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     Date : 19980522

     Dossier : T-1401-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel interjeté de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

                     AMANDA LYNDALL DODDS,

     appelante.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]          Appel est interjeté de la décision par laquelle la Cour de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté présentée par l'appelante. Robert Alexander Dodds est un cadre chez Estee Lauder Company. Amanda Dodds est sa femme. Tous les deux sont citoyens de l'Afrique du Sud. Ils ont deux jeunes enfants.

[2]          Estee Lauder a transféré M. Dodds au Canada en octobre 1990. En juillet 1993, les Dodds ont obtenu le statut de résidence permanente au Canada. Le 31 juillet 1994, M. Dodds a été transféré à Plano (Texas). Il travaille aux États-Unis à l'aide d'un permis de travail. Aucune demande de droit d'établissement n'a été présentée aux États-Unis. La demande de citoyenneté canadienne des Dodds a été faite le 30 mai 1996.

[3]          Les Dodds, en tant que témoins honnêtes, m'ont impressionné. Ils ne désirent nullement retourner en Afrique du Sud. Ils ont des amis au Canada et ont une longue lignée de parents canadiens. La difficulté réside dans le fait que, du 31 juillet 1994 au 30 mai 1996, ils ont vécu aux États-Unis et continuent d'y vivre jusqu'à maintenant. Bien qu'ils aient tous deux manifesté le désir de retourner au Canada, M. Dodds a été franc en expliquant la culture de l'entreprise Estee Lauder, qui consiste à envoyer des cadres à l'occasion d'affectations temporaires. Il est un cadre d'avenir dans sa compagnie et il s'estime loyal envers celle-ci. Il pouvait être transféré n'importe où et, en fait, il a cité comme exemple la possibilité d'avoir à s'installer en Australie. Même s'il pouvait être transféré de nouveau au Canada, je ne peux déduire de la preuve plus qu'une possibilité de ce que cela arrive. Je note qu'Estee Lauder a acquis une nouvelle entreprise au Canada, et que cela peut, statistiquement, augmenter la chance de M. Dodds de retourner au Canada. Toutefois, il n'existe toujours pas de preuve d'un lien quelconque entre lui et la nouvelle entreprise.

[4]          Lorsque M. Dodds a été transféré aux États-Unis, les biens immobiliers des Dodds ont été vendus. Naturellement, il paye maintenant l'impôt américain, et non canadien, sur le revenu. [5]          Lorsqu'il s'agit de résidence dans les affaires de citoyenneté, le critère consiste à se demander si l'appelant vit "régulièrement, normalement ou habituellement" au Canada, si l'appelant a "centralisé son mode d'existence" au Canada : Voir Affaire intéressant Koo , [1993] 1 C.F 286 (1re inst.), à la page 293. Compte tenu des critères énoncés dans Affaire intéressant Koo, à la page 293, je note ce qui suit.

[6]          Dans les trois années qui ont précédé la présentation des demandes de citoyenneté, les appelants ont vécu au Canada pendant environ 427 jours, et ils ont été absents pendant 668 jours. Leur absence du Canada a eu lieu après leur séjour au Canada. La famille proche des appelants réside avec eux aux États-Unis, bien qu'ils aient effectivement la famille étendue au Canada. Il n'existe aucune forme de présence physique au Canada qui dénoterait qu'ils reviennent dans leur pays. La durée de leur absence physique dépasse 60 % du total de 1095 jours dans les trois années antérieures à la demande de citoyenneté. On ne peut dire de leur absence physique qu'elle est temporaire par rapport au retour au Canada. Je ne peux déduire de la preuve que les attaches des appelants avec le Canada sont plus importantes que celles qui existent avec un autre pays. Je regrette que, malgré le désir sincère des appelants de devenir des citoyens canadiens, la preuve ne démontre pas que le Canada est le lieu où ils vivent régulièrement, normalement ou habituellement, ou où ils ont centralisé leur mode d'existence.

[7]          Les appelants disent que si l'appel est rejeté, la Cour devra recommander au gouverneur en conseil, en application du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, d'enjoindre au ministre de leur attribuer la citoyenneté pour récompenser des services exceptionnels rendus au Canada. M. Dodds dit que, à son arrivée au Canada en 1990, il a fait prospérer Estee Lauder qui périclitait dans ce pays, ce qui fait qu'environ 150 emplois ont été sauvés. D'après lui, c'est le type de contribution qui doit être reconnu en application du paragraphe 5(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée.

[8]          J'ai auparavant estimé qu'un juge de la Cour fédérale n'était pas dans l'impossibilité de recommander au gouverneur en conseil d'enjoindre au ministre d'attribuer la citoyenneté à un appelant (et à sa famille) pour récompenser des services exceptionnels rendus au Canada. (Voir Affaire intéressant Lee (1997), 138 F.T.R. 158.

[9]          Je n'ai aucune raison de douter que M. Dodds ait contribué aux affaires d'Estee Lauder au Canada et sauvé bien des emplois. Toutefois, faire prospérer une compagnie qui périclite et sauver des emplois sont des questions complexes. La preuve dont je dispose était superficielle sur ce point. Une directive du gouverneur en conseil sous le régime du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté est une mesure extraordinaire. Pour être convaincu qu'il y a lieu de recommander une telle mesure extraordinaire, je demanderai davantage de preuve de la contribution de M. Dodds, y compris le témoignage objectif d'autres dirigeants de l'organisation Estee Lauder ou peut-être celui des employés. Bien que je ne considère aucun élément de preuve comme concluant, quelque chose de plus que le point de vue subjectif d'un individu sur son propre accomplissement s'impose.

[10]          Dans les circonstances, je suis d'avis de refuser de faire en l'espèce une recommandation au gouverneur en conseil. Cela ne vise pas à faire du tort à M. Dodds. Je ne vois rien qui l'empêche de soumettre la question directement au gouverneur en conseil avec des éléments de preuve justificatifs appropriés s'il choisit de le faire.

[11]          L'appel est rejeté.

                             Marshall Rothstein

                                         JUGE

TORONTO (ONTARIO)

LE 22 MAI 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-1401-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,
                             ET un appel interjeté de la décision d'un juge de la citoyenneté,
                             ET
                             AMANDA LYNDALL DODDS,

     appelante.

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 19 mai 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :              le juge Rothstein

EN DATE DU :                      22 mai 1998

ONT COMPARU :

    Benjamin J. Trister                  pour l'appelante
                        
    Peter K. Large                      amicus curiae

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Greenberg Trister Turner
    401, rue Bay
    Pièce 3000
    Toronto (Ontario)
    M5H 2Y4                          pour l'appelante
    Peter K. Large
    610-372, rue Bay
    Toronto (Ontario)
    M5H 2W9                          amicus curiae
                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                  Date : 19980522
                                                  Dossier : T-1401-97
                                             AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,
                                             ET un appel interjeté de la décision
                                             d'un juge de la citoyenneté,
                                             ET
                                             AMANDA LYNDALL DODDS,
                                                  appelante.
                                            
                                            
                                                  MOTIFS DU JUGEMENT
                                            
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