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Date : 20200430


Dossiers : IMM-2128-18

IMM-4076-18

Référence : 2020 CF 573

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2020

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

RICARDO ANTONIO LOPEZ ALVAREZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Ricardo Antonio Lopez Alvarez, demande l’annulation de deux décisions défavorables rendues suite à un examen des risques avant renvoi (ERAR) et dans lesquelles il a été conclu qu’il ne serait pas exposé à un risque s’il était renvoyé au Honduras.

[2]  La première décision défavorable rendue suite à un ERAR a été rendue avant que l’agent ait eu la possibilité d’examiner les documents fournis par le demandeur. Il a été convenu que compte tenu des nouveaux documents, la décision serait examinée de nouveau par le même agent. Après cet examen, une deuxième décision, un addenda en fait, a été rendue relativement à l’ERAR. Il a été a conclu dans celle-ci que le demandeur n’avait pas établi qu’il serait exposé à un risque de persécution ou de mauvais traitement s’il était renvoyé au Honduras.

[3]  Le demandeur conteste les deux décisions et, sur consentement des parties, les questions ont été entendues en même temps. En fait, la deuxième décision rendue relativement à l’ERAR est simplement un addenda à la première, de sorte que les « motifs » de la deuxième décision intègrent ceux de la première. Les présents motifs portent sur les deux questions, et une copie sera placée dans chaque dossier.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

I.  Contexte

[5]  Le demandeur est un citoyen du Honduras. Il est arrivé au Canada en août 2011 dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il est revenu au Canada en août 2012, mais en juin 2013 il avait perdu son travail parce qu’il ne pouvait pas travailler à cause d’un problème de santé. Il a épousé une citoyenne canadienne en juin 2013.

[6]  Le permis de travail du demandeur a expiré en juillet 2013 et une mesure d’exclusion a été prise contre lui en août 2013. En janvier 2014, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada. Toutefois, le traitement de cette demande a été suspendu parce qu’en juin 2017 le demandeur a été condamné pour conduite avec les facultés affaiblies et omission de se conformer à un engagement. Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur en août 2017.

[7]  Le demandeur a présenté une demande d’ERAR le 12 décembre 2017, invoquant un risque au Honduras au motif de ses opinions politiques présumées en raison du fait qu’il est un employé municipal de la ville de San Lorenzo et en raison de son association avec le Parti national. Il a soutenu avoir été harcelé et menacé par des membres de l’opposition qui affirmaient qu’il avait participé à la corruption municipale.

[8]  Après la présentation de sa demande d’ERAR, le demandeur a obtenu des documents justificatifs de sa famille au Honduras, mais ils étaient en espagnol. Il a pris des dispositions pour faire traduire ces documents, et son avocat les a remis au défendeur le 22 mars 2018. Entre‑temps, le 9 mars 2018, il a reçu un avis de « convocation » de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à une rencontre le 3 avril 2018 pour recevoir la décision relative à son ERAR. L’avocat du demandeur a communiqué avec l’agent de l’ASFC pour expliquer qu’il avait fourni d’autres documents et l’agent a annulé la rencontre du 3 avril 2018.

[9]  Le demandeur a ensuite reçu un autre avis de convocation à une rencontre le 25 avril 2018. À ce moment, il avait reçu la première décision défavorable relative à l’ERAR, datée du 2 mars 2018, qui ne tenait pas compte des nouveaux documents que son avocat avait présentés. Le demandeur a été avisé que son renvoi du Canada avait été prévu pour le 3 juillet 2018. Le renvoi a plus tard été annulé, et les parties ont accepté que, compte tenu de la décision Chudal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1073, l’agent d’ERAR examinerait la décision et tiendrait compte des documents que le demandeur avait présentés en mars 2018. Les parties ont aussi accepté que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la première décision relative à l’ERAR (IMM-2128-18) soit tenue en suspens.

[10]  Le demandeur a reçu la deuxième décision défavorable relative à l’ERAR le 7 août 2018 et son renvoi a été fixé au 20 août 2018. La Cour a rendu une ordonnance sursoyant à l’exécution de la mesure de renvoi.

[11]  La deuxième décision relative à l’ERAR est désignée comme un « addenda » à la première. Elle ne reprend pas toute l’analyse indiquée dans la première décision, mais porte plutôt sur la nouvelle preuve. Il faut lire les deux décisions conjointement.

II.  Les décisions faisant l’objet du présent contrôle

[12]  La première décision relative à l’ERAR commence par rappeler l’historique d’immigration du demandeur et souligne qu’il a fondé sa demande d’ERAR sur ses craintes de retourner au Honduras en raison de ses opinions politiques présumées et de son association avec le Parti national et l’administration municipale de San Lorenzo. Le demandeur a fourni une preuve que la maison de sa mère avait été cambriolée et qu’un message adressé au demandeur avait été laissé et que celui-ci indiquait qu’il [traduction« ne devrait même pas penser à rester au Honduras ». Le demandeur déclare qu’il a été victime d’une agression peu de temps par la suite, au cours de laquelle il a été menacé et qu’il s’est retrouvé à l’hôpital pendant six jours. L’agent admet ces éléments de preuve. Toutefois, il souligne que les assaillants n’étaient pas connus du demandeur ou de la police et qu’il n’a formulé aucune allégation quant à leur identité possible.

[13]  L’agent déclare que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve pour établir qu’il était membre du Parti national, qu’il avait travaillé pour l’administration municipale ou que sa mère ou sa famille avait joué un rôle politique au Honduras. Par conséquent, le cambriolage et l’agression ne constituaient pas une preuve qu’il était exposé à un risque éventuel de préjudice en raison de ses opinions politiques présumées ou de son emploi. Selon la preuve documentaire, les agressions armées et les homicides avaient été commis sur des candidats politiques, des dirigeants de partis et des militants ainsi que leur famille. L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il correspondait au profil politique d’une personne susceptible d’être ciblée au Honduras.

[14]  L’agent souligne que le Parti national avait remporté la dernière élection nationale et que même si de nombreux citoyens avaient contesté les résultats, le gouvernement était néanmoins entré en fonction. La preuve objective n’appuyait pas la revendication du demandeur selon laquelle il était personnellement exposé à un risque.

[15]  En ce qui concerne l’allégation de risque généralisé en raison de la criminalité au Honduras ou du risque particulier pour les personnes qui sont perçues comme membres de gangs opposés, l’agent conclut que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve pour appuyer le fait qu’il faisait partie d’un gang opposé ou qu’il était par ailleurs exposé à un tel risque. La preuve indiquait plutôt que le demandeur était exposé au même risque généralisé de violence que les autres habitants du Honduras.

[16]  Enfin, l’agent souligne le souhait du demandeur de demeurer au Canada parce que son épouse et ses enfants y vivent, mais il a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un facteur à prendre en compte dans le cadre d’un ERAR; ce facteur  pourrait plutôt faire partie d’une demande distincte fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[17]  Pour ces raisons, l’agent a rejeté la demande d’ERAR.

[18]  Après la réception de la preuve supplémentaire présentée par le demandeur, le même agent d’ERAR a réexaminé la demande. La décision rendue est intitulée [traduction« Décision relative à l’ERAR – ADDENDA ». Elle porte sur la nouvelle preuve que le demandeur a fournie à la fin mars 2018 et ne reprend pas l’ensemble de la décision antérieure. Comme je l’ai indiqué, la deuxième décision intègre effectivement la première et s’en inspire et les décisions doivent donc être lues conjointement.

[19]  L’agent souligne que plusieurs documents ont été fournis et qu’ils confirment les activités politiques du demandeur, son affiliation avec le Parti national et le fait qu’il a été un employé municipal de San Lorenzo. Toutefois, l’agent souligne que le Parti national, ayant remporté un mandat de quatre ans à une élection nationale, est actuellement au pouvoir au Honduras. L’essentiel du raisonnement de l’agent est indiqué dans le passage suivant :

[traduction

J’accepte que le demandeur était membre du Parti national et qu’il est un ancien employé municipal de San Lorenzo. J’accepte également qu’il a été victime de persécution, de harcèlement, de menaces et d’intimidation de la part du parti d’opposition en 2011; toutefois, je souligne que le demandeur est membre du Parti national, lequel est au pouvoir au Honduras en ce moment. Je souligne aussi que le demandeur n’a pas vécu au Honduras depuis plus de six ans. Je n’ai pas reçu suffisamment d’éléments de preuve indiquant que le parti d’opposition ou quiconque serait intéressé à lui faire du tort six ans après son départ du Honduras.

Dans le présent cas, le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer sa demande. Par conséquent, sans preuve justificative suffisante pour appuyer sa demande, je me dois de conclure que, d’une manière prospective, le demandeur ne sera pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution au Honduras et qu’il n’est guère probable qu’il soit exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. La demande ne satisfait pas aux exigences des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

La demande est rejetée.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[20]  L’unique question en litige en l’espèce consiste à déterminer si la deuxième décision rendue relativement à l’ERAR est raisonnable. La contestation de la première décision rendue relativement à l’ERAR (IMM-2128-18) est incluse en l’espèce, parce que la deuxième décision intègre la première et s’en inspire.

[21]  Au moment où la présente affaire était débattue, les principales sources qui faisaient autorité quant à la norme de contrôle du caractère raisonnable d’une décision étaient l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, et les décisions qui s’en sont inspirées. Depuis, la Cour suprême du Canada a mis à jour et clarifié le cadre d’analyse du contrôle judiciaire dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], appliqué dans Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66, et Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Postes Canada].

[22]  Compte tenu du paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, je ne vois aucune raison, vu les faits en présence, d’exiger des parties des observations additionnelles quant à la norme applicable ou quant à son application. La présente affaire est semblable à celle dont il est question dans l’arrêt Société canadienne des postes où la Cour suprême a déclaré au paragraphe 24 qu’il ne résultait aucune injustice d’entendre une affaire selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov alors qu’elle a été selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Dunsmuir, puisque les deux cadres auraient entraîné le même résultat. Le même raisonnement s’applique en l’espèce.

[23]  La norme de contrôle qui s’applique au bien-fondé des décisions rendues à l’égard de l’ERAR est celle de la décision raisonnable. Cette norme a été appliquée dans des décisions antérieures (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa]; Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 941, au paragraphe 17). Elle n’a pas été modifiée par l’arrêt Vavilov.

[24]  Au moment d’évaluer le caractère raisonnable, la Cour vérifie « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au par. 99). Elle doit être intrinsèquement cohérente et rationnelle (Vavilov, au par. 85).

[25]  Ainsi, la décision sera déraisonnable si les motifs, lus en corrélation avec le dossier, ne permettent pas à la Cour de comprendre le raisonnement du décideur sur un point central (Vavilov, au par. 103). Le cadre établi par cette décision « insist[e] également sur la nécessité de développer et de renforcer une culture de la justification au sein du processus décisionnel administratif » en adoptant une approche à l’égard du contrôle judiciaire qui soit à la fois respectueuse et rigoureuse (Vavilov, aux par. 2, 12 et 13).

IV.  Analyse

[26]  L’essentiel de l’argument du demandeur est que l’agent d’ERAR a mal compris la nature du risque qu’il a invoqué et qu’il n’a donc pas tenu compte de la preuve d’une manière raisonnable.

[27]  Le demandeur a soutenu qu’il serait exposé à un risque de persécution à titre de membre du Parti national et employé municipal. La preuve a démontré qu’il a été victime de menaces et d’accusations de la part de membres de l’opposition qui le liaient aux pratiques corrompues de l’ancien maire et qui l’ont accusé de voler de l’argent aux pauvres. Ces événements l’ont amené à fuir le Honduras pour venir au Canada à titre de travailleur étranger temporaire en 2011. Lorsqu’il est retourné au Honduras en 2012, la maison de sa mère a été cambriolée et il a été agressé et s’est retrouvé à l’hôpital.

[28]  Le demandeur soutient que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve documentaire objective qui indique que la violence liée aux gangs et l’extorsion est endémique au Honduras et que les fonctionnaires municipaux sont ciblés pour cette raison. Au moment où l’agent d’ERAR a rendu sa décision, il existait plusieurs rapports démontrant la façon dont les tendances de migration avaient évolué dans la région, y compris le rapport d’Amnistie internationale intitulé Un retour difficile : Le rôle du Guatemala, du Honduras et du Salvador dans une crise des réfugiés de plus en plus grave (2016), et le rapport de la Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, intitulé Honduras : rapport de mission d’étude (2018). Selon le demandeur, l’omission par l’agent de tenir compte de son risque présumé, compte tenu des éléments de preuve précis sur la situation dans le pays, rend la décision déraisonnable.

[29]  De plus, le demandeur soutient que l’agent n’a pas tenu compte du risque élargi de préjudice auquel il est exposé parce qu’il correspond au profil démographique des personnes prises pour cibles par les gangs. Le demandeur soutient que les éléments de preuve sur la situation dans le pays indiquent que la protection de l’État n’existe pas au Honduras et que la violence liée aux gangs et les menaces sont endémiques dans le pays. La preuve démontre que sont exposées à des risques les personnes qui retournent au Honduras à partir de l’étranger ainsi que les personnes qui exercent des activités susceptibles d’extorsion, y compris les employés municipaux et ceux qui ne relèvent pas du pouvoir de gangs. L’omission par l’agent d’effectuer une analyse significative de cette preuve rend la décision déraisonnable.

[30]  Je ne suis pas convaincu. L’agent d’ERAR a examiné la preuve soumise au regard des allégations formulées par le demandeur et de la preuve par affidavit à l’appui. La décision est fondée sur une évaluation du caractère suffisant de la preuve en ce qui concerne ces allégations, et les conclusions de l’agent sont étayées par la preuve. L’agent a appliqué les critères juridiques appropriés en ce qui concerne l’évaluation de la preuve, et la décision – c’est-à-dire la décision originale et l’addenda – comporte un raisonnement clair et cohérent qui justifie la conclusion tirée. C’est ce qu’exige le cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Vavilov en ce qui concerne l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision.

[31]  La décision rendue à l’égard de l’ERAR renvoie aux allégations précises de risques formulées par le demandeur et rien  ne permet de conclure que l’agent a mal interprété la nature de ces allégations. L’agent s’est concentré à juste titre sur la question de savoir si la preuve établissait l’existence d’un risque de nature prospective, ce qui est requis dans le cadre de l’analyse d’une demande d’ERAR (Kioko c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 717, au par. 8).

[32]  Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le demandeur était exposé à des risques à titre de personne associée au Parti national et à une famille qui a été active sur le plan politique au Honduras, l’agent a souligné à juste titre que le Parti national avait remporté le pouvoir lors d’élections contestées et qu’il était toujours au pouvoir en ce moment. Il s’agit d’une considération pertinente compte tenu des allégations selon lesquelles le demandeur est exposé à des menaces formulées par des membres de l’opposition. En effet, les éléments de preuve supplémentaires fournis par le demandeur comprenaient un certain nombre de déclarations de fonctionnaires affirmant qu’il avait été un employé de la municipalité de San Lorenzo et qu’il avait été victime de harcèlement, de menaces et de persécution de la part du parti de l’opposition. Toutefois, rien dans la preuve n’indique que ces menaces ont continué après qu’il eut quitté le pays ou que des gens continuaient à le rechercher en raison de sa participation antérieure aux activités municipales.

[33]  La preuve indique que la violence et l’extorsion sont des problèmes importants au Honduras et que les maires sont victimes de menaces de la part de gangs. La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’a pas démontré qu’il était exposé à un risque continu à titre d’ancien employé municipal est étayée par la preuve. De plus, il n’y avait aucune preuve de menaces continues visant précisément le demandeur dans l’intervalle. Le fait que sa mère ait exprimé des craintes en raison de sa participation à la politique municipale est pertinent, mais il ne s’agit pas d’une considération déterminante.

[34]  Enfin, l’évaluation par l’agent du risque généralisé de violence au Honduras est bien étayée par la preuve. Dans sa décision, l’agent déclare : [traduction« Bien que je reconnaisse que la criminalité et la violence sont des problèmes importants au Honduras, le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve de l’existence d’un risque personnel ». Cette conclusion est aussi fondée sur la preuve au dossier et découle de la nature généralisée des craintes exprimées par le demandeur dans sa demande d’ERAR.

[35]  Un agent d’ERAR doit se concentrer sur les risques réels invoqués par la personne doit les examinés dans le contexte de la preuve dans son ensemble, y compris les éléments de preuve précis avancés par le demandeur ainsi que les documents sur la situation générale dans le pays. L’approche est résumée par la juge Strickland dans la décision Debnath c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 332 :

[33] En l’espèce, l’agent a examiné la lettre de l’ami du demandeur principal, et puis a cité leurs arguments restants, qui incluaient plusieurs articles de presse et de rapports concernant la situation du pays, en soulignant que le paragraphe 161(2) du Règlement exige que les demandeurs indiquent la façon dont les preuves se rapportent à eux. L’agent a déclaré que les éléments de preuve présentés afin de soutenir les arguments des demandeurs décrivaient la situation générale du Bangladesh, mais qu’ils ne liaient pas ces preuves à leurs risques personnalisés prospectifs. L’agent a déclaré qu’il est bien établi qu’il ne suffit pas de simplement mentionner la situation générale du pays sans établir de liens avec la situation personnelle d’un demandeur. En outre, l’évaluation du risque d’être persécuté ou de subir un préjudice auquel pourrait être exposé un demandeur s’il était renvoyé à son pays doit être personnalisée. Ce n’est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l’on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné. L’agent a déclaré que les demandeurs n’ont pas présenté de preuves documentaires objectives afin de soutenir le fait que leur profil au Bangladesh était semblable à celui des personnes faisant face à la persécution, au risque de torture ou à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans ce pays. L’agent a conclu en déclarant avoir déterminé que les arguments étaient liés à la situation à laquelle la population générale faisait face ou qu’ils décrivaient des événements ou des situations particulières de personnes qui se trouvent dans une situation différente à celle des demandeurs.

[36]  En l’espèce, le demandeur a soulevé la preuve sur la situation dans le pays qui indique que la protection de l’État n’existe pas ou n’est pas efficace au Honduras. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent n’avait pas besoin d’effectuer l’analyse de la protection de l’État puisqu’il n’y a pas suffisamment d’éléments preuve indiquant que le demandeur était exposé à des risques fondés sur les motifs prévus par la Convention. L’agent a reconnu que la criminalité et la violence sont des problèmes importants au Honduras, mais il n’était pas nécessaire d’évaluer la question de savoir si la protection de l’État existait et était efficace.

[37]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’une grande partie de la preuve sur la situation au Honduras et les risques auxquels sont exposés des groupes précis ne s’appliquait tout simplement pas au demandeur; cela comprend les risques auxquels sont exposés les maires, les journalistes, les défendeurs des droits de la personne et les militants environnementaux. Le profil du demandeur, alors qu’il était au Honduras ainsi que depuis ce moment, ne lui permet pas de prétendre être visé par l’une de ces catégories, et les risques plus généraux de violence liée aux gangs ne visent pas que le demandeur.

[38]  L’agent souligne que l’épouse et les enfants du demandeur sont des citoyens canadiens, mais qu’un examen de la situation et de l’incidence du renvoi possible du demandeur doit être effectué dans le contexte d’un traitement séparé et qu’il n’est pas déterminant en ce qui concerne un ERAR. Cette conclusion n’est pas entachée d’erreur.

[39]  Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers IMM‑2128-18 et IMM-4076-18 sont rejetées. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-2128-18 et IMM-4076-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier IMM-2128-18 est rejetée.

  2. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier IMM-4076-18 est rejetée.

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

  4. Une copie de la présente décision sera versée dans les deux dossiers.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de juin 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2128-18 et IMM-4076-18

INTITULÉ :

RICARDO ANTONIO LOPEZ ALVAREZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 SEPTEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 30 AVRIL 2020

COMPARUTIONS :

Mary Jane Campigotto

POUR LE DEMANDEUR

Ada Mok

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Campigotto Law Firm

Avocats

Windsor (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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