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Date : 20001024


Dossier : IMM-2944-99


OTTAWA (ONTARIO), le 24 octobre 2000

DEVANT : MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :


     ROWENA M. MINA

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     JUGEMENT


IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.





                             Eleanor R. Dawson

                                     Juge


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.





Date : 20001024


Dossier : IMM-2944-99


ENTRE :


     ROWENA M. MINA


     demanderesse


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON

[1]      La demanderesse Rowena M. Mina, a demandé un permis de travail dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants. Elle présente une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle Athena Chan, agente des visas au consulat général du Canada, à Hong Kong, a refusé sa demande, le 31 mai 1999.

LES FAITS

Mme Mina est une citoyenne des Philippines âgée de 33 ans; au mois d'avril 1999, elle a reçu une offre d'emploi à titre d'aide familiale résidante d'un employeur, à Toronto, Canada. Le 20 mai 1999, Mme Mina a demandé un permis de travail. Elle a joint à sa demande une copie de son baccalauréat d'enseignement élémentaire de l'université Arellano, aux Philippines, ainsi qu'une copie de son relevé de notes. Mme Mina a déclaré qu'elle avait obtenu son diplôme universitaire au mois de mai 1991. Les relevés qui étaient joints à sa demande ont été délivrés le 17 juin 1995.

[3]      Mme Mina s'est présentée à une entrevue devant l'agente des visas le 25 mai 1999. À l'entrevue, l'agente des visas a informé Mme Mina qu'elle doutait de l'authenticité de son diplôme et de ses relevés. Mme Mina avait apporté à l'entrevue une copie certifiée de son diplôme universitaire et des relevés. Elle a apparemment expliqué à l'agente des visas que les documents qu'elle avait soumis avec sa demande n'étaient pas des originaux et qu'ils portaient une date ultérieure à celle à laquelle elle avait obtenu son diplôme parce qu'il s'agissait d'un deuxième ensemble de documents qui avaient été commandés en 1994 lorsqu'elle en avait eu besoin aux fins d'un emploi. Les documents avaient été délivrés en 1995.

[4]      L'agente des visas a ensuite interrogé Mme Mina au sujet des cours de premier cycle qu'elle avait suivis et a jugé les réponses de cette dernière non satisfaisantes.

[5]      Une fois l'entrevue terminée, l'agente des visas a conclu qu'étant donné que la documentation n'était pas digne de foi et que Mme Mina ne pouvait pas présenter une preuve crédible des études qu'elle avait faites, une lettre de refus serait délivrée.

[6]      Une lettre de refus a été délivrée le 31 mai 1999.

[7]      La lettre de l'agente des visas disait fondamentalement ce qui suit :

[TRADUCTION]
Lors de l'entrevue du 25 mai, il a été clairement établi que vous n'aviez pas fait d'études correspondant à des études secondaires au Canada, soit une douzième année. Vous n'êtes donc pas en mesure de répondre à l'un des trois critères fondamentaux du programme concernant les aides familiaux résidants tels qu'ils sont énoncés dans le Règlement. Étant donné qu'il arrive souvent que des documents frauduleux soient soumis à l'appui de demandes de ce genre, l'agent doit se fonder sur les réponses que vous avez données à l'entrevue pour déterminer si les exigences relatives aux études sont satisfaites.

LES POINTS LITIGIEUX

[8]      Dans l'exposé des faits et du droit qui a été soumis avec le dossier de la demande, trois questions étaient soulevées pour le compte de Mme Mina. Il s'agit des questions ci-après énoncées :

  1. .      L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents et en se fondant illégitimement sur une preuve extrinsèque?
  2. ii.      L'agente des visas a-t-elle violé l'obligation qui lui incombait d'effectuer une appréciation complète et juste de la demande de Mme Mina?
  3. iii.      L'agente des visas a-t-elle appliqué une norme de preuve plus rigoureuse parce que Mme Mina avait fait ses études aux Philippines?

[9]      Lors des plaidoiries orales qu'elle a présentées devant moi, l'avocate de Mme Mina a déclaré que ces questions représentaient essentiellement trois façons d'examiner la même question, à savoir si au départ l'agente des visas peut inverser la charge de la preuve.

ANALYSE

[10]      Pour le compte de Mme Mina, il a été soutenu que l'agente des visas avait illégitimement omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents, à savoir les copies certifiées du diplôme et des relevés de notes universitaires que Mme Mina avait apportées à l'entrevue. Il a été soutenu que l'agente des visas avait illégitimement rejeté l'explication donnée par Mme Mina, à savoir que les documents avaient été délivrés après qu'elle eut obtenu son diplôme parce qu'elle avait perdu les originaux et qu'elle s'était vue obligée de demander des copies certifiées.

[11]      Je ne retiens pas la prétention selon laquelle l'agente des visas a omis de tenir compte de la preuve des copies certifiées du diplôme et des relevés de notes universitaires que Mme Mina avait fournies à l'entrevue. Le dossier montre que l'agente des visas a de fait examiné ces documents, mais qu'elle les a jugés non crédibles. Les motifs à l'appui sont énoncés comme suit dans l'affidavit que l'agente des visas a déposé à l'encontre de la présente instance :

[TRADUCTION]

9. Étant donné qu'il arrive souvent que des documents frauduleux soient soumis par les personnes qui présentent une demande dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants à l'égard de leurs études, et compte tenu du fait que ni l'un ni l'autre des documents soumis par Mme Mina n'était un original, je ne pouvais pas me fonder sur ces documents comme preuve de leur contenu. [...] L'expérience que j'ai acquise dans ce bureau et à Manille m'a appris que le fait que les relevés sont délivrés plusieurs années plus tard indique immédiatement qu'il se peut qu'une fraude ait été commise.

[12]      Lorsqu'il sait, par expérience, que des documents tels que ceux qui ont été soumis par la demanderesse sont dans bien des cas frauduleux, l'agent des visas peut avec raison se fonder sur son expérience et examiner de plus près ces documents.

[13]      Subsidiairement, il a été soutenu pour le compte de Mme Mina que même si l'agente des visas avait raison d'adopter cette approche à l'égard des documents relatifs aux études, la façon dont elle a vérifié l'authenticité des documents n'était absolument pas appropriée. Il a été soutenu que le fait d'avoir effectué des études n'a presque rien à voir avec le fait d'être en mesure, huit ou 12 ans plus tard, de se rappeler les cours exacts qui ont été suivis. On a dit que l'agente des visas avait fait une inférence déraisonnable en concluant que la perte de mémoire de Mme Mina prouvait qu'elle n'avait pas suivi ces cours.

[14]      Dans son affidavit, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

9. [...] En outre, les tentatives que l'on a faites pour vérifier la validité de ce genre de documents se sont toujours avérées inefficaces. Aux Philippines, il est facile de se procurer des documents frauduleux et l'on y a communément recours. [...] Même si une confirmation est reçue à l'égard des documents qui ont été envoyés pour vérification, cette confirmation peut bien être elle aussi frauduleuse. Par suite des mauvais agissements des établissements d'enseignement, des documents ont été délivrés à des individus qui, contrairement à ce qu'ils avaient allégué, n'avaient pas terminé leurs études.

[15]      Pendant le contre-interrogatoire, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

13.      Q.      Que voulez-vous dire, au paragraphe 9, lorsque vous déclarez que la vérification de la validité des documents s'est avérée inefficace?

     R.      L'expérience que j'ai acquise en m'occupant des demandes relatives aux aides familiaux résidants aux Philippines m'a appris que les vérifications prenaient du temps et qu'elles ne servaient à rien.

14.      Q.      Qu'entendez-vous par là? Pouvez-vous me donner un exemple?

     R.      Par exemple, lorsque je renvoie les documents à l'université ou à l'établissement en cause pour vérification, cela prend beaucoup de temps et cela retarde parfois le traitement de la demande et même si une réponse favorable est donnée, nous découvrons plus tard qu'il s'agit de documents frauduleux.

15.      Q.      Voulez-vous dire par là que la vérification est frauduleuse ou que l'université a délivré une vérification frauduleuse? Comprenez-vous la distinction?

     R.      Pas tout à fait.

16.      Q.      Lorsque vous dites que la vérification qui vous est transmise est frauduleuse, voulez-vous dire que quelqu'un a d'une façon ou d'une autre fabriqué la vérification, ou que l'université a de fait délivré le document à quelqu'un qui n'avait pas réellement les compétences voulues?

     R.      Les deux.

[16]      Compte tenu de cette preuve, je ne puis conclure qu'il était en soi déraisonnable pour l'agente des visas de ne pas envoyer les documents contestés pour vérification.

[17]      En ce qui concerne le caractère raisonnable de l'inférence que l'agente des visas a faite, cette dernière a témoigné, et elle a été contre-interrogée à ce sujet, qu'en réponse à une question qu'elle avait posée à Mme Mina au sujet de ses études :

[TRADUCTION]

13. [...] Mme Mina a attendu longtemps avant de répondre et elle a ensuite dit qu'au cours de la première année, elle avait suivi un cours d'éducation physique, un cours de danse folklorique et que, pendant les six derniers mois, elle avait fait un stage d'enseignement.

14. Lorsque je lui ai de nouveau demandé si elle avait uniquement suivi un cours d'éducation physique, Mme Mina a répondu par la négative, elle a dit qu'en fait, elle en avait suivi deux, l'un au cours de la première année et l'autre au cours de la deuxième année.

[18]      En fait, selon le relevé de notes qu'elle a fourni, Mme Mina a suivi, pendant ses quatre années d'études, six cours d'éducation physique en tout, dont cinq au cours de la dernière année.

[19]      Lors du réinterrogatoire, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

71.      Q.      Lui avez-vous demandé de fournir d'autres renseignements? Lui avez-vous demandé si elle se rappelait autre chose au sujet du cours.

     R.      Je lui ai demandé de me donner d'autres détails, mais elle n'a pas pu le faire, et je n'ai pas obtenu de réponse.

[20]      Dans ces conditions, je ne puis conclure que l'agente des visas a fait une inférence déraisonnable en concluant que la grave perte de mémoire dont était atteinte Mme Mina était telle que celle-ci n'avait pas réussi à établir qu'elle avait terminé ses études.

[21]      Il a été soutenu que l'agente des visas était obligée de donner à Mme Mina une possibilité raisonnable de participer à l'audience et que Mme Mina aurait dû avoir la possibilité de fournir d'autres renseignements en vue d'apaiser les soupçons qu'avait l'agente des visas au sujet des documents qui étaient remis en question.

[22]      Lors de l'entrevue, Mme Mina a été informée des préoccupations que l'agente des visas avait au sujet de l'authenticité des documents. À mon avis, il s'agit donc de savoir si l'agente des visas a fourni à Mme Mina une juste possibilité de corriger l'appréciation défavorable que l'agente avait effectuée ou de contredire cette appréciation.

[23]      L'agente des visas a demandé à Mme Mina de parler de ses études de façon à démontrer que ses connaissances étaient compatibles avec le fait qu'elle aurait terminé ces études. Compte tenu de la preuve présentée par l'agente des visas au sujet du fait qu'il ne sert à rien de vérifier la validité des documents relatifs aux études par les moyens habituels, je ne puis conclure que l'agente a agi d'une façon déraisonnable ou injuste ou qu'elle a refusé à Mme Mina une possibilité raisonnable de contredire son appréciation des documents.

[24]      La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[25]      L'avocate de Mme Mina a proposé la certification de la question de savoir si l'agente des visas viole une obligation qui lui incombe lorsque, après avoir remis un document en question, il tente simplement de l'authentifier en posant des questions à la demanderesse.

[26]      L'avocat du ministre s'est opposé à la certification de la question pour le motif qu'il s'agissait d'une question factuelle.

[27]      À mon avis, le bien-fondé de la conduite de l'agente des visas dépend des circonstances particulières de l'affaire telles qu'elles ont été présentées en preuve. Je retiens donc l'argument du ministre selon lequel la question est trop liée aux circonstances de l'affaire pour être certifiée. Aucune question n'est certifiée.





                             Eleanor R. Dawson

                                     Juge


Ottawa (Ontario)

Le 24 octobre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  IMM-2944-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Rowena M. Mina c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 20 septembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE DAWSON EN DATE DU 24 OCTOBRE 2000.


ONT COMPARU :

Chantal Desloges                  POUR LA DEMANDERESSE
Ian Hicks                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chantal Desloges                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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