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Date : 19990209


Dossier : IMM-1331-98

ENTRE :

     DENNIS HANDJIEV,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

     DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS :

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Dennis Handjiev (le demandeur) en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [et modifications] à l'encontre du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le défendeur).

[2]          Le demandeur cherche à faire annuler une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'appel) (la Commission), en date du 14 mai 1998, à cause d'une erreur de droit. La décision visée rejette une requête logée en vertu du paragraphe 32(3) des Règles de la section d'appel de l'immigration, DORS/93-4 [et modifications] (les Règles) en vue d'obtenir la réouverture d'une décision par laquelle la Commission a, en date du 13 mars 1997, en vertu de l'article 76 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, conclu au désistement de l'appel du demandeur devant la Commission.

[3]          Le demandeur, un citoyen de la Bulgarie, a été admis au Canada en 1982 à titre de réfugié parrainé. Son expulsion a été ordonnée en décembre 1994 en raison de ses condamnations criminelles au Canada. Il a interjeté appel de l'ordonnance d'expulsion devant la Commission, qui a accordé un sursis conditionnel à l'exécution de l'ordonnance en octobre 1995 en se fondant sur sa juridiction d'" équité " prévue à l'alinéa 70(1)b ) de la Loi sur l'immigration. Les conditions du sursis prévoyaient notamment que le demandeur se présente devant la Commission à tous les six mois et règle les affaires criminelles en suspens.

[4]          Sans fournir d'explications, le demandeur ne s'est pas présenté à la reprise de l'audience prévue le 16 octobre 1996 et le représentant du défendeur a demandé le rejet de l'appel. La Commission a refusé cette demande au motif que le demandeur devait d'abord être entendu; l'audience de la requête en rejet, dont le demandeur a été dûment avisé, a été reportée au 21 janvier 1997.

[5]      En décembre 1996, le demandeur a été reconnu coupable de fraude et a été emprisonné : néanmoins, il a comparu à l'audience en janvier, mais sans avocat. À l'audience, la présidente de l'audience a avisé le demandeur qu'il devait informer la Commission de ses allées et venues [TRADUCTION] " peu importe l'endroit où vous êtes transféré et vous allez parler à votre avocat, si vous décidez d'adopter cette voie, et quoi qu'il en soit à 9 heures le 15 avril, vous serez devant moi... ".

[6]      Se fondant sur des lettres écrites au nom du demandeur par l'avocat l'ayant représenté dans des procédures criminelles, mais dont les services n'ont pas été retenus dans la présente affaire, la Commission a reporté l'audience au 17 septembre 1997. Le demandeur n'a pas comparu à cette audience, de nouveau sans que lui-même ou quelqu'un le représentant ne fournisse d'explications ou communique préalablement avec la Commission. Par conséquent, la Commission a rendu une ordonnance le 13 novembre 1997 concluant au désistement d'appel en vertu de l'article 76 de la Loi sur l'immigration, en raison du défaut volontaire ou insouciant du demandeur de comparaître comme elle l'avait demandé. L'article 76 prévoit :


76. Faute pour l'appelant d'entrer en communication avec elle, sur son ordre, ou de lui faire connaître sa dernière adresse, la section d'appel peut, dans le cas d'un appel relatif à une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, conclure au désistement d'appel.

76. Where a person against whom a removal order or conditional removal order has been made files an appeal against that order with the Appeal Division but fails to communicate with the Appeal Division on being requested to do so or fails to inform the Appeal Division of the person's most recent address, the Appeal Division may declare the appeal to be abandoned.

[7]      Le 30 décembre 1997, le demandeur a déposé une requête en vertu du paragraphe 32(3) des Règles, qui prévoit :

(3) La section d'appel fait droit à la requête en réouverture lorsqu'il y a des motifs suffisants d'agir ainsi et que l'intérêt de la justice le justifie.

(3) The Appeal Division shall grant a motion to reopen an appeal where there are sufficient reasons why the appeal should be reopened and it is in the interests of justice to do so.

La Commission a entendu cette requête le 26 juillet 1998 : cette fois-là, le demandeur a comparu et était représenté par un avocat.

[8]      Dans les motifs de sa décision, la présidente de l'audience a attentivement revu l'historique des rapports du demandeur avec la Commission, y compris les avertissements qui ont été donnés à ce dernier et les ajournements qui lui ont été accordés, ainsi que son défaut de comparaître à des audiences prévues à deux reprises. Elle a également signalé que le demandeur avait pris contact avec plusieurs avocats à différents moments relativement à la présente affaire et à d'autres affaires, et avait amplement eu la possibilité de retenir les services d'un avocat avant l'audience prévue pour le 17 septembre 1997 : en outre, il s'est, à l'occasion, très bien représenté lui-même devant la Commission. Elle a également pris en considération le fait que le demandeur était en prison au moment de l'audience prévue. Compte tenu de ces faits, elle a conclu que le demandeur n'avait pas démontré de motifs suffisants justifiant la réouverture de l'appel.

[9]      En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire, l'avocat a soutenu que, en concluant que ces faits ne constituaient pas des motifs suffisants de réouverture, la Commission avait commis une erreur de droit. Cependant, il a été incapable de mentionner des principes juridiques erronés sur lesquels la Commission s'était fondée, ni aucun facteur dont la Commission aurait dû ou non tenir compte. Il n'a pas non plus soutenu que le refus de la Commission de rouvrir la décision pouvait être jugé déraisonnable ou inéquitable en matière de procédure. Enfin, l'avocat n'a pas mis en doute la validité de l'ordonnance rendue par la Commission concluant au désistement d'appel, ni l'équité procédurale de l'audience de la requête en désistement.

[10]      Il a plutôt soutenu que la Commission avait commis une erreur de droit en n'accordant pas suffisamment d'importance à certains faits et en n'appliquant pas de la bonne façon le critère des " motifs suffisants " prévu par la loi, aux faits établis. En particulier, il a fait remarquer que le demandeur avait déclaré dans son affidavit qu'après avoir été emprisonné en septembre 1997, et avant son transfert à Edmonton prévu pour le 11 septembre 1997, il avait laissé des messages téléphoniques au bureau de son avocat lui demandant d'aviser les autorités de l'Immigration qu'il serait dans l'impossibilité de comparaître à l'audience du 17 septembre 1997.

[11]      Croyant que l'avocat accéderait à ces demandes, le demandeur a pensé qu'il n'était pas nécessaire qu'il appelle lui-même la Commission. Dans ces circonstances, soutient l'avocat, la Commission aurait dû accorder plus d'importance au fait que le demandeur avait tenté de s'assurer que la Commission avait été avisée. L'avocat a également allégué que la conclusion de la Commission a démontré que celle-ci avait accordé trop peu d'importance au fait que le demandeur était en prison avant et pendant l'audience prévue, ce qui faisait en sorte qu'il était particulièrement difficile pour lui de communiquer avec la Commission.

[12]      À mon avis, quand elle évalue si les faits établis constituent des " motifs suffisants " de réouverture d'un appel, la Commission n'est pas tenue d'être " correcte " pour éviter de commettre une erreur de droit. L'application de cette phrase fourre-tout commande manifestement à la Commission la prise en considération de tous les faits pertinents dont elle dispose, une tâche qui relève de sa compétence spécialisée. Il n'appartient pas à la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de réévaluer ces faits et de substituer son avis à celui de la Commission quant à savoir s'ils constituent des " motifs suffisants " de réouverture. Il s'agit d'une décision que le Parlement a confiée à la Commission.

[13]      J'aimerais seulement ajouter qu'il n'a pas été prouvé que, pendant qu'il était en prison en septembre 1997, le demandeur était dans l'impossibilité de téléphoner à la Commission pour l'informer de sa situation. En outre, étant donné que la Commission avait spécifiquement avisé le demandeur de rester en rapport avec elle, il n'était pas raisonnable que ce dernier ait simplement laissé un message à son avocat sans lui parler directement. En l'absence de preuve établissant que la Commission a agi en fonction d'un principe juridique erroné ou a tiré une conclusion de faits qui était manifestement déraisonnable, la décision de la Commission n'était pas erronée en droit.

[14]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]      L'avocat du demandeur a demandé que soit certifiée une question conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration quant à savoir si le fait qu'une personne ait été emprisonnée et le fait qu'elle n'ait pas été représentée par un avocat constituent des " motifs suffisants " en vertu du paragraphe 32(3) des Règles pour que la Commission soit tenue de rouvrir l'appel.

[16]      J'estime que cette question ne remplit pas le critère statutaire, élaboré par la jurisprudence, parce qu'on y répondra dans une affaire particulière en tenant compte de l'analyse de toutes les circonstances qui s'y rapportent, un problème qui relève principalement du pouvoir discrétionnaire de la Commission. Autrement dit, la réponse donnée à la question dans une certaine affaire n'aura normalement qu'une valeur limitée dans une autre. Par conséquent, je refuse de certifier la question proposée ou toute autre question.

OTTAWA (ONTARIO)      John M. Evans

    

Le 9 février 1999.      J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1331-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DENNIS HANDJIEV c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :          WINNIPEG (MANITOBA)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 15 JANVIER 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS

EN DATE DU :              9 FÉVRIER 1999

ONT COMPARU :

M. DAVID H. DAVIS          POUR LE DEMANDEUR
M. LYLE BOUVIER          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. DAVID H. DAVIS          POUR LE DEMANDEUR

M. LYLE BOUVIER

M. Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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