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Date : 20010928

Dossier : IMM-494-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1071

ENTRE :

NURADIN MUJEZINOVIC & ALISA MUJEZINOVIC

& AMRA MUJEZINOVIC

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 82.1(6) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi) à l'égard de la décision rendue par Donna Marie Capper, agente des visas, le 27 août 1998, dans laquelle elle décidait que le demandeur ne pouvait participer au programme de réinstallation au Canada pour le motif qu'il ne répondait pas à la condition concernant l'autonomie financière.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur principal, Nuradin Mujezinovic, est un musulman de Novi Pazar, en Serbie (anciennement la Yougoslavie) né le 14 novembre 1969. Les deux autres codemandeurs sont sa femme, Alisa Mujezinovic, née le 17 mai 1974 à Sjenica en Yougoslavie et sa fille, Amra Mujezinovic, née le 4 août 1995 à Mulheim en Yougoslavie.

[3]                 Depuis mars 1992, le demandeur principal et sa famille résident en Allemagne en vertu d'un permis de réfugié temporaire.

[4]                 Le demandeur et sa femme sont retournés en Yougoslavie à plusieurs reprises entre 1994 et 1997.

[5]                 Le 14 août 1998, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie CR4 qui concerne les « réfugiés au sens de la Convention financièrement indépendants » auprès de l'ambassade du Canada à Vienne en Autriche.


[6]                 Dans la demande de résidence permanente, il y a une section qui est consacrée aux connaissances linguistiques dans les deux langues officielles. M. Mujezinovic a déclaré qu'il parlait l'anglais « avec difficulté » dans les trois sous-catégories ( « Parle » , « Lis » et « Écris » ). En français, il a mentionné qu'il n'avait aucune connaissance de cette langue dans les trois sous-catégories. Pour ce qui est de Mme Mujezinovic, elle a déclaré qu'elle parlait anglais « avec difficulté » mais qu'elle était incapable de « lire » et d' « écrire » dans cette langue. En français, elle a déclaré qu'elle ne pouvait parler, lire et écrire cette langue qu' « avec difficulté » .

[7]                 En outre, dans sa demande de résidence permanente, le demandeur a déclaré qu'il possédait comme biens une somme de 30 000 $. Le demandeur et sa famille souhaitent s'établir à Toronto en Ontario.

[8]                 Le demandeur et sa famille ont reçu une lettre de refus datée du 27 août 1998, émanant de l'agente des visas qui informait le demandeur que sa demande de résidence permanente avait été refusée pour le motif qu'il ne remplissait pas la condition exigeant l'autonomie financière.

QUESTIONS EN LITIGE

[9]                 La présente demande soulève quatre (4) questions :

1.         L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a refusé d'examiner le dossier comme le lui commandait le paragraphe 9(2) de la Loi ainsi que le manuel d'immigration du ministre, agissant ainsi envers le demandeur principal contrairement à l'équité procédurale?


2.         L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a décidé que le demandeur ne possédait pas suffisamment d'argent pour être qualifié de réfugié au sens de la Convention indépendant financièrement?

3.         L'affidavit de l'agente des visas, déposé le 3 mai 2000, contient-il des déclarations qui ne s'appuient pas sur des éléments contenus dans le dossier certifié?

4.         Les notes de l'agente des visas et sa lettre de refus contiennent-elles des contradictions par rapport au dossier susceptibles de constituer un motif d'examen judiciaire?

ANALYSE

1.         L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a refusé d'examiner le dossier comme le lui commandait le paragraphe 9(2) de la Loi ainsi que le manuel d'immigration du ministre, agissant ainsi envers le demandeur principal contrairement à l'équité procédurale?

[10]            Non. En fait, l'agente des visas a respecté les obligations que lui imposait le paragraphe 9(2) de la Loi puisqu'elle a déterminé s'il y avait lieu d'accorder le droit d'établissement au demandeur et à sa famille.

[11]            J'estime que la lettre datée du 27 août 1998 envoyée par l'agente des visas au demandeur peut être qualifiée de décision et qu'il n'y a pas lieu de retenir l'argument selon lequel cette lettre est « une lettre décourageante » mais ne constitue pas une décision complète.


[12]            Dans Mohamed c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1230 (C.F. 1re inst.), le juge Sharlow parle de la procédure à suivre dans les cas de réinstallation aux termes de l'article 7 du Règlement sur l'immigration (le « Règlement » ) au paragraphe 5 :

Les exigences relatives à l'admission qui s'appliquent à M. Mohamed sont énoncées à l'article 7 du Règlement. La décision de l'agent des visas était axée sur deux exigences, soit en premier lieu la question de savoir si M. Mohamed était visé par la définition de « réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller » et en second lieu, la question de savoir si M. Mohamed et les personnes à sa charge qui l'accompagnent pourraient réussir leur installation au Canada, compte tenu de leur niveau de scolarité, de leurs antécédents de travail, de leurs compétences et d'autres facteurs énumérés.

[13]            Pour ce qui est de la première condition, à savoir posséder le statut de réfugié au sens de la Convention, la lettre de refus de l'agente des visas Capper ne fait pas expressément mention du fait qu'elle a examiné le statut de réfugié du demandeur; cependant, il ressort très clairement des notes du STIDI qu'elle a examiné le statut de réfugié du demandeur de façon implicite : « Affirme avoir quitté le Kosovo en 1992 pour s'enfuir en Allemagne mais s'est marié dans sa ville d'origine au Kosovo en 1994 » . Cette phrase indique que l'agente des visas a effectivement examiné le statut de réfugié du demandeur mais a accordé plus d'importance au fait que le demandeur était retourné dans le pays où il avait été persécuté.

[14]            J'estime que l'agente des visas a effectivement examiné le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur pour en arriver à sa conclusion. Elle n'a pas insisté sur cet aspect dans sa lettre de refus ni dans les notes du STIDI pour le simple fait qu'elle s'intéressait à d'autres choses, comme les connaissances linguistiques et les ressources financières du demandeur.


2.         L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a décidé que le demandeur ne possédait pas suffisamment d'argent pour être qualifié de réfugié au sens de la Convention indépendant financièrement?

  

[15]            Non, l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en décidant que le demandeur ne possédait pas suffisamment de ressources financières pour pouvoir être qualifié de réfugié au sens de la Convention financièrement autonome.


[16]            Le sous-alinéa 7(1)b)(iii) du Règlement fait expressément référence à la stabilité financière, en particulier au fait que « la personne possède les ressources financières nécessaires pour assurer leur [les personnes à sa charge] logement, subvenir à leurs besoins et les installer au Canada » . L'agente des visas s'est basée sur le seuil de faible revenu (SFR) à titre de norme correspondant au revenu annuel minimum acceptable pour un citoyen canadien ou un résident permanent qui veut parrainer une demande dans la catégorie de la famille, qui s'élevait à 27 063 $ au 1er mars 1998 [le nouveau montant en vigueur jusqu'au 1er janvier 2002 est de 27 805 $ pour trois personnes vivant dans une ville de plus de 500 000 habitants d'après la table SFR applicable aux personnes qui parrainent un membre de la famille à la p. F-1]. Il est clair que la somme de 30 000 $ est supérieure de 2 937 $ au SFR mais cette somme a été jugée insuffisante par l'agente des visas. Cette somme n'aurait pas permis au demandeur de s'installer à Toronto, parce qu'elle est insuffisante. L'importance réelle de ce fait est que le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve susceptible de convaincre l'agente des visas qu'il possédait réellement cette somme de 30 000 $. On ne peut s'attendre à ce que l'agent des visas s'en remette uniquement à ce que lui déclare le demandeur, lorsque ses déclarations ne s'appuient sur aucune preuve.

[17]            Dans Tahir c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1354 (C.F. 1re inst.), Mme le juge Tremblay-Lamer a déclaré au paragraphe 8 :

Le demandeur soutient que lorsqu'une demande est incomplète, il incombe à l'agent des visas de demander des documents justificatifs ou encore d'accorder une entrevue à la personne visée afin de permettre à cette dernière d'appuyer sa demande. Je ne suis pas d'accord. Il incombe au demandeur de déposer une demande accompagnée de tout document justificatif pertinent. L'agent des visas n'a aucune obligation de s'efforcer de parfaire une demande incomplète.

[18]                         Enfin, le sous-alinéa 7(1)c)(i) du Règlement traite des aptitudes linguistiques. L'agente des visas s'est appuyée sur les difficultés linguistiques qu'éprouvent tant le demandeur que son épouse, ainsi que sur l'insuffisance des fonds dont ils disposaient, pour rejeter la demande. Le demandeur et sa famille avaient l'intention de s'établir à Toronto (Ontario) qui est une ville où l'anglais est la langue qui est parlée principalement. Le manque d'aptitudes linguistiques risquait également de compromettre la capacité du demandeur de devenir financièrement autonome, une fois établi au Canada.

[19]                         L'agent des visas est mieux placé que la Cour pour apprécier les capacités linguistiques du demandeur. Les éléments de preuve dont disposait l'agente des visas justifient l'évaluation qu'elle a faite des capacités linguistiques du demandeur et je ne peux qualifier de déraisonnables ses conclusions.


3. L'affidavit de l'agente des visas, déposé le 3 mai 2000, contient-il des déclarations qui ne s'appuient pas sur des éléments contenus dans le dossier certifié?

[20]            Non, l'affidavit de l'agente des visas ne contient aucune affirmation qui ne soit pas appuyée par le dossier certifié. Cet affidavit contient quelques erreurs mais il est apparent que ces erreurs ont été commises de façon involontaire plutôt que non justifiée par le dossier. J'estime que ces erreurs sont négligeables et ne vicient pas l'évaluation à laquelle a procédé l'agente des visas.

4. Les notes de l'agente des visas et sa lettre de refus contiennent-elles des contradictions par rapport au dossier susceptibles de constituer un motif d'examen judiciaire?

[21]            Non, les notes et la lettre de refus de l'agente des visas ne contiennent aucune affirmation qui ne soit pas justifiée par le dossier certifié. Les notes et la lettre de refus de l'agente des visas ne contiennent pas de contradiction. Les notes du STIDI sont concises, voire même laconiques. Elles sont néanmoins compréhensibles.

[22]            Le demandeur n'a pas démontré que l'évaluation à laquelle a procédé l'agente des visas est erronée. J'estime qu'il y a lieu de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


[23]            Aucun avocat n'a demandé que soit certifiée une question.

      

                                                                                           « Pierre Blais »          

                                                                                                             Juge                  

   

OTTAWA (ONTARIO)

le 28 septembre 2001

    

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            IMM-494-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Nuradin Mujezinovic et autres et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 18 septembre 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                        Le 28 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Mme Mary Lam                                        POUR LE DEMANDEUR

M. Marcel Larouche                                             POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Mary Lam                                        POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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