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Date : 20200225

Dossier : T‑1645‑19

Référence : 2020 CF 299

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 février 2020

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

FLUID ENERGY GROUP LTD.

demanderesse

et

EXALTEXX INC., NOVAMEN INC. ET

GLOBALQUIMICA PARTNERS LLC

défenderesses

ORDONNANCE QUANT AUX DÉPENS ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  À la suite de l’ordonnance que j’ai rendue le 20 janvier 2020 dans cette affaire, les parties ont déposé des observations écrites sur les dépens conformément aux délais fixés dans cette ordonnance : Fluid Energy Group Ltd v Exaltexx Inc, 2020 FC 81, au para 135. Après examen de ces observations, j’ordonne à Fluid, aux motifs dont l’exposé suit, de payer à Exaltexx la somme globale de 25 848,04 $ au titre des dépens afférents à la requête en injonction, quelle que soit l’issue de l’instance.

II.  Analyse

A.  Positions des parties

[2]  Exaltexx fait valoir qu’elle s’est vue obligée d’introduire sa requête en raison du risque de préjudice commercial que représentaient pour elle les lettres de Fluid, que celles‑ci étaient désinvoltes et d’un caractère exceptionnel, et qu’elle a obtenu en grande partie gain de cause dans cette requête. En conséquence, elle soutient que la Cour devrait lui accorder les dépens y afférents, et condamner Fluid à lui payer sans délai, quelle que soit l’issue de l’instance, des dépens majorés sous la forme d’une somme globale. Établissant le total de ses frais judiciaires à 94 310,48 $, montant auquel elle applique un pourcentage de 30 % fondé sur les facteurs pertinents énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, Exaltexx demande la somme de 28 293,14 $ au titre des dépens, plus 2 270,42 $ au titre des débours, soit un total de 30 563,56 $.

[3]  Fluid soutient de son côté que, comme les deux parties ont obtenu partiellement gain de cause dans la requête, elles devraient respectivement assumer leurs propres dépens. Elle avance à titre subsidiaire que les dépens, si la Cour en adjuge, devraient être taxés à l’échelon médian de la colonne III (ce qui donnerait une somme de 2 835 $ selon les calculs d’Exaltexx), et qu’Exaltexx n’a pas présenté d’éléments de preuve suffisants au soutien de sa demande d’une somme globale. Quoi qu’il en soit, Fluid ajoute que la Cour ne devrait pas exiger le paiement sans délai des dépens qu’elle déciderait d’adjuger.

B.  Principes généraux

[4]  Le premier principe de l’adjudication des dépens est que la Cour « a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir » : paragraphe 400(1) des Règles; et Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25, au para 10.

[5]  L’adjudication de dépens peut remplir plusieurs fonctions. Le juge Grammond a récemment attribué trois objectifs à cette opération : 1) l’objectif « le plus traditionnel », qui est l’indemnisation partielle de la partie ayant gain de cause par le moyen d’une « contribution raisonnable » aux frais de l’instance; 2) l’objectif « de politique publique » consistant à régler le comportement des plaideurs; et 3) la facilitation de l’accès à la justice, à propos de laquelle il définit des questions susceptibles d’influer sur la décision de prononcer ou non des dépens, ou sur leur montant : Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 1119, aux para 3, 4, 5 et 9; et Nova Chemicals, aux para 13 et 19. Chacune de ces fonctions sont à prendre en considération, conjointement avec les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles. Ceux-ci peuvent revêtir plus ou moins d’importance selon l’espèce.

C.  Gain de cause total ou partiel comparaître

[6]  Conformément au principe général voulant que les dépens soient accordés à la partie qui obtient gain de cause, l’alinéa 400(3)a) des Règles dispose que la Cour peut tenir compte du « résultat de l’instance ». Dans la présente espèce, Exaltexx n’a pas obtenu l’intégralité de l’injonction qu’elle demandait. Plus précisément, j’ai refusé d’interdire à Fluid d’entrer en rapport avec des clients et de soutenir qu’Exaltexx contrefaisait ses brevets, au motif que cette dernière n’avait pas soulevé une question sérieuse à cet égard, vu l’insuffisance des éléments de preuve produits. Fluid avance que, le gain de cause étant partagé, la Cour ne devrait pas adjuger de dépens.

[7]  Le refus d’adjuger des dépens est chose « courante » en cas de gain de cause partagé, mais « cette issue n’est pas imposée par un principe de droit immuable » : Mylan Pharmaceuticals ULC c Bristol-Myers Squibb Canada Co, 2013 CAF 231, au para 6. Comme le rappelait le juge Barnes dans la décision confirmée par l’arrêt Mylan, la partie ayant obtenu gain de cause ne sera pas en général pénalisée simplement parce que le tribunal n’a pas accueilli favorablement la totalité de ses arguments : Bristol-Myers Squibb Canada Co c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2013 CF 48, au para 4, citant Sanofi-Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 1138, aux para 8 et 9.

[8]  S’il est vrai qu’Exaltexx n’a pas obtenu l’intégralité de l’injonction qu’elle demandait, il reste que Fluid n’avait en fait expédié aucune lettre aux clients au moment de l’introduction de la requête. J’en conclus comme Exaltexx que celle‑ci a par conséquent obtenu une ordonnance interdisant la conduite particulière qui était à l’origine de sa requête.

[9]  Il n’est pas possible d’évaluer avec précision les gains de cause partiels respectifs lorsque plusieurs chefs sont soulevés et que chacune des parties l’emporte sur l’un ou l’autre. Tout compte fait, j’estime en l’espèce qu’Exaltexx a eu principalement gain de cause et qu’il convient de lui adjuger les dépens.

[10]  Néanmoins, je pense comme Fluid que le manque de succès d’Exaltexx sur certains chefs – au point de se voir reprocher sur l’un d’eux de ne pas avoir soulevé une question sérieuse – est à prendre en considération. Ces chefs ont effectivement augmenté les frais de l’instance, encore que, après examen de la transcription des débats, je rejette l’affirmation de Fluid selon laquelle Mme Ayotte n’aurait pas été contre-interrogée s’ils n’avaient pas été soulevés. J’estime donc juste de prendre en compte le gain de cause partiel de Fluid pour la fixation du montant des dépens; voir par exemple ADIR c Apotex, 2008 CF 1070, au para 6.

[11]  Fluid fait également valoir que les problèmes de divulgation soulevés par Exaltexx ont été réglés avant l’audience puisqu’elle a consenti à communiquer les éléments de preuve demandés. Je pense comme Fluid que cela a réduit les frais des parties ainsi que le nombre de chefs de la requête, ce qui est louable. Mais cette réduction des frais des parties sera déjà prise en compte dans toute décision sur les dépens, que ceux­‑ci soient calculés en proportion des frais effectivement engagés par Exaltexx (qui seraient en conséquence moindres), ou sur la base du tableau du tarif B (puisque l’audience s’en est trouvée abrégée). Il n’est donc pas nécessaire qu’elle donne lieu de surcroît à une réduction distincte des dépens. Je n’estime pas non plus que ce point influe sensiblement sur la question du « gain de cause partagé » : Exaltexx a effectivement obtenu gain de cause sur ce chef, mais son succès découle de l’accord consenti par Fluid avant l’audience, concernant un problème d’information accessoire aux chefs principaux de la requête.

D.  La somme globale et les dépens majorés

[12]  L’article 407 des Règles dispose que, dans les cas où ils sont taxés par un officier taxateur (qui peut être un fonctionnaire du greffe, un juge ou un protonotaire), les dépens doivent l’être en conformité avec la colonne III du tarif B, sauf ordonnance contraire de la Cour : articles 2 (définition de l’expression « officier taxateur »), 405 et 407. Bien qu’il porte spécialement sur la taxation des dépens par un officier taxateur, l’article 407 des Règles a été défini par la Cour d’appel fédérale comme énonçant un principe généralement applicable à l’adjudication des dépens : Wihksne c Canada (Procureur général), 2002 CAF 356, aux para 11 et 12.

[13]  Cependant, les Règles disposent aussi, au paragraphe 400(4), que la Cour peut adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés. Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait observer, les tribunaux privilégient de plus en plus l’adjudication de sommes globales « pour la bonne raison » que cette formule fait gagner du temps et économiser de l’argent par rapport à la taxation; en outre, ladite formule peut convenir aux affaires aussi bien simples que complexes : Nova Chemicals, aux para 11 et 12.

[14]  L’adjudication en somme globale de dépens majorés – c’est‑à‑dire plus élevés que si on les calculait selon la colonne supérieure du tarif B – peut se justifier dans les cas où même les dépens fixés d’après l’extrémité supérieure du tarif n’ont « à peu près rien à voir avec l’objectif de la contribution raisonnable au coût du litige » : Nova Chemicals, au para 13. Cependant, comme le rappelle Fluid, l’adjudication de dépens majorés ne peut se fonder sur le seul fait que les frais effectivement engagés sont considérablement supérieurs à ceux que le tarif permettrait de recouvrer, et la partie qui demande de tels dépens doit démontrer en quoi les circonstances de l’espèce justifient cette majoration : Nova Chemicals, au para 13, citant Wihksne, para 11.

[15]  Le juge Grammond faisait observer qu’« il ne semble pas exister de critères précis » pour justifier la majoration des dépens : Whalen, au para 30. Toutefois, certains facteurs tels que les ressources, la sophistication et les attentes raisonnables des parties, la nature et le bien-fondé de la cause, ainsi que les facteurs recensés à l’article 400(3) des Règles peuvent se révéler applicables à une espèce déterminée : Sport Maska Inc v Bauer Hockey Ltd, 2019 FCA 204, aux para 50 et 51; Whalen, aux para 30 et 31; Philip Morris Products SA c Marlboro Canada Limitée, 2015 CAF 9, aux para 4 et 5; et Mariano c La Reine, 2016 CCI 161, aux para 24 et 43 à 46. Au final, la question est de savoir si l’octroi de dépens selon un barème supérieur permettra de mieux atteindre les objectifs fixés à l’adjudication de dépens : Whalen, au para 30.

[16]  Fluid fait valoir que la Cour d’appel, dans l’arrêt Sport Maska, n’a accordé les dépens majorés sous la forme d’une somme globale qu’après avoir pris en compte la sophistication commerciale des parties et l’« absence totale de fondement des thèses de l’appelante » : Sport Maska, aux para 48 à 51. Si je souscris à l’idée que le bien-fondé ou l’absence de bien-fondé des thèses des parties est pertinent quant à la question des dépens, je ne crois pas que la Cour d’appel ait ici posé en principe que l’« absence totale de fondement des thèses de l’appelante » constitue une condition préalable à l’adjudication de dépens majorés sous forme de somme globale. En fait, cette interprétation entrerait en contradiction avec l’arrêt Nova Chemicals, sur lequel la Cour d’appel s’est fondée dans son arrêt Sport Maska. Dans l’arrêt Nova Chemicals, en effet, la Cour d’appel a confirmé l’adjudication de dépens majorés calculés en proportion des frais judiciaires sans prendre en considération le bien-fondé de la thèse de la partie succombante : Nova Chemicals, aux para 2, 9 et 22, conf. 2016 CF 91.

[17]  Je conclus que l’adjudication de dépens majorés sous forme de somme globale se justifie dans les circonstances de la présente espèce, pour les raisons suivantes : i) les deux parties sont des plaideurs commerciaux avertis, que je peux raisonnablement supposer conscients des risques et des coûts d’une procédure judiciaire, et pourvus des ressources nécessaires aussi bien pour retenir les services d’avocats que pour payer des dépens majorés sans que cela représente pour eux une charge excessive; ii) même un montant fondé sur l’extrémité supérieure du tableau du tarif B serait sans proportion avec l’objectif d’une contribution raisonnable aux frais de l’instance, puisqu’il ne représenterait que 5 % des frais effectivement engagés par Exaltexx dans sa requête; iii) dans le cas où un montant calculé selon le tarif B se révélerait insignifiant par rapport aux frais effectivement engagés et compte tenu des questions en litige, la limitation des dépens à un tel montant risquerait de réduire leur efficacité à remplir la fonction « de politique publique » consistant à régler le comportement des plaideurs; iv) l’adjudication de dépens majorés sous forme de somme globale n’aurait pas ici, selon moi, de conséquences défavorables sur l’accès à la justice, que ce soit directement dans la présente espèce ou en exerçant un effet injustifié de dissuasion sur des plaideurs se trouvant dans une situation analogue; v) la nature des questions en litige, notamment les actes interdits par l’ordonnance; vi) l’importance des chefs de la requête, en particulier pour Exaltexx; et vii) la quantité de travail fournie dans la préparation de la requête, ainsi que les délais serrés dans lesquels on a dû la préparer et la plaider.

[18]  La Cour d’appel notait dans l’arrêt Nova Chemicals que les dépens majorés adjugés sous forme de somme globale correspondent généralement à un pourcentage de 25 % à 50 % des frais effectivement engagés, encore que certaines circonstances puissent justifier des pourcentages supérieurs ou moindres : Nova Chemicals, au para 17. La proportion de 30 % proposée par Exaltexx s’inscrit dans cette fourchette. Cependant, me fondant sur la question du gain de cause partiel examinée plus haut, j’estime préférable d’accorder une somme correspondant à l’échelon inférieur de ladite fourchette, de sorte que j’adjugerai des dépens fixés à 25 % des frais effectivement engagés, plutôt que de retenir la proportion demandée de 30 %.

E.  Les éléments de preuve présentés par Exaltexx sur ses frais

[19]  Exaltexx a joint à sa demande de dépens, au soutien de celle‑ci, une annexe comprenant un état des frais qu’elle a effectivement engagés et un projet de mémoire de frais établi selon le tarif B. Elle n’a pas produit d’affidavits, ni de copies de factures ou de bordereaux, mais son avocat a spécifié qu’il avait connaissance des débours et qu’ils avaient été [TRADUCTION] « raisonnablement engagés », offrant à la Cour de lui présenter au besoin un supplément de preuve documentaire.

[20]  Invoquant le paragraphe 30 de la décision Alcon Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals, 2014 CF 525, Fluid soutient qu’Exaltexx n’a pas déposé d’éléments de preuve permettant à la Cour d’établir le caractère raisonnable de ses frais et de justifier ainsi l’adjudication d’une somme globale. Fluid note également que les frais dont Exaltexx fait état pour une requête dont l’instruction a duré une demi-journée [TRADUCTION] « semblent très élevés », Exaltexx déclarant avoir engagé, pour la période du 1er au 9 janvier (date de l’audience de la requête), des frais qui correspondent à des journées de 12 heures au taux horaire de 500 $.

[21]  La Cour d’appel a formulé, aux paragraphes 14, 15, 18 et 20 de l’arrêt Nova Chemicals, les observations suivantes touchant les éléments de preuve nécessaires au soutien d’une demande de dépens :

Généralement, il est indiqué de joindre aux demandes d’adjudication de sommes globales un mémoire de frais et un affidavit concernant les débours dont le montant n’est pas connu de l’avocat. Dans la plupart des cas, ces documents fourniront un bon point de départ à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

L’adjudication d’une somme globale au titre des dépens doit être justifiée au regard des circonstances de l’affaire et des objectifs qui sous‑tendent l’adjudication des dépens. Il ne s’agit pas d’en fixer le montant ou le pourcentage de façon arbitraire. Toutefois, je ne souscris pas à la thèse de Nova voulant que la preuve soumise à l’examen du juge chargé d’adjuger une somme globale doive être d’une ampleur comparable à celle qui serait exigée dans le cadre d’une taxation effectuée par un officier taxateur qui ne connaît pas bien le dossier. À mon sens, agir ainsi irait à l’encontre de l’objet visé par l’adjudication d’une somme globale, à savoir épargner aux parties le temps et l’argent qui auraient par ailleurs été consacrés au processus de taxation.

(1)  Frais judiciaires

[...]

Lorsqu’une partie demande l’adjudication de dépens sous forme de somme globale fixée selon un pourcentage des frais judiciaires effectivement engagés et que cette somme est supérieure au barème prévu au tarif, il est indiqué pour la partie de produire un mémoire de frais et des éléments de preuve étayant les frais effectivement engagés. Il est également indiqué de fournir une description des services rendus en contrepartie qui permet de justifier l’indemnisation de la partie. Ainsi, la preuve de la nature et de l’étendue des services fournis doit être suffisante pour permettre à la partie de prendre une décision éclairée quant au règlement des frais ou à leur contestation et à la Cour de conclure au caractère raisonnable des frais effectivement engagés et du pourcentage adjugé dans le cadre d’un litige.

[...]

(2)  Débours

Les débours doivent être, selon le libellé du tarif, « raisonnable[s] ». Il doit donc s’agir de dépenses justifiées au regard des questions en litige. Lorsque l’avocat ne connaît pas le montant des débours, il convient généralement de fournir par affidavit à la Cour la preuve qu’ils ont effectivement été engagés et qu’ils étaient raisonnablement requis.

[Non souligné dans l’original.]

[22]  La déclaration des avocats selon laquelle ils ont connaissance des débours s’accorde avec les observations de la Cour d’appel sur cette question. La ventilation des débours présentée à la Cour lui permet de conclure à leur caractère raisonnable, et Fluid ne conteste pas spécialement le calcul de ces dépenses.

[23]  Pour ce qui concerne les frais judiciaires, je relève deux observations de la Cour d’appel : le niveau de preuve nécessaire dans le contexte d’une demande d’adjudication en somme globale adressée au juge du fond n’est pas le même que celui qu’exige la taxation par un officier taxateur; et il est de bonne règle de produire des éléments de preuve relatifs aux frais effectivement engagés ainsi qu’une description des services fournis, afin de permettre à la Cour de décider si ces frais sont raisonnables : Nova Chemicals, aux para 15 et 18.

[24]  S’il est vrai qu’une ventilation plus détaillée serait utile à cette fin et doit être encouragée, les pièces et écritures produites me permettent de conclure que les frais dont on fait état ont été engagés dans le cadre de la requête et qu’ils sont raisonnables. L’avocat d’Exaltexx a joint à l’état de frais des notes indiquant qu’on en avait déduit les sommes afférentes à la requête en radiation de la déclaration, et le montant global des frais établis n’est pas hors de proportion avec les dépenses prévisibles s’agissant d’une importante requête en injonction, qu’on a introduite dans le cadre d’un litige de brevet selon des délais serrés, qui a nécessité plusieurs étapes préliminaires et qui a donné lieu à une audience complète. Comme le juge dont la décision est examinée dans l’arrêt Nova Chemicals, j’ai acquis en suivant l’affaire une connaissance du dossier qui m’aide dans l’établissement des dépens : Nova Chemicals, au para 22.

[25]  J’observe également que les circonstances de l’affaire Alcon étaient passablement différentes : il y avait lieu de penser que l’état de frais pouvait s’appliquer à du travail déjà pris en compte dans une décision distincte sur les dépens, et les dépens adjugés par la Cour comprenaient à la fois un élément avocat-client et un élément tarif, qu’elle se trouvait incapable de calculer à partir des pièces dont elle disposait : Alcon, aux para 25 à 30. En l’espèce, les frais judiciaires dont il est fait état se rapportaient tous expressément à la requête tranchée, et il n’est nul besoin de distinguer des frais correspondant à des périodes différentes.

[26]  Concernant la remarque de Fluid selon laquelle les frais déclarés par Exaltexx [TRADUCTION] « semblent très élevés », je m’accorde avec celle‑ci pour penser que cette affirmation ne présente guère de valeur probante en l’absence de toute indication de Fluid sur les frais qu’elle a elle-même engagés : Loblaws Inc c Columbia Insurance Company, 2019 CF 1434, au para 35. Reprenant ici à mon compte l’observation formulée par le juge Southcott dans la décision Loblaws, je dirai que les parties ont mis l’affaire en état « de manière efficace et expéditive, ce qui m’incite moins à analyser à la loupe de quelle façon [Exaltexx] a décidé de recourir à des ressources juridiques pour atteindre cet objectif ». Le calcul de Fluid concluant à des journées de 12 heures à raison de 500 $ de l’heure se fonde sur des hypothèses concernant le nombre des avocats intéressés et les taux horaires qui ne sont peut-être pas justifiées et qui, encore une fois, se révèlent moins convaincantes en l’absence d’une comparaison avec ses propres frais.

F.  Le paiement des dépens sans délai

[27]  Exaltexx demande à la Cour d’ordonner le paiement des dépens sans délai. Fluid s’oppose à cette demande, invoquant le paragraphe 401(2) des Règles, selon lequel la Cour doit ordonner que les dépens afférents à une requête soient payés sans délai si elle « est convaincue que [cette] requête n’aurait pas dû être présentée ou contestée ».

[28]  Je pense comme Exaltexx que la Cour peut ordonner le paiement des dépens sans délai même dans le cas où la requête ne tombe pas sous le coup du paragraphe 401(2) des Règles. Cependant, celui‑ci n’en suggère pas moins une ligne de conduite, et il serait contraire au libellé et à la structure des Règles concernant cette question de ne pas tenir compte de leur indication selon laquelle le paiement sans délai des dépens afférents à une requête est conçu comme devant être l’exception plutôt que la règle.

[29]  Dans la présente espèce, on ne m’a pas convaincu que les circonstances justifient une ordonnance de paiement sans délai. Cependant, étant donné que les questions mises en litige par la requête en injonction étaient ponctuelles et n’influent pas sur la décision au fond, j’estime justifié d’adjuger les dépens dès maintenant et d’en ordonner le paiement à Exaltexx quelle que soit l’issue de l’instance : Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2007 CF 344, aux para 6 à 8.

G.  Note finale : chronologie de la présentation des observations et de la décision sur les dépens

[30]  Selon les observations écrites de Fluid, la Cour aurait suggéré à la clôture de l’audience que la question des dépens afférents à la requête soit instruite à la fin de l’instance principale, et Fluid aurait alors exprimé son accord. Le souvenir de la Cour était différent. J’ai écouté le passage de l’enregistrement de l’audience concernant ce point afin de m’assurer qu’il n’y avait pas eu malentendu.

[31]  À la clôture de l’audience sur le fond, la Cour a demandé aux avocats s’ils convenaient que les dépens devaient suivre le sort de la requête. L’avocat d’Exaltexx a alors informé la Cour qu’il avait des observations à présenter sur cette question. La Cour lui ayant demandé si elle devait considérer les observations comme à suivre, il a répondu par l’affirmative. C’est sur cette réponse que Fluid a exprimé son accord, de sorte que la Cour a décidé que les observations suivraient. J’estime en conséquence établi que la procédure fixée dans mon ordonnance du 20 janvier 2020 et dont le déroulement a donné lieu à la présente ordonnance est conforme à l’accord exprimé par les parties à l’audience. Je ne saurais reprocher aux avocats de ne se rappeler qu’imparfaitement de brèves observations formulées sur les dépens, et l’accord y afférent conclu, à la fin d’une longue audience.

III.  Conclusion

[32]  Exaltexx a droit aux dépens, à raison de 25 % du montant global des frais effectivement engagés, qui s’établit à 94 310,48 $ (23 577,62 $), et à des débours de 2 270,42 $, ce qui fait un total de 25 848,04 $. Ces dépens sont à payer, quelle que soit l’issue du litige, mais non pas sans délai.

[33]  Je précise par souci de clarté que si les défenderesses autres qu’Exaltexx étaient représentées à l’audience, leurs avocats n’y assistaient qu’à titre d’observateurs, et qu’aucune des parties n’a demandé à la Cour de prononcer de dépens contre elles.

ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T‑1645‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. Fluid Energy Group Ltd paiera à Exaltexx les dépens afférents à la requête considérée, fixés au montant global de 25 848,04 $, quelle que soit l’issue de l’instance.

« Nicholas McHaffie »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1645‑19

 

INTITULÉ :

FLUID ENERGY GROUP LTD c EXALTEXX INC ET AL

OBSERVATIONS ÉCRITES SUR LES DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DE l’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 25 FÉVRIER 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Trevor McDonald

Robert Martz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Matthew Norton

 

POUR LA DÉFENDERESSE exaltexx inc

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burnet, Duckworth & Palmer, srl

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Smart & Biggar, srl

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE Exaltexx inc

 

MBM IP Law, srl

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES novamen inc ET
globalquimica partners LLC

 

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