Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051220

Dossier : IMM-9472-04

Référence : 2005 CF 1727

Toronto (Ontario), le 20 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN                  

ENTRE :

                                                       JOSE MARIA MARQUEZ

MARITZA JANNETT CEDENO PENA

MARITZA CAROLINA MARQUEZ CEDENO

JOSE GUSTAVO MARQUEZ CEDENO

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Le demandeur s'est livré à des activités politiques et il a travaillé pour le président Peres avant le coup d'État par lequel Hugo Chavez a pris le pouvoir. En 1992, il a ouvert une entreprise de courtage en douane et il donnait 10 p. cent de ses profits à l'Action Democratica, un parti politique. Il a commencé à avoir des problèmes lorsque Hugo Chavez a remporté les élections; par exemple, les agents de police et les fonctionnaires lui demandaient des pots-de-vin ou des renseignements. Il prétend que, le 2 avril 1999, deux hommes ont tenté d'enlever sa fille lorsque la mère est allée la chercher à l'école. Peu après, sa femme et ses enfants sont partis pour le Mexique, où il les a rejoints ultérieurement. Ils ont alors décidé d'habiter aux États-Unis et ils y sont restés de juin 1999 à décembre 2003.

[2]                Pendant cette période, le demandeur est retourné deux fois au Venezuela, une fois afin de renouveler les passeports de son épouse et de son fils, et une autre fois afin de vérifier si la situation qui l'avait poussé à fuir avait changé ou pouvait changer (et donc si sa famille pouvait rentrer au Venezuela). Le 19 décembre 2003, ils sont arrivés au Canada et ils ont fait une demande d'asile.

[3]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande, ayant conclu que le demandeur n'était pas crédible. Elle a conclu que le demandeur craignait des policiers pourris, non pas le gouvernement. Deuxièmement, vu le fait qu'il s'était rendu deux fois au Venezuela et qu'il avait séjourné quatre ans aux États-Unis, elle pouvait d'autant moins conclure au bien-fondé de sa demande d'asile.

[4]                M. Marquez demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission; il prétend qu'elle :

a)         n'a pas compris la teneur de sa demande, puisque c'est pour assurer la sécurité de ses enfants et non pas la sienne qu'il a fui et qu'elle n'a pas fait d'analyse en ce sens;


b)         n'a pas fait l'analyse de la demande d'asile fondée sur l'article 97.

[5]                 En l'espèce, l'issue de la demande dépend du degré de connexité entre le vécu du demandeur et la crainte de persécution. En ce qui a trait à la norme d'examen applicable, le juge de Montigny a fait les observations suivantes dans la décision Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2005 CF 634, au paragraphe 16, et j'abonde sans réserves dans son sens :

Avant d'examiner les deux questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire, il convient de déterminer la norme de contrôle applicable. Les deux points en litige soulèvent des questions mixtes de fait et de droit. Dans des décisions antérieures, la Cour a adopté une approche pragmatique et fonctionnelle à l'égard de chacune de ces questions et a conclu que, dans les deux cas, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter : Chaves c. Canada (MCI), [2005] A.C.F. no 232 (C.F.) et Jayesekara c. Canada (MCI), [2001] A.C.F. no 1393 (C.F.).

Pour ce qui est de la question de savoir si l'extorsion peut être assimilée à de la persécution pour les fins de la Convention sur les réfugiés, je crois qu'il est indubitable que c'est possible dans certaines circonstances. L'avocate du défendeur l'a admis volontiers et il existe de nombreuses décisions à cet effet (voir, p. ex., Ponnuthurai c. Canada (MCI), [2004] C.F. 819 (C.F.); Nadarajah c. Canada (MCI), [2004] C.F. 796 (C.F.); Packiam et al. c. Canada (MCI), [2004] C.F. 649 (C.F.)). Il est clair qu'il y a un lien entre l'extorsion et l'un des motifs énoncés dans la Convention si celle-ci a un mobile politique ou est liée de quelque manière à la race, à la nationalité, au groupe social ou à la religion de la victime.

[6]                Au regard de l'article 96, la conclusion de la Commission quant à sa sécurité personnelle était entièrement raisonnable. Comme le demandeur est rentré deux fois au Venezuela, cela ne reflète pas une crainte de persécution dans ce pays.

[7]                Il a séjourné quatre ans aux États-Unis et ses explications à ce sujet ne sont tout simplement pas crédibles. Au cours des quatre années où il a vécu aux États-Unis comme immigrant illégal, il aurait certainement pu savoir qu'il y avait un programme de protection des réfugiés dans ce pays.

[8]                Cependant, au regard de l'article 97, je suis d'avis que la Commission a mal compris la nature des allégations faite par les demandeurs. M. Marquez et son épouse, qui était la représentante désignée des enfants, ont déclaré dans leur FRP et au cours de leur déposition devant la Commission que la raison pour laquelle ils avaient fui le Venezuela était qu'ils craignaient pour leurs enfants. Ils ont fui parce qu'ils craignaient qu'ils se fassent enlever.

[9]                C'est à la Commission qu'il revient de statuer sur la question de savoir si cette crainte est bien étayée ou crédible; il ne m'appartient pas de me prononcer sur cette question. Cependant, cette question n'est même pas mentionnée par la Commission, a fortiori elle n'en a fait aucune analyse, même superficielle. Dans sa décision, la Commission ne parle que du demandeur, elle ne parle jamais de son épouse, la représentante désignée des enfants, ni du danger que courraient ceux-ci. Dans les circonstances, je ne peux pas conclure que le rejet de la demande d'asile au regard de l'article 97 ait été raisonnable.

[10]            Par conséquent, la présente demande sera accueillie et l'affaire sera renvoyée à la Commission pour réexamen.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que soit annulée la décision de la Commission du 25 octobre 2004 et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour réexamen.

                                                                                                           « K. von Finckenstein »                                                                                                               

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-9472-04

INTITULÉ :                                           JOSE MARIA MARQUEZ

MARITZA JANNETT CEDENO PENA

MARITZA CAROLINA MARQUEZ CEDENO

JOSE GUSTAVO MARQUEZ CEDENO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 19 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                          LE 20 DÉCEMBRE 2005            

COMPARUTIONS:                            

Jose Maria Marquez

Maritza Jannett Cedeno Pena                    POUR LES DEMANDEURS

Janet Chisholm       

John Pro                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:      

Jose Maria Marquez

St. Catherines (Ontario)                       POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada           POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.