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Date : 20200501


Dossier : IMM‑6509‑18

Référence : 2020 CF 577

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2020

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

JIMEI GUO

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés [SAR] le 28 septembre 2018 dans laquelle la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse et conclu que cette dernière n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger [décision].

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

II.  Contexte factuel

[3]  La demanderesse, Jimei Guo, est une citoyenne de la Chine. Avant d’arriver au Canada, la demanderesse vivait en Chine avec son époux et leurs deux enfants.

[4]  La demanderesse déclare qu’elle‑même et son époux ont eu leur premier enfant avant de se marier et que les autorités les ont forcés à payer une amende de 300 RMB pour avoir eu un enfant en dehors des liens du mariage. La demanderesse a alors été forcée de choisir entre être stérilisée et porter un DIU. Elle a choisi le DIU. Elle a ensuite été tenue de subir des examens périodiques.

[5]  La demanderesse a commencé à avoir des complications de santé et a fait retirer le DIU par un médecin privé en septembre 2008. En décembre 2008, le médecin privé a effectué un examen et a confirmé que la demanderesse était enceinte de son deuxième enfant.

[6]  La demanderesse ne s’est pas présentée à son examen du DIU de décembre 2008, puisqu’elle craignait d’être arrêtée et forcée de subir un avortement. Elle s’est plutôt cachée chez son cousin. Les autorités de planification familiale se sont rendues chez la demanderesse, et son époux leur a dit qu’elle travaillait dans une autre ville.

[7]  Le 20 juin 2009, la demanderesse a donné naissance à son deuxième enfant. L’hôpital a signalé la demanderesse aux autorités de planification familiale puisqu’elle n’avait pas de permis pour donner naissance. Ces dernières lui ont dit qu’elle ne pouvait plus avoir d’enfants et qu’elle‑même ou son époux devait se faire stériliser.

[8]  Le 15 juillet 2009, les autorités de planification familiale ont envoyé à la demanderesse et à son époux un avis de stérilisation qui exigeait que l’un d’entre eux se présente pour une stérilisation le 20 juillet ou paie une amende de 250 000 RMB. Plutôt que de se présenter, la demanderesse et son époux se sont cachés chez un ami.

[9]  Le 21 juillet 2009, les autorités de planification familiale se sont rendues chez la demanderesse et ont interrogé ses parents. Les autorités ont déclaré que la demanderesse et son époux devaient se présenter à l’hôpital le lendemain. Ils ne l’ont pas fait. Ils sont restés cachés.

[10]  Pendant les cinq années suivantes, la demanderesse et son époux ont tenté de partir de la Chine avec l’aide de passeurs. La demanderesse a déclaré que chacun des passeurs a été arrêté ou est tombé malade. Le 6 juin 2014, un passeur a pu obtenir un visa de visiteur canadien pour la demanderesse.

[11]  La demanderesse est partie de la Chine le 26 juin 2014. Son époux et ses enfants sont restés en Chine, et son époux a continué de vivre dans la clandestinité.

[12]  Elle a présenté sa demande d’asile le 11 juillet 2014.

A.  La décision de la Section de la protection des réfugiés

[13]  Le 12 septembre 2017, la Section de la protection des réfugiés [SPR] a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à une possibilité sérieuse d’être persécutée, au risque d’être soumise à la torture, au risque de traitements ou de peines cruels et inusités ou d’être personnellement exposée à une menace à sa vie advenant son retour en Chine. La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible dans l’ensemble et que ses documents justificatifs n’étaient pas fiables.

B.  La décision faisant l’objet du contrôle

[14]  La SAR a déclaré qu’elle appliquerait la norme de la décision correcte pour les questions de fait, les questions mixtes de fait et de droit et les questions de droit à son examen de la décision de la SPR, comme l’indique l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica]. La SAR a reconnu qu’elle peut appliquer une norme modifiée de la décision raisonnable aux conclusions portant sur la crédibilité des témoignages de vive voix dans les situations où la SPR jouit d’un véritable avantage.

[15]  La SAR a confirmé la décision de la SPR et a conclu que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[16]  La SAR a refusé d’admettre les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse sur la façon dont ses documents personnels ont été obtenus et expédiés de la Chine, une lettre et un affidavit qui sont postérieurs à la décision de la SPR. La SAR a conclu que la question avait déjà été examinée à l’audience et que la demanderesse aurait pu présenter ces éléments de preuve à la SPR ou après l’audience, mais qu’elle ne l’avait pas fait.

[17]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en formulant une conclusion défavorable quant à la crédibilité du fait que la demanderesse possédait deux cartes d’identité de résidant (CIR). La SAR a conclu que l’une des CIR était authentique, puisqu’elle devait avoir été utilisée pour obtenir le passeport de la demanderesse.

[18]   La SAR a conclu qu’en ce qui concerne la CIR et le passeport de la demanderesse, la preuve documentaire divergeait du témoignage de la demanderesse selon lequel elle est demeurée dans la clandestinité pendant que d’autres personnes avaient obtenu ces documents. La SAR a conclu que la demanderesse a demandé sa CIR et son passeport en personne tandis qu’elle vivait prétendument dans la clandestinité. La SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ne vivait pas dans la clandestinité entre 2009 et 2014.

[19]  La SAR a aussi conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur en concluant que l’époux de la demanderesse ne vivait pas dans la clandestinité. La conclusion de la SAR était fondée en partie sur sa conclusion précédente selon laquelle la demanderesse n’avait pas vécu dans la clandestinité comme elle l’alléguait. La SAR était d’accord avec la SPR pour dire que les agissements de l’époux de la demanderesse démontraient qu’il ne craignait pas les autorités – il a choisi d’acquérir une nouvelle résidence et de trouver un emploi dans le secteur où il était prétendument recherché. La SAR a aussi fait observer qu’il est expliqué dans la preuve documentaire que, de façon générale, les hommes ne sont pas exposés au risque de stérilisation forcée. La SAR était du même avis que la SPR et jugeait qu’il n’était pas raisonnable ni vraisemblable que l’époux de la demanderesse réside dans le secteur où il était recherché par les autorités et qu’il considérait ce lieu comme un endroit où se cacher.

[20]  La SAR a conclu que la SPR a commis une erreur en omettant d’apprécier les documents personnels de la demanderesse. Malgré le fait que ces documents sont arrivés dans une enveloppe provenant d’un tiers à Taïwan, elle aurait dû les évaluer. La SAR a évalué les documents de façon indépendante et a conclu qu’ils étaient problématiques à de nombreux égards.

[21]  La SAR a conclu que la carte du Service de planification des naissances, le reçu relatif à l’amende, le carnet des consultations externes de la patiente et l’avis de stérilisation étaient frauduleux. La SAR a aussi relevé des problèmes avec les autres documents justificatifs de la demanderesse. La SAR a conclu que le carnet des consultations externes de la patiente était incompatible avec le témoignage de la demanderesse sur les infections pelviennes et que l’explication de cette dernière au sujet de l’incohérence ne correspondait pas à la preuve documentaire sur la tenue de ces documents.

[22]  La SAR a conclu que les lettres de vérification des écoles n’étaient pas conformes au témoignage de la demanderesse et qu’elles n’avaient aucune valeur probante pour ce qui est d’établir que le deuxième enfant avait dû fréquenter une école privée parce qu’il n’avait pas été inscrit sur le hukou. La SAR a conclu que les lettres d’appui des membres de la famille et des amis de la demanderesse n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur les conclusions quant à la crédibilité concernant sa vie clandestine, parce que les lettres n’étaient pas conformes aux renseignements qu’elle avait fournis dans le formulaire de l’annexe A. La SAR a aussi conclu que la lettre de la mère de la demanderesse sur l’impossibilité d’inscrire le deuxième enfant à l’école n’était pas convaincante. La SAR a préféré la preuve documentaire objective qui démontrait que la province du Fujian avait dissocié les amendes et l’inscription au hukou.

[23]  À la lumière des préoccupations quant à la crédibilité et du caractère répandu des documents frauduleux en Chine, la SAR a conclu que les documents n’avaient aucune valeur probante pour ce qui est d’attester l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle serait forcée de subir une stérilisation advenant son retour en Chine.

[24]  La SAR a conclu que, compte tenu des conclusions défavorables quant à la crédibilité, bien que les mesures de contraception coercitives continuent d’être appliquées en Chine, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve attestant l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle serait assujettie à ces mesures.

[25]  La SAR a tenu compte du fait que la demanderesse a déclaré qu’elle a été en mesure de verser d’importantes sommes à deux passeurs afin de venir au Canada et de payer pour envoyer ses enfants à l’école privée. La SAR a conclu qu’il n’était pas crédible que la demanderesse ne dispose pas des fonds nécessaires pour acquitter l’amende en matière de planification familiale, comme elle l’a soutenu.

[26]  La SAR a examiné la preuve documentaire et a souligné que la peine courante infligée à la suite de violations en matière de planification familiale est une amende, souvent appelée « frais de compensation sociale ». La SAR s’en est remise à la décision Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 225, pour le principe selon lequel les frais d’indemnisation sociale imposés aux familles ayant plus d’un enfant ne constituent pas de la persécution au sens de la Convention.

[27]  La SAR a aussi souligné que la province du Fujian, où vivait la demanderesse, a l’un des régimes de planification familiale les moins coercitifs de toute la Chine et elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’en tant que parent de deux enfants, la demanderesse serait contrainte de subir une stérilisation en Chine.

[28]  La SAR a rejeté l’appel, concluant qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée advenant son retour en Chine ou qu’elle soit personnellement exposée, selon la prépondérance des probabilités, à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumise à la torture.

III.  Questions en litige

[29]  La demanderesse soulève cinq questions dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[30]  La demanderesse soutient que la SAR a manqué à l’obligation d’équité procédurale en soulevant de nouvelles questions sans lui donner l’occasion de présenter des observations.

[31]  La demanderesse soutient que la SAR a aussi commis des erreurs qui ont rendu la décision déraisonnable. La demanderesse soutient que la SAR a commis des erreurs : (1) en rejetant la nouvelle preuve de la demanderesse; (2) en évaluant incorrectement sa crédibilité; (3) en évaluant incorrectement la preuve documentaire de la demanderesse; (4) en évaluant incorrectement l’évaluation du risque auquel serait exposée la demanderesse en Chine.

[32]  La demanderesse n’a pas donné suite à la question de la nouvelle preuve puisque les documents ont été examinés.

IV.  Norme de contrôle

[33]  L’obligation d’agir avec équité s’applique à toutes les questions d’équité procédurale et de justice naturelle. Une cour de révision doit déterminer si le processus suivi par le décideur a atteint le degré d’équité requis par les circonstances de l’affaire et si la décision était l’aboutissement d’un processus équitable : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CCP], au paragraphe 54.

[34]  Dans l’arrêt CCP, alors qu’elle se demandait s’il était opportun de se lancer dans une analyse sur la norme de contrôle à l’égard des questions d’équité procédurale, la Cour d’appel fédérale a jugé que même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie et qu’à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée, l’exercice de révision est particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte : CCP, au paragraphe 54.

[35]  Dès qu’il s’agit de déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, aucune déférence ne doit être accordée au décideur. La question est de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre : CCP, au paragraphe 56. C’est la norme qui s’appliquera à la première des deux questions.

[36]  Les autres questions commandent l’application de la norme de la décision raisonnable. La Cour d’appel fédérale a établi que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle que doit appliquer la Cour à une décision de la SAR : Huruglica, aux paragraphes 30 et 35.

[37]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir].

[38]  La Cour doit faire preuve d’un degré de déférence élevé particulièrement lorsque les conclusions contestées ont trait à la crédibilité et à la vraisemblance du récit d’un demandeur d’asile, compte tenu des connaissances spécialisées de la SPR et de la SAR à cet égard et de leur rôle de juge des faits : Vall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1057, au paragraphe 15 [Vall].

[39]  Récemment, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a examiné de façon approfondie le droit applicable au contrôle judiciaire de décisions administratives. La Cour suprême a confirmé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas aux faits en l’espèce : Vavilov, au paragraphe 23.

[40]  Citant l’arrêt Dunsmuir, l’arrêt Vavilov a aussi confirmé qu’une décision raisonnable est une décision qui est justifiée, transparente et intelligible, en mettant l’accent sur la décision véritablement prise, y compris la justification de celle‑ci : Vavilov, au paragraphe 15.

[41]  Comme la présente demande, à l’exception de la question relative à l’équité procédurale, a été plaidée en fonction de la norme de contrôle de la décision raisonnable, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’obtenir d’autres observations des parties. L’issue en l’espèce serait la même en vertu du cadre qui existait avant Vavilov et qui a été établi établi dans l’arrêt Dunsmuir et les décisions qui l’ont suivi.

V.  Analyse

[42]  La demanderesse conteste la vaste majorité des conclusions formulées par la SAR.

A.  La SAR n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale envers la demanderesse

[43]  La SAR a conclu que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a omis d’examiner et d’analyser les documents présentés par la demanderesse à cause de la façon dont ils ont été livrés. La demanderesse affirme que la SAR a formulé de nouvelles conclusions et soulevé de nouvelles questions lorsqu’elle a effectué sa propre évaluation de cette preuve documentaire, à savoir : (1) l’authenticité de son passeport et (2) la vraisemblance de son départ de la Chine grâce à un passeur.

[44]  Une nouvelle question en est une qui n’a pas déjà été examinée par la SPR ou qui n’a pas été soulevée par un demandeur dans ses observations devant la SAR.

[45]  En plus des deux questions maintenant soulevées par la demanderesse, cette dernière affirme que la SPR n’a formulé aucune conclusion sur l’une ou l’autre de ces questions. Elle affirme qu’elle aurait dû avoir la possibilité de formuler des observations sur ces questions parce qu’elles touchent la décision globale rendue par la SAR.

[46]  Le défendeur fait remarquer que ces deux questions ont été examinées par la SPR. Le tribunal a reconnu la validité du passeport de la demanderesse afin de vérifier son identité. De plus, la SPR a renvoyé à diverses lacunes dans le témoignage de la demanderesse où elle a dit qu’elle avait perdu sa CIR originale et qu’elle en avait utilisé une fournie par le passeur afin de demander son visa canadien. La SPR indique que son témoignage [traduction« était privé d’une explication vraisemblable ». Au bout du compte, vu l’absence d’une explication vraisemblable de la demanderesse pour avoir eu deux CIR différentes, la SPR a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité globale de la demanderesse.

[47]  La SAR a reconnu l’authenticité du passeport; il contenait des caractéristiques de sécurité, dont des renseignements d’identité intégrés, et il a été utilisé pour partir de la Chine sans problème.

[48]  Lorsque la SAR a effectué sa propre évaluation de la question de savoir si la demanderesse avait vécu dans la clandestinité pendant toute la période en Chine avant de partir pour le Canada, l’authenticité de son passeport est devenue un facteur important. L’authenticité du passeport n’a jamais été en litige. Le passeport était un élément de preuve essentiel dans l’analyse de la question de savoir si la demanderesse avait véritablement vécu dans la clandestinité comme elle l’avait déclaré.

[49]  À moins d’admettre les nouveaux éléments de preuve en appel, la SAR est tenue par la loi d’effectuer de nouvelles déterminations en fonction du dossier existant. À cette fin, la SAR examine la preuve au dossier et l’applique ainsi qu’elle le juge à propos. Il se peut que la preuve étaye de nombreuses questions. L’application de la preuve existante, soit en l’espèce l’authenticité du passeport, n’est pas limitée à une question donnée.

[50]  La SAR a aussi souligné que la demanderesse est partie de la Chine en utilisant son passeport et n’a fourni aucune preuve qu’un passeur l’a aidée à partir du pays. Cette observation a été faite dans le contexte d’un examen de la question de savoir si la demanderesse possédait deux CIR. Il ne s’agissait pas d’une nouvelle question; elle ne sous‑tendait aucune autre conclusion formulée par la SAR.

[51]  Comme la demanderesse l’a soutenu à l’audition de la présente question, il peut y avoir une mince ligne de démarcation entre une question évidente et une qui est soulevée après le fait. Je souscris à ce point de vue général.

[52]  À mon avis en l’espèce il n’y a pas une telle ligne de démarcation. Il n’y a que la nouvelle application d’une preuve existante par la SAR dans le cadre de son obligation législative lorsqu’elle entend l’appel d’une décision rendue par la SPR.

[53]  Je ne suis pas convaincue qu’une nouvelle question a été soulevée. Je ne crois pas non plus que la demanderesse a démontré qu’elle ne connaissait pas la preuve à réfuter. Par conséquent, l’allégation d’équité procédurale n’a pas été prouvée.

B.  La SAR n’a pas correctement évalué la crédibilité de la demanderesse

[54]  La demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en évaluant sa crédibilité par rapport aux deux CIR qu’elle possédait et par rapport à la question de savoir si son époux vivait dans la clandestinité.

(1)  Les deux CIR et le passeport

[55]  Des aspects de cette question ont déjà été examinés dans le cadre de la question relative à l’équité procédurale. La SPR a cerné des lacunes dans le témoignage de la demanderesse qui a dit qu’elle avait perdu sa CIR originale. Elle a déclaré qu’elle en obtiendrait une autre d’un ami de son époux, qui lui a dit qu’il s’agirait d’une CIR authentique. Elle a aussi dit qu’elle en avait utilisé une autre, fournie par le passeur, afin de demander son visa canadien.

[56]  Lorsque la SAR a examiné les deux CIR, elle a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en tirant une référence défavorable quant à la crédibilité du fait de l’existence de deux CIR. La SAR a souligné que pour obtenir une CIR, selon la preuve documentaire, les citoyens chinois doivent présenter leur demande en personne au Bureau de la sécurité publique (PSB). À ce moment, leur photographie est prise.

[57]  La demanderesse soutient que lorsque la SAR a évalué le passeport biométrique, y compris la procédure pour l’obtenir, elle n’a pas cité la partie de la preuve documentaire où elle a trouvé ces renseignements détaillés. Selon la demanderesse, les omissions signifient que la SAR n’a pas respecté les exigences de transparence, de justification et d’intelligibilité. Aucune décision de jurisprudence n’a été citée au soutien de cette observation.

[58]  Je ne suis pas de cet avis. La norme de contrôle de la décision raisonnable n’équivaut pas à une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; il faut considérer la décision comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54.

[59]  La demanderesse affirme que les motifs ne sont pas adéquats. Monsieur le juge Rennie, alors qu’il était membre de la Cour, a abordé les éléments qui font que les motifs sont adéquats :

[6]  L’adéquation des motifs est assujettie à la norme de la raisonnabilité. Pour y satisfaire, les motifs doivent expliquer, avec un minimum de force persuasive, le raisonnement sur lequel les constatations et les conclusions reposent. Ils doivent être transparents, ce qui veut dire que l’analyse factuelle et juridique qui sous‑tend la conclusion ou le résultat doit être discernable. Il n’est pas nécessaire pour cela que tous les arguments, la jurisprudence et la preuve soient mentionnés, mais les motifs, pris comme un tout et lus dans le contexte du dossier, doivent attester la raisonnabilité de la décision : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.

Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 39, au paragraphe 6.

[60]  Examinant la question dans le contexte du dossier, comme un tout, je conclus que l’omission dans le premier paragraphe de la décision de renvoyer à la preuve documentaire examinée dans le cadre de l’examen portant sur le passeport biométrique ne convainc pas la Cour que la décision ne respecte pas la norme de la décision raisonnable.

[61]  La SAR a conclu que la CIR de la demanderesse et son passeport étaient authentiques, ce qui l’a amenée à conclure qu’elle ne vivait pas dans la clandestinité parce qu’elle aurait eu à comparaître en personne pour obtenir chaque document. La SAR a formulé des conclusions défavorables quant à la crédibilité de la demanderesse pour ce motif.

[62]  La demanderesse soutient ensuite que comme les documents frauduleux étaient facilement disponibles en Chine, et en particulier au Fujian, les conclusions de la SAR selon lesquelles la CIR a été acceptée comme un document authentique par les autorités chinoises lorsqu’elles lui ont délivré son passeport signifient que la SAR a rejeté le témoignage de la demanderesse au sujet de la CIR et qu’elle n’a pas tenu compte de la possibilité d’obtenir des documents frauduleux.

[63]  La SAR n’a pas rejeté le témoignage de la demanderesse au sujet de la CIR. Elle a clairement établi le témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait perdu sa CIR et son témoignage indiquant que celle obtenue par un ami de son époux était probablement authentique. Au bout du compte, la SAR a reconnu que la CIR était authentique.

[64]  La demanderesse n’approuve tout simplement pas la conclusion tirée par la SAR selon laquelle comme elle devait comparaître en personne pour obtenir la CIR et le passeport, elle ne pouvait pas vivre dans la clandestinité pendant en tout temps. Cette conclusion est le résultat rationnel et logique, compte tenu du témoignage de la demanderesse et de la délivrance de son passeport. Il va sans dire qu’il ne revient pas à la Cour de remettre en question la recherche de faits accomplie par la SAR ou de réévaluer la preuve.

(2)  L’époux ne vivait pas dans la clandestinité

[65]  La demanderesse soutient que la SAR a utilisé la conclusion selon laquelle elle n’était pas crédible lorsqu’elle a affirmé qu’elle vivait dans la clandestinité pour changer ensuite d’idée et conclure que son époux ne vivait pas dans la clandestinité.

[66]  Bien que la SAR ait renvoyé à la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse ne vivait pas dans la clandestinité, elle aussi examiné le fait qu’elle a déclaré que son époux avait acquis sa propre résidence et qu’il travaillait pour un ami dans la ville de Fuqing. La SAR a souligné que la résidence et le lieu de travail étaient dans le secteur englobé par son hukou, ce qui augmentait son risque d’être découvert par les autorités dans ce secteur. De plus, la SAR a souligné que de façon générale, les hommes ne sont pas exposés au risque de stérilisation forcée.

[67]  Après avoir examiné ces facteurs, la SAR a raisonnablement conclu qu’elle était du même avis que la SPR et qu’il n’était pas raisonnable ni vraisemblable que l’époux de la demanderesse choisisse de résider dans la ville où il est recherché par les autorités et qu’il considère ce lieu comme un endroit où se cacher.

[68]  La demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que cette conclusion était déraisonnable. Elle est raisonnablement fondée sur la preuve qu’elle a fournie et que la SAR a estimée véritable.

C.  La SAR a correctement évalué la preuve documentaire personnelle de la demanderesse

[69]  La SAR était d’accord avec la demanderesse pour dire que la SPR aurait dû évaluer ses documents personnels. Elle a donc effectué une évaluation indépendante des documents.

[70]  Comme je l’ai déjà indiqué dans la description de la décision sous le Contexte factuel, la SAR a constaté un certain nombre de problèmes avec chacun des divers documents.

[71]  Plutôt que de répéter les détails des diverses conclusions de la SAR, seuls les arguments de la défenderesse sur l’erreur qu’aurait commise la SAR seront examinés.

[72]  En ce qui concerne le carnet relatif au DIU, le reçu relatif à l’amende, la vérification de pose de DIU, le carnet des consultations externes de la patiente, l’avis de stérilisation, les lettres de vérification et la lettre de la mère de la demanderesse, cette dernière soutient que la SAR a fait une évaluation mineure de chaque document et a essentiellement conclu que certains des documents étaient frauduleux, alors que d’autres n’étaient pas authentiques sur la base des conclusions précédentes de fraude ou ne suffisaient pas pour qu’elle infirme ses conclusions antérieures relatives à la crédibilité.

[73]  La demanderesse soutient que la SAR s’en est remise à tort à ses conclusions antérieures en matière de crédibilité, lesquelles ont teinté son analyse de cette preuve.

[74]  Le défendeur soutient que l’évaluation faite par la SAR de ces documents était raisonnable parce qu’elle a formulé des conclusions en termes clairs et non équivoques et qu’elle a traité la preuve de façon équitable.

[75]  La SAR a examiné les documents personnels du paragraphe 27 au paragraphe 34 de sa décision. Dans chaque cas, elle a cerné et mentionné en détail des incohérences ou des problèmes importants.

[76]  Par exemple, le carnet relatif au DIU ne contenait pas de renseignements sur l’amende imposée à la naissance du premier enfant ni de renseignements sur la naissance du deuxième enfant dont les autorités étaient au courant. Il ne faisait pas non plus référence aux problèmes de santé causés par le DIU. La SAR a conclu de façon raisonnable que l’absence de renseignements démontrait, selon la prépondérance des probabilités, que le carnet n’était pas authentique.

[77]  Comme l’amende n’a pas été consignée dans le carnet relatif au DIU, la SAR a conclu de façon raisonnable qu’il était probable que le reçu relatif à l’amende n’était pas non plus authentique.

[78]  Comme je l’ai déjà indiqué, les documents médicaux et les documents relatifs au DIU sont interreliés. Le carnet relatif au DIU, le reçu relatif à l’amende et l’avis de stérilisation portent tous sur le même sujet. Des renseignements obligatoires ou même attendus qui manquent dans un tel document auront probablement un effet sur la légitimité d’un document connexe.

[79]  Le carnet des consultations externes de la patiente ne mentionne pas les infections pelviennes causées par le DIU. Il était raisonnable pour la SAR de rejeter l’explication de la demanderesse selon laquelle elle est allée dans un autre hôpital, étant donné que la personne, et non l’hôpital, conserve le carnet. De plus, comme l’insertion du DIU se fait à l’hôpital, mais qu’elle ne figurait pas dans le carnet des consultations de la patiente, ce dernier était incompatible avec la preuve documentaire et ne pouvait pas être invoqué.

[80]  Les lettres de vérification des écoles ne précisent pas, dans leur corps et à leur face même, qu’elles provenaient d’écoles privées. Elles n’établissent pas que le deuxième enfant devait fréquenter une école privée parce qu’il n’avait pas été inscrit sur le hukou. Le contenu des lettres était aussi contraire aux renseignements que la demanderesse a fournis dans sa déclaration au point d’entrée.

[81]  La SAR a conclu que les lettres de vérification fournies par les membres de la famille et les amis n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur les conclusions quant à la crédibilité concernant la vie clandestine de la demanderesse lorsqu’elle a évalué les autres documents. La SAR a également souligné que dans ses formulaires de demande, la demanderesse a déclaré qu’elle avait vécu à l’adresse inscrite sur le hukou de 2006 jusqu’à son départ de la Chine en 2014. Ces renseignements étaient incompatibles avec les lettres qu’elle avait fournies.

[82]  Enfin, en ce qui concerne la lettre de la mère de la demanderesse fournie afin de corroborer le fait qu’il était impossible de faire inscrire son deuxième enfant sur le hukou avant que la stérilisation ait lieu, la SAR a conclu de façon raisonnable que ce n’était pas la mère de la demanderesse mais bien les parents de son époux qui s’étaient en fait rendus au bureau de planification familiale. Il était raisonnable pour la SAR de ne pas accorder de poids aux renseignements qui n’ont pas été obtenus directement de la mère.

[83]  La SAR a conclu que les diverses préoccupations ainsi que les documents sur les conditions dans le pays l’avaient amenée à accorder peu de poids à la lettre de la mère de la demanderesse. Auparavant, la SAR a examiné la preuve documentaire qui indiquait que les amendes et l’inscription au hukou au Fujian avaient été dissociées.

[84]  L’allégation de la demanderesse selon laquelle la SAR n’a pas examiné les documents justificatifs personnels et effectué seulement une évaluation mineure de chacun d’eux, tout en invoquant des conclusions antérieures en matière de crédibilité n’est pas étayée par la SAR. Il était raisonnable pour la SAR de privilégier les documents sur les conditions dans le pays, particulièrement au sujet de l’accès relativement facile aux documents frauduleux en Chine, comme l’a fait remarquer la demanderesse elle‑même.

[85]  Encore une fois, si l’on considère la décision comme un tout, je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur en formulant les conclusions qu’elle a formulées ni que la demanderesse s’est acquittée de son fardeau de démontrer que la décision est déraisonnable en ce qui concerne les documents justificatifs personnels.

D.  La SAR a correctement évalué le risque auquel sera exposée la demanderesse en Chine

[86]  La demanderesse affirme qu’elle craint d’être assujettie à des mesures de contraception coercitives en Chine. Elle soutient que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire selon laquelle si elle ne paie pas l’amende, elle pourrait être assujettie à des mesures allant de l’avortement forcé à la stérilisation, en passant par la détention et la confiscation ou la destruction de biens.

[87]  La SAR n’a pas écarté cette preuve documentaire ou les observations de la demanderesse au sujet des conséquences possibles qu’elle a indiquées dans la décision. La SAR n’est pas en désaccord avec la preuve, elle a simplement conclu que, selon la preuve que la demanderesse avait fournie, celle‑ci  n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est recherchée à des fins de stérilisation en Chine.

[88]  La demanderesse soutient qu’elle n’est pas en mesure de payer l’amende et que la SAR a eu tort d’utiliser contre elle le choix qu’elle a fait de verser de l’argent à un passeur. La SAR a souligné que, selon le témoignage de la demanderesse, elle‑même et son époux ont choisi de ne pas payer l’amende. La SAR a fait remarquer que la demanderesse disposait d’autres choix, comme le fait de payer l’amende en versements, ce qui n’aurait pas limité l’accès à des avantages comme les écoles ou d’autres services sociaux.

[89]  Il est mentionné dans la preuve documentaire que la mise en œuvre des lois qui régissent la planification familiale varie d’une province et d’une localité à l’autre, suivant les règlements locaux et l’application concrète de la loi. Selon le dossier de preuve, il était raisonnable pour la SAR de conclure que bien qu’il y ait certains antécédents de mesures coercitives dans la province du Fujian, aucun renseignement récent ne fait état de stérilisations forcées dans la ville de Fuqing, d’où vient la demanderesse et où son époux vit actuellement. Le seul incident dont fait état la preuve documentaire est survenu en 2012 dans le comté de Xianyou (et non à Fuqing). L’incident le plus récent a été signalé au Fujian, il y a six ans, et aucun élément de preuve récent ne fait foi de stérilisations forcées depuis ce temps.

[90]  Compte tenu de l’absence de documents personnels probants et corroborants, des préoccupations quant à la crédibilité exposées dans la décision et de la preuve documentaire objective, il était raisonnable pour la SAR de conclure qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit contrainte de subir une stérilisation ou un traitement semblable advenant son retour en Chine.

VI.  Conclusion

[91]  La SAR possède une expertise dans l’évaluation du type même d’éléments de preuve présentés par la demanderesse. Contrairement aux arguments de cette dernière, la SAR n’a pas simplement formulé une ou deux conclusions défavorables quant à la crédibilité, puis s’est servie de celles‑ci pour formuler un certain nombre d’autres conclusions défavorables. La SAR a fourni des motifs détaillés pour appuyer ses conclusions en référence au témoignage et à la preuve documentaire de la demanderesse ainsi qu’aux documents sur les conditions dans le pays.

[92]  La Cour suprême prévient, dans l’arrêt Vavilov, qu’« avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » : au paragraphe 100.

[93]  Pour les motifs exposés ci‑dessus, je ne suis pas convaincue qu’il existe suffisamment de lacunes graves. La décision est étoffée. Elle se fonde sur les éléments de preuve et le droit. Elle démontre comment et pourquoi la SAR en est venue à ses conclusions.

[94]  Les motifs fournis par la SAR contiennent une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles. Cela étant dit, l’application de la norme de la décision raisonnable exige que la cour de justice fasse preuve de déférence envers une telle décision : Vavilov, au paragraphe 85.

[95]  La demande est rejetée, sans dépens.

[96]  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑6509‑18

LA COUR STATUE que :

  • 1) La demande est rejetée.

  • 2) Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

  • 3) Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de juin 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6509‑18

 

INTITULÉ :

JIMEI GUO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 juillet 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 1ER MAI 2020

 

COMPARUTIONS :

ADAM WAWRKIEWICZ

 

Pour la demanderesse

 

SUZANNE M. BRUCE

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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