Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040930

Dossier : IMM-7207-03

Référence : 2004 CF 1333

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                            CESAR DANIEL ARO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur est un citoyen de l'Argentine. Il est arrivé au Canada en septembre 2000, et il a demande l'asile en alléguant qu'il craignait d'être persécuté du fait de son orientation sexuelle. Sa demande a été rejetée en août 2001. Le demandeur a reçu l'ordre de se présenter à Niagara Falls le 11 avril 2002 en vue de son renvoi, mais il ne l'a pas fait. Un mandat d'arrêt a été délivré contre lui.

[2]                En octobre 2002, le demandeur a demandé la tenue d'un examen des risques avant renvoi (ERAR). L'agent d'ERAR a conclu que le demandeur n'allait pas être victime de persécution, de traitements cruels ou inusités, de torture ou être exposé à une menace à sa vie s'il retournait en Argentine. Cette décision a enclenché la mise en oeuvre de la mesure de renvoi, et le demandeur a reçu l'ordre de venir prendre connaissance de la décision relative à l'ERAR dont il faisait l'objet le 18 février 2003. Il ne l'a pas fait.

[3]                Le 30 août 2003, le demandeur a été arrêté et mis en détention à la suite d'une vérification de routine par un agent de la circulation. L'avocat dont il a retenu les services a communiqué avec la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à plusieurs reprises pour s'enquérir de la date à laquelle un contrôle de la détention allait être effectué.

[4]                Aucun contrôle de la détention n'a eu lieu. Le demandeur a été renvoyé du Canada après 96 heures de détention, le 3 septembre 2003.

[5]                Le demandeur soutient qu'il y a eu manquement à la justice naturelle et sollicite un mandamus enjoignant au défendeur de le ramener au Canada afin que puisse avoir lieu le contrôle de la détention auquel il droit en application du paragraphe 57(1) de la LIPR et qui n'a pas été effectué.

[6]                Au cours des plaidoiries, l'avocat du demandeur a reconnu que si le contrôle de la détention du demandeur avait eu lieu en septembre 2003, on lui aurait vraisemblablement ordonné de demeurer en détention étant donné qu'il avait omis de se présenter devant les autorités à deux reprises dans le passé.

[7]                Il y a certainement eu un manquement à la protection procédurale que le paragraphe 57(1) de la LIPR confère au demandeur, toutefois, cela n'implique pas que la Cour lui accordera automatiquement une réparation. Dans Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, le juge Iaccobuuci a dit ce qui suit :

53       Dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535, le professeur Wade examine la notion selon laquelle l'équité procédurale devrait avoir préséance et la faiblesse d'une cause ne devrait pas normalement amener les tribunaux à ignorer les manquements à l'équité ou à la justice naturelle. Il ajoute toutefois ceci :

[traduction] On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

Dans ce pourvoi, la distinction que propose le professeur Wade est pertinente.

¶ 54       De même, il convient de citer l'arrêt R. c. Monopolies and Mergers Commission, [1986] 1 W.L.R. 763 (C.A.). Dans cette affaire, un président avait interprété une loi dont l'application relevait de la commission qu'il dirigeait, afin de déterminer s'il y avait eu abandon d'un projet d'acquisition. En décidant que le projet avait effectivement été abandonné, il a mis fin à un renvoi en matière de monopoles et de fusions qui en était au stade préliminaire. Lors d'un examen judiciaire, la Cour d'appel a conclu que le président avait bien interprété la loi en question, mais qu'il n'était pas légalement habilité à agir seul. La cour a néanmoins refusé d'accorder les redressements discrétionnaires dont elle disposait, en partie du moins parce que [traduction] _ [l]a bonne administration publique s'intéresse au fond plutôt qu'à la forme _ et parce que la Commission [Traduction] _ serait parvenue et parviendrait maintenant à la même conclusion que son président expérimenté _ (p. 774). Compte tenu des circonstances de la présente affaire que j'ai décrites, cet énoncé est exact en l'espèce, bien que j'en réitère le caractère exceptionnel et mon désir de ne pas l'appliquer de manière générale.

[8]                Ce raisonnement s'applique également à la présente affaire. Un contrôle de la détention aurait débouché et déboucherait sur le même résultat que le résultat obtenu en l'absence d'un tel contrôle. Par conséquent, la Cour refuse d'accorder la réparation demandée.

[9]                L'avocat du demandeur a reconnu la futilité probable d'un retour du demandeur aux fins d'un contrôle de la détention, et il a demandé qu'un montant généreux, pour ne pas dire punitif, de dépens soit adjugé à celui-ci dans l'éventualité où la Cour rendrait une décision défavorable. Je n'accepte pas son argument; les dépens servent à dédommager une partie des frais qu'elle a engagés dans le cadre d'un litige et ne sont pas censés tenir lieu de dommages. Toutefois, compte tenu du fait que les droits que le paragraphe 57(1) confère au demandeur ont été violés et qu'aucune réparation ne sera accordée à celui-ci, il y a lieu d'accorder au demandeur les dépens avocat-client.

                                        ORDONNANCE    

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Toutefois, compte tenu de la nature exceptionnelle de la présente affaire, les dépens avocat-client sont adjugés au demandeur dans le cadre de la présente demande.

_ K. von Finckenstein _

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-7207-03

INTITULÉ :                                       CESAR DANIEL ARO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 23 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNACE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                     LE 30 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS:

Wennie Lee                                         POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:      

Wennie Lee                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                               

Morris Rosenberg                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

      Date : 20040923

      Dossier : IMM-7207-03

ENTRE :

CESAR DANIEL ARO

                                      demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                         défendeur

                                                        

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                        

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.