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Date : 20060209

Dossier : 05-T-65

Référence : 2006 CF 171

Toronto (Ontario), le 9 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGEvon Finckenstein

ENTRE :

SADHU SINGH HAMDARD TRUST

demanderesse

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE et AJIT NEWSPAPER ADVERTISING, MARKETING AND COMMUNICATIONS, INC.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de prorogation du délai d'appel prévu par l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, et ses modifications (la Loi).

[2]                Les faits sont les suivants.

[3]                Le 20 janvier 2004, le défendeur a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce AJIT WEEKLY et dessin (la demande Ajit) pour son emploi en liaison avec :

1.          des publications imprimées et électroniques;

2.          l'exploitation d'un site Web.

Le registraire des marques de commerce (le registraire) a attribué le numéro 1,203,672 à la demande, qui a été publiée le 10 novembre 2004.

[4]                La demanderesse a décidé de s'opposer à la demande Ajit et, le 23 décembre 2004, elle a écrit au registraire pour lui demander que la date limite pour déposer une demande d'opposition soit reportée du 10 janvier 2005 au 10 avril 2005.

[5]                La demanderesse n'a jamais reçu de réponse à cette demande de prorogation. Les parties ne contestent pas que le registraire a reçu la demande. Il n'y a absolument aucune preuve indiquant ce qui est arrivé de la demande ou pourquoi aucune réponse ne lui a été donnée.

[6]                Aucune opposition n'avait été déposée en date du 10 janvier 2005 et, le 28 janvier 2005, le registraire a produit un avis d'admission de la demande Ajit. Le 3 mars 2005, le registraire a enregistré la marque de commerce AJIT WEEKLY et dessin.

[7]                Le 31 mars 2005, la demanderesse a produit une déclaration d'opposition. Dans la lettre d'accompagnement, son avocat a déclaré :

[traduction] ... [N]ous soumettons respectueusement que la présente opposition est produite en temps opportun. Une vérification de la banque de données Strategis du Bureau des marques de commerce montre qu'il y eu erreur, que la marque de commerce a été enregistrée prématurément. Des mesures ont été entreprises pour faire corriger les dossiers du Bureau des marques de commerce [...]

Dossier de la demanderesse, onglet 2 D, page 30

[8]                Le 19 mai 2005, la demanderesse a présenté une requête visant à obtenir :

a)     une prorogation du délai imparti pour demander un contrôle judiciaire;

b)     qu'une fois ce délai accordé, la Cour annule l'avis d'admission et l'enregistrement;

c)     que la Cour ordonne au registraire de traiter la demande d'opposition déposée le 31 mars 2005.

[9]                Après avoir été mise au courant par l'avocat du défendeur de la décision Oy c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 33 C.P.R. (3d) 304, la demanderesse s'est désistée de sa demande le 7 juin 2005.

[10]            Le 27 septembre 2005, la demanderesse a introduit la présente demande en vertu de l'article 56 de la Loi afin d'obtenir :

[traduction] une prorogation du délai pour produire et signifier l'avis de demande [...] interjetant appel de la décision prise par le registraire des marques de commerce [...] le 3 mars 2005 [...]d'enregistrer la marque de commerce AJIT WEEKLY et dessin [...] de dix jours à compter de la date d'acceptation de la prorogation du délai.

[11]            Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi rédigées :

56.(1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.

(2) L'appel est interjeté au moyen d'un avis d'appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

(3) L'appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l'avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

(4) Le tribunal peut ordonner qu'un avis public de l'audition de l'appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu'il juge opportune.

(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

57. (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu'une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l'inscription figurant au registre n'exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

(2) Personne n'a le droit d'intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d'interjeter appel.

[12]            La demanderesse fait valoir les arguments suivants :

i)        elle est la victime d'une erreur administrative;

ii)          le registraire ne lui a jamais répondu et ne lui a jamais remis copie de l'avis d'admission ou de l'enregistrement de la marque de commerce;

iii)            la marque de commerce n'aurait jamais dû être enregistrée;

iv)      elle a déposé son avis d'opposition, bien qu'en retard, pour signifier son intention de s'opposer à la demande d'enregistrement de la marque de commerce du défendeur;

v)       même si, en sollicitant tout d'abord un contrôle judiciaire, elle a choisi le mauvais moyen pour obtenir une réparation, elle n'a jamais renoncé à obtenir une réparation;

vi)      elle ne devrait pas être tenue d'assumer le coût d'une action en radiation où elle aurait le fardeau de la preuve; au contraire, elle a droit au recours sommaire par voie d'appel prévu à l'article 56 de la Loi où le fardeau de la preuve incombe au défendeur.

                                   

[13]            Le défendeur s'oppose à la demande en soutenant :

a)      il ne s'agit pas d'un cas où il y a lieu de présenter une demande en vertu de l'article 56; la demanderesse devrait plutôt chercher à obtenir la radiation en vertu de l'article 57 de la Loi;

b)      subsidiairement, la demanderesse n'a pas satisfait au critère qui a été énoncé dans Sim c. Canada (1996), 67 C.P.R. (3d) 334, relativement à l'obtention d'une prorogation de délai.

[14]            La demanderesse s'appuie sur la décision Oy, précitée, dans laquelle le juge Pinard a dit :

Je suis d'avis que la décision du registraire d'inscrire la marque de commerce au registre constitue une décision susceptible d'appel à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce. [Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.] En effet, la décision du registraire, de laquelle résultent indubitablement des droits légaux et des obligations (voir par exemple les articles 19, 20 et 22 de la Loi), ne saurait être une simple décision incidente.

[15]            Il me semble que la demanderesse soulève la mauvaise question. Le registraire n'a rendu aucune décision à l'égard de la demanderesse. Celle­ci a demandé une prorogation du délai pour produire un avis d'opposition. Elle n'a jamais reçu de réponse, ni même d'accusé de réception. Lorsque la date limite du 10 janvier 2005 est devenue imminente, elle aurait pu vérifier auprès du registraire ou déposer un avis d'opposition. Au contraire, elle n'a rien fait, car elle a considéré la demande de prorogation comme [traduction] « une demande courante qui est invariablement accordée par le registraire » (dossier de requête supplémentaire de la demanderesse, onglet 5, paragraphe 9).

[16]            La demanderesse s'attendait à ce que la prorogation soit accordée d'office et à ce qu'une lettre lui soit transmise à cause des clauses v) et vii) de l'Énoncé de pratique intitulé « Procédure relative à la Commission des oppositions des marques de commerce » , sous la rubrique « Prolongations de délai » , qui prévoit ce qui suit :

v)               En ce qui concerne la première demande de prolongation de délai à une étape particulière de l'opposition, les délais normalisés suivants seront accordés : dépôt d'une déclaration 3 mois [...]

vii)       Lorsqu'une première prolongation de délai sera accordée à chaque étape d'une opposition, il y aura un avis dans la lettre de la Commission des oppositions [...]

[17]            Je souligne toutefois deux choses :

a)          la demande de prorogation ne respecte pas la clause iv) qui exige que la demande initiale de prolongation de délai précise la date de l'annonce de la marque de commerce dans le Journal des marques de commerce;

b)         ces directives n'ont pas force de loi mais contiennent plutôt l'avertissement suivant : « Les dispositions de cet énoncé de pratique sont un guide général, ne sont pas obligatoires dans un cas en particulier et peuvent être changées » .

[18]            L'existence de ces directives ne change rien au fait que la demanderesse n'est pas en droit d'exiger une prorogation de délai en vertu de la Loi. De plus, la demande n'était pas même pas conforme aux directives.

[19]            De toute façon, là n'est pas la question. En vertu de la Loi, le registraire n'est pas tenu d'accorder une prorogation de délai et dans ce cas-ci, peu importe la raison, aucune prorogation n'a été accordée. La demanderesse avait jusqu'au 10 janvier pour produire un avis d'opposition, et elle ne l'a pas fait.

[20]            Ainsi, il n'y a aucune décision du registraire visant la demanderesse à réexaminer. Le registraire a donné suite à la demande d'enregistrement du défendeur. Si la demanderesse, qui n'a pas produit d'opposition avant l'enregistrement, souhaite contester l'enregistrement, elle n'a d'autre choix que d'engager une procédure en radiation en vertu de l'article 57 de la Loi. La situation ne permet tout simplement pas de présenter une demande en vertu de l'article 56 de la Loi. De même, comme le registraire n'a pas rendu de décision concernant la demande de prorogation de la demanderesse, l'exception prévue au paragraphe 57(2) de la Loi ne s'applique pas.

[21]            Quant à la décision Oy, précitée, il n'y a tout simplement pas assez de faits nous permettant de conclure que la situation était analogue à la présente affaire. Je souligne que le juge Pinard était loin d'être catégorique, mais qu'il a plutôt fait l'observation suivante au cas où l'article 56 ne s'appliquerait pas :

Par ailleurs, si je considérais la production du certificat d'enregistrement no 364,485 au soutien de l'affidavit de Marie Pinsonneault comme ne pouvant constituer un avis formel au sens du paragraphe 57(2) de la Loi sur les marques de commerce, ce qu'il ne m'est pas nécessaire de décider, ou même si j'acceptais, ce qui n'est pas le cas, la proposition du procureur de la requérante à l'effet que la décision du registraire d'inscrire la marque au registre ne constitue pas une décision susceptible d'appel en vertu de l'article 56, la requérante devrait alors se pourvoir conformément aux prescriptions particulières des articles 57, 58 et 59 de la Loi, de même qu'à celles des règles 702 à 706 de cette Cour, puisque son objectif ultime implique nécessairement la radiation de l'inscription de la marque ci-dessus sollicitée par l'intimée, le Groupe RO-NA Inc., pour le motif que cette inscription « n'exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque. » La présente requête n'est évidemment pas conforme à ces prescriptions. (Non souligné dans l'original.)

[22]            Comme l'a dit le juge Pinard, lorsque l'article 56 de la Loi ne s'applique pas (ce que j'ai constaté ci-dessus), la demanderesse doit procéder en vertu de l'article 57 de la Loi. Par conséquent, la présente demande ne peut pas être accueillie.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

                                                                                                            « K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                      05-T-65

INTITULÉ :                                                    SADHU SINGH HAMDARD TRUST

                                                                        c.

                                                                        LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                        et AJIT NEWSPAPER ADVERTISING, MARKETING AND COMMUNICATIONS, INC.

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE 6 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                    LE 9 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Andrea Rush

Mark Edward Davis                                           POUR LA DEMANDERESSE

Brian D. Edmonds

Tamara Ramsey                                                 POUR LA DÉFENDERESSE (AJIT NEWSPAPER

                                                                        ADVERTISING, MARKETING & COMMUNICATIONS, INC.)

Aucune comparution                                           POUR LE DÉFENDEUR (LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Heenan Blaikie s.r.l.

Toronto (Ontario)                                               POUR LA DEMANDERESSE

McCarthy Tétrault s.r.l.

Toronto (Ontario)                                               POUR LA DÉFENDERESSE (AJIT NEWSPAPER

                                                                        ADVERTISING, MARKETING & COMMUNICATIONS, INC.)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                POUR LE DÉFENDEUR (LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE)

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