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Date : 20010817

Dossier : IMM-5816-99

Référence neutre : 2001 CFPI 905

ENTRE :

                       AWAAD ABDEL HADY MOHAMED

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Mohamed visant la décision prise, le 21 octobre 1999, par l'agente des visas attachée à l'Ambassade du Canada à Paris (France) par laquelle elle lui refuse la résidence permanente au Canada.


[2]    Le dossier de la demande de M. Mohamed indique que celui-ci a obtenu un baccalauréat ès arts en travail social du Higher Institute of Social Work au Caire, en Égypte, en 1989. M. Mohamed a joint à sa demande de résidence permanente des lettres de référence de deux anciens employeurs prouvant qu'il avait travaillé dans un milieu scolaire en Égypte à titre de [traduction] « spécialiste social » , comme on l'appelait, de 1989 à 1994 et dans les Émirats arabes unis, depuis 1996.

[3]    L'agente des visas, après évaluation du demandeur en tant que travailleur social, lui a accordé 69 points d'appréciation, soit un point de moins qu'il n'en faut pour délivrer un visa d'immigration. Les questions en litige sur quoi porte la présente demande ont trait aux conclusions voulant que soient accordées à M. Mohamed quatre unités d'évaluation pour ses qualités personnelles et quatre autres, pour son expérience.

[4]    En ce qui concerne l'évaluation des qualités personnelles, M. Mohamed soutient que l'agente des visas a réduit cette évaluation en raison du fait qu'il parlait l'anglais correctement, mais non pas couramment, ce qui équivalait, dit-il, à un double comptage inacceptable au regard des aptitudes linguistiques.


[5]                 Bien que l'agente des visas n'ait pas signé un affidavit en opposition à la présente procédure, la Cour avait en main les notes consignées dans le STIDI et qui sont recevables en tant que motifs de la décision objet de contrôle (voir : Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 190 F.T.R. 78 (C.F. 1re inst.). Ces motifs disent expressément que l'évaluation de la personnalité du demandeur reflétait les préoccupations de l'agente des visas du fait que M. Mohamed, abstraction faite de ses aptitudes linguistiques, ne s'était pas préparé pour émigrer et qu'il comptait sur autrui. Je ne trouve rien à redire à la décision de l'agente des visas à ce propos.

[6]                 En ce qui a trait à l'évaluation de l'expérience de M. Mohamed, l'avocate du défendeur a reconnu que si l'agente des visas a accordé à M. Mohamed quatre unités d'évaluation pour son expérience, c'est parce qu'elle n'avait pas tenu compte de ses antécédents professionnels en Égypte. En revoyant les notes STIDI, je suis convaincue qu'elle en avait ainsi décidé parce que la lettre de référence obtenue de l'employeur de M. Mohamed en Égypte ne détaillait pas les tâches et les responsabilités attachées à son emploi. Voici ce qu'on peut lire dans les notes STIDI:

4 POINTS EN EXPERIENCE CAR CERTIFICAT DE TRAVAIL DE L'ACADEMIE DES ARTS NE DONNE AUCUNE INFORMATION SUR SES RESPONSABILITES ET TACHES. NE PEUT PAS ETRE CONSIDERE

[7]                 Voici les preuves pertinentes sur ce point.


[8]                 Les deux lettres de référence jointes à la demande de résidence permanente de M. Mohamed confirmaient l'identité de son employeur, ses dates d'emploi et le poste qu'il occupait. Les notes STIDI indiquent que l'agent d'enquête qui a étudié la demande a jugé nécessaire de réclamer une lettre de référence [traduction] « plus précise » de la part de l'employeur de M. Mohamed dans les Émirats arabes unis, en vue de mieux évaluer les tâches et responsabilités du poste que celui-ci occupait alors. Aucune demande similaire n'a été faite en ce qui concerne l'employeur de M. Mohamed en Égypte. Le 1er juillet 1999, un document a donc été adressé à M. Mohamed lui demandant de [traduction] « présenter un certificat d'emploi récent comportant une liste détaillée de vos fonctions; une copie de votre baccalauréat en travail social avec une traduction certifiée. »

[9]                 En réponse à quoi, M. Mohamed a fourni une troisième lettre de référence datée du 5 septembre 1999, confirmant une nouvelle fois qu'il a été à l'emploi de l'école primaire pour garçons Al Qassimia aux Émirats arabes unis depuis 1996 et énumérant ses tâches et responsabilités dans cette institution.

[10]            Le 6 octobre 1999, M. Mohamed a passé une entrevue avec l'agente des visas dont les notes STIDI indiquent qu'elle s'est informée au sujet des tâches et responsabilités de M. Mohamed dans le cadre de son emploi en tant que travailleur social, plus particulièrement aux Émirats arabes unis. Quant à son emploi en Égypte, les notes en question portent ce qui suit :

-1ER CERTIFICAT DE TRAVAIL A L'ACADEMIE DES ART INDIQUE SOCIAL WORKER MS NE DONNE AUCUNE INDICATION.

CDAT DIT S'ETRE OCCUPE D'ADOLESCENTS AVEC PROBLEMES D'ADOLESCENT...REACTION NEGATIVE ENVERS LES PARENTS...FORME DE REJET DE LA STE....EN GENERAL


[11]            Dans l'affidavit qu'il a déposé au soutien de sa demande, M. Mohamed dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

9.              À aucun moment ne m'a-t-on dit au cours de l'entrevue que je n'avais pas fourni une preuve suffisante de mon expérience en tant que travailleur social, soit en Égypte soit aux É.A.U.

[...]

11.            On ne m'a pas dit durant l'entrevue, ni à quelque moment que ce soit, que la preuve de mon expérience comme travailleur social en Égypte allait être rejetée.

  

[12]            J'accepte l'assertion de M. Mohamed voulant qu'il n'ait pas été informé de la préoccupation de l'agente des visas au sujet de la preuve insuffisante de son expérience acquise en Égypte. Sa preuve sur ce point n'est pas contestée et, de toute façon, elle ne contredit pas les notes STIDI de l'agente des visas.


[13]            M. Mohamed a également joint en tant que pièce à son affidavit, ce qu'il a juré être des notes qu'il a rédigées au sujet de l'entrevue et où il rapporte que l'agente des visas lui a demandé ce qui suit : [traduction] « Pouvez-vous m'envoyer les rapports concernant les enfants en Égypte et aux É.A.U.? et il faudra environ 18 autres mois pour mettre au point le dossier » . D'après ces mêmes notes, il a répondu qu'il enverrait les rapports de travail, en soulignant qu'il serait trop long d'attendre 18 mois pour finaliser le cas et qu'il croyait avoir déjà suffisamment attendu. Les notes indiquent ensuite que l'agente des visas lui a dit alors qu'il ne serait plus nécessaire d'envoyer d'autres rapports quelconques, qu'elle étudierait le dossier et lui ferait part de la décision dans un délai de deux semaines.

[14]            Les notes STIDI ne contredisent pas ces assertions et le témoignage de M. Mohamed n'a pas été contesté. En l'absence de contradiction, la version des faits qu'a donnée M. Mohamed doit être tenue pour véridique.

[15]            Me fondant sur cette preuve, je conclus que l'agente des visas a failli au devoir d'équité qui lui incombe lorsqu'elle a décidé de passer outre à l'expérience professionnelle que M. Mohamed a acquise en Égypte. J'arrive à cette conclusion pour les raisons suivantes.

[16]            En premier lieu, du fait que l'ambassade a expressément requis de M. Mohamed une lettre détaillant plus précisément son expérience professionnelle récente, je trouve inéquitable de rejeter l'expérience antérieure du demandeur, au seul motif que la lettre de référence qu'il a fournie de cet employeur n'était pas aussi détaillée. Autrement dit, du moment que l'on cherchait à obtenir un complément d'information à l'égard de la première lettre il aurait fallu en faire autant pour l'autre.


[17]            En second lieu, l'agente des visas a réclamé, dès le début de l'entrevue, un rapport complémentaire sur l'expérience professionnelle de M. Mohamed en Égypte. Le fait qu'elle soit revenue sur cette demande après que M. Mohamed y a consenti, mais en s'élevant contre le délai supplémentaire de 18 mois qui en résulterait, était incompatible avec le devoir d'équité.

[18]            En raison du manquement à ce devoir, j'ai conclu que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et l'affaire renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à nouveau sur le cas.


[19]            L'avocate du défendeur pourra, jusqu'à l'heure de fermeture du bureau de la Cour à Ottawa, le vendredi 24 août 2001, présenter à la Cour et à l'avocat du demandeur toutes observations écrites portant sur la certification d'une question. Par la suite, l'avocat du demandeur pourra, jusqu'à la fermeture du bureau de la Cour à Ottawa, le vendredi 31 août 2001, adresser à la Cour et à l'avocate du défendeur toutes observations de la part du demandeur. L'avocate du défendeur pourra, jusqu'à l'heure de fermeture des bureaux, le mercredi 5 septembre 2001, adresser à la Cour et à l'avocat du demandeur toutes observations en réponse. Après étude des observations qui seraient éventuellement reçues, la Cour rendra une ordonnance accueillant la présente demande de contrôle judiciaire.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

le 17 août 2001

   

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                              IMM-5816-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Awaad Abdel Hady Mohamed et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                    7 août 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :              17 août 2001

ONT COMPARU

Byron E. Pfeiffer                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Marie Crowley                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Byron E. Pfeiffer                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

  
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