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Date : 20000719

Dossier : IMM-5607-98

ENTRE :                                                                                                        

                                   EULALIA BEATRICE DES DORES AMIN

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision d'un agent des visas qui a refusé la demande de résidence permanente au Canada qu'avait présentée la demanderesse.


[2]         La demanderesse, qui est citoyenne de l'Inde, a résidé à Dubai, U.A.E., pendant environ quinze ans. La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants et a inscrit son mari et ses deux enfants comme personnes à charge. Dans sa demande, la demanderesse a indiqué qu'elle envisageait la profession de secrétaire de direction. À l'appui de sa demande, la demanderesse a déposé deux lettres provenant d'anciens employeurs, Transmed Overseas Inc. et Gulf Express Freight. Au moment de la demande, la demanderesse a indiqué qu'elle avait un poste de secrétaire de direction chez ABB Calor EMAG Schaltangen. Aucune lettre de référence de cette compagnie n'a été déposée par la demanderesse.

[3]         Dans la lettre rejetant la demande de résidence permanente, l'agent des visas a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] Lors de votre entrevue, vous avez subi un examen de dactylographie et un examen de rédaction de lettre en vue de l'évaluation de vos compétences en secrétariat. Vous avez commis de nombreuses erreurs dans l'examen de dactylographie et vous n'avez pas tenté de rédiger la lettre. De plus, lorsque j'ai examiné votre demande, j'ai remarqué une erreur d'orthographe dans votre propre CV. Vous avez demandé l'entrée au Canada en tant que secrétaire ou secrétaire de direction, mais vous ne possédez malheureusement pas les aptitudes nécessaires pour exercer ces professions, et vous correspondez davantage à la description Commis de bureau/Dactylographe CCDP 4113124, soit la profession que vous exerceriez plus vraisemblablement au Canada...[1]

[4] Étant donné que la demande de résidence permanente a été présentée avant le 1er mai 1997 et qu'elle était toujours en cours après cette date, la demanderesse a été évaluée tant en vertu de la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP) que de la Classification nationale des professions (la CNP).


[5]         Sous la définition de Commis de bureau/Dactylographe figurant dans la CCDP, l'agent des visas a octroyé à la demanderesse quarante-huit (48) unités d'évaluation. Étant donné que la demanderesse n'a pas reçu soixante-dix (70) unités d'évaluation, sa demande de résidence permanente a été rejetée. L'agent des visas a indiqué dans sa décision que même en vertu de la CNP, la demanderesse n'aurait pas reçu les unités d'évaluation requises.

[6]         La demanderesse soulève les questions suivantes dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire:

1.        L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit dans la manière dont il a mené son entrevue, notamment en n'interrogeant pas la demanderesse au sujet de ses compétences, de ses qualifications et de son expérience en tant que secrétaire de direction?

2.        L'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'équité envers la demanderesse en ne lui fournissant pas une possibilité adéquate de répondre [traduction] « à la preuve précise existant contre elle sur la question de l'authenticité des qualifications et des références » et de dissiper son doute que la demanderesse soit capable d'obtenir un emploi de secrétaire sans recevoir une formation considérable?

[7]         Il est bien établi dans la jurisprudence que « c'est au demandeur qu'il appartient de convaincre l'agent des visas qu'il répond à toutes les conditions prévues pour les demandes de résidence permanente » [2].


Question 1 :           L'omission d'interroger la demanderesse au sujet de ses compétences et de son expérience:

[8]         La seule preuve présentée par la demanderesse lors de l'entrevue consistait en deux lettres de référence et une description verbale de ses fonctions. Si on se fie à ses notes, l'agent des visas a questionné la demanderesse au sujet de ces lettres et d'autres compétences connexes, comme le traitement de texte, la sténographie, les chiffriers électroniques et la [traduction] « représentation graphique » [3]. Dans l'affidavit déposé par l'agent des visas dans le cadre de la présente demande, ce dernier a témoigné qu'il avait pris le temps de corriger l'examen de dactylographie en présence de la demanderesse et qu'il l'avait informée que [traduction] « sa dactylographie ne paraissait pas satisfaire aux normes exigées d'une secrétaire de direction » . Se fondant sur le manque évident de compétence en dactylographie de la demanderesse et sur les autres questions posées, l'agent des visas en est venu à la conclusion que la demanderesse aurait besoin d'une formation considérable pour trouver un emploi de secrétaire de direction au Canada.

[9]         Même si l'avocat de la demanderesse a soutenu que ses arguments étaient étayés par les affidavits de la demanderesse et de l'agent des visas ainsi que par les notes au STIDI, il a été incapable d'identifier un fait ou une déclaration en particulier appuyant l'affirmation que les conclusions tirées par l'agent des visas étaient déraisonnables.


Question 2 :           Le manquement à l'obligation d'équité:

[10]       La demanderesse prétend que l'agent des visas a manqué de deux façons à son obligation d'équité envers la demanderesse. Premièrement, l'agent des visas n'a pas fourni à la demanderesse la possibilité de dissiper ses doutes relatifs à l'authenticité de ses qualifications et de ses références. Deuxièmement, l'agent des visas n'a pas fourni à la demanderesse la possibilité de dissiper son doute concernant la capacité de cette dernière de trouver un emploi de secrétaire de direction ou de secrétaire sans recevoir une formation considérable. La demanderesse prétend qu'il y a manquement à l'obligation d'agir équitablement lorsque l'agent des visas rend une décision sans donner au demandeur la possibilité de répondre à tout renseignement négatif qu'il a reçu ou de dissiper les doutes qui ont pris naissance au cours du traitement de la demande.

[11]       Même si l'agent des visas n'a pas l'obligation de conseiller le demandeur ni de lui demander des précisions[4], il a néanmoins l'obligation « d'examiner pleinement les arguments et les renseignements fournis par le requérant » [5]. En outre, lorsque l'agent des visas a l'impression qu'il y a des lacunes dans la preuve présentée par le demandeur, l'équité exige qu'il fournisse à ce dernier la possibilité de dissiper cette impression[6].


[12]       La mesure dans laquelle il faut donner au demandeur la possibilité de dissiper les doutes de l'agent des visas a été analysée par le juge Muldoon dans Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[7], où il a dit :

On ne sait pas encore trop dans quelles circonstances l'équité procédurale exige que l'agent des visas informe le requérant de ses préoccupations. Toutefois, il est possible de conclure, compte tenu des arrêts précités, que cette obligation ne prend pas

simplement naissance du fait qu'après avoir soupesé la preuve l'agent des visas n'est toujours pas convaincu du bien-fondé de la demande. La tâche de l'agent des visas consiste précisément à soupeser les éléments de preuve présentés par le requérant.

Comme la Cour l'a dit, étant donné qu'il incombe au requérant de présenter une preuve, il n'est pas évident que l'agent des visas devrait être obligé de lui faire part du « résultat intermédiaire » à chaque stade de la procédure.

[13]       Dans son affidavit, la demanderesse déclare ce qui suit relativement au traitement de ses lettres de références et de ses qualifications par l'agent des visas :

[TRADUCTION] ... Au cours de l'entrevue, l'agent des visas ne m'a pas indiqué qu'il avait des doutes concernant mes qualifications, mon expérience et mes compétences pour la profession que j'envisageait. On ne m'a pas donné la possibilité de dissiper, de contredire et de corriger ces doutes, ni de présenter des éléments de preuve pour démontrer que j'étais effectivement qualifiée pour être secrétaire de direction...

Dans ses notes, l'agent des visas a indiqué que les références et l'expérience devaient être vérifiées très attentivement auprès de l'employeur et que les qualifications devaient également être vérifiées. Toutefois, les notes d'entrevue laissent voir que cela n'a pas été fait auprès des employeurs ni auprès de moi-même, malgré les commentaires à cet égard.

[14]       L'affidavit de l'agent des visas raconte une version différente des événements :

[TRADUCTION] J'ai posé des questions à la demanderesse au sujet de ses lettres de référence. Elle a fourni une description de ses fonctions qui reprenait les lettres mot-à-mot et elle n'a fourni aucun autre détail. Il était clair qu'elle avait bien appris ces renseignements pour les fins de l'entrevue.


J'ai également demandé à la demanderesse pourquoi les renseignements figurant dans ses lettres de référence étaient si similaires. Les deux lettres provenaient de différentes compagnies et quatre ans séparaient leurs dates. Elles avaient toutefois le même caractère, le même format, le même contenu général, et elles contenaient la même erreur: il y avait un seul espace après le point et les nombres inférieurs à dix étaient indiqués sous forme numérique. La demanderesse n'a fourni aucune explication pour les similitudes entre les deux lettres.

[15]       Aucune partie n'a contre-interrogé l'autre relativement aux affidavits déposés. Toutefois, les notes de l'agent des visas donnent du poids à l'affirmation selon laquelle ce dernier a interrogé la demanderesse de la manière dont il l'a décrit :

[TRADUCTION] ... Les références de Trans Med et Gulf Express Freight sont pratiquement identiques même si 4 ans séparent leurs dates. Le sujet ne peut fournir aucune explication.

[16]       Les notes de l'agent des visas indiquent également qu'il n'était pas autant préoccupé par l'authenticité des références de la demanderesse que par l'incapacité totale de cette dernière de dactylographier rapidement et de son défaut de rédiger la lettre dans le délai imparti :

[TRADUCTION] ... hormis la question de savoir si les qualifications et les références sont authentiques. Le CV du sujet contient des erreurs, elle n'a pas terminé l'examen de dactylographie et elle n'a même pas essayé de rédiger la lettre, ce que les autres secrétaires évaluées au cours de ce voyage ont réussi sans difficulté.

[17]       Compte tenu des notes au STIDI et de l'affidavit de l'agent des visas, je suis d'avis que celui-ci a donné à la demanderesse une possibilité raisonnable de dissiper ses doutes au sujet des qualifications de cette dernière.


[18]       L'agent des visas a aussi souligné les erreurs typographiques contenues dans le CV de la demanderesse et lui a posé des questions directes au sujet de ses lettres de référence. Il est clair que l'agent des visas était moins préoccupé par l'authenticité des lettres de référence que par le manque de compétence en dactylographie de la demanderesse. En outre, la demanderesse a été informée de ses nombreuses erreurs typographiques et du fait que sa vitesse de frappe était de 23 mots à la minute. Elle a été informée de son manque de compétence et n'a pu fournir aucune explication pour changer l'évaluation de l'agent des visas à cet égard. Je suis d'avis qu'il n'y a aucune preuve d'inéquité procédurale dans la présente affaire.

[19]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[20]       Aucune partie n'a demandé la certification d'une question.

                                                                         « Dolores M. Hansen »           

                                                                                               J.C.F.C.                     

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                 IMM-5607-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    EULALIA BEATRICE DES DORES AMIN

c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 28 JANVIER 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HANSEN

EN DATE DU :                                     19 JUILLET 2000

ONT COMPARU

M. SUVENDU GOSWAMI                                         POUR LA DEMANDERESSE

M. MARTIN ANDERSON                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. SUVENDU GOSWAMI                                         POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20000719

Dossier : IMM-5607-98

OTTAWA (ONTARIO), le 19 juillet 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

EULALIA BEATRICE DES DORES AMIN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas le 28 septembre 1998, par laquelle l'agent a refusé la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse;

APRÈS avoir lu les documents déposés et avoir entendu les arguments des parties;


LA COUR ORDONNE le rejet de la demande.

               « Dolores M. Hansen »               

J.C.F.C.                         

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.



     [1]       Dossier certifié, à la page 19.

     [2]       Il c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1269, au paragraphe 22.

     [3]             Dossier certifié, à la page 4.

      [4]             Hajariwala c. Canada, [1989] 2 C.F. 79, à la page 83.

     [5]       Saggu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. No.1823, au paragraphe 16.

     [6]       Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, à la page 215 (C.A.)

     [7]             [1997] A.C.F. No. 1091, au paragraphe 21.

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