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Date : 20010604

Dossier : T-1765-99

Référence neutre: 2001 CFPI 587

Entre :

                                                            JEAN DUGRÉ

                                                                                                                         Demandeur

Et:

                                                         MICHEL DOUCET

                                                                    - et -

                                                             WILLIE GIBBS

                                                                    - et -

                                     LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                          Défendeurs

                                              MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                Par sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur Jean Dugré cherche à faire annuler les recommandations et les conclusions du rapport du défendeur Me Michel Doucet, daté octobre 1999.


[2]                Les faits pertinents sont fort simples et peuvent se résumer comme suit. Le demandeur est un commissaire de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la « CNLC » ). Le 14 mai 1999, il signait un affidavit[1] au soutien de la demande de prorogation de délai déposée par un détenu, Raynald Desjardins, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler une décision de la Section d'appel de la CNLC ayant refusé de le libérer aux termes des articles 125 et 126 de la Loi sur le service correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la « Loi » ).

[3]                Il est bon de noter que le dépôt de l'affidavit du demandeur résulte d'une ordonnance que rendait mon collègue, le juge Rouleau, le 10 mai 1999. Cette ordonnance se lit comme suit:

L'audition [de la demande de prorogation de délai] remise au 31 mai 1999.

Le requérant doit soumettre à la Cour preuve sous forme d'affidavit de la part d'un Commissaire du tribunal attestant de l'influence indue de la part des autorités en ce qui concerne la décision relative à la libération conditionnelle du demandeur – la preuve doit être déposée avant le 17 mai 1999 – Les intimés pourront contre-interroger avant le 25 mai 1999 et déposer affidavit à l'encontre avant le 28 mai 1999.

[4]    Dans son affidavit du 14 mai 1999, comprenant 36 paragraphes, le demandeur soulevait la possibilité d'ingérence dans la prise de décisions par certains commissaires de la CNLC et, plus particulièrement, dans le dossier concernant Raynald Desjardins.


[5]                Le 24 juin 1999, soit le jour même où le juge Rouleau rejetait la requête en prorogation de délai de Raynald Desjardins, M. Willie Gibbs, président de la CNLC, nommait, aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi, Me Michel Doucet, professeur titulaire de droit et doyen de la Faculté de droit de l'Université de Moncton, afin d'enquêter et de lui faire rapport relativement aux questions suivantes:

i)    le contenu, la véracité et la crédibilité des allégations d'ingérence faites par le demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999;

ii) la conformité des actes du demandeur ci-haut mentionnés au Code de déontologie de la CNLC.

[6]                Dans l'ordre de convocation et mandat d'enquête qu'il signait le 24 juin 1999, le président de la CNLC relatait comme suit les événements qui, à son avis, justifiaient le mandat confié à Me Doucet:

ATTENDU QU'aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch.20, que la personne à la présidence de la Commission nationale des libérations conditionnelles peut charger une ou plusieurs personnes de faire enquête et de lui remettre un rapport sur toute question concernant le fonctionnement de la Commission;

                                                                       et

ATTENDU QUEl'article de journal intitulé "Un commissaire des libérations conditionnelles se plaint d'une ‘apparence d'ingérence flagrante'" paru dans La Presse du jeudi 30 avril 1998 vise le commissaire Jean Dugré;

                                                                       et

ATTENDU QU'en date du 14 mai 1999, le commissaire permanent Jean Dugré de la région du Québec signait un affidavit pour le compte du délinquant Raynald Desjardins dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, Section de première instance (No 99-T-18);

                                                                       et

ATTENDU QUEcet affidavit est cité également dans une correspondance en date du 26 mai 1999 d'une autre avocate;

                                                                       et

ATTENDU QUEles avocats responsables des démarches susmentionnées comparaissent devant la Commission, région du Québec, lors d'audiences en vue de libération conditionnelle en tant qu'assistants de délinquants;

[7]                Relativement aux questions qui constituent le mandat de Me Doucet, le président de la CNLC ordonnait à Me Doucet de lui fournir ses conclusions de fait et de lui faire toute recommandation sur tout processus qu'il juge appropriée. En bref, comme le signale Me Doucet à la page 6 de son rapport, ce sont les allégués de l'affidavit du 14 mai 1999 qui font l'objet de son enquête.

[8]                Suite à son enquête, Me Doucet rédigeait un rapport provisoire en date du mois d'août 1999. Dans ce rapport, Me Doucet relatait les points saillants de son enquête, ainsi que ses conclusions préliminaires.


[9]                Le 19 août 1999, vu le fait qu'il imputait des fautes à certaines personnes, Me Doucet faisait parvenir copie de son rapport préliminaire à ces personnes. Me Doucet faisait aussi parvenir copie de son rapport préliminaire à M. Gibbs. La lettre que faisait parvenir Me Doucet au demandeur se lit comme suit:

Je vous remercie vivement d'avoir pris le temps de me rencontrer dans le cadre de mon enquête tenue en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Je suis en train de rédiger mon rapport d'enquête. En ce faisant, je tente de présenter les faits et les constatations de manière équitable, complète et exacte. C'est justement ce souci d'équité qui est à l'origine de ma lettre.

En préparant ce rapport, j'ai relevé certaines déclarations qui méritent, à mon avis, qu'un préavis vous soit donné en vertu de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes. Je considère cette information comme pertinente et je l'estime importante pour mon enquête.

Je désire m'assurer que j'ai un tableau exact des faits. C'est pourquoi, conformément à l'article 13, je vous communique ces déclarations et vous offre la possibilité d'y répondre. Vous les trouverez ci-jointes.

Je n'ai pas encore arrêté ma décision quant à l'inclusion de ces déclarations dans mon rapport final. Cette décision ne sera pas prise tant que vous n'aurez pas eu une occasion raisonnable de les examiner et d'y répondre.

Pour faciliter les choses, je vous demande de me faire savoir le plus tôt possible, si vous avez l'intention de me rencontrer, en compagnie de votre avocat si vous le souhaitez, pour discutez [sic] des déclarations qui vous concerne [sic]. Nous pourrions alors convenir d'une date et d'un lieu pour cette rencontre. Si d'ici au 17 septembre 1999, je n'ai pas de réponse, j'en déduirai que vous ne désirez pas me rencontrer.

Si vous préférez présenter vos arguments par écrit, veuillez me le faire savoir le plus rapidement possible. J'étudierai avec toute l'attention possible toute présentation écrite de votre part qui me parviendra avant le 17 septembre 1999.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.


[10]            Au mois d'octobre 1999, Me Doucet signait son rapport final et le faisait parvenir à M. Gibbs, ce dernier recevant copie du rapport vers le 15 octobre 1999. Quant au demandeur, il recevait sa copie du rapport vers le 29 octobre 1999. Le sommaire de ce rapport, que l'on retrouve aux pages 2, 3 et 4, est le suivant:

4.             Sommaire

Les conclusions du rapport d'enquête concernant les allégations énoncées dans l'affidavit du Commissaire Jean Dugré, signé pour le compte du délinquant Raynald Desjardins, en Cour fédérale (Section de première instance), dans le dossier No 99-T-88, sont les suivantes:

–              Les allégations contenues dans les paragraphes 5, 6 et 7 et qui sont attribuées à Renaud Dutil sont inexactes;

–              Les allégations contenues dans le paragraphe 8 sont inexactes. En ce qui concerne le paragraphe 9, le fait que Renaud Dutil n'a jamais été invité à siéger à la section d'appel n'a rien à voir avec les raisons qui sont données dans ce paragraphe;

–              Les allégations des paragraphes 11 et 12 sont inexactes;

–              en ce qui concerne le paragraphe 13, s'il est vrai que le commissaire Renaud Dutil a été moins utilisé que le commissaire Jean-Pierre Beauchesne, cette situation n'a rien à voir avec des actes de représailles mais elle est plutôt due au manque de disponibilité du commissaire Dutil étant donné ses engagements professionnels;

–              En ce qui concerne le paragraphe 14, je n'ai pas trouvé de preuve de l'existence d'une « ligne de pensée de l'administration » qui doit être suivie par les commissaires;

–              Les allégations du paragraphe 15a), tel qu'énoncé, sont exactes;

–              Les allégations du paragraphe 15b), tel qu'énoncé, sont exactes mais les raisons qui ont entraîné la sous utilisation du commissaire n'établissent pas une ingérence de l'administration;

–              Contrairement aux allégations du paragraphe 15c), je ne peux conclure que la commissaire dont il est fait mention a été peu utilisée et qu'elle ait fait l'objet de représailles;

–              En ce qui concerne le paragraphe 15d), il est clair que Daniel Dortélus croit sincèrement avoir été l'objet de représailles. Toutefois, les témoignages et les documents que j'ai en ma possession ne me permettent d'arriver, en toute conscience, à cette conclusion;

–              Il n'existe aucune preuve que le commissaire dont il est fait mention dans le paragraphe 15e) ait été l'objet de représailles;

–              Il est exact que le commissaire dont il est fait mention dans le paragraphe 15f) a reçu une évaluation de rendement négative pour l'année 1997-1998. Je conclus également que le commissaire a fait part à certains commissaires de son intention de prendre une action légale contre le vice-président régional. Toutefois, rien ne me permet de conclure qu'il a menacé le vice-président d'une telle action;

–              Il est exact que le commissaire dont il est fait référence au paragraphe 16 a rencontré le vice-président pour discuter de son évaluation et que lors de cette rencontre le vice-président lui a suggéré de rédiger lui-même un projet d'évaluation, ce qu'il a fait;

–              Il est exact que les deux commissaires mentionnés au paragraphe 18 ont subi pour les années 1997-1998 des évaluations de rendement négatives. Il est également exact que le vice-président les a approchés pour qu'ils viennent le rencontrer afin de discuter de leur évaluation. Toutefois, le vice-président n'a jamais proposé à ces commissaires de rédiger eux-même leurs évaluation comme cela est sous-entendu à ce paragraphe. Je ne peux non plus arriver à la conclusion que ces évaluations consistaient en des représailles;

–              Les propos qui sont attribués à l'agent au Service correctionnel du Canada aux paragraphes 19 à 22 ne correspondent pas à ce que cet agent affirme avoir dit à l'auteur de l'affidavit;

–              Les allégations du paragraphe 23 sont, à mon avis, d'aucune importance;

–             Les allégations des paragraphes 24 et 25 ne peuvent s'être produites puisque le 9 décembre 1997, la décision dans l'affaire Raynald Desjardins avait déjà été rédigée;

–              Les allégations du paragraphe 26 sont inexactes;

–              Les allégations du paragraphe 27 sont inexactes;

–              Étant donné que les allégations du paragraphe 27 sont inexactes, les conclusions des paragraphes 28, 29, 30 et 31 sont également inexactes.

Je suis d'avis que dans ses agissements le commissaire Jean Dugré a contrevenu à plusieurs dispositions du Code de déontologie, à son serment d'office et de discrétion, ainsi qu'à la confiance placée en lui lors de sa nomination.

Étant donné les conclusions de mon rapport, je conseille au président de recommander au ministre la tenue d'une enquête, en application de l'article 155.1 de la Loi, sur les agissements du commissaire Jean Dugré.

[11]            Il est à noter que le 3 septembre 1999, le président de la CNLC suspendait le demandeur, avec solde, de ses fonctions de commissaire jusqu'à nouvel ordre.


[12]            Le 4 octobre 1999, le demandeur déposait la présente demande de contrôle judiciaire qui soulève les questions suivantes[2]:

i)    Me Doucet, nommé par le président de la CNLC en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, avait-il le pouvoir d'enquêter sur le demandeur par rapport à une norme déontologique?

ii) Si Me Doucet avait cette compétence, les principes d'équité procédurale ont-ils été enfreints en l'espèce et, par conséquent, Me Doucet a-t-il excédé sa compétence?

iii) Y avait-il une crainte raisonnable de partialité pour le demandeur?

[13]            Pour les motifs qui suivent, je ne traiterai que de la première question soulevée par le demandeur. Cette question suffit, à mon avis, pour disposer de la demande de contrôle judiciaire.

[14]            Les dispositions pertinentes de la Loi sont les paragraphes 152(4), 155.1 (1) et (2), ainsi que les paragraphes 155.2 (1), (2) et (3), qui se lisent comme suit:



152. (4) Le président peut nommer une ou plusieurs personnes chargées d'enquêter et de faire rapport sur toute question portant sur les activités de la Commission; les articles 7 à 13 de la Loi sur les enquêtes s'appliquent à ces personnes, avec les adaptations nécessaires, comme si les renvois aux commissaires étaient des renvois aux personnes que nomme le président.

                   *******

155.1 (1) Le président peut recommander au ministre la tenue d'une enquête sur les cas de mesures disciplinaires ou correctives au sein de la Commission pour tout motif énoncé aux alinéas 155.2(2)a) à d).

         (2) Si le ministre estime qu'une enquête s'impose, celle-ci est tenue par un juge, juge surnuméraire ou ancien juge de la Cour fédérale.

                   *******

155.2 (1) À l'issue de l'enquête, l'enquêteur présente au ministre un rapport sur ses conclusions.

          (2) L'enquêteur peut, dans son rapport, recommander la révocation, la suspension sans traitement ou toute mesure disciplinaire ou corrective s'il est d'avis que le membre en cause de la Commission est inapte à remplir utilement ses fonctions pour l'un ou l'autres des motifs suivants:

a)         invalidité;

b)         manquement à l'honneur ou à la dignité;

c)         manquement aux devoirs de sa charge;

d)         situation d'incompatibilité, qu'elle soit imputable au membre ou à toute autre cause.

            (3) Le ministre transmet le rapport au gouverneur en conseil qui peut, s'il l'estime indiqué, révoquer le membre en cause, le suspendre sans traitement ou prendre toute autre mesure disciplinaire ou corrective.

152. (4) The Chairperson may appoint a person or persons to investigate and report on any matter relating to the operaitons of the Board, and sections 7 to 13 of the Inquiries Act apply in respect of such investigations, with such modifications as the circumstances require, as if the references to "commissioners" in those sections were references to the person or persons so appointed.

                   *******

155.1 (1) the Chairperson may recommend to the Minister that an inquiry be held to determine whether any member of the Board should be subject to any disciplinary or remedial measures for any reason set out in any of paragraphs 155.2(2)(a) to (d).

          (2) Where the minister considers it appropriate that an inquiry under this section be held, a judge, supernumerary judge or former judge of the Federal Court, in this section and section 155.2 referred to as a "judge", shall conduct the inquiry

                   *******

155.2 (1) After an inquiry under section 155.1 has been completed, the judge who conducted the inquiry shall prepare a report of the conclusions of the inquiry and submit it to the Minister.

           (2) Where an inquiry under section 155.1 has been held and, in the opinion of the judge who conducted the inquiry, the member of the Board in respect of whom the inquiry was held:

(a)        has become incapacitated from the due execution of the member's office by reason of infirmity;

(b)        is guilty of misconduct,

(c)        has failed in the due execution of the member's office, or

(d)        has been placed, by conduct or otherwise, in a position that is incompatible with the due execution of the member's office,

the judge may, in the report of the inquiry, recommend that the member be suspended without pay or be removed from office or may recommend that such disciplinary or remedial measure as the judge considers necessary be taken.

              (3) Where the Minister receives a report under subsection (1), the Minister shall send a copy of the report to the Governor in Council, who may suspend the member of the board to whom the report relates without pay, remove the member from office or take any other disciplinary or remedial measure.


[15]            Les conclusions et recommandations du rapport de Me Doucet, auxquelles s'attaque le demandeur, sont les suivantes:

i)                L'information que j'ai recueillie lors de mes entrevues ainsi que les documents que j'ai consultés m'amènent à conclure que plusieurs des allégations qui sont contenues dans l'affidavit du commissaire Dugré sont inexactes et que certaines constatations sont fondées sur des mauvaises interprétations des faits. De telles affirmations sont susceptibles, à mon avis, de causer des dommages à la réputation et à la crédibilité de la CNLC. D'ailleurs, j'ai pu constater que cet affidavit, un document public, a connu une certaine notoriété dans le milieu carcéral et rendra plus difficile le travail des commissaires.

Je constate également qu'en ayant signé cet affidavit, le commissaire Dugré complique ses relations avec ses collègues commissaires. Si certains commissaires m'ont dit qu'ils accepteraient de siéger avec le commissaire Dugré, tout en étant prudents par rapport à ce qu'ils pourraient lui dire, d'autres m'ont cependant carrément affirmé qu'ils refuseraient de le faire. Il est évident que cette situation est néfaste sur les activités de la CNLC, région du Québec.

À mon avis, le commissaire Dugré a commis une faute en signant cet affidavit sans procéder à une sérieuse vérification de certaines de ces [sic] allégations et qu'il a agi de sorte à affecter les activités de la CNLC. [pages 48 et 49 du rapport].

ii)             Je suis d'avis que dans plusieurs instances le commissaire Dugré a agi de manière à transgresser le Code de déontologie de la CNLC, le serment d'office et de discrétion ainsi que la confiance placée en lui lors de sa nomination. [page 56 du rapport]

iii)               Suite à l'enquête que j'ai menée en vertu du mandat qui m'a été confié, j'ai pu constater:


1)         que l'affidavit du commissaire Jean Dugré signé pour le compte de Raynald Desjardins dans le cadre d'une demande contrôle judiciaire à la Cour fédérale (No 99-T-18) contient plusieurs imprécisions et inexactitudes;

2)         le commissaire Jean Dugré, par ses agissements, a contrevenu à plusieurs dispositions du Code de déontologie de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Étant donné les conclusions de mon rapport, je conseille au président de recommander au ministre la tenue d'une enquête en application de l'article 155.1 de la Loi, sur les agissements du commissaire Jean Dugré. [page 67 du rapport]

[16]            Comme je l'ai indiqué plus tôt, Me Doucet avait le mandat de faire enquête et de faire rapport sur deux questions. La première concerne le contenu, la véracité et la crédibilité des allégations faites par le demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999. La deuxième question concerne la conformité des actes du demandeur, à savoir la signature de l'affidavit du 14 mai 1999 ainsi que ses allégations d'ingérence, au Code de déontologie de la CNLC. Pour les motifs qui suivent, j'en viens à la conclusion que Me Doucet n'avait pas compétence pour enquêter et faire rapport sur ces questions.


[17]            Le rapport de Me Doucet est divisé en sept sections. La section I est le sommaire du rapport que j'ai déjà reproduit. Dans la section II de son rapport, Me Doucet résume les faits qui ont conduit à la signature de l'affidavit du 14 mai 1999, à savoir les faits concernant la demande de prorogation de délai déposée par Raynald Desjardins dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Dans la section III de son rapport, Me Doucet donne un compte-rendu des démarches qu'il a entreprises dans le cadre de son enquête et qui lui ont permis de produire le rapport qu'il a remis au mois d'octobre 1999 au président de la CNLC. Spécifiquement, Me Doucet y dresse la liste des documents dont il a pris connaissance ainsi que le nom des personnes qu'il a rencontrées avant de signer son rapport préliminaire. Me Doucet relate aussi ce qui s'est passé suite à l'envoi de son rapport préliminaire ainsi que des avis en vertu de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. 1985, ch. I-11. Plus particulièrement, Me Doucet relate la correspondance et les discussions qu'il a eu avec le demandeur et son avocat, Me Paquin.

[18]            Dans la section IV de son rapport, Me Doucet fait une analyse de la CNLC et de ses opérations. Il fait état du Rapport du Vérificateur général de 1994 concernant le processus de sélection des commissaires en existence avant 1994, et du fait qu'un nouveau processus de sélection a été adopté en 1994. Par la suite, Me Doucet passe en revue les responsabilités incombant au vice-président d'une section régionale et ses relations avec les commissaires relativement à la distribution des dossiers "et de toutes matières d'administration qui les concernent". Me Doucet fait aussi état de la structure administrative qui soutient les commissaires dans l'exécution de leur mandat. Finalement, Me Doucet fait référence à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Mooring c. Canada (CNLC), [1996] 1 R.C.S. 75. Me Doucet résume cette décision aux pages 17 et 18 de son rapport, comme suit:


Dans l'affaire Mooring c. Canada (CNLC), [1997] 1 R.C.S. 75, la Cour suprême s'est penché sur le statut de la CNLC. Selon la Cour, la CNLC n'est ni un tribunal judiciaire, ni un tribunal quasi-judiciaire mais un tribunal administratif indépendant. À ce titre, elle n'entend et n'évalue aucun témoignage et agit plutôt sur la foi des renseignements. Les audiences de la CNLC diffèrent sur plusieurs points de celles qui se déroulent devant les tribunaux classiques. Par exemple, le rôle de l'avocat qui comparaît devant la CNLC est limité à celui d'un assistant. Il ne fait face à aucun adversaire puisque l'audience se tient à des fins d'enquête. Il ne peut prendre la parole qu'à un seul moment, soit à la fin de l'audience où il peut s'adresser à la Commission au nom de son client. Les règles classiques de preuve ne s'appliquent pas aux audiences devant la Commission.

Les facteurs prédominants que la CNLC doit prendre en considération dans son évaluation du risque sont ceux qui concernent la protection de la société. D'ailleurs l'intérêt primordial de la société l'emporte sur la protection du délinquant. Dans l'évaluation du risque pour la société, l'accent est mis sur l'examen de tous les renseignements sûrs disponibles.

Il est bien établi que les tribunaux d'origine législative comme la CNLC sont tenus d'agir équitablement lorsqu'ils statuent sur les droits ou privilèges d'une personne. En quoi consiste l'obligation d'agir équitablement? Le juge Sopinka répond à cette question comme suit:

Le contenu de cette obligation varie selon la structure et la fonction de la commission ou du tribunal administratif en cause. En matière de libération conditionnelle, la Commission doit s'assurer que les renseignements sur lesquels elle se fonde pour agir sont sûrs et convaincants.

La CNLC doit respecter les principes de justice fondamentale en ce qui concerne la tenue de ses audiences et, à cet effet, elle est assujettie à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.


[19]            La section V du rapport de Me Doucet concerne spécifiquement la section régionale du Québec de la CNLC. À la page 21 de son rapport, Me Doucet indique qu'il n'a reçu aucun témoignage, durant le cours de son enquête, lui permettant de conclure que le vice-président de la section régionale du Québec, Serge Lavallée, avait tenté d'influencer les décisions de ses commissaires. Finalement, Me Doucet indique qu'il est de pratique commune au Québec, par exception à ce qui se passe dans le reste du Canada, d'avoir la présence d'avocats lors d'audiences devant la CNLC. Me Doucet termine cette section en affirmant ce qui suit:

Au Québec, la présence d'avocats lors des audiences de la CNLC s'expliquerait par le fait que l'aide juridique accorde un soutien financier aux détenus qui veulent être représentés par un avocat. Cette situation a favorisé le développement d'une culture plus « juridique » dans le domaine des libérations conditionnelles. Plusieurs avocats sont devenus des spécialistes en droit carcéral et comparaissent régulièrement, depuis de nombreuses années, devant la CNLC. Il se sont même regroupés en une association, l'Association des avocats en droit carcéral du Québec. Le Barreau du Québec semble également prendre un intérêt plus grand pour les activités de la CNLC. Tout ceci fait en sorte que la culture de fonctionnement de la CNLC, région du Québec est beaucoup plus « juridique » , que celles des autres sections régionales.

[20]            Dans la section VI de son rapport, Me Doucet fait une analyse détaillée des allégations contenues à l'affidavit du 14 mai 1999. Les conclusions que l'on retrouve dans cette section sont les suivantes:

•               À mon avis et selon les témoignages que j'ai recueillis et les documents que j'ai examinés, les allégations contenues dans les paragraphes 5, 6 et 7 qui sont attribuées à Renaud Dutil sont inexactes. [page 28 du rapport]

•               À mon avis et selon les témoignages que j'ai recueillis, les allégations contenues dans le paragraphe 8 sont inexactes. En ce qui concerne le paragraphe 9, même s'il est vrai que Renaud Dutil n'a jamais été invité par la suite à siéger à la Section d'appel, les raisons qui expliquent cette situation n'ont rien à voir avec celles qui sont données dans ce paragraphe. [page 29 du rapport]

•               À mon avis et selon les témoignages que j'ai recueillis, s'il est vrai que le commissaire Dutil a été moins utilisé que le commissaire Beauchesne, cela n'a rien à voir avec des actes de représailles mais plutôt à son manque de disponibilité étant donné ses autres engagements professionnels. [page 31 du rapport]

•               Je n'ai trouvé aucune preuve de l'existence d'une « ligne de pensée de l'administration » devant être suivie par les commissaires. [page 32 du rapport]


•               Les allégations du paragraphe 15a) sont exactes mais les raisons qui ont entraîné cette sous utilisation du commissaire Vanasse n'ont rien à voir avec une ingérence de l'administration dans le travail du commissaire. [page 34 du rapport]

•               L'allégation du paragraphe 15b) à l'effet que le commissaire William Hartzog ait peu siégé pendant son mandat à la CNLC est exacte mais les raisons qui ont entraîné cette sous utilisation n'établissent pas une ingérence dans le travail des commissaires. [page 35 du rapport]

•               À mon avis, ni les témoignages que j'ai recueillis, ni les documents que j'ai consultés ne me permettent de conclure que Lucie Demers ait été peu utilisée et qu'elle ait fait l'objet de représailles tel qu'indiqué au paragraphe 15c). [page 37 du rapport]

•               À mon avis, l'affirmation à l'effet que M. Harel ait du [sic] quitter ses fonctions à la suite de représailles n'est pas appuyée par l'information que j'ai pu rassembler à partir de l'étude de son dossier. [page 37 du rapport]

•               À mon avis, il est clair que Daniel Dortélus croit sincèrement qu'il est l'objet de représailles pour avoir refusé d'accepter de l'ingérence et de l'interférence dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois, les témoignages et les documents que j'ai en ma possession ne permettent pas d'arriver, en toute conscience, à cette conclusion. [pages 40 et 41 du rapport]

•               Suite à l'information que j'ai recueillie et aux documents que j'ai consultés, je conclus que le commissaire Michel Dagenais a effectivement reçu une évaluation négative pour l'année 1997-1998. J'en conclus également que le commissaire Dagenais a fait part à certains commissaires de son intention de prendre une action légale contre le vice-président Lavallée. Toutefois, rien ne me permet de conclure qu'il a menacé le vice-président Lavallée d'une action en justice.


Je conclus que le commissaire Dagenais et le vice-président Lavallée se sont rencontrés pour discuter de l'évaluation et que lors de cette rencontre le vice-président a suggéré au commissaire de rédiger un projet d'évaluation et qu'il l'a, par la suite, signé. Ce projet d'évaluation préparé par le commissaire Dagenais reflétait les discussions qu'il avait eues avec le vice-président. Je conclus également que le commissaire Dagenais est ressorti satisfait de sa rencontre avec le vice-président.

Il est vrai que les commissaires Dugré et Dortélus ont reçu pour l'année 1997-1998 des évaluations négatives. Il est également vrai que le vice-président a approché les deux commissaires individuellement pour qu'ils se rencontrent afin de discuter de leur évaluation. Toutefois, le vice-président Lavallé n'a jamais proposé à ces commissaires de rédiger eux-mêmes leur évaluation comme cela est sous-entendu au paragraphe 18.

En ce qui concerne les commentaires que ces évaluations consistaient en des représailles qui n'avaient rien à voir avec la compétence des commissaires, je ne peux, après avoir pris connaissances de celles-ci, arriver à cette conclusion. Je reconnais, toutefois, que certaines affirmations faites dans les évaluations auraient mérité d'être plus nuancées.[page 43 du rapport]

•               À mon avis, les propos attribués à Serge Talbot dans les paragraphes 18 à 22 de l'affidavit ne correspondent pas avec ce qu'il affirme avoir dit au commissaire Dugré. [page 45 du rapport]

•               À mon avis, les événements qui sont allégués aux paragraphes 24 et 25 ne peuvent s'être produits puisque la décision dans l'affaire Desjardins avait déjà été rédigée par le commissaire Beauchesne et remise, le matin du 9 décembre 1997, à la greffière Johanne Rheault. [page 46 du rapport]

•               À mon avis et selon la preuve recueillie l'allégué du paragraphe 26 est inexacte [sic]. [page 47 du rapport]

•               Il est faux d'affirmer que le commissaire Bachand a confirmé la décision de la Section d'appel dans le cas Desjardins le 12 octobre 1998. [page 47 du rapport]


•               Étant donné que la décision du commissaire Bachand, à la Section d'appel a été rendue le 1er octobre 1998, contrairement à ce qui est allégué au paragraphe 27, les conclusions du paragraphe 31 sont inexactes. [page 48 du rapport]

[21]            Finalement, la conclusion de Me Doucet concernant la section VI se retrouve aux pages 48 et 49. Cette conclusion est déjà reproduite au paragraphe 15i) de mes motifs et est à l'effet que le demandeur a commis une faute en signant l'affidavit du 14 mai 1999 "sans procéder à une sérieuse vérification de certaines de ces [sic] allégations et qu'il a agi de sorte à affecter les activités de la CNLC".

[22]            La section VII du rapport traite de la question déontologique. La conclusion à laquelle en arrive Me Doucet est reproduite au paragraphe 15ii) de mes motifs. Cette conclusion est à l'effet que le demandeur a transgressé le Code de déontologie de la CNLC, ainsi que son serment d'office et de discrétion, et qu'il a miné la confiance placée en lui lors de sa nomination.

[23]            À la fin de la section VII de son rapport, Me Doucet soulève le cas du détenu Raymond Boulanger. À la page 57 de son rapport, Me Doucet s'exprime comme suit:

Dans les « Attendus que » de l'ordre de convocation et mandat d'enquête, il est fait référence à un article de journal intitulé « Un commissaire des libérations conditionnelles se plaint d'une « apparence d'ingérence flagrante » » paru dans le quotidien La Presse du jeudi 30 avril 1998. Lors de mes entrevues, plusieurs personnes ont mentionné ce cas. Le commissaire Dugré a décrit les événements entourant cette affaire d'un « poignard au coeur » en ce qui concerne l'indépendance des commissaires. Même si ce cas ne fait pas officiellement partie de mon mandat, je crois qu'il mérite, pour les raisons que je viens d'énoncer, que je m'y attarde un peu.


[24]            Je ne sais pas pourquoi Me Doucet a décidé de traiter du cas Boulanger dans son rapport. Lorsque j'ai pris connaissance de ce texte pour la première fois, j'étais sous l'impression que Me Doucet allait discuter des allégations d'ingérence qui avaient été soulevées dans le passé concernant ce cas et, plus particulièrement, dans la lettre que le demandeur adressait au président de la CNLC le 27 mars 1998. Dans cette lettre, le demandeur, l'un des commissaires désignés pour siéger dans le cas Boulanger, tente d'alerter le président de la CNLC au fait qu'il y aurait eu de l'ingérence dans ce dossier. Dans sa lettre, le demandeur fait aussi référence aux propos exprimés par le juge Jean-Guy Boilard de la Cour supérieure dans le contexte d'une demande d'habeas corpus présentée devant lui par le détenu Boulanger. La lettre du demandeur, adressée au président de la CNLC, se lit comme suit:

En tant que membre du tribunal, je tiens à vous informer d'une situation troublante.

J'ai été saisi d'un dossier soit celui de M. Raymond Boulanger -Sed 233870C le 6/11/97, après que M. Serge Lavallée, vice président régional et commissaire, eut voté de ne pas ordonner la semi-liberté soit le 6/10/97. Mon confrère Me Michel Dagenais ex-président de la C.N.L.C. et moi-même avions été délégués par M. Lavallée pour rendre une décision finale dans ce cas d'examen expéditif.


À la suite de l'audience, Me Dagenais rendit la décision d'ordonner la semi-liberté, mais moi, je me permettais d'ajourner ma décision pour demander des informations supplémentaires et essentielles pour procéder à l'évaluation du risque étant donné qu'une partie de la décision du 6/10/97 de M. Lavallée et le changement de dernière minute de recommandation de l'équipe de gestion des cas du SCC étaient basés sur des informations de la GRC quelque 5 ans plus tard, contradictoires au départ et sur des conversations téléphoniques uniquement.

J'ai donc pris quelques jours pour rédiger cet ajournement et le 14/11/97, je rendais la décision en stipulant: "Lorsque j'aurai ces informations essentielles, je prendrai la décision qui s'impose. J'ajourne donc ma décision pour une période maximale de 30 jours."

En fait, je n'ai plus jamais été saisi du dossier. Sauf que j'ai su par des confrères qu'un autre panel fût désigné par M. Lavallée pour procéder début décembre, dans le même dossier, soit messieurs Lachance et Beauchesne.

Soudainement, 4 mois plus tard, je reçu [sic] une note de M. Lavallée me disant que suite à une entente hors cour, je devais statuer sur mon ajournement.

En prenant connaissance du dossier, je me suis aperçu de tout ce branle bas judiciaire soit le 17/03-98 uniquement et j'ai bien senti qu'on s'était défendu à la C.N.L.C. de ne pas me retourner le dossier. D'ailleurs les informations demandées sont arrivées quelque part au début de décembre 1997.

En lisant attentivement l'information reçue ainsi que la requête pour l'obtention d'un bref d'habeas corpus avec certiorari ancillaire, c'est là que j'ai réalisé l'apparence d'ingérence flagrante dans le processus décisionnel.

J'ai donc pris ma décision finale quelque 4 mois plus tard bien malgré moi. J'ai ensuite écrit une note de service à M. Lavallée à l'effet qu'il serait important de connaître les commentaires du Juge Boilard. Entre-temps, l'avocat du requérant avait fait parvenir ces dits commentaires. J'ai été estomaqué d'apprendre que l'honorable Juge Jean-Guy Boilard de la Cour Supérieure stipulait qu'il y avait quelque chose d'irrégulier qui s'est produit. Le processus administratif avait cafouillé quelque part et de façon lamentable choquante et scandaleuse ajoute-t-il. D'ailleurs tous les commentaires du Juge parlent d'eux-mêmes.

Il a donc ordonné aux avocats de s'entendre sinon il prendrait les mesures nécessaires (voir notes cour 5 mars 1998).

Je crois donc qu'il est essentiel de faire une enquête indépendante et approfondie afin de faire toute la lumière sur cette affaire d'apparence d'ingérence et de conflits d'intérêt inacceptables dans un tribunal.


[25]            Je dois dire, à ma surprise, que Me Doucet ne s'interroge nullement sur le bien-fondé des accusations d'ingérence qui aurait eu lieu dans le dossier Boulanger. Plutôt, il s'interroge sur la question à savoir si le demandeur était celui qui avait informé un journaliste de La Presse relativement à l'article qui a paru dans La Presse le 30 avril 1998. Après avoir résumé les faits pertinents de l'affaire Boulanger, Me Doucet, aux pages 58 et 59 de son rapport, écrit ce qui suit:

Suite à ces événements [la prise de décision dans l'affaire Boulanger], qui selon son témoignage l'ont fortement bouleversé, le commissaire Dugré faisait parvenir, le 27 mars 1998, une lettre au président de la CNLC, avec copies au ministre de la Justice et au Solliciteur général. Dans cette lettre, il relatait les événements et demandait une enquête dans ce qu'il considérait être « une apparence d'ingérence flagrante » dans son travail de commissaire. La réponse du président fut à l'effet qu'il n'y avait rien eu d'irrégulier dans ce dossier et qu'une enquête n'était pas nécessaire.

Presque un mois plus tard, le quotidien La Presse publiait un article relatant ces événements. Le journaliste y reprenait également la teneur de la lettre que le commissaire Dugré avait fait parvenir au président. Le commissaire Dugré affirme catégoriquement n'avoir jamais remis cette lettre au journaliste.

Rien ne me permet de conclure que c'est le commissaire Dugré qui a informé le journaliste de ces événements et qui lui a fourni une copie de la lettre qu'il avait fait parvenir au président de la CNLC.

Il m'apparaît toutefois surprenant que, dans l'affidavit qu'il a produit dans l'affaire Desjardins, le commissaire Dugré n'a pas fait mention de ce dossier qu'il qualifie pourtant d' « ingérence flagrante » . Il a plutôt préféré faire référence, au paragraphe 15, à des situations qui concernent d'autres commissaires. Demandé d'expliquer pourquoi, il n'avait pas fait mention du dossier Boulanger pour appuyer les allégués de son affidavit, il s'est contenté d'affirmer que ce dossier était déjà suffisamment connu et qu'il ne croyait pas qu'il soit nécessaire de la reprendre dans l'affidavit.


[26]            Par la suite, aux pages 59 à 66 de son rapport, Me Doucet énonce un certain nombre de recommandations concernant les opérations de la CNLC et, plus particulièrement, concernant la politique d'assignation des dossiers et l'évaluation de rendement des commissaires. De plus, Me Doucet recommande que la CNLC évite de faire siéger en appel un commissaire lorsqu'il a déjà eu à se prononcer dans ce dossier. Me Doucet recommande aussi qu'un commissaire ne siège pas en appel d'une décision de sa section régionale. Finalement, Me Doucet suggère que des réunions soient tenues une fois par mois entre les commissaires et certains administrateurs, afin d'encourager des discussions concernant des situations pouvant les préoccuper.


[27]            Le paragraphe 152(4) de la Loi autorise le président de la CNLC à nommer une ou plusieurs personnes afin d'enquêter et de lui faire rapport relativement à toute question portant sur les activités de la Commission. Le texte anglais utilise l'expression « on any matter relating to the operations of the Board » . À mon avis, la deuxième question confiée à Me Doucet ne s'insère pas dans le cadre du paragraphe 152(4) de la Loi. Cette question s'insère plutôt dans le cadre du paragraphe 155.1(1) qui prévoit que le président de la CNLC peut recommander au ministre la tenue d'une enquête concernant les cas de discipline au sein de la CNLC résultant des motifs prévus aux alinéas 155.2(2) a) à d), à savoir invalidité, manquement à l'honneur ou à la dignité, manquement aux devoirs de sa charge, et situation d'incompatibilité, qu'elle soit imputable à un commissaire ou à toute autre cause. La question confiée à Me Doucet porte entièrement sur les agissements d'un commissaire, à savoir le demandeur, et si ses agissements sont conformes au Code de déontologie de la CNLC.

[28]            Pour se convaincre que le rapport de Me Doucet ne concerne que les agissements du demandeur, je ferai référence à certains extraits de ce rapport. Aux pages 51 et 52 de son rapport, Me Doucet reproche au demandeur d'avoir signé l'affidavit dans l'affaire Desjardins de façon irresponsable. Voici les propos exprimés par Me Doucet:

À mon avis, selon l'information que j'ai pu recueillir pendant mon enquête, le commissaire Jean Dugré, par ses agissements, notamment en déposant un affidavit dans l'affaire Raynald Desjardins sans en vérifier les allégations et les conclusions avec la prudence à laquelle l'on se serait attendu d'un commissaire avec son expérience, en révélant de l'information dont il a pris connaissance par suite de son emploi à titre de commissaire, n'a pas respecté son serment d'office et de discrétion.

                                                                     [...]

En acceptant de déposer un affidavit sans exercer la prudence raisonnable que l'on serait en droit de s'attendre d'un commissaire avec ses années d'expérience pour vérifier la véracité et l'exactitude de ses allégations, de ses constatations et de ses conclusions, le commissaire Dugré a transgressé les dispositions prévues au Code en ce qui concerne la promotion de l'intégrité et de l'indépendance de la CNLC. La notoriété publique qu'a connu son affidavit, notamment dans le milieu carcéral, a fait en sorte de diminuer aux yeux du public et des détenus la confiance qu'ils pouvaient avoir dans la CNLC.

[29]            Plus loin, à la page 53, Me Doucet continue dans la même veine en affirmant:


En acceptant de signer un affidavit en faveur de Raynald Desjardins, dans une affaire impliquant la CNLC et en donnant dans celui-ci des informations et constatations inexactes et non vérifiées, le commissaire Dugré a agi de manière incompatible avec ses responsabilités et ses fonctions de commissaire. Il a, en autre [sic] comme je l'ai souligné plus haut, transgressé son serment d'office et de discrétion.

[30]            De même, à la page 54 de son rapport, il affirme:

À mon avis et selon la preuve recueillie, il y a eu manquement de la part du commissaire Dugré à son obligation de collégialité. En relatant dans l'affidavit des conversations qu'il a eues avec d'autres commissaires sans en avoir informé ses collègues et sans s'être assuré auprès d'eux que les allégations qu'il soumettait étaient exactes, le commissaire Dugré n'a pas respecté son obligation de collégialité.


[31]            Il semble que le souci primordial de Me Doucet soit en regard de l'inexactitude des allégations contenues à l'affidavit. Il ne peut faire de doute, à mon avis, que le demandeur, un commissaire de la CNLC, a manqué de jugement, à tout le moindre, en signant un affidavit au soutien de procédures en Cour fédérale visant à faire annuler une décision de la Section d'appel de la CNLC. Que les allégations du demandeur soient exactes ou non, là n'est pas la question. La question est plutôt de savoir s'il était loisible à un commissaire de la CNLC de déposer un tel affidavit dans des procédures concernant une décision de la CNLC. Le simple dépôt de cet affidavit était suffisant, à mon avis, pour susciter des questions et possiblement justifier que le président de la CNLC recommande au ministre la tenue d'une enquête sous le paragraphe 155.1(1) de la Loi. Il n'était pas nécessaire, à mon avis, de mandater Me Doucet pour en arriver à cette conclusion. Sans le dire, Me Doucet semble laisser sous-entendre que si les propos tenus par le demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999 étaient exacts et bien-fondés, sa conduite ne pourrait donner lieu à une enquête disciplinaire. Je ne suis certainement pas de cet avis. Je ne conclus nullement que le demandeur doit être sanctionné. Tel n'est pas mon rôle dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire. Je suis tout simplement de l'avis qu'il ne serait pas déraisonnable que le président de la CNLC recommande une enquête disciplinaire.

[32]            La première question confiée à Me Doucet est celle relative au contenu, à la véracité et à la crédibilité des allégations faites par le demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999. Relativement à cette question, Me Doucet a conclu, aux pages 48 et 49 de son rapport, que le demandeur avait commis une faute en signant son affidavit sans s'assurer que les propos qu'il y tenait étaient exacts et qu'il avait, par conséquent, « agi de sorte à affecter les activités de la CNLC » .

[33]            Au paragraphe 20 de mes motifs, je relate les conclusions de fait de Me Doucet qui servent de fondement à la conclusion de faute à laquelle il en arrive concernant la première question. Comme je l'ai déjà indiqué, les allégués contenus à l'affidavit du 14 mai 1999 constituent l'objet même de l'enquête de Me Doucet. À première vue, le lecteur pourrait être sous l'impression que le but de l'enquête était d'enquêter sur les allégations d'ingérence dans la prise de décisions par les commissaires de la CNLC, y incluant les allégations faites par le demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999. Toutefois, tel n'est pas le cas.


[34]            Il ne peut faire de doute, à la lecture du rapport, que seules les allégations faites par le demandeur font l'objet de l'enquête. Par conséquent, l'enquête de Me Doucet s'en tient uniquement aux allégations précises contenues à l'affidavit du 14 mai 1999. D'ailleurs, comme il appert clairement de mes motifs et, plus particulièrement du paragraphe 20, où je fais référence à la section VI du rapport, Me Doucet a tenté de déterminer si les allégations du demandeur étaient bien fondées.

[35]            Je suis aussi d'avis, comme je le suis en regard de la deuxième question, que cette première question ne s'insère nullement dans le cadre du paragraphe 152(4) de la Loi. Cette question, comme la deuxième, s'insère plutôt dans le cadre du paragraphe 155.1 de la Loi. Il est évident, à la lecture même du rapport, que l'enquête ne porte nullement, sauf de façon accessoire, sur les activités de la Commission, mais sur les agissements du demandeur en tant que commissaire de la CNLC.


[36]            Les deux questions confiées à Me Doucet sont intrinsèquement liées en ce que les conclusions relatives à la première question constituent le fondement des conclusions relatives à la deuxième question. Une lecture des conclusions du rapport, que l'on retrouve aux pages 48, 49, 56 et 67, suffit pour s'en convaincre. Ayant conclu que le demandeur avait commis une faute en déposant un affidavit dont les allégations étaient inexactes ou non fondées, Me Doucet a conclu que cette « faute » était telle à constituer une transgression du Code de déontologie, du serment d'office et de discrétion, et de la confiance placée dans le demandeur lors de sa nomination.

[37]            J'aurais pensé que le mandat qui devait être confié à Me Doucet sous le paragraphe 152(4) de la Loi était celui d'enquêter sur les allégations d'ingérence faites à l'égard de la CNLC, y incluant les allégations faites par le demandeur. Dans cette perspective, il est à noter que dans sa lettre du 27 mars 1998 au président de la CNLC, soit plus d'un an avant le dépôt de son affidavit dans l'affaire Desjardins, le demandeur avait tenté d'alerter le président de la CNLC concernant la possibilité d'ingérence dans le dossier Boulanger. Dans cette lettre, que j'ai reproduite au paragraphe 24 de mes motifs, le demandeur fait référence aux propos tenus par le juge Boilard dans le cadre d'une demande d'habeas corpus présentée devant lui dans l'affaire Boulanger. Ces propos, qui ont été critiqués par M. Lavallée, le vice-président régional de la CNLC, auraient dû, à mon avis, susciter une inquiétude de la part du président de la CNLC. La lettre de réponse qu'adressait M. Gibbs au demandeur le 7 avril 1998 ne me convainc nullement que les propos du juge Boilard ont suscité une telle inquiétude.


[38]            Dans la même veine, il est à noter qu'une demande d'habeas corpus a aussi été présentée devant le juge Boilard dans le dossier de Raynald Desjardins. Lors de l'audition du 18 décembre 1998, alors qu'il rejetait la demande d'habeas corpus, le juge Boilard, aux pages 27 et 28 de la transcription, faisait les remarques suivantes:

Et deuxièmement – et, encore une fois, pour que la situation soit très claire – j'estime moi aussi qu'il y aurait lieu de faire une révision de la façon dont fonctionne la Commission des libérations conditionnelles et particulièrement l'activité de ceux que l'on a investi du pouvoir de rendre des décisions.

Dans le passé, j'ai été confronté à des cas où il y avait eu à ma satisfaction preuve d'ingérence tout à fait inadmissible dans une décision qui devait être prononcée. Et au fil des procédures qui me sont soumises, je constate que la transparence absolue n'est pas toujours de rigueur dans ces procédures-là. Mais ce n'est pas à moi à faire cet examen et surtout pas à proposer des remèdes.

[39]            Le problème d'ingérence a aussi été soulevé par le Barreau du Québec dans un mémoire en date du mois de mars 1999. Dans ce mémoire, l'on fait référence aux propos du juge Boilard, dans les affaires Boulanger et Desjardins, concernant l'ingérence possible dans le processus décisionnel à la CNLC. Il est aussi bon de se rappeler que le 11 août 1998, Me Jacques Normandeau, au nom de l'Association des avocats en droit carcéral du Québec, écrivait au Solliciteur général du Canada, l'honorable Andy Scott, soulevant la possibilité d'ingérence au sein de la CNLC. L'affaire Boulanger y était soulevée expressément.


[40]            Compte tenu du fait que la possibilité d'ingérence dans le processus décisionnel de la CNLC avait été soulevé plus d'un an avant le dépôt de l'affidavit du demandeur dans l'affaire Desjardins, il est surprenant que le président de la CNLC n'ait pas nommé un enquêteur relativement à la question d'ingérence avant le 24 juin 1999. À mon avis, Me Doucet n'a pas été nommé pour enquêter et faire rapport sur des questions portant sur les activités de la Commission. Il a été nommé pour enquêter et faire rapport sur les agissements et la conduite du demandeur. Par conséquent, à mon avis, Me Doucet n'avait pas compétence pour enquêter et faire rapport sur les deux questions qui lui avaient été confiées par M. Gibbs. Je suis d'opinion que toutes les conclusions et recommandations ayant trait à la conduite et aux agissements du demandeur doivent être radiées du rapport. Afin qu'il n'y ait pas de doute quant à la portée de ma décision, la radiation inclura toutes les conclusions de Me Doucet concernant les paragraphes spécifiques de l'affidavit du 14 mai 1999.

[41]            Dans Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440, la Cour suprême avait à se prononcer concernant la portée et les limites du rapport d'une commission d'enquête sur le sang au Canada. À la page 446, le juge Cory, pour la Cour, énonçait la question principale sur laquelle la Cour devait se pencher:

Quelles limites, s'il a lieu, convient-il d'imposer aux conclusions d'une commission d'enquête? Une commission peut-elle tirer, quant à la conduite de sociétés ou de particuliers, des conclusions assimilables à des déclarations de responsabilité civile ou pénale? Y a-t-il lieu d'imposer des limites différentes aux préavis annonçant l'éventuelle imputation d'une faute? Voilà le genre de questions qui doivent être examinées dans le présent pourvoi.


[42]            Aux pages 469 à 471, le juge Cory traite de la question suivante, à savoir ce qui peut être inclus dans le rapport d'un commissaire:

Qu'est-ce que les commissaires peuvent donc inclure dans leurs rapports? Le rôle premier, voire la raison d'être d'une enquête sur une question donnée est de tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, il se peut que le commissaire doive évaluer la crédibilité des témoins et en tirer des conclusions. À partir des conclusions de fait, le commissaire peut tirer les conclusions qui s'imposent sur l'existence ou non d'une faute et sur l'identité des personnes qui semblent en être responsables. Les conclusions du commissaire ne devraient toutefois pas reprendre le libellé des dispositions du Code qui définissent une infraction précise, sinon on pourrait penser que le commissaire reconnaît une personne coupable d'un crime. Cela pourrait fort bien indiquer que la commission était en réalité une enquête pénale déguisée en commission d'enquête. De même, les commissaires devraient chercher à ne pas évaluer les conclusions de fait en des termes identiques à ceux qu'emploient les tribunaux pour conclure à la responsabilité civile. Ils devraient aussi s'efforcer d'éviter tout libellé si ambigu qu'il semble constituer une déclaration de responsabilité civile ou pénale. Malgré ces mises en garde toutefois, il ne faudrait pas imposer aux commissaires de s'astreindre à des contorsions linguistiques afin d'éviter un libellé qui pourrait bien être interprété comme comportant une conclusion légale.

L'imputation d'une faute ne devrait pas être l'objet principal de cette sorte d'enquête publique. Les conclusions faisant état d'une faute devrait plutôt n'être tirées que dans des circonstances où elles sont nécessaires pour la réalisation d'un mandat de la commission d'enquête. L'enquête publique n'est jamais instituée pour déterminer la responsabilité pénale ou civile. Peu importe le soin apporté à la conduite de ses audiences, jamais une enquête ne peut offrir les mêmes garanties qu'un procès en matière de preuve ou de procédure. En fait, l'assouplissement même des règles de preuve, si courant dans les enquêtes, indique de façon évidente non seulement que le commissaire ne devrait pas conclure à la responsabilité pénale ou civile, mais qu'il n'en a pas le pouvoir. [le souligné est le mien]

Peut-être y aurait-il lieu d'inviter les commissaires d'enquête à inclure, dans la préface de leurs rapports, une note indiquant que la constatation des faits et les conclusions qu'ils comportent ne peuvent être considérées comme des déclaration de responsabilité pénale ou civile. Les commissaires pourraient souligner que les règles de preuve et de procédure adoptées lors de l'enquête sont très différentes de celles qui régissent les cours de justice et que, partant, il se peut que les conclusions de fait tirées au cours d'une enquête ne correspondent pas nécessairement à celles qu'un tribunal aurait tirées. Cela pourrait aider le public à mieux comprendre ce que sont les conclusions d'un commissaires – et ce qu'elles ne sont pas.


[43]            Comme le fait remarquer le juge Cory, l'objet principal d'un enquête n'est pas d'imputer une faute, mais de tirer des conclusions de faute lorsqu'il est nécessaire de le faire pour réaliser le mandat de l'enquête. À mon avis, l'objet principal de l'enquête menée par Me Doucet était de tirer des conclusions de faute à l'égard du demandeur.


[44]            Un dernier point. Je n'ai évidemment pas, en l'instance, la compétence de tirer des conclusions concernant le bien-fondé des allégations du demandeur dans son affidavit du 14 mai 1999. Par ailleurs, je trouve assez surprenante, par exemple, la conclusion à laquelle en arrive Me Doucet à la page 28 de son rapport, à savoir que les allégations contenues aux paragraphes 5, 6 et 7 de l'affidavit du demandeur sont inexactes. Je trouve cette conclusion surprenante, vu l'affidavit de Me Jacques Normandeau, datée le 15 septembre 1999, qui semble corroborer les propos du demandeur concernant la possibilité d'ingérence dans le dossier de Raynald Desjardins. Dans un affidavit en date du 8 septembre 1999, un autre avocat, Me Yves Ménard, semble aussi corroborer les propos du demandeur concernant les confidences que lui aurait faites Me Renaud Dutil à l'égard du dossier Desjardins. Dans son rapport, aux pages 27 et 28, Me Doucet mentionne le fait qu'il a pris connaissance des affidavits de Me Normandeau et de Me Ménard. Il relate qu'il a, dès lors, contacté Renaud Dutil, le 13 octobre 1999, pour le confronter aux allégations faites par ces deux avocats. Selon Me Doucet, Renaud Dutil a nié « vigoureusement » les allégations faites par Me Normandeau et Me Ménard. Me Doucet conclut alors que les allégations contenues aux paragraphes 5, 6 et 7 de l'affidavit du 14 mai 1999 sont inexactes. Vu les affidavits de Me Normandeau et de Me Ménard qui, certainement à première vue, corroborent entièrement les allégations du demandeur, il est surprenant que Me Doucet ait conclu si facilement à l'inexactitude des paragraphes en question.

[45]            À mon avis, cette conclusion est le résultat d'un mandat qui n'aurait pas dû être confié à Me Doucet. Le mandat véritable, soit celui d'enquêter sur la conduite du demandeur, aurait dû être confié, comme le prévoit le paragraphe 155.1(2) de la Loi, à un juge de la Cour fédérale.

[46]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Le demandeur aura droit à ses frais.

                                                                                        Marc Nadon

                                                                                                     Juge

O T T A W A (Ontario)

le 4 juin 2001



[1]            Afin de permettre au lecteur de mieux suivre et de comprendre, une copie de cet affidavit est jointe en Annexe « A » de ces motifs.

[2]      Au paragraphe 8 de son Mémoire, Me Paquin, le procureur du demandeur, écrit ce qui suit:

Le demandeur soumet à cette Honorable Cour que ses arguments en faits et en droit, à l'encontre du rapport du 29 août 1999 [sic] faisait l'objet du présent pourvoi en contrôle judiciaire, valent également à l'encontre du rapport du mois d'octobre déposé au dossier de cette Cour sous la cote GB-3 de l'affidavit de madame Gisèle Brunet produit par les procureurs du Sous-Procureur Général du Canada;

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