Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190723


Dossier : IMM-508-19

Référence : 2019 CF 976

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2019

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

JHON HEILER NUNEZ GARCIA

ET AL

demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 31 décembre 2018 rendue par la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. En vertu du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], la SAR a confirmé la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que les demandeurs étaient exclus de la protection du Canada en vertu de l’article 98 de la LIPR et de l’article 1E de la Convention des Nations Unies relative aux réfugiés, 189 RTNU 150 [article 1E de la Convention]. La SAR a également confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État au Costa Rica.

I.  Contexte factuel

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire est présentée par une famille de trois personnes [collectivement, les demandeurs]. Nancy Liliana Segura Portocarrero [Nancy] et son époux Jhon Heiler Nunez Garcia [Jhon], des citoyens colombiens d’ascendance africaine [des Afro-Colombiens], se sont rendus au Costa Rica pour fuir la persécution d’un gang en Colombie. En 2006, Jhon s’est vu accorder le statut de réfugié au Costa Rica et, en 2008, Nancy s’est aussi vu accorder ce statut dans ce pays. En 2008, ils se sont rencontrés et épousés au Costa Rica. En 2012, leur fille Amy Juseth Nunez Segura [Amy] est née au Costa Rica. Nancy a eu un fils avec un ancien conjoint qui vit en Colombie.

[3]  Les incidents à l’origine de la demande d’asile des demandeurs au Canada ont commencé en janvier 2013 lorsqu’ils ont appris que les membres d’un gang appelé Los Urabenos ont assassiné le cousin de Nancy, Yulian. Après cet assassinat, les membres de la famille de Nancy en Colombie ont commencé à recevoir des menaces de mort.

[4]  En septembre 2014, deux hommes armés se sont présentés au travail de Nancy alors qu’elle était sortie pour sa pause du dîner. Ils la cherchaient. Lorsqu’un collègue de Nancy l’a appelée pour la prévenir, elle est rentrée chez elle. La mère de Nancy l’a informée que des membres des Los Urabenos étaient partis de la Colombie pour la retrouver, car selon eux, Nancy était au courant que Yulian devait avoir de l’argent. Un ami de Jhon a aussi dit à Nancy que les hommes armés étaient des tueurs des Los Urabenos.

[5]  Nancy n’a pas signalé cet incident ou tout autre incident à la police. Selon son témoignage à l’audience devant la SPR, elle n’a pas fait de signalement à la police parce que les pratiques policières discriminatoires empêchent les Afro-Colombiens d’obtenir une protection policière adéquate.

[6]  L’époux de Nancy a déclaré ce qui suit à l’agent de l’ASFC : [traduction« Mon épouse a un cousin qui fait partie des guérilleros, qui sont aussi des trafiquants de drogue, comme on peut les voir partout en Amérique et en Amérique centrale. Le cousin de mon épouse avait beaucoup d’argent et, après son assassinat, ils ont pris beaucoup de choses. Ils s’en sont pris à la famille. Ils savaient que mon épouse était proche de lui. Ils ont commencé à la chercher au Costa Rica. C’est pourquoi nous avons décidé de partir. »

[7]  En octobre 2014, les demandeurs ont quitté le Costa Rica pour se rendre au Mexique. Avec l’aide d’un trafiquant d’immigrants illégaux, ils sont entrés aux États‑Unis en traversant clandestinement la frontière. Les demandeurs ont présenté une demande d’asile aux États‑Unis et ont été détenus pour infractions aux lois sur l’immigration, et l’affaire devait être instruite en 2019. Les demandeurs ont consulté un avocat qui leur a dit que leur demande d’asile serait vraisemblablement rejetée. Pour cette raison, la famille s’est rendue au Canada en mai 2016 et a présenté une demande d’asile.

[8]  Le 13 octobre 2017, le frère de Jhon, un citoyen du Costa Rica, y a été assassiné. L’identité de l’assassin et le motif du meurtre sont inconnus.

[9]  Le 6 décembre 2016, à l’issue de deux journées d’audience, la SPR a conclu que Nancy et Jhon étaient exclus de la protection en application de l’article 98 de la LIPR et de l’article 1E de la Convention et qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[10]  L’article 1E de la Convention indique que « [c]ette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays ». L’article 98 de la LIPR confirme que la personne visée à l’article 1E ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

[11]  En ce qui concerne l’article 1E, la SPR a évalué le statut de Nancy et Jhon au Costa Rica. Même si le témoignage de Nancy était parfois contradictoire en ce qui concerne son statut au Costa Rica, le jour de l’audience devant la SPR, cette dernière a conclu que les deux parents avaient le statut de résident permanent ou l’équivalent au Costa Rica. La SPR a aussi conclu que leur statut n’était pas devenu caduc et n’avait pas été annulé non plus.

[12]  Pour ce qui est de la protection de l’État, la SPR a rejeté les explications fournies par les demandeurs pour justifier pourquoi ils n’avaient pas demandé la protection de la police, y compris le fait que la discrimination contre les Afro‑Colombiens au Costa Rica avait nui à leur capacité d’obtenir la protection de l’État. Sur ce point en particulier, elle a conclu qu’elle ne croyait pas que les problèmes généraux de discrimination pour les personnes de couleur au Costa Rica fournissaient une preuve suffisante pour réfuter la présomption de protection de l’État et que la preuve documentaire révélait que le Costa Rica avait fait d’importants efforts pour corriger tout traitement potentiellement discriminatoire dans le pays.

[13]   Le 31 décembre 2018, la SAR a confirmé la décision de la SPR. Cette décision fait l’objet de la demande de contrôle des demandeurs.

[14]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterai la présente demande.

II.  Questions en litige

[15]  Les demandeurs ont formulé les questions en litige comme suit :

A.  La commissaire de la SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la question relative à l’article 1E?

B.  La commissaire de la SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État au Costa Rica?

III.  Norme de contrôle

[16]  La norme de contrôle applicable aux deux questions est celle de la décision raisonnable.

IV.  Analyse

[17]  À l’audience, les parties ont convenu que la SAR avait énoncé et appliqué le bon critère. Les demandeurs ont indiqué que, à leur avis, l’erreur susceptible de contrôle était attribuable au fait que la SAR avait appliqué le critère aux faits de façon déraisonnable parce qu’elle n’avait pas mené une évaluation indépendante des questions relatives à l’article 1E et à la protection de l’État.

[18]  Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica], la Cour d’appel fédérale a conclu que, en ce qui concerne les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit qui ne soulèvent aucune question quant à la crédibilité du témoignage de vive voix, la SAR doit examiner la décision de la SPR selon la norme de la décision correcte. Cet exercice nécessite qu’elle examine attentivement la décision de la SPR et réalise sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a commis une erreur (au par. 103).

[19]  À plusieurs reprises, la Cour a conclu que la SAR doit effectuer « en substance, un examen approfondi, complet et indépendant du type approuvé dans Huruglica CAF » (Marin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 847, au par. 32, citant Gabila c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 574, au par. 20).

A.  La commissaire de la SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la question relative à l’article 1E?

[20]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a simplement fait sienne la conclusion de la SPR et n’a pas effectué une évaluation indépendante de la question relative à l’article 1E pour chaque demandeur, contrairement à ce que la Cour d’appel fédérale nous a enseigné dans l’arrêt Huruglica. Le fait que la SAR n’a pas évalué si le statut de Nancy et Jhon au Costa Rica est différent ou si le statut de résident permanent de Jhon était devenu caduc au moment de l’audience devant la SPR confirme cette erreur. Les demandeurs soutiennent que la SAR a renvoyé aux conclusions de la SPR et non à la preuve en soi.

[21]  Les demandeurs mettent en évidence les incohérences en ce qui concerne le témoignage de Nancy quant à savoir si elle était une résidente permanente au Costa Rica. Contrairement à son époux, Nancy n’avait présenté aucune preuve de son statut de résidente permanente. Toutefois, dans son formulaire de demande générique pour le Canada du 9 juin 2016, elle a déclaré qu’elle avait le statut de résidente permanente et que les renseignements qu’elle avait fournis dans son formulaire de demande étaient véridiques, complets et exacts. Dans une entrevue avec l’ASFC le 1er juin 2016, elle a aussi déclaré qu’elle avait le statut de résidente permanente; toutefois, le 27 mai 2016, pendant une autre entrevue avec un agent de l’ASFC, elle a dit qu’elle avait le statut de réfugié. Dans son entrevue avec la SPR, son avocat lui a demandé s’il y avait [traduction] « des différences entre les privilèges dont elle jouissait en tant que réfugiée au Costa Rica et ceux de Jhon en tant que résident permanent ». Elle a expliqué qu’en tant que réfugiée, elle devait demander un permis pour quitter le Costa Rica et y retourner et que son époux n’avait pas à le faire. À la deuxième journée d’audience, son avocat a réitéré que Nancy n’avait pas demandé le statut de résidente permanente.

[22]  Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas effectué sa propre évaluation de la situation de Nancy ou des incohérences dans son témoignage. Ils font valoir qu’en ne réalisant pas sa propre évaluation de la question de savoir si Nancy avait besoin d’un visa de sortie, la SAR a fait sienne l’erreur commise par la SPR, ce qui en fait une erreur susceptible de contrôle.

[23]  De plus, les demandeurs soutiennent que la SAR a fait référence à ce qu’ils ont fait au Costa Rica plutôt qu’à leur statut réel. Comme il n’y a eu aucune analyse des différences entre le statut de Nancy et celui de Jhon, y compris la question de savoir si Jhon avait perdu le sien, les demandeurs affirment que tout ce que la SAR a fait a été de reprendre l’analyse de la SPR sans effectuer un examen complet et une évaluation indépendante.

[24]  Après avoir évalué ces arguments, je suis d’avis que l’analyse de la SAR était tout à fait raisonnable et que cette dernière n’a commis aucune erreur.

[25]  Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, je suis d’avis que la SAR a effectué une analyse indépendante du statut des demandeurs lorsqu’elle a déclaré ce qui suit :

Mon examen des éléments de preuve concorde avec celui de la SPR, qui a conclu que, au moment de l’audience de la SPR, l’appelant principal [Jhon] et son épouse possédaient ou pouvaient obtenir un statut de résident permanent ou un statut équivalent au Costa Rica, qui leur conférait essentiellement les mêmes droits que les ressortissants de ce pays. Leurs éléments de preuve établissent qu’ils ont vécu librement au Costa Rica pendant six ans avant de décider de fuir ce pays. Ils ont travaillé au Costa Rica, où ils ont également eu accès à des soins de santé et à un régime d’assurance publique. Ils avaient des documents légaux les autorisant à occuper un emploi, ainsi que le droit de réadmission au Costa Rica. [Non souligné dans l’original.]

[26]  Après avoir examiné les motifs exhaustifs de la SPR sur le statut de Jhon et de Nancy, la SAR a manifestement conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que Jhon et Nancy étaient traités de la même façon, qu’ils aient le même statut ou non.

[27]  La SAR a fait remarquer que le statut de Jhon et de Nancy était une question litigieuse. Cette affirmation indique clairement que la SAR était au courant que la question de savoir si le statut du couple était devenu caduc était en litige, car autrement, le statut de Jhon n’aurait pas été mis en doute. Par conséquent, même si son analyse explicite de la question était minime, je suis convaincue que la SAR, lorsqu’elle a déclaré que son examen de la preuve concordait avec les conclusions de la SPR, exprimait en fait son approbation générale des conclusions et des motifs de la SPR sur ce point.

[28]  À ce sujet, je parviens à la même conclusion que madame la juge Strickland dans la décision Irivbogbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 710, au paragraphe 39 :

Même s’il aurait été préférable que la SAR explique pourquoi elle souscrivait à la décision de la SPR, elle n’a pas pour autant commis une erreur en ne répétant pas les motifs de la SPR. De plus, le fait que la SAR n’ait pas expressément mentionné les éléments de preuve n’empêche pas notre Cour de comprendre pourquoi la SAR est parvenue à cette conclusion ni de déterminer si la conclusion fait partie des issues acceptables (NL Nurses).

[29]  La SAR a aussi indiqué que les demandeurs eux‑mêmes ont déclaré plusieurs fois qu’ils avaient le statut de résident permanent au Costa Rica, y compris dans le mémoire d’appel où ils ont déclaré que [traduction« certes, [ils] avaient un statut équivalent à une résidence permanente et ils ont vécu et travaillé à San Jose, au Costa Rica, sans problèmes pendant six ans ».

[30]  Devant la SPR, l’analyse de l’équivalence ou, comme l’a affirmé la SAR, du fait qu’ils « possédaient ou pouvaient obtenir un statut » portait principalement sur le fait que Nancy pouvait quitter le Costa Rica et y retourner, tout comme son époux, mais qu’elle avait seulement besoin d’un permis qu’elle n’avait eu aucune difficulté à obtenir. La SPR lui a aussi posé plusieurs questions en ce qui concerne l’accès à des soins de santé, qu’elle a obtenus de la même façon que son époux. De plus, comme son époux, elle pouvait travailler sans permis ou autre permission.

[31]  Dans la décision Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102, au paragraphe 37, le juge en chef Crampton a déclaré ce qui suit :

En voulant simplement se rassurer quant à la possibilité que d’autres erreurs aient pu être commises, la décision de la SAR ne devrait pas risquer d’être annulée à la suite d’un contrôle judiciaire, en se fondant uniquement sur le fait qu’elle concorde généralement avec les conclusions tirées par la SPR en ce qui a trait aux questions qui n’avaient pas été soulevées par les demandeurs en appel. J’estime que l’objectif de l’alinéa 3(3)g) des Règles [de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257] en serait ainsi vicié, lequel prévoit qu’un appelant doit préciser : i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel, et ii) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la SPR, ou dans la transcription ou dans tout enregistrement de l’audience. [Non souligné dans l’original.]

[32]  Comme dans la décision Dahal, on ne peut reprocher à la SAR d’avoir souscrit aux conclusions de la SPR en général. Il y avait peu à ajouter à ce que la SPR avait déjà affirmé, puisque Jhon et Nancy étaient traités la même façon au Costa Rica et que les demandeurs n’ont pas allégué devant la SAR, et il n’était pas évident à ses yeux, qu’elle devait effectuer une analyse distincte pour les motifs que j’ai exposés.

B.  La commissaire de la SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État au Costa Rica?

[33]  Les demandeurs soutiennent aussi que la SAR n’a pas effectué une analyse contextuelle lorsqu’elle a examiné la raison pour laquelle ils n’ont pas sollicité la protection de l’État au Costa Rica. En particulier, elle n’a pas évalué si la protection de l’État était offerte aux demandeurs compte tenu de leur statut d’Afro‑Colombiens.

[34]  Nul ne conteste que les demandeurs n’ont pas sollicité la protection de l’État; toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la protection de l’État. Les demandeurs soutiennent qu’il n’était pas raisonnable que la SAR n’effectue pas sa propre évaluation de la raison pour laquelle les demandeurs, en tant qu’Afro‑Colombiens, n’ont pas demandé la protection de l’État.

[35]  Selon les demandeurs, il ne suffit pas de dire que l’État fait des efforts, par exemple en nommant un ombudsman ou un commissaire présidentiel responsable des questions touchant les personnes d’origine africaine, puisque la protection doit venir de la police. En analysant la protection de l’État, le décideur doit se demander si la protection est efficace sur le terrain.

[36]  En l’espèce, la SAR a simplement repris l’analyse de la SPR, qui porte sur les efforts déployés par l’État pour lutter contre la discrimination visant les Afro‑Colombiens, mais qui ne tient pas compte de la question de savoir si la protection offerte par la police aux Afro‑Colombiens est efficace sur le terrain. Sans une protection adéquate de l’État au Costa Rica, la SPR aurait dû accepter les raisons données par les demandeurs pour expliquer pourquoi ils n’ont pas demandé la protection de l’État, et la SAR aurait dû conclure que la protection de l’État ne leur était pas offerte.

[37]  De plus, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire (DD, à la page 272) indiquant que les réfugiés colombiens au Costa Rica continuent de recevoir des menaces et d’être tués par des tueurs professionnels rémunérés de la Colombie. L’assassinat de membres de la famille des demandeurs par un gang atteste le fait que le Costa Rica éprouve beaucoup de difficulté à protéger ses réfugiés colombiens contre la violence commise par des gangs et que l’État n’est pas en mesure de protéger les demandeurs.

[38]  Compte tenu des arguments qui précèdent, cette question doit aussi être rejetée puisque je suis d’avis que la SAR a eu raison de conclure que les demandeurs bénéficiaient de la protection de l’État. J’estime que la SAR a effectué son propre examen et a conclu que la décision de la SPR devait être confirmée. La SAR a accepté et examiné de nouveaux éléments de preuve, de sorte que les demandeurs n’ont pas réussi à me convaincre que la SAR n’a pas effectué sa propre évaluation. Il ressort des motifs que la SAR a énoncé les conclusions de la SPR en ce qui concerne la protection de l’État ainsi que les nouveaux éléments de preuve qu’elle a admis et qu’elle a conclu ce qui suit :

[49] En somme, mon examen de la preuve révèle que la SPR a évalué entièrement et correctement la question de la protection de l’État dans la présente affaire. Après avoir effectué une évaluation détaillée et contextuelle de la preuve, la SPR a conclu à juste titre que la protection de l’État n’est pas parfaite, mais qu’elle est tout de même adéquate au Costa Rica, et qu’il était déraisonnable pour les appelants [demandeurs] de ne pas solliciter la protection de l’État contre les menaces et la criminalité à l’origine de leur crainte dans ce pays. La SAR a poursuivi en affirmant que l’identité de l’agresseur qui a tué le frère de John et le motif du meurtre ou les détails de l’intervention ou de l’inaction de la police n’étaient pas connus et que les demandeurs n’avaient présenté aucun élément de preuve clair et convaincant pour réfuter la présomption de protection adéquate de l’État.

[39]  Il incombait aux demandeurs d’établir qu’ils ne pouvaient se prévaloir de la protection de l’État au Costa Rica. La preuve documentaire et le témoignage des demandeurs ne permettent pas de réfuter la présomption selon laquelle ils auraient pu bénéficier de la protection de l’État s’ils s’étaient adressés aux autorités.

[40]  La SPR a examiné en détail la preuve documentaire et le témoignage des demandeurs. Même si les demandeurs n’ont pas indiqué dans leur mémoire d’appel que cela était une erreur, la SAR a examiné les conclusions concernant la protection de l’État ainsi que la possibilité pour les Afro-Colombiens en particulier de se prévaloir de la protection de l’État.

[41]  Je suis convaincue que la conclusion de la SAR, même si elle n’est pas explicitement énoncée, selon laquelle la SPR a évalué entièrement et correctement la question de la protection de l’État, englobe celle de la SPR selon laquelle [traduction] « [elle n’était pas convaincue que] les exemples précis d’incidents au cours desquels les criminels n’ont pas été appréhendés par la police, y compris les cas où la victime est afro‑colombienne [...] ou les problèmes généraux de discrimination envers les personnes de couleur au Costa Rica, fournissent une preuve suffisante pour réfuter la présomption de protection de l’État ».

[42]  Bien que les motifs exposés par la SAR pour confirmer cette conclusion auraient pu être plus clairs, un examen du dossier permet à la Cour d’apprécier le caractère raisonnable de cette décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au par. 15). En particulier, les demandeurs ont fait référence à des incidents au cours desquels des crimes contre les Afro‑Colombiens n’ont pas été résolus, mais la négligence de certains policiers en particulier ne veut pas dire que l’État est incapable de protéger sa population sur le terrain. De plus, aucune preuve objective sur les conditions dans le pays concernant la discrimination contre les Afro-Colombiens au Costa Rica n’établissait un lien avec la capacité de la police à fournir une protection.

[43]  Les conclusions de la SAR quant à l’omission des demandeurs de solliciter la protection de l’État sont raisonnables et étayées par la preuve. Les arguments des demandeurs sur l’efficacité concrète doivent être rejetés puisque la décision de la SAR est raisonnable.

[44]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[45]  Aucune question à certifier n’a été présentée à la Cour et les documents présentés n’en soulèvent aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-508-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de juin 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-508-19

INTITULÉ :

JHON NUNEZ GARCIA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JUIN 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 23 JUILLET 2019

COMPARUTIONS :

Lobat Sadrehashemi

Embarkation Law Corporation

POUR LES DEMANDEURS

Keith Reimer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Summit Law

Edmonton (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

Ministère de la Justice

Colombie-Britannique

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.