribunal s’était conformé à la décision Kular, précitée. Je partage son avis.

 

[24]           Le tribunal avait devant lui les pièces communiquées par M. Li, c’est‑à‑dire 95 pages de documents censées attester l’authenticité du mariage, documents qui avaient été versés dans la preuve. L’avocat de M. Li a aussi communiqué en avril 2005 des documents supplémentaires qui avaient été évoqués précédemment.

 

[25]           Plus précisément, comme je l’ai dit, ces documents supplémentaires, à la page 146 du dossier certifié du tribunal, contiennent une lettre datée du 25 mai 2005 et adressée par Mme Zeng à l’agent des visas, où elle explique la présence de la photo de son ex‑mari sur un mur à son domicile, et la présence de vêtements d’homme chez elle.

 

[26]           Par ailleurs, dans son argument écrit sur le principe de l’autorité de la chose jugée, l’avocat de M. Li examinait cette preuve, notamment l’affirmation selon laquelle l’ancien avocat de M. Li qui avait comparu devant la SAI avait été négligent, et aussi les mauvais conseils reçus du conseiller en immigration.

 

[27]           Dans la décision Sekhon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI no 1354, le juge McKeown examinait la procédure que doit suivre la SAI pour permettre à une personne de présenter sa preuve, avant de décider si ladite preuve constitue une preuve nouvelle ou si l’appel constitue un abus de procédure. Il a souscrit à la décision de la SAI selon laquelle la décision Kular ne signifiait pas que la SAI devait accorder une audience à l’intimé, mais qu’il devait avoir la possibilité de présenter une preuve. Le juge McKeown s’était exprimé ainsi aux paragraphes 11 et 12 de sa décision :

¶ 11      Je conviens avec la section d’appel qu’elle n’était aucunement tenue d’accorder une audience complète, mais j’ai des réserves en ce qui a trait à la question de savoir si elle a donné à l’avocat du demandeur pleinement l’occasion de se faire entendre. À mon avis, la section d’appel aurait dû fournir aux avocats une copie de la décision Kular et leur demander de déposer leurs observations relativement à l’application de cette décision en l’espèce. L’avocat du demandeur a également commis une erreur en ne fournissant pas à la section d’appel un sommaire des nouveaux éléments de preuve qu’il se proposait de soumettre. Les seuls éléments de preuve qu’a mentionnés la Commission, et dont elle avait connaissance, étaient contenus dans la phrase suivante :

 

[TRADUCTION] Même la visite de M. Sekhobn en Inde a eu lieu après le dépôt de la deuxième demande.

 

¶ 12      Compte tenu de l’omission de la section d’appel de permettre aux avocats de commenter la décision Kular, je renvoie la présente affaire à la section d’appel. Cependant, le demandeur doit soumettre tout nouvel élément de preuve par voie d’affidavit. Rien n’exige qu’une audience soit tenue. En outre, le ministre doit être autorisé à déposer des affidavits en réponse s’il le désire. La section d’appel devra décider si cette deuxième demande constitue un recours abusif ou si elle devrait être rejetée en raison du principe de la chose jugée. Si elle décide que les éléments de preuve soumis ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve, la section d’appel pourra certainement rejeter la demande au motif qu’il s’agit d’un recours abusif. Si les éléments de preuve soumis constituent effectivement de nouveaux éléments de preuve, la section d’appel peut alors décider si les questions soulevées ont qualité de chose jugée.

 

[28]           Le dossier montre que, en l’espèce, le tribunal s’est conformé aux directives de la décision Sekhon puisque des arguments ont été avancés, que les preuves nouvelles proposées ont été déposées et qu’elles ont été suivies d’observations.

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L’avocat de M. Li a proposé des questions certifiées que je refuse de formuler. La présente affaire ne donne pas lieu à des questions de portée générale. La décision constitue un cas d’espèce.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM‑5040‑05

 

 

INTITULÉ :                                             WEI MIN LI

                                                                  c.

                                                                  MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       TORONTO

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 17 MAI 2006

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE LEMIEUX

 

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 14 JUIN 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cecil Rotenberg

Toronto (Ontario)

      POUR LE DEMANDEUR

 

 

Kristina Dragaitis

Toronto (Ontario)

      POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cecil Rotenberg

Avocat

      POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

      POUR LE DÉFENDEUR

 

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