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Date : 19980409

Dossier : IMM-1006-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 AVRIL 1998            

EN PRÉSENSE DE :    MONSIEUR LE JUGE NADON          

ENTRE :

                                                      SHAKEEL AHMED,

                                                                                                                               requérant,

                                                                      ET

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                     intimé.   

            Contrôle judiciaire de la décision rendue par la C.I.S.R. (Me Diane Nancy Doray et Me Bernard Sivak) le 20 février 1997 dans le dossier M95-05375.

                                      [Article 82.1 de la Loi sur l'immigration]

                                                          ORDONNANCE

            La demande est rejetée.   

                                                                                                                « MARC NADON »        

                                                                                                                                         Juge             

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


Date : 19980409

Dossier : IMM-1006-97

ENTRE :

                                                      SHAKEEL AHMED,

requérant,

                                                                      ET

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                     intimé.   

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]         Le requérant demande une ordonnance d'annulation d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) qui a rejeté sa demande de statut de réfugié.

[2]         Le requérant, qui est un citoyen du Pakistan, affirme avoir une crainte raisonnable de persécution en raison de ses opinions politiques. Le requérant dit qu'il est membre du Parti national awami (PNA), un parti politique au Pakistan. Selon le requérant, il a fait l'objet de menaces et de brutalités à maintes reprises entre 1993 et 1995 par des sympathisants du Parti du peuple pakistanais (PPP) en raison du fait qu'il était membre du PNA et qu'il participait aux activités de celui-ci.

[3]         Le requérant ajoute que son père a été tué par des sympathisants du PPP en mars 1995 et qu'il a lui-même fait l'objet de menaces de mort. La direction de son parti a porté l'affaire à l'attention de la direction du PPP, alors au pouvoir au Pakistan. Le requérant prétend qu'il a résulté de ces discussions que le ministre en chef de la province [TRADUCTION] « a suivi la même ligne de conduite que celle qu'utilise le PPP dans de tels cas » , soit qu'une fausse accusation de trafic d'armes illégales a été portée contre le requérant. Le requérant déclare qu'un mandat d'arrestation a été émis contre lui le 15 avril 1995. Lorsqu'il a été informé de l'émission du mandat, le requérant s'est caché. Sur l'avis de ses amis, des membres de sa parenté et de dirigeants du parti, le requérant a quitté le Pakistan afin d'échapper à son arrestation. Il est arrivé à Montréal le 8 mai 1995 et a demandé l'octroi du statut de réfugié.

[4]         La Commission a rejeté la demande du requérant pour deux motifs. En premier lieu, la Commission a jugé la preuve soumise par le requérant non crédible sur un certain nombre de points pertinents. En deuxième lieu, la Commission a conclu que le requérant avait [TRADUCTION] « une possibilité de refuge intérieur sûr (PRI) » . En ce qui concerne le second motif, l'avocat de l'intimé a admis à l'audience que la conclusion tirée par la Commission ne peut pas être maintenue. Je suis d'accord. Cependant, pour les raisons qui suivent, cette erreur est sans conséquence.

[5]         En ce qui concerne le premier motif, le requérant a contesté un certain nombre de conclusions tirées par la Commission. Les conclusions de la Commission relatives au mandat d'arrestation dont il est question se trouvent au coeur de son appréciation portant sur la crédibilité. La Commission a énoncé les raisons suivantes sur ce point:               

        [TRADUCTION] Le demandeur attribue la mort de son père à des brutes faisant partie de la section locale du PPP qui ont attaqué le siège social, récemment rénové, du PNA. C'est ce qu'il a déclaré dans un article de journal. Le demandeur prétend que cette attaque visait son père et lui car les auteurs de l'attaque, qui se déplaçaient à moto, criaient qu'ils voulaient tuer le père et le fils. Il prétend également que le jour de l'enterrement de son père, soit le 20 mars 1995, il a reçu une lettre de menaces anonyme. Il s'en est plaint au président de son parti, M. Ajmal Khattack, lequel a porté les événements à l'attention du ministre en chef du gouvernement provincial. Lorsque celui-ci a nié la responsabilité du PPP pour le meurtre, M. Khattack a menacé d'aborder le sujet avec la Première ministre elle-même. Le demandeur prétend que le ministre en chef lui-même, pour se venger, a fait en sorte que de fausses accusations de trafic d'armes illégales soient portées contre lui.

        Le demandeur a été interrogé sur les deux copies du mandat d'arrestation et de la lettre provenant de son avocat, qu'il a produites à l'appui de sa prétention selon laquelle de fausses accusations de trafic d'armes ont été portées contre lui. La copie du mandat d'arrestation a été obtenue par son frère et a ensuite été envoyée par le demandeur à un avocat au Pakistan, lequel a prétendûment fait certifier la copie par l'agent même à qui le mandat était destiné. Malgré cette attestation, nous ne croyons pas que le mandat est valide. Sur l'en-tête de la copie déposée à l'audience, apparaissent les mots « criminal » ( « criminel » ) et « Urdu » ( « Ourdou » ) écrits à la main. Le reste du mandat étant écrit en ourdou, l'insertion au début, à l'en-tête du mandat d'arrestation, de ces mots en anglais est inexpliquée et fort douteuse. De plus, le demandeur a omis de produire le rapport de renseignements préliminaires (RRP) énonçant les véritables accusations retenues contre lui. Le tribunal considère cette omission importante. Si son avocat a pu obtenir une copie certifiée du mandat, pourquoi n'aurait-il pas pu aussi obtenir une copie des accusations portées contre le demandeur?                                                                          

        De même, le tribunal n'ajoute pas foi à la lettre de l'avocat non plus. Outre l'erreur d'épellation du mot « Legal » ( « Légal » ) à son en-tête, (un avocat qui se respecte ne saurait-il pas comment épeler le mot « legal » ?), nous considérons la lettre vague au point où elle n'est d'aucune utilité pour soutenir les prétentions du demandeur. Il n'y a aucun numéro de la cause prétendument en cours, aucune date à laquelle il s'est prétendument présenté au tribunal au nom du demandeur, aucune explication sur la façon dont il s'y est pris pour tenter de faire annuler le mandat et aucune copie des documents produits au nom du demandeur. Nous jugeons ces omissions importantes et nous n'accordons que très peu de valeur probante à cette lettre. En ce qui concerne la crainte de persécution fondée sur ces fausses accusations, nous arrivons à la conclusion que le demandeur n'a pas réussi à faire la démonstration du bien-fondé de sa demande à l'aide de preuves crédibles et dignes de foi [1].

[6]         Les conclusions tirées par la Commission relativement au mandat d'arrestation étaient d'une « importance capitale » car le requérant a témoigné qu'il ne désirait pas retourner au Pakistan parce qu'il craignait être arrêté en raison de [TRADUCTION] « ces accusations fabriquées de toutes pièces qui ont été portées contre moi et sur lesquelles ils vont essayer d'obtenir des admissions de ma part » [2].

[7]         Au cours de la première audition, tenue le 9 avril 1996, le requérant a témoigné qu'avant qu'un mandat d'arrestation puisse être émis, un rapport de renseignements préliminaires ( « RRP » ) devait être produit. Le requérant a déclaré être au courant de cela en raison de ses activités politiques. Lorsque la Commission lui a demandé si son avocat au Pakistan savait qui avait rédigé le RRP, le requérant a répondu qu'il pouvait fournir à la Commission le numéro de téléphone de son avocat au Pakistan.

[8]         Vers la fin de l'audition du 9 avril 1996, la Commission a signalé au requérant qu'elle avait besoin de davantage d'informations au sujet des accusations portées contre lui. La cause a alors été ajournée au 22 mai 1996 pour permettre au requérant d'obtenir des documents additionnels sur un certain nombre de points. Le 22 mai 1996, les documents requis par le requérant n'ayant pas encore été reçus, la cause a de nouveau été ajournée, cette fois, au 29 mai 1996.    

[9]         Le 29 mai 1996, le requérant et son avocat n'étant pas présents, la cause a encore une fois été ajournée. Toutefois, la Commission a noté au dossier qu'elle avait reçu de la part du requérant, notamment, une lettre d'un avocat pakistanais datée du 9 mai 1996 ainsi qu'une traduction d'un mandat d'arrestation.

[10]       Au cours des plaidoiries qui ont eu lieu le 16 juillet 1996, la Commission a fait remarquer à l'avocat du requérant qu'il n'avait pas produit le RRP. L'avocat a répondu qu'il l'avait oublié « [...] celui-là » .

[11]       Je suis en accord avec la Commission sur le fait que le requérant aurait dû produire le RRP ou, à tout le moins, expliquer pourquoi il ne pouvait pas le produire. Il n'a même pas tenté de le faire. En ce qui concerne la lettre datée du 9 mai 1996, qui a été envoyée par l'avocat du requérant au Pakistan, elle se lit, en partie, comme suit :

                       [TRADUCTION]

En ce qui concerne votre autre dossier de trafic d'armes non autorisées, j'y travaille. Je ne veux pas, cependant, vous donner de faux espoirs. Le gouvernement a déjà, en quelque sorte, assemblé des témoins à qui vous auriez vendu les armes.       

La cause est pendante à la Cour, étant donné qu'elle ne peut être entendue en votre absence. J'ai essayé de faire annuler votre mandat d'arrestation mais cela n'a pas été possible. Votre frère m'a aussi contacté et nous nous occupons de votre cause activement. Cependant, si vous avez besoin d'informations supplémentaires, n'hésitez pas à me contacter.

                                                                                         [erreurs dans l'original anglais]

[12]       Je suis également en accord avec la Commission sur le fait qu'il est quelque peu surprenant que l'avocat n'ait pas été capable d'obtenir une copie du RRP ou de fournir des informations au sujet des accusations portées contre le requérant.

[13]       La Commission a également signalé qu'elle n'ajoutait pas « foi à la lettre de l'avocat non plus » . La Commission a souligné que le mot « legal » a été erronément épelé      « Leagle » sur l'en-tête de la lettre de l'avocat. La Commission a déclaré en prononçant ses motifs :

... un avocat qui se respecte ne saurait-il pas comment épeler le mot « legal » [3]?

[14]       Le requérant a prétendu que le mot « leagle » constituait évidemment une erreur d'impression. Je ne suis pas d'accord. Si l'avocat du requérant était réellement un avocat de la Haute Cour du Pakistan, comme il prétend l'être, je ne doute pas que le mot « legal » serait correctement épelé sur son en-tête. Je suis aussi en accord avec la déclaration de la Commission selon laquelle la lettre de l'avocat est « vague au point où elle n'est d'aucune utilité pour soutenir les prétentions du demandeur » .

[15]       Je suis donc d'avis que la Commission n'a commis aucune erreur lorsqu'elle est arrivée à la conclusion que « très peu de valeur probante » pouvait être attribuée à la lettre de l'avocat. Dès lors, la Commission a entièrement mis de côté la preuve invoquée par le requérant concernant les prétendument fausses accusations portées contre lui par le PPP. À mon avis, compte tenu de la preuve, les conclusions de la Commission sont raisonnables.

[16]       Le requérant a contesté d'autres conclusions tirées par la Commission concernant son récit. Compte tenu de ma conclusion en ce qui a trait aux conclusions de la Commission sur les fausses accusations et le mandat d'arrestation, je ne vois pas l'intérêt d'aborder les autres conclusions soulevées par le requérant. Les accusations de trafic d'armes illégales portées contre le requérant et le mandat d'arrestation émis contre lui en raison de ces accusations étant au coeur du récit du requérant, la conclusion tirée par la Commission selon laquelle cette preuve n'était pas crédible est suffisante pour décider de la demande de statut de réfugié déposée par le requérant. Ma conclusion selon laquelle les conclusions de la Commission ne sont pas déraisonnables est suffisante pour décider de la présente demande de contrôle judiciaire.

[17]       La demande est donc rejetée.

                                                                                                                « MARC NADON »             

                                                                                                                                         Juge                  

Ottawa (Ontario)

Le 9 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE DOSSIER :                               IMM-1006-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :    SHAKEEL AHMED c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 3 FÉVRIER 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE NADON

EN DATE DU :                                     9 AVRIL 1998

COMPARUTIONS :

RACHEL BENAROCH                                                           POUR LE REQUÉRANT

DANIEL LATULIPPE                                                  POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

RACHEL BENAROCH                                                           POUR LE REQUÉRANT

MONTRÉAL

M. GEORGE THOMSON                                                       POUR L'INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



       Dossier du tribunal, pages 6 et 7.

       Dossier du tribunal, page 319.

       Dossier du tribunal, page 7.

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