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     Date : 19971120

     Dossier : IMM-540-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 NOVEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE LUTFY

ENTRE

     XIOMARA DEL SOCORRO AGUILAR-OSORNO,

     KEVIN MANUEL ARGUELLO,

     ANNIE MARIA ARGUELLO,

     TATIANA AMALIA ARGUELLO et

     TAMARA ESMERALDA ARGUELLO,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         VU que la présente demande de contrôle judiciaire a été entendue le 29 octobre 1997 à Toronto (Ontario);

         IL EST ORDONNÉ :

         Que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                 "Allan Lutfy"

                                             Juge

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     Date : 19971120

     Dossier : IMM-540-97

ENTRE

     XIOMARA DEL SOCORRO AGUILAR-OSORNO,

     KEVIN MANUEL ARGUELLO,

     ANNIE MARIA ARGUELLO,

     TATIANA AMALIA ARGUELLO et

     TAMARA ESMERALDA ARGUELLO,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]          Les requérants, une mère et ses quatre jeunes enfants, sont citoyens du Nicaragua. L'enfant aîné a maintenant dix-neuf ans. Le mari et père de cette famille, âgé actuellement de 66 ans, était brutal à l'égard de sa femme. Cette brutalité a continué pendant des années jusqu'en septembre 1986 lorsque la mère s'est réfugiée à Miami (Floride) où elle a été jointe par ses enfants quelques mois plus tard. Elle prétend avoir demandé l'asile politique peu de temps après son arrivée aux États-Unis. Pendant qu'elle se trouvait aux É.-U., elle a travaillé comme caissière et ouvrière. Elle n'a reçu aucune aide financière de son mari pour élever sa famille. En 1995, lorsqu'on a dit à la mère que son mari se trouvait à Miami pour la rechercher, la famille a quitté la Floride pour entrer au Canada. Les requérants ont immédiatement revendiqué le statut de réfugié au Canada.

[2]          Les requérants contestent la décision défavorable de la section du statut de réfugié, invoquant deux motifs : a) la décision a été rendue pendant que l'avocat des requérants faisait enquête pour savoir si une demande formelle de statut de réfugié avait été déposée pour leur compte aux États-Unis, et b) le tribunal a eu tort de conclure que la situation du Nicaragua avait considérablement changé au point que la crainte de persécution de la mère et de son enfant aîné était dépourvue d'un fondement objectif et, plus particulièrement, lorsque les victimes de la violence conjugale pouvaient être protégées.

[3]          Sur le premier point, l'avocat des requérants s'est vu accorder une période additionnelle de six à huit semaines à partir de la dernière date d'audition pour déposer des éléments de preuve supplémentaires concernant l'état de la revendication du statut de réfugié, s'il en est, présentée par les requérants aux États-Unis. Quelque six semaines après l'audition, l'avocat a envoyé une réponse provisoire au tribunal et a ajouté : [TRADUCTION] "Je demande que l'affaire demeure ouverte en vue d'une production possible d'autres éléments de preuve et/ou d'observations". Plus de trois mois plus tard, la décision du tribunal a été rendue. Au cours de cette période de trois mois, il n'y eut aucune autre communication entre le personnel du tribunal et l'avocat des requérants.

[4]          Peut-être parce que la preuve était peu convaincante, le tribunal a tranché de façon subsidiaire la question du dépôt par les requérants de leur demande de statut de réfugié. Si, selon les propos du tribunal, [TRADUCTION] ...elle n'a pas fait sa demande comme la preuve documentaire le laisse entendre...", son omission de le faire pendant neuf ans mettrait sérieusement en question sa crainte subjective de persécution. D'autre part, [TRADUCTION] "[m]ême si le tribunal reconnaît, selon les dépositions orales de la requérante, qu'elle a effectivement demandé le statut aux É.-U. dès février 1987, ...on peut la considérer comme une ancienne résidente habituelle des É.-U.". Après avoir noté la preuve documentaire d'un arriéré considérable dans le traitement de quelque 24 000 revendications du statut de réfugié nicaraguayennes, le tribunal a conclu que les revendications du statut de réfugié présentées par les requérants aux É.-U. n'avaient pas encore été éteintes ni finalisées.

[5]          Le tribunal a effectivement abordé la question de la revendication par les requérants du statut de réfugié aux É.-U. comme si les demandes avaient été déposées. L'avocat des requérants n'aurait pu confirmer plus que cela à la fin de son enquête. Le fait pour le personnel du tribunal de n'avoir pas communiqué avec l'avocat des requérants avant le prononcé de la décision après que le dossier eut été laissé en suspens pendant quelque trois mois ne constitue pas, à mon avis, une violation de la justice naturelle et de l'équité procédurale. Le délai fixé par les membres du tribunal à la fin de l'audition ne pouvait unilatéralement et indéfiniment être prorogé par l'avocat d'une des parties, particulièrement en l'absence de toute autre communication.

[6]          De même, je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle dans l'appréciation par le tribunal des éléments de preuve. Il aurait été préférable pour le tribunal d'accepter la crédibilité de la mère sans réserve plutôt que de l'avoir fait [TRADUCTION] "selon la prépondérance des probabilités". De même, l'examen de la transcription ne révèle aucune déposition orale qui étaye la déclaration du tribunal selon laquelle la mère s'est rendue au Canada non pas pour être à l'abri du mal qu'elle pourrait subir aux mains de son mari, [TRADUCTION] "mais, apparemment, parce qu'elle avait peur que son permis de travail soit touché par les nouvelles règles aux É.-U.". En l'espèce, le tribunal semble s'être appuyé sur un article de l'édition du 21 mars 1995 du New York Times concernant les nouvelles règles qui prévoyaient le refus de délivrer des permis de travail aux revendicateurs du statut de réfugié dont les cas étaient à l'examen. Ni l'un ni l'autre de ces points ne constituent une erreur susceptible de contrôle.

[7]          La conclusion du tribunal selon laquelle les revendicateurs n'avaient aucune crainte fondée objective repose sur son appréciation de la preuve documentaire du changement de circonstances, particulièrement à l'égard de la protection dont peuvent maintenant se prévaloir les victimes de violence conjugale au Nicaragua, et sur sa croyance selon laquelle le mari de la requérante, à son âge actuel, ne la poursuivra pas après une période d'environ douze ans de non-communication. Je suis convaincu qu'en tirant cette conclusion, le tribunal a reconnu la crainte subjective continue de la mère à l'égard de son conjoint brutal. Tel était le motif invoqué par le tribunal pour recommander aux autorités compétentes d'examiner les raisons d'ordre humanitaire invoquées par la famille pour lui permettre de demeurer au Canada. Il était toujours loisible au tribunal, compte tenu de la preuve documentaire, de conclure qu'il n'existait aucune sérieuse possibilité de persécution dans l'éventualité du retour de la famille au Nicaragua en l'absence d'un fondement objectif d'une crainte fondée.

[8]          Bien que je partage la préoccupation du tribunal qui s'intéresse à ce que l'intimé examine comme il convient les raisons d'ordre humanitaire invoquées par les requérants, on ne m'a pas convaincu que la décision faisant l'objet du contrôle judiciaire était entachée d'une erreur de droit ou de fait au sens de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Ni l'une ni l'autre des parties n'ont proposé qu'une question soit certifiée.

                             "Allan Lutfy"

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 20 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-540-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Xiomara Del Socorro Aguilar-
                             Osorno et autres c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 29 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

EN DATE DU                      20 novembre 1997

ONT COMPARU :

    Douglas Lehrer                      pour la requérante
    Kevin Lunney                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Douglas Lehrer                      pour le requérant
    Toronto (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général
    du Canada                      pour l'intimé
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